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04/05/2023 | FRANCE | N°22/00070

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sécurité sociale, 04 mai 2023, 22/00070


COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale











ARRÊT N°



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00070 - N° Portalis DBVP-V-B7G-E6KV.



Jugement Au fond, origine Pole social du TJ du MANS FRANCE, décision attaquée en date du 29 Décembre 2021, enregistrée sous le n° 21/00310





ARRÊT DU 04 Mai 2023





APPELANT :



Monsieur [G] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représenté par Me CESSE, avocat substituant Maîtr

e Alain IFRAH de la SCP GALLOT-LAVALLEE - IFRAH - BEGUE, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20210131







INTIMEE :



URSSAF DES PAYS DE LA LOIRE

[Adresse 5]

[Localité 2]



représentée par Me DOLL...

COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00070 - N° Portalis DBVP-V-B7G-E6KV.

Jugement Au fond, origine Pole social du TJ du MANS FRANCE, décision attaquée en date du 29 Décembre 2021, enregistrée sous le n° 21/00310

ARRÊT DU 04 Mai 2023

APPELANT :

Monsieur [G] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me CESSE, avocat substituant Maître Alain IFRAH de la SCP GALLOT-LAVALLEE - IFRAH - BEGUE, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20210131

INTIMEE :

URSSAF DES PAYS DE LA LOIRE

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me DOLL, avocat substituant Maître Sabrina ROGER de la SARL SABRINA ROGER AVOCAT, avocat au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Février 2023 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur WOLFF, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Mme Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Madame Estelle GENET

Conseiller : M. Yoann WOLFF

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 04 Mai 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur WOLFF, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

À la suite d'un contrôle effectué le 11 octobre 2017 par deux inspecteurs de l'URSSAF de Basse-Normandie sur le chantier de rénovation d'un immeuble situé à [Localité 4], M. [G] [Z], maçon, a fait l'objet d'un procès-verbal dressé le 4 février 2020 et relevant à son encontre le délit de travail dissimulé, puis d'une lettre d'observations datée du 10 février 2020. Il lui était reproché notamment de ne pas avoir déclaré deux salariés. L'URSSAF des Pays-de-la-Loire (l'URSSAF) lui a ensuite adressé une mise en demeure datée du 20 novembre 2020 et reçue le 8 décembre suivant, lui réclamant, au titre de l'année 2017, la somme totale de 15 509 euros (10 244 euros en cotisations, 4098 euros en majorations de redressement et 1167 euros en majorations de retard).

M. [Z] a contesté ce redressement devant la commission de recours amiable qui, par une décision du 23 février 2021 notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec avis de réception du 4 juin 2021, l'a maintenu.

Le 19 août 2021, l'avocat de M. [Z] a remis au greffe du pôle social du tribunal judiciaire du Mans une requête «se substituant à l'assignation vue par [ses] services le 19 juillet 2021», et demandant qu'il soit décidé qu'il n'était pas redevable des sommes réclamées.

Par jugement du 29 décembre 2021 notifié à M. [Z] le 6 janvier 2022, le tribunal a :

- Déclaré la demande de M. [Z] irrecevable ;

- Dit n'y avoir lieu à condamnation de l'URSSAF au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné M. [Z] aux dépens.

Le tribunal a considéré que, dans la mesure où la décision de la commission de recours amiable avait été notifiée à M. [Z] le 4 juin 2021, celui-ci devait saisir la juridiction de la sécurité sociale au plus tard le 4 août 2021, mais qu'il ne l'avait pas fait, l'assignation invoquée par l'intéressé n'ayant été ni délivrée ni remise au greffe.

M. [Z] a relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement par déclaration faite par pli recommandé expédié le 27 janvier 2022, mais également le même jour par voie électronique.

Les débats ont ensuite eu lieu devant le magistrat chargé d'instruire l'affaire, à l'audience du 27 février 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions reçues au greffe le 27 avril 2022 et auxquelles il s'est référé à l'audience du 27 février 2023, M. [Z] demande à la cour :

- D'infirmer le jugement ;

- De décider qu'il n'est pas redevable des 15 509 euros réclamés par l'URSSAF ;

- D'ordonner l'exécution provisoire ;

- De condamner l'URSSAF à lui verser la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- De la condamner également aux dépens dont distraction au profit de la SCP Gallot-Lavallée ' Ifrah ' Bègue.

M. [Z] soutient notamment que :

- Le 16 juillet 2021, il a, par l'intermédiaire de son avocat, déposé au tribunal judiciaire du Mans un recours contre la décision de la commission de recours amiable, intitulé assignation et qui a été réceptionné le 19 juillet 2021. La lettre qui l'accompagnait mentionnait qu'il s'agissait d'un projet et demandait au greffe de bien vouloir fixer une date d'audience, ce que ce dernier a fait en fixant d'ores et déjà l'audience au 8 septembre 2021. C'est dans un souci de fluidité de communication et de simplification des rapports avec la justice que son avocat a substitué le 19 août 2021 une contestation intitulée cette fois-ci requête. La date qui doit être retenue pour la contestation est donc celle du 19 juillet 2021.

- Le tribunal ne pouvait pas opposer que la demande était irrecevable au motif qu'elle ne portait pas le bon intitulé. Conformément aux articles 53 et 57 du code de procédure civile, le 19 juillet 2021, il s'est bien adressé au tribunal en lui soumettant des prétentions. Le contenu de la demande a d'ailleurs tout d'une requête au regard des articles 54, 57, alinéa 2, et suivants du code de procédure civile.

- Le remplacement, à la demande du greffe, de l'assignation par une requête stricto sensu ne constituait qu'une formalité de régularisation et non une nouvelle saisine. Le dépôt de l'assignation doit être considéré comme le dépôt d'une requête à régulariser. Une assignation non délivrée transmise au greffe est une requête.

- L'acte de saisine, même entaché d'un vice de procédure, interrompt les délais de forclusion. Seule une initiative processuelle jugée irrecevable peut exclure cet effet interruptif. En l'espèce, son initiative processuelle n'avait rien d'irrecevable puisque seule la forme originelle de son recours pouvait lui être reprochée. En présentant un acte de saisine irrégulier que le greffe l'a invité à régulariser, il a valablement saisi la juridiction.

- L'essentiel est que la bonne juridiction ait été saisie, dans les délais, de sa volonté d'intenter un procès à l'URSSAF par un acte processuel, peu importe qu'il se soit apparenté dans sa forme à un projet d'assignation non délivré.

Dans ses conclusions reçues au greffe le 2 février 2023 et auxquelles elle s'est référée à l'audience du 27 février 2023, l'URSSAF demande à la cour :

- À titre principal, de confirmer le jugement ;

- Subsidiairement, de valider le redressement et de condamner M. [Z] à lui payer la somme totale de 15 509 euros, outre les majorations de retard complémentaires jusqu'au complet paiement ;

- En tout état de cause, de rejeter les demandes de M. [Z] et de la condamner à lui payer la somme totale de 15 509 euros, outre les majorations de retard complémentaires jusqu'au complet paiement.

L'URSSAF soutient notamment que :

- Le projet d'assignation ne lui a jamais été signifié par voie d'huissier. L'acte qui saisit la juridiction est la remise au greffe d'une copie de l'assignation et non le simple projet d'assignation.

- M. [Z] ayant saisi la juridiction par voie de requête le 19 août 2021, soit au-delà du délai de deux moins imparti après la notification de la décision de la commission de recours amiable, son recours est forclos.

MOTIVATION

Sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion opposée à M. [Z]

Selon l'article R. 142-1-A, III, du code de la sécurité sociale, le délai de recours contentieux est de deux mois à compter de la notification de la décision contestée.

Aux termes de l'article R. 142-10-1 du même code, le tribunal est saisi par requête remise ou adressée au greffe par lettre recommandée avec avis de réception. Cela ne résulte pas de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, mais, à l'origine, du décret n° 85-1353 du 17 décembre 1985.

En l'espèce, la décision de la commission de recours amiable a été notifiée à M. [Z] le 4 juin 2021, date à laquelle il l'a reçue. L'intéressé devait donc, à peine de forclusion, saisir le pôle social du tribunal judiciaire du Mans par requête au plus tard le 4 août 2021.

M. [Z] invoque à cet égard la lettre du 15 juillet 2021 que le greffe de ce tribunal a reçu de son avocat le 16 juillet 2021 (et non le 19 juillet 2021), et qui, ayant pour objet «demande de date d'audience», est rédigée de la manière suivante :

«Ci-joint l'assignation que je compte faire délivrer à la partie adverse.

Auriez-vous l'amabilité de bien vouloir me fixer une date d'audience '»

Cette lettre traduit sans équivoque la volonté initiale du conseil de M. [Z] d'introduire l'instance par voie d'assignation, contrairement à ce que l'article R. 142-10-1 du code de la sécurité sociale prévoit. La prise de date, c'est-à-dire la communication par le greffe au demandeur, sur présentation d'un projet d'assignation, d'une date d'audience, est en effet la première étape, prévue à l'article 751 du code de procédure civile, d'une telle introduction de l'instance devant le tribunal judiciaire.

Or, outre qu'elle n'aurait pu aboutir qu'à une fin de non-recevoir, faute pour le tribunal d'avoir été saisi régulièrement (2e Civ., 6 janvier 2011, pourvoi n° 09-72.506, Bull. 2011, II, n° 5), et non à un vice de forme régularisable, une telle prise de date est dépourvue de tout effet juridique.

En effet, il résulte des articles 53 et 750 du code de procédure civile, et 2241 du code civil que c'est l'assignation elle-même, c'est-à-dire l'acte d'huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaître devant le juge, qui forme la demande en justice et qui interrompt à ce titre le délai de forclusion.

De plus, selon l'article 754 du même code, seule la remise au greffe d'une copie de l'acte d'huissier saisit la juridiction.

Dans ces conditions, la lettre du 15 juillet 2021 et le projet d'assignation qui y est joint, lesquels n'ont, indépendamment même de l'intitulé de ce dernier, aucune valeur juridique intrinsèque, ne sauraient davantage valoir requête au sens de l'article R. 142-10-1 du code de la sécurité sociale.

Ils le sauraient d'autant moins que, selon les articles 54 et suivants du code de procédure civile, assignation et requête sont deux types de demande bien distincts, dont ni le choix ni la forme ni le contenu ne sont laissés à la libre disposition des parties, mais s'imposent à elles.

Enfin, les termes de la lettre du 15 juillet 2021 ne laissent aucun doute sur le fait que son auteur n'entendait alors nullement saisir le tribunal d'une quelconque requête, même mal présentée.

D'ailleurs, dans la lettre du 21 juillet 2021 par laquelle il y a répondu, le greffier du pôle social ne l'a pas considérée comme telle. En effet, contrairement à ce que M. [Z] fait valoir, le greffier n'y a pas fixé l'affaire à une audience ni exigé une quelconque régularisation, mais s'est contenté de répondre que la prochaine audience du pôle social aurait lieu le 8 septembre 2021 et que le tribunal pouvait être saisi par simple requête.

Dans ces conditions, M. [Z] était bien forclos lorsque, par sa seule et unique requête du 19 août 2021, il a véritablement saisi le tribunal pour la première fois.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré la demande de M. [Z] irrecevable.

Sur la demande en paiement formée reconventionnellement par l'URSSAF

Il est constant qu'une demande reconventionnelle ne peut être examinée qu'autant qu'est recevable la demande principale.

L'irrecevabilité de la demande de M. [Z] rend donc celle en paiement de l'URSSAF également irrecevable.

Sur les frais du procès

M. [Z] perdant le procès, c'est à juste titre que le premier juge l'a condamné aux dépens et a écarté la condamnation de l'URSSAF sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [Z] sera également condamné aux dépens de la procédure d'appel et verra à nouveau sa demande faite au titre de ce même article 700 rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant :

Déclare irrecevable la demande de l'URSSAF des Pays-de-la-Loire aux fins de condamnation de M. [G] [Z] à lui payer la somme totale de 15 509 euros, outre les majorations de retard complémentaires jusqu'au complet paiement ;

Condamne M. [G] [Z] aux dépens de la procédure d'appel ;

Rejette la demande faite par M. [G] [Z] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,

Viviane BODIN Y. WOLFF


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 22/00070
Date de la décision : 04/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-04;22.00070 ?
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