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23/03/2023 | FRANCE | N°21/02187

France | France, Cour d'appel d'Angers, 1ère chambre section b, 23 mars 2023, 21/02187


COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ERE CHAMBRE SECTION B







LP/IM

ARRET N°



AFFAIRE N° RG 21/02187 - N° Portalis DBVP-V-B7F-E4WT



Jugement du 09 Septembre 2021

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LAVAL

n° d'inscription au RG de première instance : 20/00590





ARRET DU 23 MARS 2023



APPELANTS :



Mme [P] [D] épouse [V]

Née le 22 août 1951 à [Localité 6] (14)

[Adresse 4]

[Localité 3]



M. [R] [V]

Né le 31 décembre

1953 à [Localité 5] (92)

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentés par Me Aline DAVID de la SELARL ADMAVOCAT, avocat au barreau d'ANGERS, substituée à l'audience par Me Alexandre SOLER, avocat au barreau de LAVAL


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COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ERE CHAMBRE SECTION B

LP/IM

ARRET N°

AFFAIRE N° RG 21/02187 - N° Portalis DBVP-V-B7F-E4WT

Jugement du 09 Septembre 2021

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LAVAL

n° d'inscription au RG de première instance : 20/00590

ARRET DU 23 MARS 2023

APPELANTS :

Mme [P] [D] épouse [V]

Née le 22 août 1951 à [Localité 6] (14)

[Adresse 4]

[Localité 3]

M. [R] [V]

Né le 31 décembre 1953 à [Localité 5] (92)

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentés par Me Aline DAVID de la SELARL ADMAVOCAT, avocat au barreau d'ANGERS, substituée à l'audience par Me Alexandre SOLER, avocat au barreau de LAVAL

INTIME :

MINISTERE PUBLIC

Cour d'Appel - [Adresse 7]

[Localité 2]

Pris en la personne de Christophe VALISSANT, substitut général, non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue en chambre du conseil, à l'audience du 26 Janvier 2023, Mme PARINGAUX, conseillère ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :

Mme COURTADE, présidente de chambre

Mme BUJACOUX, conseillère

Mme PARINGAUX, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme BOUNABI

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 23 mars 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Marie-Christine COURTADE, présidente de chambre, et par Florence BOUNABI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

M. [R] [V] et Mme [P] [D] se sont mariés le 2 février 1980.

De leur union est né un fils, M. [B] [V], le 30 décembre 1981 à [Localité 9].

M. [B] [V] est décédé le 10 juin 2011 à [Localité 8]

M. [B] [V] vivait depuis plusieurs années en union libre avec Mme [G] [Z], qui a donné naissance à [Localité 10] (92) le 4 août 2011 à un enfant : [M], [B], [R], [K] [Z] dont seule la filiation maternelle est établie.

M. [B] [V] n'a pas procédé à une reconnaissance préalable de paternité de l'enfant.

Par requête reçue au greffe de la juridiction le 19 octobre 2020 M. et Mme [V], parents de M. [B] [V], ont saisi la chambre de la famille du tribunal judiciaire de Laval d'une action en constatation de la possession d'état aux fins :

- d'établir la filiation de l'enfant [M] [Z] à l'égard de M. [B] [V] ;

- d'ordonner la mention du jugement à intervenir à la diligence du parquet en marge de tous les actes d'état civil de l'enfant ;

- d'ordonner de joindre le nom de M. [B] [V] au nom de l'enfant ;

- dire en conséquence que l'enfant [M] se nommera [Z]-[V].

Le 26 février 2021, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Laval a émis un avis favorable à la requête aux fins de constatation de la filiation engagée par M. et Mme [V], au motif qu'elle est dans l'intérêt de l'enfant.

Lors de l'audience du 26 août 2021 M. [V], représenté par son conseil, et Mme [V] assistée de ce dernier, ont réitéré leur demande initiale expliquant qu'ils souhaitaient que soit établie la paternité de leur fils à l'égard de [M] qu'ils savent être leur petit-fils biologique, ce à quoi la mère de l'enfant Mme [Z] ne s'oppose pas.

Par jugement du 9 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Laval a :

- déclaré irrecevable l'action en établissement de la filiation paternelle de l'enfant [M], [B], [R], [K] [Z], né le 4 août 2011 à [Localité 10] (92), engagée par M. et Mme [V] ;

- débouté en conséquence M. et Mme [V] de l'ensemble de leurs demandes.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour d'appel d'Angers le 8 octobre 2021, M. et Mme [V] ont interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a :" déclaré irrecevable l'action en établissement de la filiation paternelle de l'enfant [M] [Z] né le 4 août 2011 à [Localité 10] engagée par M. et Mme [V] ; débouté en conséquence M. et Mme [V] de l'ensemble de leurs demandes'.

Par ordonnance du 5 mai 2022 le magistrat chargé de la mise en état a rendu une ordonnance disant n'y avoir lieu à caducité de la déclaration d'appel formée par M. et Mme [V] le 8 octobre 2021, considérant que s'ils n'avaient pas signifié leurs conclusions d'appelant au procureur général près la cour d'appel dans le délai de trois mois prévu par l'article 911 du code de procédure civile, mais au procureur de la République du tribunal judiciaire de Laval, cette erreur a été régularisée par notification du 18 janvier 2022 faite au procureur général, qui n'a fait état d'aucun grief causé.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 janvier 2023, l'affaire étant fixée pour plaidoiries à l'audience du 26 janvier 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 4 janvier 2022, M. [R] [V] et Mme [P] [D] épouse [V] demandent à la présente juridiction de :

- recevoir les concluants en leur appel, les y déclarant bien fondés et y faisant droit ;

- infirmer totalement la décision entreprise et statuant à nouveau ;

- déclarer recevable l'action en constatation de la possession aux fins d'établir la filiation entre [B] [V] à l'égard de l'enfant [M] [Z] engagée par [R] [V] et [P] [V] ;

en conséquence,

- établir la filiation de [B] [V] à l'égard de l'enfant [M] [Z] ;

- ordonner la mention de l'arrêt à intervenir à la diligence du parquet en marge de tous les actes d'état civil de l'enfant [M] [Z] ;

- ordonner de joindre le nom de [B] [V] au nom de l'enfant ;

- dire que l'enfant [M] se nommera [Z] [V].

Par conclusions du 1er août 2022, le Procureur général près la cour d'appel d'Angers demande à juridiction :

- d'infirmer le jugement intervenu le 9 septembre 2021 en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action des époux [V] en établissement de la filiation paternelle de l'enfant [M] [Z] et les a déboutés en conséquence de l'ensemble de leurs demandes ;

- de déclarer recevable l'action en constatation de la possession aux fins d'établir la filiation entre M. [B] [V] à l'égard de [M] [Z] engagée par M. et Mme [V] ;

- de constater la possession d'état de [M] [Z] comme étant le fils de M. [B] [V] ;

- d'ordonner de transcrire l'arrêt à intervenir sur les registres d'état civil et dire que mention en sera faite en marge de l'acte de naissance de l'enfant ainsi qu'en marge de l'acte de naissance de M. [B] [V], décédé le 10 juin 2011 ;

- de dire que le nom de famille de l'enfant sera désormais [Z]-[V].

Pour un exposé plus ample des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions sus visées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'action en constatation de possession d'état

L'article 324 du code civil énonce que : ' Les jugements rendus en matière de filiation sont opposables aux personnes qui n'y ont point été parties. Celles-ci ont le droit d'y former tierce opposition dans le délai mentionné à l'article 321 si l'action lui était ouverte. Les juges peuvent d'office ordonner que soient mis en cause tous les intéressés auxquels ils estiment que le jugement doit être rendu commun'.

L'article 330 du code civil dispose que : 'La possession d'état peut-être constatée, à la demande de toute personne qui y a intérêt, dans le délai de dix ans à compter de sa cessation ou du décès du parent prétendu'.

M. et Mme [V] demandent l'infirmation du jugement qui, au visa erroné des articles 327 et 328 du code civil, relatifs à l'action en recherche de paternité, a déclaré leur action irrecevable, étant dépourvus de qualité pour agir.

Ils soulignent que l'action en constatation de la possession d'état est la seule des quatre actions aux fins d'établissement de la filiation qui ne soit pas réservée en demande, à l'enfant et à sa mère durant sa minorité, et qui soit ouverte à tout intéressé, comme ils le sont en leur qualité de grands-parents paternels biologiques de l'enfant.

Sur ce,

La filiation peut être établie de façon non contentieuse ou de façon contentieuse.

La possession d'état a vocation à s'appliquer à toute paternité, lorsque la paternité ne ressort pas de l'effet de la loi ou d'une reconnaissance.

La possession d'état n'est créatrice de droit que si elle est consacrée soit dans un acte de notoriété (article 317 du code civil), soit par un jugement (article 330 du code civil), lorsque l'acte de notoriété ne peut pas ou plus être demandé (par chacun des parents ou l'enfant) ou a été refusé.

En l'espèce M. et Mme [V] ne peuvent solliciter la délivrance d'un acte de notoriété faisant foi de la possession d'état établissant la filiation de l'enfant [M] avec leur fils M. [B] [V] décédé.

En application de l'article 330 du code civil, ils ont, en leur qualité revendiquée de grands-parents biologiques de l'enfant, un intérêt à exercer l'action en constatation de la possession d'état pour pouvoir exercer notamment leurs droits aux relations personnelles avec [M].

M. et Mme [V] ont donc bien un intérêt à agir par cette action en constatation de possession d'état ouverte à tout intéressé.

Leur fils M. [B] [V] est décédé le 10 juin 2011, et leur requête a été introduite le 19 octobre 2020 devant le tribunal judiciaire de Laval.

M. et Mme [V] ont donc agi dans le délai décennal.

Par suite l'action en constatation de la possession d'état engagée par M. et Mme [V] sera déclarée recevable, et le jugement contesté infirmé.

Sur la possession d'état

L'article 311-1 du code civil dispose que : 'La possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir.

Les principaux de ces faits sont :

1° Que cette personne a été traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme leur enfant et qu'elle même les a traités comme son ou ses parents ;

2° Que ceux-ci ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation ;

3° Que cette personne est reconnue comme leur enfant, dans la société et par la famille ;

4° Qu'elle est considérée comme telle par l'autorité publique ;

5° Qu'elle porte le nom de celui ou ceux dont on la dit issue'.

L'article 311-2 du code civil énonce que : 'La possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque'.

La preuve de l'existence et des qualités exigées de la possession d'état pour qu'elle produise ses effets juridiques doit être rapportée par le demandeur.

M. et Mme [V] indiquent qu'il existe un faisceau d'indices révélateurs du lien de filiation entre leur fils décédé M. [B] [V] et l'enfant [M].

Ils font état principalement de l'attestation délivrée par la mère de l'enfant Mme [Z] confirmant que son concubin, avec lequel elle a vécu de manière stable, est bien le père de [M], et que depuis sa naissance l'enfant est traité par son entourage comme le fils du défunt.

Sur ce,

L'acte de naissance de l'enfant [M] [Z] ne comporte pas de mention sur sa filiation paternelle.

Dans un document manuscrit daté du 24 juillet 2020, Mme [G] [Z] donne l'autorisation et les pleins pouvoirs à Mme [P] [V] pour engager la reconnaissance de paternité de son fils, qui du fait de son décès le 10 juin 2011, n'a pas pu reconnaître [M] à sa naissance intervenue deux mois plus tard le 4 août 2011.

Le contenu de cette pièce atteste par la mère de l'enfant de la paternité biologique de M. [B] [V].

La production du contrat de bail aux noms de Mme [G] [Z] et de M. [B] [V] désignés comme preneurs conjoints et solidaires d'un logement situé au [Adresse 1] à [Localité 10] à compter du 1er mai 2011 atteste également de la réalité de la vie commune du couple que formaient Mme [G] [Z] et M. [B] [V].

M. et Mme [V] produisent aux débats des photographies sur lesquelles apparaissent Mme [G] [Z] (identifiée grâce à la comparaison avec la photographie figurant sur la copie de sa carte d'identité accompagnant son courrier du 24 juillet 2020), en compagnie d'un homme qu'ils déclarent être leur fils [B].

Ces clichés, non datés, témoignent de la grande proximité du couple, au travers de gestes mutuels d'affection et de tendresse.

Sur un des clichés M. [R] [V] (qui a versé aux débats sa carte nationale d'identité) est présent au coté du jeune couple manifestement très épanoui.

Il convient enfin de relever que sur déclaration du grand-père maternel de l'enfant, M. [K] [Z] le 5 août 2011, [M] a reçu comme second prénom celui de M. [B] [V], suivi du prénom de M. [R] [V] et de celui de [K], en signe d'hommage et de liens évidents avec son père biologique et ses grands-pères.

Ces éléments établissent que [M] [Z] a bien depuis sa naissance la possession d'état de fils de M. [B] [V] au sein de sa famille maternelle qui l'a traité comme tel.

La démarche judiciaire engagée par M. et Mme [V] est donc fondée.

Par suite il y sera fait droit, et le jugement contesté sera infirmé.

Sur le nom de l'enfant

L'article 331 du code civil dispose que : 'Lorsqu'une action est exercée en application de la présente section, le tribunal statue, s'il y a lieu, sur l'exercice de l'autorité parentale, la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant et l'attribution du nom'.

L'article 61-3 du code civil énonce que : 'Tout changement de nom de l'enfant de plus de treize ans nécessite son consentement personnel lorsque ce changement ne résulte pas de l'établissement ou d'une modification d'un lien de filiation.

L'établissement ou la modification du lien de filiation n'emporte cependant le changement du nom de famille des enfants majeurs que sous réserve de leur consentement'.

M. et Mme [V] demandent que le nom patronymique de leur fils soit ajouté à son nom patronymique actuel [Z], sous la forme de [Z] [V].

Sur ce,

La filiation paternelle de l'enfant mineur [M] [Z] âgé de 11 ans étant établie par l'effet de la possession d'état à l'égard de M. [B] [V], il est de son intérêt, pour favoriser la construction de son identité et de sa personnalité, de faire droit à la demande présentée par ses grands-parents paternels.

Par suite il sera dit que le nom patronymique de son père sera ajouté à celui de l'enfant qui s'appellera désormais [M] [Z] [V].

Sur les dépens

L'article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Le ministère public est partie principale à l'instance.

En application des dispositions de l'article R 93 II 11° du code de procédure pénale, les dépens seront laissés à la charge de l'Etat.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement rendu le 9 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Laval en toutes ses dispositions contestées ;

DÉCLARE RECEVABLE l'action en constatation de la possession d'état aux fins d'établir la filiation paternelle entre M. [B] [V] et l'enfant [M] [Z] exercée par M. [R] [V] et Mme [P] [D] épouse [V] ;

CONSTATE la possession d'état de l'enfant [M] [Z] né le 4 août 2011 à [Localité 10] (92) comme étant le fils de M. [B] [V] né le 30 décembre 1981 à [Localité 9] décédé le 10 juin 2011 à [Localité 8] ;

DIT qu'au nom patronymique de l'enfant [M] [Z] né le 4 août 2011 à [Localité 10] (92) sera ajouté celui de [V], et qu'il sera dénommé : [M], [B], [R], [K] [Z] [V] ;

ORDONNE la transcription du présent arrêt sur les registres d'état civil ;

DIT que mention en sera faite en marge de l'acte de naissance de l'enfant ;

LAISSE les dépens de première instance et d'appel à la charge de l'Etat.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

F. BOUNABI M.C. COURTADE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : 1ère chambre section b
Numéro d'arrêt : 21/02187
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;21.02187 ?
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