COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00696 - N° Portalis DBVP-V-B7F-E52I.
Jugement Au fond, origine Pole social du TJ d'ANGERS, décision attaquée en date du 06 Décembre 2021, enregistrée sous le n° 19/00356
ARRÊT DU 06 Juillet 2023
APPELANTE :
S.A.S. [5]
Service AT
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Maître COAGUILA, avocat au barreau de PARIS, substituant Maître TORDJMAN, avocat au barreau D'ANGERS
INTIMEE :
LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MAINE ET LOIRE
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Monsieur [S], muni d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Avril 2023 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur WOLFF, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Mme Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : Madame Estelle GENET
Conseiller : M. Yoann WOLFF
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 06 Juillet 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur WOLFF, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 11 janvier 2019, la société [5] (la société) a souscrit une déclaration d'accident du travail selon laquelle le 10 janvier 2019 à 6 heures 40, Mme [L] [B] (la salariée) « mettait un bac sur les fourches au remplissage d'un bac. En poussant ce dernier, le châssis a heurté une fourche du basculeur de bas et s'est bloqué. La salariée s'est cognée l'épaule gauche contre le bac. » Un certificat médical du 11 janvier 2019 également constatait à cet égard un « trauma épaule gauche avec impotence fonctionnelle ».
Par une lettre du 18 janvier 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire (la caisse) a informé la société qu'elle reconnaissait le caractère professionnel de l'accident.
Par une lettre du 15 mars 2019, la société a contesté cette décision devant la commission de recours amiable qui, dans sa séance du 4 avril 2019, a décidé que la prise en charge était opposable à la société.
Cette dernière a alors saisi le pôle social du tribunal de grande instance d'Angers, par requête adressée au greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception expédiée le 21 mai 2019.
Par jugement du 6 décembre 2021 notifié à la société le 9 décembre suivant, le tribunal, devenu tribunal judiciaire, a :
Rejeté le recours de la société ;
Dit que chaque partie conservait la charge de ses propres dépens.
Le tribunal a considéré que les déclarations de la salariée étaient corroborées par des constatations médicales intervenues dès le lendemain et en cohérence avec les circonstances décrites par l'intéressée ainsi qu'avec le siège et la nature des lésions déclarées.
La société a relevé appel de ce jugement par pli recommandé expédié le 21 décembre 2021.
Les débats ont ensuite eu lieu devant le magistrat chargé d'instruire l'affaire, à l'audience du 11 avril 2023.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses conclusions reçues au greffe le 6 mars 2023 et auxquelles elle s'est référée à l'audience du 11 avril 2023, la société demande à la cour :
D'infirmer le jugement ;
De lui déclarer la décision de prise en charge inopposable.
La société soutient que :
La salariée ne l'a informée de l'accident que le lendemain, alors qu'elle avait largement le temps de le faire le jour même, son agence étant implantée au sein de l'entreprise utilisatrice. Aucun témoin ne l'a vue se blesser ou se plaindre. La salariée n'a informé aucune des personnes présentes dans l'entreprise utilisatrice. Il est surprenant qu'elle ait pu travailler jusqu'à la fin de sa journée de travail à 13 heures. Elle ne s'est rendue chez son médecin que le lendemain.
Dans les conclusions qu'elle a déposées à l'audience du 9 mars 2023 et auxquelles elle s'est référée lors de celle-ci, la caisse demande à la cour de confirmer le jugement.
La caisse soutient que :
L'accident en cause est survenu au temps du travail de la victime. Il a été connu de la société dès le lendemain à 8 heures 30. La déclaration d'accident du travail décrit de manière précise les circonstances de l'accident. Les constatations du certificat médical initial, établi dès le lendemain de l'accident, correspondent parfaitement au siège des lésions décrites dans la déclaration et sont tout à fait compatibles avec les circonstances qui y sont détaillées. Le comportement de la salariée dans les suites de l'accident ne présente rien de suspect.
MOTIVATION
Selon l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
Il résulte ainsi de ce texte, d'une part, que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci, et, d'autre part, que l'accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail, sauf à établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail.
La preuve de la matérialité de l'accident et de sa survenance du fait ou à l'occasion du travail peut être établie par tout moyen, et peut résulter notamment de présomptions graves, précises et concordantes.
En l'espèce, la salariée a consulté le 11 janvier 2019 un médecin qui a constaté objectivement qu'elle présentait une lésion, à savoir un « trauma épaule gauche avec impotence fonctionnelle », qu'il a reliée directement, au regard des explications de l'intéressée, à un accident du travail survenu la veille, et pour laquelle il a délivré un certificat médical initial.
La salariée a décrit à cet égard, de manière claire, précise et cohérente, un processus accidentel parfaitement compatible avec le siège et la nature de cette lésion, et que la société, habituée pourtant à ce type de procédure, a repris dans la déclaration d'accident du travail sans émettre la moindre réserve. Si, effectivement, cette absence de réserves ne vaut pas reconnaissance tacite de la part de la société du caractère professionnel de l'accident, elle « constitue un indice de nature à établir la matérialité de l'accident », comme la société l'indique elle-même dans ses conclusions. Elle légitime en outre le fait que la caisse a reconnu le caractère professionnel du sinistre sans procéder à une quelconque mesure d'investigation.
Certes, aucun témoin n'est signalé, mais la nature et le contexte exacts du travail effectué par la salariée n'étant pas connus, aucune conclusion ne peut être tirée de cette absence de témoignage.
Enfin, le fait pour la salariée, dont le travail s'est terminé le jour de l'accident déclaré à 13 heures, d'avoir attendu le lendemain pour consulter un médecin, plutôt par exemple que de se rendre immédiatement aux urgences, et pour informer la société, ce qu'elle a fait dès 8 heures 30, apparaît tout à fait acceptable. On ne saurait en effet reprocher par principe à l'intéressée d'avoir cherché, le jour de l'accident, à terminer malgré tout son travail, ni de s'être montrée raisonnable dans sa demande de soins, et ce, d'autant moins que rien ne permet d'affirmer que les lésions constatées dans le certificat médical initial s'y opposaient alors.
Ainsi, il résulte de l'ensemble de ces éléments des présomptions graves, précises et concordantes de ce que la lésion constatée dans le certificat médical initial du 11 janvier 2019 résulte d'un événement accidentel survenu le 10 janvier précédent au temps et au lieu du travail de la salariée, lequel événement est donc présumé être un accident du travail.
Le jugement sera donc confirmé, y compris sur les dépens qui ne sont critiqués par aucune des parties, et, perdant le procès, la société sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour :
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant :
Condamne la société [5] aux dépens de la procédure d'appel.
LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,
Viviane BODIN Y. WOLFF