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06/07/2023 | FRANCE | N°21/00688

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sécurité sociale, 06 juillet 2023, 21/00688


COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale











ARRÊT N°



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00688 - N° Portalis DBVP-V-B7F-E5ZO.



Jugement Au fond, origine Pole social du TJ d'ANGERS, décision attaquée en date du 06 Décembre 2021, enregistrée sous le n° 18/00226





ARRÊT DU 06 Juillet 2023





APPELANTE :



Madame [L] [D]

[Adresse 1]

[Localité 7]



représentée par Me TRONCHET, avocat substituant Maît

re Paul CAO de la SCP IN-LEXIS, avocat au barreau de SAUMUR - N° du dossier 16-379







INTIMEES :



Association [6] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège....

COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00688 - N° Portalis DBVP-V-B7F-E5ZO.

Jugement Au fond, origine Pole social du TJ d'ANGERS, décision attaquée en date du 06 Décembre 2021, enregistrée sous le n° 18/00226

ARRÊT DU 06 Juillet 2023

APPELANTE :

Madame [L] [D]

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me TRONCHET, avocat substituant Maître Paul CAO de la SCP IN-LEXIS, avocat au barreau de SAUMUR - N° du dossier 16-379

INTIMEES :

Association [6] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Bruno ROPARS de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 30180141

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) DU MAINE ET LOIRE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Monsieur [O], muni d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Avril 2023 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur WOLFF, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Mme Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Madame Estelle GENET

Conseiller : M. Yoann WOLFF

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 06 Juillet 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur WOLFF, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 4 février 2016, l'association [6] (l'association) a souscrit une déclaration « d'accident du travail » concernant l'une de ses cadres, Mme [L] [D] (la salariée). Selon cette déclaration, la salariée a été victime d'un « malaise » et de « vertiges » le 23 octobre 2015 à 16 heures 40 sur l'« autoroute entre [Localité 9] et [Localité 4] », « au cours du trajet entre le domicile et le travail ». La déclaration précise à cet égard : « La victime s'est sentie mal. Elle s'est arrêtée sur la bande d'arrêt d'urgence. Les pompiers et gendarmes se sont déplacés et elle a été transférée au Centre Hospitalier. » Cette déclaration était accompagnée d'une lettre de réserves datée du même jour, dans laquelle l'association indiquait : « Le 23 octobre 2015 à 16 h 40, Madame [D] rentrait de son lieu habituel de travail situé au [Localité 9], pour se rendre à son domicile situé à [Localité 7]. Sur le trajet, elle s'est sentie prise de vertiges et de douleurs au ventre. ['] Il n'existe pas, selon nous de faits soudains et brutaux en relation avec le travail. »

Le 24 août 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire (la caisse) a informé les parties que, selon elle, les éléments recueillis au cours de l'instruction permettaient d'établir que l'accident était survenu par le fait ou à l'occasion du travail, et qu'elle reconnaissait en conséquence qu'il s'agissait d'un accident du travail.

Par requête adressée au greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception expédiée le 27 avril 2018, Mme [D] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'association.

Par jugement du 10 décembre 2021 notifié à Mme [D] le 18 décembre suivant, le pôle social du tribunal judiciaire d'Angers, prenant la suite du tribunal des affaires de sécurité sociale, a :

Rejeté la demande de Mme [D] ;

Rejeté les demandes faites par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déclaré le jugement commun et opposable à la caisse ;

Laissé les dépens à la charge de chacune des parties.

Le tribunal a considéré qu'il n'était pas contesté que Mme [D] se trouvait au moment de l'accident sur le trajet de retour entre son lieu de travail et sa résidence principale, que l'accident était un accident de trajet, et que la salariée ne pouvait de ce fait invoquer l'existence d'une faute inexcusable à l'encontre de l'association.

Par déclaration faite par voie électronique le 23 décembre 2021, Mme [D] a relevé appel de ce jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la demande faite par l'association sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les débats ont ensuite lieu devant le magistrat chargé d'instruire l'affaire, à l'audience du 11 avril 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions reçues au greffe le 10 mars 2022 et auxquelles elle s'est référée à l'audience du 11 avril 2023, Mme [D] demande à la cour :

D'infirmer le jugement ;

De dire que l'accident est un accident du travail et qu'il est consécutif à une faute inexcusable de l'association ;

D'ordonner une expertise avec la mission habituelle ;

D'ordonner le versement de 5000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation future de ses préjudices ;

De condamner l'association à lui verser, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2500 euros pour la première instance, et celle de 3000 euros pour l'instance d'appel ;

De condamner l'association aux dépens.

Mme [D] soutient notamment que :

Lorsqu'elle a été victime de son malaise, elle conduisait un des véhicules de service de l'association. La mise à disposition de ces véhicules était destinée à la réalisation de missions professionnelles (réunions, formation), avec des heures de départ et d'arrivée clairement précisées. Le responsable des ressources humaines a d'ailleurs sollicité le rapatriement du véhicule dans les locaux de l'entreprise après l'accident. Il est ainsi patent qu'elle effectuait une mission pour le compte de l'association lorsqu'elle a été victime de son malaise le 23 octobre 2015. Elle revenait de l'un des sites du [Localité 9] et ramenait le véhicule sur le site de [Localité 8]. Jusqu'à la présente procédure, l'association n'a jamais jugé opportun de contester la prise en charge de cet accident au titre de la législation professionnelle.

Dans ses conclusions reçues au greffe le 2 juin 2022 et auxquelles elle s'est référée à l'audience du 11 avril 2023, l'association demande à la cour de confirmer le jugement et, « en conséquence » :

De lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de l'accident litigieux ;

De dire, dans l'hypothèse où la cour retiendrait une faute inexcusable, qu'aucun recours subrogatoire ne pourra être exercé par la caisse à son encontre ;

De dire qu'elle n'a pas commis de faute inexcusable et de rejeter l'ensemble des demandes de Mme [D] ;

De condamner celle-ci à lui verser la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'association soutient notamment que :

Lors de son accident du 23 octobre 2015, Mme [D] avait quitté son travail du [Localité 9] et rentrait chez elle à [Localité 7]. Ainsi, elle n'était ni en mission ni en état subordination, mais accomplissait un temps de trajet entre son travail et son domicile. En outre son vertige n'a pas eu lieu pendant l'horaire de travail. Il a eu lieu sur l'autoroute entre [Localité 9] et [Localité 4], c'est-à-dire en dehors de l'entreprise et de ses dépendances. L'utilisation d'un véhicule de service ne saurait suffire à caractériser l'existence d'un accident du travail dès lors que les critères qualifiant un tel accident ne sont pas démontrés. Il est incontestable qu'au moment de l'accident, Mme [D] utilisait le véhicule de service à des fins personnelles en vue de rentrer chez elle.

Dans ses conclusions reçues au greffe le 7 avril 2023 et auxquelles elle s'est référée à l'audience du 11 avril suivant, la caisse demande à la cour :

De prendre acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la faute inexcusable ;

De déclarer irrecevable et mal fondée l'exception d'inopposabilité ;

De condamner la société à lui rembourser les sommes qu'elle sera amenée à verser à Mme [D], ainsi qu'à lui communiquer les coordonnées de sa compagnie d'assurance.

La caisse soutient notamment que :

Son instruction a révélé des éléments déterminants quant à la preuve de la matérialité du fait accidentel : l'association et Mme [D] s'accordent sur le fait que cette dernière bénéficiait d'une convention de forfait en jours et qu'elle se trouvait dans son véhicule de service, et le certificat médical initial fait état d'une lésion compatible avec le fait accidentel.

MOTIVATION

Si elle est visée par la déclaration d'appel, la disposition ayant déclaré le jugement commun et opposable à la caisse n'est critiquée par aucun moyen. Elle sera donc confirmée.

Sur la faute inexcusable

Il est constant que la victime d'un accident de trajet ne peut invoquer à l'encontre de son employeur l'existence d'une faute inexcusable (2e Civ., 8 juillet 2010, pourvoi n° 09-16.180, Bull. 2010, II, n° 140).

Selon l'article L. 411-2 du code de la sécurité sociale, l'accident de trajet est l'accident survenu à un travailleur pendant le trajet d'aller et de retour, entre :

1° La résidence principale, une résidence secondaire présentant un caractère de stabilité ou tout autre lieu où le travailleur se rend de façon habituelle pour des motifs d'ordre familial et le lieu du travail. Ce trajet peut ne pas être le plus direct lorsque le détour effectué est rendu nécessaire dans le cadre d'un covoiturage régulier ;

2° Le lieu du travail et le restaurant, la cantine ou, d'une manière plus générale, le lieu où le travailleur prend habituellement ses repas, et dans la mesure où le parcours n'a pas été interrompu ou détourné pour un motif dicté par l'intérêt personnel et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante ou indépendant de l'emploi.

En l'espèce, il est constant qu'au moment de l'accident litigieux Mme [D] résidait à [Localité 7], commune située en périphérie d'[Localité 4], que son travail était basé, pour reprendre ses propres termes, au [Localité 9], et que l'accident a eu lieu peu après 16 heures sur l'autoroute entre [Localité 9] et [Localité 4].

Même si l'association n'a pas contesté la décision par laquelle la caisse a pris en charge cet accident en tant qu'accident du travail, elle a toujours fait valoir que celui-ci avait eu lieu alors que Mme [D] avait quitté son travail et qu'elle rentrait chez elle. Ainsi, dans la déclaration qu'elle a souscrite, elle a coché la case selon laquelle l'accident avait eu lieu « au cours du trajet entre le domicile et le lieu de travail ». De même, dans sa lettre de réserves, elle a indiqué que « Madame [D] rentrait de son lieu habituel de travail situé au [Localité 9], pour se rendre à son domicile situé à [Localité 7] ». Elle l'a ensuite réaffirmé dans le questionnaire qu'elle a retourné à la caisse, où elle répond que « le malaise a eu lieu lors du trajet pour rejoindre le domicile ».

Dans ses conclusions rectificatives n° 4 auxquelles elle s'est référée lors de l'audience du pôle social du tribunal judiciaire d'Angers du 8 février 2021 et qui figurent dans le dossier transmis par ce dernier, Mme [D] indiquait aussi, page 3, que l'accident était survenu « alors qu'elle rentrait à son domicile », sans prétendre à ce moment-là qu'elle rapportait le véhicule dans lequel elle se trouvait sur un autre site de l'association.

Cela est d'ailleurs cohérent avec :

Les réponses de Mme [D] au questionnaire de la caisse, dans lequel, interrogée sur les circonstances du malaise, elle a précisé : « J'étais fatiguée contente de rentrer » ;

Le rapport d'accident du travail établi par le responsable hygiène sécurité environnement, que Mme [D] invoque elle-même et qu'elle est seule à produire (sa pièce n° 29), aux termes duquel « la victime rentrait chez elle » ;

Le projet de compte rendu de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 20 janvier 2017, produit là encore par Mme [D] au soutien de ses prétentions (sa pièce n° 24), lequel, dans la retranscription des propos de la salariée, désigne l'accident comme un « accident de trajet ».

Aucun élément ne vient en revanche attester que le trajet se faisait entre deux sites de l'entreprise.

Le seul fait, constant, que Mme [D] utilisait alors un véhicule de service, que ce soit avec ou sans l'accord de l'association, ne peut suffire à qualifier l'accident d'accident de travail. En effet, ce qui importe avant tout, ce n'est pas le statut juridique du véhicule dans lequel Mme [D] se trouvait au moment de l'accident, mais la situation de l'intéressée par rapport au travail : soit l'accident a eu lieu au temps et au lieu du travail, et alors que la salariée se trouvait toujours sous l'autorité de l'association, et dans ce cas il s'agit d'un accident du travail, soit il a eu lieu après le travail, alors que la salariée effectuait le trajet de retour vers sa résidence, et il correspond à un accident de trajet. De même, le fait que l'association ait cherché après l'accident à récupérer le véhicule, qui lui appartenait en toute hypothèse, ne renseigne en rien sur la nature de l'accident.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'accident litigieux est bien un accident de trajet.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté les demandes de Mme [D] fondées sur la faute inexcusable de l'association.

2. Sur la demande d'inopposabilité formée par l'association

C'est à tort que, dans les motifs du jugement, les premiers juges ont considéré que la faute inexcusable étant écartée, la demande d'inopposabilité formée par l'association devenait sans objet. Elle conserve en effet, même en l'absence de faute inexcusable, un intérêt notamment financier pour cette dernière.

Néanmoins, il est constant que si l'employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime, que l'accident n'a pas d'origine professionnelle, il n'est pas recevable à contester la décision de prise en charge de celui-ci par la caisse primaire au titre de la législation professionnelle (2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 19-18.244).

La demande sera donc déclarée irrecevable.

3. Sur les frais du procès

Si Mme [D] perd le procès, l'association n'a formulé aucune critique ni aucune demande vis-à-vis des dispositions du jugement relatives aux dépens de première instance. Le jugement sera donc confirmé à cet égard, comme il le sera en ce qu'il a rejeté les demandes faites sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [D] sera néanmoins condamnée aux dépens de la procédure d'appel et verra ses demandes faites en appel sur le fondement de l'article 700 précité rejetées.

Il n'apparaît pas pour autant inéquitable que l'association conserve la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant :

Déclare irrecevable la demande de l'association [6] tendant à ce que la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident de Mme [L] [D] lui soit déclarée inopposable ;

Condamne Mme [L] [D] aux dépens de la procédure d'appel ;

Rejette les demandes faites par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,

Viviane BODIN Y. WOLFF


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 21/00688
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.00688 ?
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