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08/06/2023 | FRANCE | N°22/01851

France | France, Cour d'appel d'Angers, 1ère chambre section b, 08 juin 2023, 22/01851


COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ERE CHAMBRE SECTION B







MCC/IM

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 22/01851 - N° Portalis DBVP-V-B7G-FCM5



Jugement du 30 Juin 2022

Président du TJ d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 22/00782



ARRET DU 8 JUIN 2023



APPELANTS :



Mme [B] [F]

née le 09 Janvier 1942 à [Localité 13] (ALGERIE)

[Adresse 4]

[Localité 11]



Mme [T] [E] épouse [X]

née le 29 Septembre 1976 à [Localité 10]

(ALGERIE)

[Adresse 5]

[Localité 11]



M. [W] [E]

né le 16 Juin 1982 à [Localité 12] (92)

[Adresse 2]

[Localité 7]



Représentés par Me Jean DENIS de la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS, avocat postulant au barr...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ERE CHAMBRE SECTION B

MCC/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 22/01851 - N° Portalis DBVP-V-B7G-FCM5

Jugement du 30 Juin 2022

Président du TJ d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 22/00782

ARRET DU 8 JUIN 2023

APPELANTS :

Mme [B] [F]

née le 09 Janvier 1942 à [Localité 13] (ALGERIE)

[Adresse 4]

[Localité 11]

Mme [T] [E] épouse [X]

née le 29 Septembre 1976 à [Localité 10] (ALGERIE)

[Adresse 5]

[Localité 11]

M. [W] [E]

né le 16 Juin 1982 à [Localité 12] (92)

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentés par Me Jean DENIS de la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 22.10107, et par Me Jean-François FUNKE, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMEE :

Mme [A] [E] épouse [S]

née le 4 Janvier 1980 à [Localité 12] (92)

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représentée par Me Vanina LAURIEN de la SELARL DELAGE BEDON LAURIEN HAMON, substituée à l'audience par Me Sébastien HAMON, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 210134, et par Me Edouard BOURGUIGNAT, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 6 Avril 2023, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme COURTADE, présidente de chambre, qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme COURTADE, présidente de chambre

Mme BUJACOUX, conseillère

Mme PARINGAUX, conseillère

Greffière lors des débats : Mme BOUNABI

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 8 juin 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Marie-Christine COURTADE, présidente de chambre, et par Florence BOUNABI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

M. [K] [E] est décédé à [Adresse 8] (49) le 2 août 2006 laissant pour lui succéder :

- son conjoint survivant, Mme [B] [F], instituée légataire universel en usufruit ;

- ses trois enfants issus de son union avec Mme [F], à savoir :

' Mme [T] [E] épouse [X] ;

' Mme [A] [E] épouse [S] ;

' M. [W] [E] ;

- un enfant issu de sa précédente union avec Mme [H], à savoir :

' Mme [N] [E].

M. [K] [E] et Mme [B] [F] étaient propriétaires d'une maison d'habitation située à [Localité 9] (49) [Adresse 1] dont il ont, le 28 juin 2001, fait donation de la nue-propriété par préciput et hors part au profit de Mme [T] [E], Mme [A] [E] et M. [W] [E].

L'acte constatant la libéralité précise que les époux [E] se sont fait donation réciproque de l'usufruit réservé.

Mme [B] [F], Mme [T] [E] épouse [X] et M. [W] [E] ont souhaité mettre le bien d'[Localité 9] en vente mais se sont heurtés au refus de Mme [A] [E] épouse [S].

Par assignations du 17 janvier 2022, Mme [A] [E] épouse [S] et Mme [N] [E] ont saisi le tribunal judiciaire d'Angers d'une demande à l'encontre de Mme [B] [F], Mme [T] [E] épouse [X] et M. [W] [E] aux fins, pour l'essentiel, d'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de leur père et préalablement du régime matrimonial des époux [F] - [E], ainsi que de l'indivision conventionnelle portant sur la maison litigieuse.

Par assignations du 7 avril 2022, Mme [B] [F], Mme [T] [E] épouse [X] et M. [W] [E] ont saisi le président du tribunal judiciaire d'Angers, statuant selon la procédure accélérée au fond, d'une demande à l'encontre de Mme [A] [E] épouse [S], sur le fondement notamment des dispositions des articles 815, 815-6, 840 et 841 du code civil, aux fins de voir autoriser Mme [T] [E] épouse [X] et M. [W] [E] à vendre seuls le bien immobilier litigieux, voir la défenderesse condamnée à leur verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts, celle de 5 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.

A l'audience à laquelle l'affaire a été retenue, Mme [B] [F], Mme [T] [E] épouse [X] et M. [W] [E] ont sollicité l'autorisation de vendre le bien du [Adresse 1] pour la somme de 300 000 euros.

Ils ont également demandé au président de ce tribunal de désigner tel notaire qu'il lui plaira afin qu'il procède aux opérations de partage du bien indivis et rejette les demandes de Mme [A] [E] épouse [S].

Ils ont enfin maintenu le surplus de leurs demandes introductives.

Mme [A] [E] épouse [S] a sollicité quant à elle du président de ce tribunal qu'il dise que Mme [B] [F] est irrecevable à demander la vente du bien du [Adresse 1], déboute les demandeurs de leur demande tendant à être autorisés à vendre seuls le bien du [Adresse 1], dise qu'il n'est pas compétent pour statuer sur une demande de dommages-intérêts, à titre subsidiaire, déboute Mme [B] [F], Mme [T] [E] épouse [X] et M. [W] [E] de leur demande indemnitaire et les condamne à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.

Par ordonnance du 30 juin 2022, le président du tribunal judiciaire d'Angers a notamment :

- déclaré irrecevable la demande de désignation d'un notaire afin de procéder aux opérations de partage du bien indivis formée par Mme [B] [F], Mme [T] [E] épouse [X] et M. [W] [E] ;

- dit Mme [B] [F] recevable à solliciter l'autorisation pour Mme [T] [E] épouse [X] et M. [W] [E] de conclure seuls la vente de la maison située à [Localité 9] (49) [Adresse 1] ;

- débouté Mme [B] [F], Mme [T] [E] épouse [X] et M. [W] [E] de leur demande tendant à voir autoriser Mme [T] [E] épouse [X] et M. [W] [E] à conclure seuls la vente de la maison située à [Localité 9] (49) [Adresse 1] ;

- débouté Mme [B] [F], Mme [T] [E] épouse [X] et M. [W] [E] de leur demande de condamnation au paiement de dommages- intérêts ;

- débouté Mme [B] [F], Mme [T] [E] épouse [X] et M. [W] [E] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum Mme [B] [F], Mme [T] [E] épouse [X] et M. [W] [E] à verser à Mme [A] [E] épouse [S] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum Mme [B] [F], Mme [T] [E] épouse [X] et M. [W] [E] aux dépens ;

- rappelé que la présente décision est, de plein droit, exécutoire à titre provisoire.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour d'appel d'Angers le 10 novembre 2022, M. [W] [E], Mme [T] [E] épouse [X] ainsi que Mme [B] [F] ont interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a : '- débouté Mme [B] [F], Mme [T] [E] et M. [W] [E] de leur demande tendant à voir autoriser Mme [T] [E] et M. [W] [E] à conclure seuls la vente de la maison située à [Localité 9] (49) [Adresse 1] - débouté Mme [B] [F], Mme [T] [E] et M. [W] [E] de leur demande de condamnation de Mme [A] [E] au paiement de 50 000 euros dommages et intérêts ; - débouté Mme [B] [F], Mme [T] [E] et M. [W] [E] de leur demande de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile - condamné in solidum Mme [B] [F], Mme [T] [E] et M. [W] [E] à verser à Mme [A] [E] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile - condamné in solidum Mme [B] [F], Mme [T] [E] et M. [W] [E] aux dépens.'

Mme [A] [E] épouse [S] a constitué avocat le 21 décembre 2022.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 29 mars 2023, l'affaire étant fixée pour plaidoiries à l'audience du 6 avril 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 5 janvier 2023, M. [W] [E], Mme [T] [E] épouse [X] ainsi que Mme [B] [F] demandent à la présente juridiction de :

- Infirmer l'ordonnance du président du tribunal judiciaire d'Angers en ce qu'il a :

' débouté Mme [B] [F], Mme [T] [E] épouse [X] et M. [W] [E] de leur demande tendant à voir autoriser Mme [T] [E] épouse [X] et M. [W] [E] à conclure seuls la vente de la maison située à [Localité 9] (49) [Adresse 1] ;

' débouté Mme [B] [F], Mme [T] [E] épouse [X] et M. [W] [E] de leur demande de condamnation de Mme [A] [E] épouse [S] au paiement de 50 000 euros dommages et intérêts ;

' débouté Mme [B] [F], Mme [T] [E] épouse [X] et M. [W] [E] de leur demande de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamné in solidum Mme [B] [F], Mme [T] [E] épouse [X] et M. [W] [E] à verser à Mme [A] [E] épouse [S] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamné in solidum Mme [B] [F], Mme [T] [E] épouse [X] et M. [W] [E] aux dépens ;

Statuant à nouveau :

- autoriser M. [W] [E] et le cas échéant Mme [T] [E] épouse [X] à conclure la vente du bien situé à [Localité 9] au [Adresse 1] (Maine et Loire) cadastré av, n°[Cadastre 3], lieudit [Adresse 1] pour la somme de 300 000 euros car toutes les conditions légales sont remplies ;

- condamner Mme [A] [E] épouse [S] à verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de sa faute commise par abus de droit et du préjudice qu'il en est résulté pour les appelants ;

En toute hypothèse :

- condamner Mme [A] [E] épouse [S] à verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 20 janvier 2023, Mme [A] [E] épouse [S] demande à la présente juridiction de :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 30 juin 2022 par le président du tribunal d'Angers ;

Y ajoutant,

- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes ;

A titre subsidiaire, si la vente devait être ordonnée,

- ordonner le séquestre du prix de vente de la maison dans les mains de la caisse des dépôts et consignations jusqu'au complet partage de la succession de M. [K] [E] et de l'indivision conventionnelle portant sur la maison ;

En tout état de cause,

- condamner M. [W] [E], Mme [T] [E], épouse [X] et Mme [B] [F] veuve [E] à payer à Mme [A] [E] épouse [S] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Pour un exposé plus ample des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions sus visées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Mme [A] [E] soutient dans les motifs de ses écritures que Mme [B] [F] est irrecevable à agir puisque simple usufruitière.

Néanmoins, elle conclut au dispositif - qui seul fixe le périmètre de saisine de la cour par application de l'article 954 du Code de procédure civile - que l'ordonnance doit être confirmée, laquelle a dit Mme [B] [F] recevable à solliciter l'autorisation pour Mme [T] [E] et M. [W] [E] de conclure seuls la vente de la maison située à [Adresse 1].

La cour n'est donc pas saisie de cette difficulté.

Sur la vente de l'immeuble

M. [W] [E], Mme [T] [E] épouse [X] ainsi que Mme [B] [F] exposent que Mme [B] [F] a occupé le bien sis à [Localité 9] jusqu'en 2014 avant de le mettre en location pour s'installer à [Localité 11] auprès de ses enfants ; que les loyers lui procuraient une source de revenus jusqu'en 2018, date à laquelle les locataires ont donné congé ; que la maison est depuis inhabitée et génère des frais ; qu'en dépit de tentatives amiables, Mme [A] [E] s'est opposée à la vente souhaitée par les concluants.

Ils soutiennent que le mandat de vente signé par un seul indivisaire est valable pour peu que l'information ait été notifiée aux autres ou qu'ils aient donné leur accord ; que Mme [A] [E] épouse [S] a été avisée des mandats puisqu'elle s'y est opposée.

Ils rappellent que la vente du bien indivis est possible, au visa des articles 815 et 815-6 du code civil, sur justification de l'urgence et de l'intérêt commun ; qu'il ne saurait y avoir litispendance avec la procédure initiée devant le tribunal judiciaire en liquidation de la succession de M. [K] [E] d'une part parce que l'indivision conventionnelle est distincte de la succession et d'autre part parce que l'action en ouverture de la succession est irrecevable faute de patrimoine à partager ; que Mme [A] [E] épouse [S] a parfaitement connaissance de la valeur du bien donné à Mme [T] [E] épouse [X] et qu'elle est prescrite à agir en réduction des donations.

Ils soutiennent encore que l'intérêt commun ne doit pas se réduire à la capacité financière d'entretenir le bien ; que l'immeuble d'[Localité 9] génère des charges alors qu'il n'est plus d'utilité pour personne ; que la mise en location n'est pas envisageable, l'immeuble nécessitant préalablement de lourds travaux de mise aux normes estimés à 250 000 euros ; que Mme [A] [E] épouse [S] ne participe pas aux charges de la maison ; qu'eux-mêmes ne sont plus en mesure d'assumer ces charges.

Ils disent encore qu'il y urgence à vendre, le bien se dégradant et constituant un gouffre financier ; que la maison est énergivore, classée F par le DPE ; que Mme [A] [E] épouse [S] connaît ces frais pour avoir vécu dans la maison de ses parents.

Mme [A] [E] épouse [S] soutient que préalablement à une vente du bien il était nécessaire de connaître les droits de chacun dans la succession paternelle et de faire rapport de la donation faite à leur soeur [T] ; qu'une action en partage a été initiée devant le tribunal judiciaire et que cette juridiction est compétente pour connaître de la vente.

Elle ajoute que les appelants n'ont pas accepté de procéder à ces opérations de compte entre les parties et ont signé des mandats de vente qui ne lui ont pas été soumis.

Elle dit avoir eu connaissance des frais générés par la maison dans le cadre de la présente instance et n'avoir jamais été sollicitée pour y participer ; que les frais de 1 500 euros annuels sont supportables par quatre personnes ; que la valeur du bien a augmenté de 20 % entre 2018 et 2022 ; que l'intérêt de l'usufruitière ne peut entrer en compte pour apprécier l'intérêt commun des indivisaires.

Elle expose ensuite qu'il n'y a pas d'urgence économique à vendre la maison qui prend de la valeur ; que les travaux à faire avaient été évalués à 15 000 euros.

Sur ce,

Il résulte des dispositions de l'article 815-6 du Code civil que 'Le président du tribunal judiciaire peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l'intérêt commun.

Il peut, notamment, autoriser un indivisaire à percevoir des débiteurs de l'indivision ou des dépositaires de fonds indivis une provision destinée à faire face aux besoins urgents, en prescrivant, au besoin, les conditions de l'emploi. Cette autorisation n'entraîne pas prise de qualité pour le conjoint survivant ou pour l'héritier.

Il peut également soit désigner un indivisaire comme administrateur en l'obligeant s'il y a lieu à donner caution, soit nommer un séquestre. Les articles 1873-5 à 1873-9 du présent code s'appliquent en tant que de raison aux pouvoirs et aux obligations de l'administrateur, s'ils ne sont autrement définis par le juge'.

Il entre dans les pouvoirs du président du tribunal judiciaire d'autoriser un indivisaire à conclure seul un acte de vente d'un bien indivis pourvu qu'une telle mesure soit justifiée par l'urgence et l'intérêt commun (cass civ 1ère 4 déc 2013 12-20.158).

Il appartient à l'indivisaire qui sollicite la vente de démonter que l'urgence et l'intérêt commun sont ensemble caractérisés.

En l'espèce, le président du tribunal judiciaire a rejeté la demande, motifs pris de ce que 'il n'est pas démontré que l'indivision n'est pas en capacité de supporter les charges de l'immeuble de façon pérenne et qu'il n'est pas davantage établi que le bien se dégrade et nécessite un entretien justifiant de la vendre urgemment'.

Sur la notion d'urgence

Il est constant que l'immeuble indivis a d'abord été habité par l'usufruitière jusqu'en novembre 2014, qu'il a ensuite été offert à la location jusqu'en mai 2018. Il est donc libre de toute occupation depuis cette date.

Il résulte de l'acte de donation et du mandat de vente souscrit par M. [W] [E] que l'immeuble sis à [Localité 9] a été construit dans les années 1960, qu'il est d'une superficie de 122 m² sur une surface totale de terrain de 747 m².

Le document établi par un architecte - [Z] [I] Architecte - le 29 juillet 2022 proposant la réhabilitation de la maison, son isolation par l'extérieur et des aménagements des abords pour la somme de 250 000 euros ne saurait constituer une évaluation utile pour la considération de l'état du bien et l'urgence à vendre : il s'agit d'une estimation sans description précise du bien et des ouvrages et qui s'inscrit dans un projet global de rénovation et non de travaux impérieux utiles à sa conservation.

Au contraire, le diagnostic de performance énergétique (DPE) établi le 29 septembre 2021 fait état d'un classement F.

Ce document chiffre de 9 772,28 euros à 18 947,85 euros le montant des travaux essentiels. Il évalue de 13 740 à 24 650 euros les travaux à envisager.

En outre, une estimation de l'agence Safti en date du 21 septembre 2022 évalue le bien de 278 804 euros à 300 000 euros et évoque 'un état nécessitant un gros rafraîchissement ... les accotements autour de la maison nécessitent l'intervention de matériels de travaux publics'.

Cette fourchette correspond à l'offre de prix faite pour le bien en octobre 2020 (295 000 euros) et plus récemment en octobre 2021 (299 900 euros).

Il résulte de l'ensemble que la valeur du bien est stable et n'a pas pâti de son défaut d'occupation depuis 2018 ; que les travaux préconisés le sont pour son confort et son habitabilité, qualités que les appelants ne revendiquent pas puisqu'ils ne l'occupent pas.

Enfin, s'il est incontestable que l'immeuble génère des charges fixes ne serait-ce que fiscales (taxe foncière de 1 773 euros en 2022), il est aussi avéré qu'aucune autre facture d'entretien ou d'énergie actualisée n'est produite, le contrat EDF ayant été résilié le 5 février 2020 et les frais de jardinier datant d'août 2021. Enfin, les fonds de l'indivision sont inconnus.

M. [W] [E] est marié et perçoit des revenus de 44 454 euros.

Mme [T] [E] est mariée et perçoit des revenus de 7 183 euros.

Mme [B] [E] perçoit des revenus de 15 793 euros.

Mme [A] [E] ne fait pas état de sa situation personnelle mais reste tenue au même titre que les autres indivisaires aux dépenses de conservation du bien immobilier, étant rappelé que l'article 815-2 permet toujours de l'y contraindre.

Enfin, s'il est constant que le DPE évoque la nécessité de travaux essentiels et à envisager, rien ne permet de dire que le bien n'est plus accessible à la location alors qu'il l'a été jusqu'en 2018.

Ainsi, il ne résulte aucunement des éléments qu'une urgence à vendre le bien, sans attendre les opérations de liquidation de la succession par ailleurs engagées, serait caractérisée.

Sur l'intérêt commun

L'intérêt commun ne saurait s'entendre de l'intérêt d'un ou plusieurs indivisaires. De même, le seul fait que l'usufruitière n'occupe plus le bien et n'en n'ait plus l'utilité ne caractérise aucunement un intérêt commun.

La volonté de la majorité des indivisaires de sortir de l'indivision est parfaitement conforme aux dispositions de l'article 815 du code civil.

Néanmoins, les appelants ne sauraient soutenir que la juridiction de première instance a ajouté au principe selon lequel nul ne peut être contraint de rester dans l'indivision, les dispositions de l'article 815-6 susvisé ne concernant pas le droit commun de sortie de l'indivision mais bien une exception liée à la réunion cumulative et préalable de l'urgence et de l'intérêt commun.

En tout état de cause, l'urgence n'étant pas caractérisée, un élément fait défaut à l'application de l'article 815-6 du code civil qui justifie que l'ordonnance critiquée soit confirmée.

Sur les dommages et intérêts

M. [W] [E], Mme [T] [E] épouse [X] ainsi que Mme [B] [F] exposent que la maison n'a pas pu être vendue pendant 3 ans en raison de l'obstruction de Mme [A] [E] épouse [S] ; que celle-ci n'a rien fait pour permettre la mise en location du bien ou son entretien ; qu'elle a retardé la vente en initiant des procédures judiciaires ; qu'elle a usé abusivement de sa qualité d'indivisaire.

Mme [A] [E] épouse [S] soutient qu'elle n'a commis aucune faute puisqu'elle ne fait que demander que les comptes soient faits entre les parties ; qu'on ne peut lui reprocher de ne pas participer aux frais alors que rien ne lui a été demandé à ce titre ; que la valeur du bien a augmenté de 60 000 euros, revalorisant d'autant le montant de leurs droits.

Sur ce,

La vente du bien n'étant pas autorisée, les appelants ne peuvent prétendre à un préjudice du fait de son retard.

L'ordonnance qui a rejeté leur demande à ce titre sera confirmée.

Sur les frais et dépens

M. [W] [E], Mme [T] [E] épouse [X] ainsi que Mme [B] [F] supporteront les dépens d'appel in solidum.

Succombant, ils seront déboutés de leur demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile.

L'équité commande de débouter Mme [A] [E] épouse [S] de sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME l'ordonnance du président du tribunal judiciaire d'Angers rendue le 30 juin 2022 en toutes ses dispositions contestées ;

DEBOUTE M. [W] [E], Mme [T] [E] épouse [X], Mme [B] [F] et Mme [A] [E] de leur demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum M. [W] [E], Mme [T] [E] épouse [X] ainsi que Mme [B] [F] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

F. BOUNABI M.C. COURTADE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : 1ère chambre section b
Numéro d'arrêt : 22/01851
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;22.01851 ?
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