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30/06/2023 | FRANCE | N°22/00556

France | France, Cour d'appel d'Angers, 1ère chambre section b, 30 juin 2023, 22/00556


COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ERE CHAMBRE SECTION B







CM/IM

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 22/00556 - N° Portalis DBVP-V-B7G-E7HZ



Jugement du 18 Janvier 2022

Tribunal de Grande Instance d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 19/02501



ARRET DU 30 JUIN 2023



APPELANTES :



Mme [T] [G]

née le 19 juin 1958 à [Localité 6] (49)

[Adresse 5]

[Localité 6]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000820 du 21/03/

2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)



Mme [H] [G]

née le 9 juillet 1961 à [Localité 7] (49)

[Adresse 5]

[Localité 6]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale nu...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ERE CHAMBRE SECTION B

CM/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 22/00556 - N° Portalis DBVP-V-B7G-E7HZ

Jugement du 18 Janvier 2022

Tribunal de Grande Instance d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 19/02501

ARRET DU 30 JUIN 2023

APPELANTES :

Mme [T] [G]

née le 19 juin 1958 à [Localité 6] (49)

[Adresse 5]

[Localité 6]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000820 du 21/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

Mme [H] [G]

née le 9 juillet 1961 à [Localité 7] (49)

[Adresse 5]

[Localité 6]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000821 du 27/04/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

Représentées par Me Véronique PINEAU de la SELARL INTER BARREAUX NANTES ANGERS ATLANTIQUE AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau d'ANGERS, substituée à l'audience par Me Léopold SEBAUX - N° du dossier 18/22, et par Me Bertrand SALQUAIN, avocat plaidant au barreau de NANTES

INTIMES :

M. [O] [G]

né le 23 novembre 1954 à [Localité 6] (49)

[Adresse 13]

[Localité 15]

M. [D] [G]

né le 28 octobre 1955 à [Localité 6] (49)

[Adresse 2]

[Localité 7]

M. [E] [G]

né le 30 avril 1960 à [Localité 7] (49)

[Adresse 1]

[Localité 8]

M. [X] [G]

né le 10 octobre 1963 à [Localité 7] (49)

[Adresse 4]

[Localité 15]

M. [K] [G]

né le 30 juillet 1967 à [Localité 7] (49)

[Adresse 3]

[Localité 7]

Mme [M] [G] épouse [F]

née le 3 juillet 1970 à [Localité 7] (49)

[Adresse 12]

[Localité 15]

Représentés par Me Julien TRUDELLE de la SELARL LEX PUBLICA, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 190626

M. [N] [G]

né le 27 Octobre 1953 à [Localité 6] (49)

[Adresse 14]

[Localité 11]

M. [P] [G]

né le 14 janvier 1974 à [Localité 7] (49)

[Adresse 10]

[Localité 9]

Assignés, n'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 30 Janvier 2023, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme MICHELOD, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme COURTADE, présidente de chambre

Mme MICHELOD, présidente de chambre

Mme PARINGAUX, conseillère

Greffière lors des débats : Mme BOUNABI

ARRET : rendu par défaut

Prononcé publiquement le 30 juin 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Marie-Christine COURTADE, présidente de chambre et par Florence BOUNABI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [L] [U], née le 4 octobre 1930 à [Localité 17] (49) et veuve de [Y] [G] depuis le 10 juin 2010, est décédée le 30 janvier 2019 à [Localité 15] (49) en laissant pour lui succéder ses dix enfants :

- Mme [H] [G]

- Mme [T] [G]

- M. [K] [G]

- M. [D] [G]

- M. [O] [G]

- M. [E] [G]

- M. [X] [G]

- Mme [M] [G] épouse [F]

- M. [N] [G]

- M. [P] [G]

Chargé du règlement de la succession, Maître [I] [V], notaire à [Localité 16] (79), a adressé le 14 mars 2019 à chaque héritier un courrier auquel a été annexé un testament olographe rédigé le 21 mars 2017 par Mme [L] [U] veuve [G].

Aucun accord n'a pu intervenir pour mener à bien les opérations de liquidation et de partage de la succession.

Par actes d'huissier délivrés les 16, 22 et 28 octobre 2019, Mme [H] [G] et Mme [T] [G] ont fait assigner M. [K] [G], M. [D] [G], M. [O] [G], M. [E] [G], M. [X] [G], M. [P] [G], M. [N] [G] et Mme [M] [G] épouse [F] devant le tribunal judiciaire d'Angers en nullité du testament rédigé le 21 mars 2017 et en réparation du préjudice moral par elles subi.

Aux termes d'un jugement réputé contradictoire du 18 janvier 2022, le tribunal judiciaire d'Angers a :

constaté que le courrier adressé par le notaire le 20 septembre 2019 ne constitue aucunement une sommation d'avoir à opter relevant des dispositions des articles 771 et 772 du code civil

En conséquence,

débouté Mme [H] [G] et Mme [T] [G] de leur demande au titre d'une sommation d'avoir à opter

dit que Mme [H] [G] et Mme [T] [G] n'établissent pas que Mme [L] [U] veuve [G] ne disposait pas lors de l'établissement du testament du 21 mars 2017 d'un consentement lucide et éclairé

dit que le testament en date du 21 mars 2017 établi par Mme [L] [U] veuve [G] est valable

En conséquence,

débouté Mme [H] [G] et Mme [T] [G] de leur demande de voir déclarer nul et de nul effet le testament olographe écrit par Mme [L] [U] veuve [G] le 21 mars 2017

déclaré non écrite la clause du testament du 21 mars 2017 selon laquelle « je demande à ce que tout les frais et charges que j'ai payés pour elles soient imputer sur leur réserve héréditaire sans pour autant qu'elles en soient redevable au-delà de leur part de ». (sic)

dit que seule la clause réputée non écrite disparaît sans porter atteinte aux autres dispositions testamentaires

dit que le testament du 21 mars 2017 est valable pour le surplus

En conséquence,

débouté Mme [H] [G] et Mme [T] [G] de leur demande tendant à voir annuler le testament du 21 mars 2017 en son intégralité pour atteinte à la réserve héréditaire

débouté Mme [H] [G] et Mme [T] [G] de leur demande de dommages intérêts

rejeté toutes autres demandes

débouté les parties de toutes leurs autres demandes

ordonné l'exécution provisoire de la présente décision

laissé à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles

dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation et partage.

Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel d'Angers le 31 mars 2022, Mme [H] [G] et Mme [T] [G] ont relevé appel de cette décision en ce qu'elle a : 'dit que Mme [H] [G] et Mme [T] [G] n'établissent pas que Mme [L] [U] veuve [G] ne disposait pas lors de l'établissement du testament du 21 mars 2017 d'un consentement lucide et éclairé ; dit que le testament en date du 21 mars 2017 établi par Mme [L] [U] veuve [G] est valable ; en conséquence, - débouté Mme [H] [G] et Mme [T] [G] de leur demande de voir déclarer nul et de nul effet le testament olographe écrit par Mme [L] [G] le 21 mars 2017 ; - dit que seule la clause réputée non écrite disparaît sans porter atteinte aux autres dispositions testamentaires ; - dit que le testament du 21 mars 2017 est valable pour le surplus ; en conséquence, - déboute Mme [H] [G] et Mme [T] [G] de leur demande tendant à voir annuler le testament du 21 mars 2017 en son intégralité pour atteinte à la réserve héréditaire ; débouté Mme [H] [G] et Mme [T] [G] de leur demande de dommages intérêts - rejette toutes autres demandes ; débouté les parties de toutes leurs autres demandes ; laissé à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles ; dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation et partage.'

Le 31 mai 2022, M. [K] [G], M. [D] [G], M. [O] [G], M. [E] [G], M. [X] [G] et Mme [M] [G] épouse [F] ont constitué avocat.

Par actes d'huissier délivrés les 4 juillet 2022 et 14 juillet 2022, Mme [T] [G] et Mme [H] [G] ont fait signifier leur déclaration d'appel du 31 mars 2022 et leurs conclusions du 7 juin 2022 aux intimés non constitués, M. [N] [G] et M. [P] [G], acte remis à personne pour le premier et à étude pour le second.

Par actes d'huissier délivrés le 9 septembre 2022, M. [K] [G], M. [D] [G], M. [O] [G], M. [E] [G], M. [X] [G] ainsi que Mme [M] [G] épouse [F] ont fait signifier leurs conclusions en réponse du 6 septembre 2022 aux intimés non constitués, M. [N] [G] et M. [P] [G], l'acte ayant été remis à personne pour le premier et à étude pour le second.

Par actes d'huissier délivrés les 9 et 14 novembre 2022, Mme [T] [G] et Mme [H] [G] ont fait signifier leurs conclusions n° 2 du 4 novembre 2022 à M. [N] [G] et M. [P] [G], l'acte ayant été remis à personne pour l'un et à domicile pour M.[P] [G].

Par actes d'huissier délivrés le 26 et 27 décembre 2022, M. [K] [G], M. [D] [G], M. [O] [G], M. [E] [G], M. [X] [G] ainsi que Mme [M] [G] épouse [F] ont fait signifier leurs nouvelles conclusions en réponse du 21 décembre 2022 aux intimés non constitués, M. [N] [G] et M. [P] [G], l'acte ayant été remis à personne pour le premier et à étude pour le second.

En cet état, la procédure a été clôturée le 9 janvier 2023, l'affaire étant fixée pour plaidoiries à l'audience du 30 janvier 2023 puis mise en délibéré au 3 avril 2023, délibéré prorogé au 4 mai, 30 mai puis 30 juin 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

* Mme [H] [G] et Mme [T] [G]

Dans leurs dernières conclusions déposées au greffe de la cour et notifiées par RPVA le 4 novembre 2022 aux intimés constitués et signifiées par huissier aux intimés défaillants les 9 et 14 novembre 2022, Mme [H] [G] et Mme [T] [G] demandent précisément à la présente juridiction de :

les recevoir en leur appel et les y déclarer bien fondées

infirmer le jugement en ce qu'il a :

* dit que Mme [H] [G] et Mme [T] [G] n'établissent pas que Mme [L] [U] veuve [G] ne disposait pas lors de l'établissement du testament du 21 mars 2017 d'un consentement lucide et éclairé ;

* dit que le testament en date du 21 mars 2017 établi par Mme [L] [U] veuve [G] est valable ;

En conséquence,

* déboute Mme [H] [G] et Mme [T] [G] de leur demande de voir déclarer nul et de nul effet le testament olographe écrit par Mme [L] [U] veuve [G] le 21 mars 2017 ;

* dit que seule la clause réputée non écrite disparaît sans porter atteinte aux autres dispositions testamentaires ;

* dit que le testament du 21 mars 2017 est valable pour le surplus ;

En conséquence,

* déboute Mme [H] [G] et Mme [T] [G] de leur demande tendant à voir annuler le testament du 21 mars 2017 en son intégralité pour atteinte à la réserve héréditaire;

* déboute Mme [H] [G] et Mme [T] [G] de leur demande de dommages intérêts ;

* rejette toutes autres demandes ;

* déboute les parties de toutes leurs autres demandes ;

* laisse à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles

* dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation et partage.

Statuant à nouveau :

prononcer la nullité du testament rédigé le 21 mars 2017 par Mme [L] [U] veuve [G]

condamner les intimés in solidum à leur payer à chacune la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi

En tout état de cause,

débouter les intimés de leur appel incident et de l'ensemble de leurs demandes

condamner les intimés in solidum à leur payer à chacune 3 000 euros au titre de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, l'avocat renonçant alors au bénéfice de l'aide juridictionnelle

condamner les intimés aux entiers dépens.

* M. [K] [G], M. [D] [G], M. [O] [G], M. [E] [G], M. [X] [G] et Mme [M] [G] épouse [F]

Aux termes de leurs dernières écritures déposées au greffe et notifiées par RPVA aux appelantes le 21 décembre 2022 et signifiées aux intimés défaillants les 26 et 27 décembre 2022, M. [K] [G], M. [D] [G], M. [O] [G], M. [E] [G], M. [X] [G] et Mme [M] [G] épouse [F] concluent en sollicitant que la présente juridiction :

dise Mme [T] [G] et Mme [H] [G] non fondées en leur appel ainsi qu'en l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

A titre principal :

infirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré non écrite la clause du testament du 21 mars 2017 selon laquelle « je demande à ce que tous les frais et charges que j'ai payés pour elles soient imputer sur leur réserve héréditaire sans pour autant qu'elles en soient redevable au-delà de leur part de » (sic)

le confirme pour le surplus

A titre subsidiaire :

confirme le jugement en toutes ses dispositions

En tout état de cause :

condamne Mme [T] [G] et Mme [H] [G] in solidum à verser à Messieurs [K], [D], [O], [E], [X] [G] et Mme [M] [G] épouse [F] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

condamne Mme [T] [G] et Mme [H] [G] aux entiers dépens.

* * *

Pour un exposé plus ample des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions sus visées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR QUOI

Sur l'étendue de la saisine

Les appels sont limités aux dispositions testamentaires.

Du fait de cette limitation, le surplus des dispositions du jugement entrepris relatif à l'option successorale est définitivement acquis.

Sur la nullité du testament

Le testament daté et signé le 21 mars 2017 par Mme [L] [U] veuve [G] est ainsi rédigé :

'Je déclare vouloir léguer la quotité disponible de mon patrimoine à huit de mes enfants : M. [K] [G], M. [D] [G], M. [O] [G], M. [E] [G], M. [X] [G], Mme [M] [G] épouse [F], M. [N] [G] et M. [P] [G].

Mme [H] [G] et Mme [T] [G] ont habité avec moi depuis 1992 sans payer aucun loyer, aucune charge ni facture etc.

Je demande à ce que tout les frais et charges que j'ai payés pour elles soient imputer sur leur réserve héréditaire sans pour autant qu'elles en soient redevable au-delà de leur part de réserve.

Telles sont mes volontés.

Ecrit en entier de ma main,

A Mazières en Mauges le 21 mars 2017".

Au soutien de leur appel, Mmes [T] et [H] [G] poursuivent la nullité de ce testament olographe en arguant d'un vice de consentement et de ce que leur mère était affectée d'une altération mentale, d'une part, mais aussi par la présence d'une clause affectant les droits de ces deux héritières dans leur réserve héréditaire, d'autre part.

Sur la nullité pour vices du consentement

Pour contester au visa de l'article 901 du code civil le testament rédigé par leur mère à raison tant de l'insanité d'esprit de cette dernière que d'un consentement vicié, les appelantes font valoir en particulier que les premiers juges se sont bornés à statuer sur les constats médicaux qui lui étaient soumis sans rechercher, comme ils y étaient invités, si la cause du testament pouvait trahir le fait que l'intelligence de la disposante ait pu être trompée ou altérée par leurs frères et soeurs.

Elles affirment à cet égard que leur exclusion du bénéfice de la quotité disponible est motivée par l'absence de règlement d'un loyer et de charge ou facture de leur part qui est erronée et relève de la conviction de certains membres de la fratrie et non de Mme [L] [U] veuve [G], laquelle aurait été manifestement abusée du fait de sa vulnérabilité liée à son âge et à un esprit chancelant.

Elles jugent ainsi incontestable que leur mère a été victime de manipulations et de pressions de la part d'enfants pour rédiger ce testament.

Elles affirment également que ce testament doit être annulé dès lors qu'il a été rédigé à une époque où leur mère était affectée d'une altération de ses facultés mentales et particulièrement de sénilité.

En droit, l'article 901 du code civil énonce que 'pour faire une donation entre vifs ou un testament, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence'.

Il est admis que l'insanité d'esprit visée par ce texte comprend toutes les variétés d'affections mentales par l'effet desquelles l'intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée (Civ. 4 févr. 1941 - D. 1941. 113).

Appréciée souverainement par les juges du fond, l'insanité d'esprit résulte d'un trouble psychique, durable ou temporaire, suffisamment grave pour être de nature à exclure une volonté consciente, libre et éclairée (F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Les successions, les libéralités, 4e éd., Dalloz, 2014, p. 273-274).

En outre, il appartient à celui qui revendique la nullité pour ce motif d'apporter la preuve par tous moyens de l'insanité d'esprit du testateur au jour de l'acte, cette preuve ne pouvant résulter d'une simple diminution des facultés de son auteur ou encore de la seule existence d'une mesure de protection.

En l'espèce, les attestations produites par Mmes [H] et [T] [G] - à savoir celles de leur tante maternelle, Mme [Z], et celle de leur frère, M. [P] [G] - ne sont pas de nature à établir, qu'au jour de la rédaction de l'acte contesté soit le 21 mars 2017, Mme veuve [G] était affectée de troubles intellectuels affectant sa capacité et sa volonté et comme tels, dépassant le cadre d'un affaiblissement inhérent à son âge dont les intimés constitués contestent la réalité.

En effet, Mme [Z] se borne à attester d'un changement dans le comportement de sa soeur au cours de visites régulières rendues au cours de l'année précédent son hospitalisation en termes laconiques et peu précis et qui n'est à cet égard nullement significatif.

De même, les troubles du comportement et hallucinations que M. [P] [G], intimé dans le cadre de la présente instance mais n'ayant pas constitué avocat, rapporte sans aucun élément médical sont tout aussi insuffisants pour confirmer l'insanité d'esprit de Mme [L] [U] veuve [G] lors de la rédaction du testament.

A cet égard, la cour relève que les troubles cognitifs à type d'un syndrome démentiel présentés par Mme Veuve [G] n'ont été médicalement objectivés qu'au travers d'une première et unique consultation par un neurologue le 12 mars 2018, soit près d'un an après la rédaction du testament litigieux.

Dans son compte rendu, le docteur [S] [J] du Centre hospitalier de [Localité 7] évoque un syndrome démentiel 'modéré' et mentionne que 'la présentation ainsi que de possibles hallucinations rapportées par certains proches doivent faire suspecter une maladie à corps de Lewy diffus' en ajoutant avoir proposé à cette patiente 'la réalisation d'un bilan neuropsychologique détaillé et une IRM cérébrale avant de la revoir en consultation'.

Par ailleurs, dans un rapport du 26 septembre 2018 ayant servi au placement par le juge des tutelles de Cholet de Mme veuve [G] sous sauvegarde de justice pour la durée de l'instance aux termes d'une ordonnance rendue le 24 octobre 2018, le docteur [C] mentionne que Mme [U] veuve [G] 'souffre d'une détérioration intellectuelle d'intensité sévère. Elle présente un syndrome démentiel et une altération importante de ses facultés mentales (trouble du jugement et du raisonnement, trouble de la conscience fluctuant et des épisodes de confusion de sa pensée). La détérioration intellectuelle et la perte de son autonomie sont de nature à empêcher l'expression de sa volonté. Cet empêchement peut être qualifié de total. Elle ne peut pourvoir seule à ses intérêts'.

Aux rappels que la preuve de l'insanité d'esprit ne sauraient résulter de la seule existence d'une mesure de protection et voire du choix de la mesure décidée dans le cadre d'une instance distincte qui ne lie pas le juge dans l'appréciation de cet état, l'ensemble des éléments médicaux produits témoignent tout au plus que l'état de santé de Mme veuve [G] s'était aggravé à la date de l'examen pratiqué par l'expert et non de ce qu'elle n'aurait pas été saine d'esprit au moment de la rédaction de son testament.

Il est opportun d'observer d'ailleurs que lors de l'examen de septembre 2018, l'intéressée était hospitalisée en soins de suite dans un contexte de maintien à domicile difficile tandis que Mme [T] [G] indiquait elle-même dans sa requête d'octobre 2018 que 'les facultés mentales de ma maman étant déjà très altérées auparavant, sa chute en juillet dernier n'a fait que la plonger dans une grande détresse morale et psychologique. Elle est devenue très vulnérable, manipulable par certains de ses enfants : [M] et [O]'.

Il s'en déduit que les pièces versées par les appelantes ne sauraient faire preuve suffisante de l'existence d'une altération importante des facultés mentales de Mme veuve [G] lors de la rédaction du testament le 21 mars 2017 et comme telle affectant sa capacité de tester.

Il en est de même s'agissant de l'état de faiblesse de Mme veuve [G] et des manipulations et pressions dont cette dernière aurait été victime de la part de certains de ses enfants de manière contemporaine au testament en cause.

Il ne saurait à cet égard être tiré valablement argument de la seule motivation (fût-elle erronée) exprimée par Mme veuve [G] dans son testament du 21 mars 2017 pour exclure deux de ses filles du bénéfice de la quotité disponible et pour que les frais et charges payés pour elles soient imputés sur leur réserve héréditaire, à savoir le fait que Mmes [H] et [T] auraient habité avec elle 'depuis 1992 sans payer aucun loyer, aucune charge ni facture'.

D'une part, l'exclusion de certains héritiers de la quotité disponible constitue une disposition parfaitement licite, ainsi que l'a relevé à raison le notaire dans le courrier de transmission adressé à chacun d'entre eux en mars 2019.

L'article 912 alinéa 2 du code civil dispose en effet que 'la quotité disponible est la part des biens et droits successoraux qui n'est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités.'

De la sorte, la volonté de Mme veuve [G] de priver deux de ses filles, héritières réservataires, de la quotité disponible n'exclut pas l'intention libérale de celle-ci vis à vis de ses autres enfants et ce, quelqu'en soit les raisons qui n'ont donc aucune incidence sur la validité de l'acte.

D'autre part, les seules pièces produites par Mmes [H] et [T] [G] pour établir la réalité des sommes qu'elles auraient versées à leur mère sont inopérantes.

Il s'agit en effet d'attestations émanant pour l'essentiel des appelantes elles-mêmes et qui supportent des montants et dates d'hébergement différents.

Par leur imprécision et leur contradiction, ces attestations - à défaut de relevés de compte notamment - ne peuvent suffire à établir la véracité des allégations des appelantes et, ce faisant, le fait que les dispositions testamentaires contestées ne correspondent pas à la volonté de leur mère et n'ont pu être faites que sous la pression de certains de ses enfants et dans un moment où celle-ci était dans un moment de faiblesse.

Faute de rapporter la preuve qui leur incombe de l'insanité d'esprit de la testatrice et de l'existence d'un autre vice du consentement, c'est à raison que Mmes [H] et [T] [G] ont été déboutées de leur demande en annulation du testament litigieux sur le fondement des dispositions de l'article 901 du code civil.

Sur la nullité pour atteinte à la réserve héréditaire

Il sera rappelé que le testament litigieux comporte une clause rédigée en ces termes : 'je demande à ce que les frais et charges que j'ai payé pour elles [ [T] et [H]] soient imputer sur leur réserve héréditaire sans pour autant qu'elles en soient redevables au-delà de leur part de réserve'.

Devant la Cour, Mmes [T] et [H] [G] maintiennent que cette disposition n'est pas valable en ce qu'elle a vocation à leur faire perdre l'intégralité ou une partie de leurs droits dans la succession en touchant à leurs droits sur la réserve héréditaire.

Selon elles, la nullité en découlant affecte l'intégralité du testament de sorte qu'elle ne saurait être cantonnée à la clause litigieuse réputée non écrite par les premiers juges.

Pour leur part, les intimés soutiennent que l'arrêt du 25 mai 2016 invoqué par les appelantes selon lequel 'une atteinte à la réserve héréditaire permet l'annulation du testament' ne porte aucunement sur la nullité d'un testament pour atteinte à la réserve héréditaire mais sur une action en réduction.

Ils ajoutent qu'ils ont avalisé le décompte du notaire sans demander à leurs soeurs d'imputer sur leur réserve héréditaire les dépenses effectuées par leur mère.

Ils considèrent en outre que, si la cour devait considérer que la clause litigieuse portait atteinte à la réserve héréditaire, seule une nullité partielle de l'acte pourrait être prononcée.

C'est à raison que les premiers juges ont considéré que la clause en litige porte en elle-même atteinte aux droits inaliénables de Mmes [H] et [T] [G], toutes deux héritières réservataires, et ce, quelque soit la position affichée par les intimés quant à la proposition formulée par le notaire liquidateur à ce sujet.

Par ailleurs, la clause litigieuse est divisible des autres stipulations testamentaires relatives à l'attribution par Mme Veuve [G] de la quotité disponible représentant 1/4 de son patrimoine qui sont parfaitement licites dès lors que la testatrice pouvait en disposer à sa guise, ainsi que le notaire en charge de la succession le précisait déjà à l'adresse de tous les héritiers dans son courrier de transmission du 14 mars 2019.

Il s'en déduit que la clause en cause ne saurait entraîner la nullité du testament dans son intégralité de sorte qu'elle a été à bon droit réputée non écrite par les premiers juges au visa de l'article 900 du code civil, lequel énonce que'dans toute disposition entre vifs ou testamentaire, les conditions impossibles, celles qui seront contraires aux lois ou aux m'urs, seront réputées non écrites'.

Pour l'ensemble de ces raisons, les demandes formées par les parties quant à la validité du testament olographe rédigé le 21 mars 2017 par Mme veuve [G] doivent être rejetées et le jugement entrepris confirmé.

Sur les dommages et intérêts

En appel, Mmes [H] et [T] [G] reprennent leur demande initiale visant à obtenir réparation du préjudice moral qu'elles subissent du fait de l'attitude de leurs frères et soeurs en affirmant que ces derniers ont visiblement intrigué auprès de la de cujus dont les facultés intellectuelles étaient alors altérées pour les faire écarter du bénéfice de la quotité disponible et atteindre à leur réserve héréditaire.

La Cour rappelle que la demande en nullité réitérée par les appelantes a été rejetée à défaut pour elles de rapporter la preuve d'un comportement fautif des intimés afin d'écarter leurs deux soeurs du bénéfice de la quotité disponible et de l'atteinte à la réserve héréditaire.

Il sera observé du reste que les pièces médicales versées aux débats par Mmes [T] et [H] [G] ne sont pas de nature à établir la réalité d'un préjudice subi par ces dernières en lien causal direct et certain avec les agissements dénoncés.

Ainsi, le certificat rédigé par le docteur [A], médecin remplaçant, atteste tout au plus de l'état de souffrance psychologique de Mme [T] [G] lors d'une consultation du 19 octobre 2020 tandis que le docteur [R] est revenue sur les termes du certificat établi sur demande de Mme [H] [G] lors de la conciliation organisée le 22 février 2022 avec les intimés, en présence de représentants du conseil de l'ordre des médecins.

Pour ces motifs, le jugement entrepris portant rejet de la demande de dommages et intérêts formée par Mmes [H] et [T] [G] sera pareillement confirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Parce qu'elles succombent au principal, Mmes [T] et [H] [G] supporteront la charge des dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle dont elles sont toutes deux bénéficiaires, sans pouvoir valablement prétendre au versement d'une indemnité de procédure.

Aucune considération tirée de l'équité ne justifie par ailleurs l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des intimés dont la prétention de ce chef sera écartée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant par arrêt rendu par défaut, prononcé par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement rendu le 18 janvier 2022 par le tribunal judiciaire d'Angers en toutes ses dispositions critiquées ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes en appel fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [T] [G] et Mme [H] [G] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

F. BOUNABI M.C. COURTADE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : 1ère chambre section b
Numéro d'arrêt : 22/00556
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;22.00556 ?
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