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25/01/2023 | FRANCE | N°23/00003

France | France, Cour d'appel d'Angers, 1ère chambre section b, 25 janvier 2023, 23/00003


COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ère CHAMBRE B







Ordonnance N°: 3



Ordonnance du Juge des libertés et de la détention du MANS du 12 Janvier 2023



N° RG 23/00003 - N° Portalis DBVP-V-B7H-FDIV



ORDONNANCE

DU 25 JANVIER 2023



Nous, Catherine MICHELOD, Présidente de chambre à la Cour d'Appel d'ANGERS, agissant par délégation du Premier Président en date du 16 décembre 2022, assistée de S. LIVAJA, Greffier,





Statuant sur l'appel formé par :



Monsieur [W]

[B]

né le 18 Mai 1974 à [Localité 6] (33)

[Adresse 4]

[Localité 1]

actuellement hospitalisé à l'EPSM de la Sarthe



Comparante assistée de Me Véronique LEVRARD, avocat au barr...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ère CHAMBRE B

Ordonnance N°: 3

Ordonnance du Juge des libertés et de la détention du MANS du 12 Janvier 2023

N° RG 23/00003 - N° Portalis DBVP-V-B7H-FDIV

ORDONNANCE

DU 25 JANVIER 2023

Nous, Catherine MICHELOD, Présidente de chambre à la Cour d'Appel d'ANGERS, agissant par délégation du Premier Président en date du 16 décembre 2022, assistée de S. LIVAJA, Greffier,

Statuant sur l'appel formé par :

Monsieur [W] [B]

né le 18 Mai 1974 à [Localité 6] (33)

[Adresse 4]

[Localité 1]

actuellement hospitalisé à l'EPSM de la Sarthe

Comparante assistée de Me Véronique LEVRARD, avocat au barreau d'ANGERS, commis d'office,

APPELÉ A LA CAUSE :

Monsieur LE DIRECTEUR DE L'EPSM DE LA SARTHE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Non comparant, ni représenté,

Après débats à l'audience publique tenue au Palais de Justice le 25 Janvier 2023 à 14h30, il a été indiqué que la décision serait prononcée en fin d'après-midi par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCEDURE

Par décision du directeur de l'Etablissement Public de Santé Mentale de la Sarthe, ci-après dénommé EPSM de la Sarthe, du 06 janvier 2023, M. [W] [B], né le 18 mai 1974 à [Localité 6] (33), a été admis en soins psychiatriques sans consentement dans cet établissement en hospitalisation complète sans demande d'un tiers et pour péril imminent.

Cette décision a été prise sur la base d'un certificat dressé le 06 janvier 2023 par le docteur [E], médecin exerçant aux Urgences du Centre Hospitalier du Mans, précisant que les troubles mentaux constatés chez l'intéressé rendent impossible son consentement et justifient, compte tenu du péril imminent, des soins immédiats assortis d'une surveillance constante dans un établissement spécialisé.

Outre le contact avec son père consigné dans le certificat médical du 06 janvier 2023, un relevé de recherche de tiers a été dressé le 07 janvier 2023.

Au vu des certificats médicaux dressés les 07 et 09 janvier 2023 par les docteurs [L] et [T], psychiatres exerçant à l'EPSM de la Sarthe, le directeur d'établissement a décidé le 09 janvier 2023 de maintenir M. [W] [B] en soins psychiatriques contraints sous la même forme de prise en charge.

Par requête datée du 10 janvier 2023, le directeur de l'EPSM de la Sarthe a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire du Mans aux fins de contrôle de la mesure dans les 12 jours de l'hospitalisation en joignant notamment l'avis motivé rédigé à même date par le docteur [T], psychiatre de l'établissement de soins, se prononçant en faveur de la poursuite des soins psychiatriques à temps complet.

Aux termes d'une ordonnance rendue le 12 janvier 2023 après recueil de l'avis écrit du parquet daté du 11, le juge des libertés et de la détention du Mans a maintenu le régime d'hospitalisation complète sans consentement de M. [W] [B].

Par mention manuscrite portée sur le récépissé de réception de notification de l'ordonnance en date du 13 janvier 2023 et adressé le 16 au greffe de la cour d'appel d'Angers, M. [W] [B] a relevé appel de cette décision.

Les parties concernées ont été convoquées à l'audience du 25 janvier 2023 à 14 heures 30 et le dossier communiqué au Ministère Public.

Dans un avis circonstancié daté du 23 janvier 2023 adressé au greffe de la cour et dont il est donné connaissance lors des débats, le docteur [Y]-[V], médecin psychiatre à l'EPSM de la Sarthe, a, au constat de l'état de santé mental de M. [B], jugé nécessaire la poursuite de l'hospitalisation complète sous contrainte.

DEBATS EN CAUSE D'APPEL

A l'audience publique du 25 janvier 2023, M. [W] [B] a été assisté de Maître Levrard, avocate au barreau d'Angers, désignée au titre de la commission d'office en suite de sa demande.

Entendu personnellement sur les motifs de son appel, M. [W] [B] a affirmé qu'il se sent mieux et juge qu'il va 'au mieux'. Il a expliqué que les soucis qu'il a rencontrés depuis 8 mois ont conduit à son internement de façon à se faire soigner mais qu'aujourd'hui et avec la prise du traitement, il a retrouvé un bon équilibre de sorte qu'il se dit prêt à suivre des soins à l'extérieur plus adaptés que le traitement qui lui était prescrit antérieurement par son médecin traitant et ce notamment par des consultations avec un psychologue. Il a expliqué également qu'il est artisan coiffeur depuis 32 ans, désormais à domicile, qu'il doit payer son loyer tandis qu'il perd environ 100 à 150 euros par jour d'hospitalisation et craint de perdre sa clientèle de sorte qu'il doit reprendre son activité. Il a précisé avoir été fragilisé par plusieurs événements : le décès de la compagne de son père survenu brutalement le 14 mai 2022, la séparation avec sa compagne il y a un an, l'accident matériel de la circulation dont il a été victime en juillet 2022, le fait que sa nièce n'ait pas invité son grand-père à son mariage, l'augmentation du coût de l'énergie lié à la guerre en Ukraine, le décès brutal de sa chienne le 04 novembre 2022 ainsi qu'une dispute avec son ex-compagne qui l'avait invité à passer le 31 décembre 2022 chez elle au Mans. Il a insisté sur la fait qu'il se sent aujourd'hui apaisé en admettant qu'avant son admission, il était 'dans un sale état' oscillant entre exaltation et abattement en dépit du traitement prescrit par son médecin sous la forme de neuroleptiques. Il a indiqué avoir déjà été hospitalisé en milieu spécialisé durant 4 jours en 2011 en suite d'un litige prud'hommal dans le cadre de la succursale dont il était manager au Centre commercial de la Beaujoire à [Localité 5] à l'enseigne Franck Provost.

Pour sa part, son conseil n'a formulé aucune observation quant à la procédure qui a été respectée. Sur le fond, elle a souligné que les deux hospitalisations sans consentement de M. [B] en secteur psychiatrique sont liées à des éléments conjoncturels. Elle a insisté sur l'aspect financier relatif à l'activité professionnelle de M. [B], sur la prise de conscience de sa pathologie de bipolarité et sur le fait que son hospitalisation complète actuelle lui a permis de retrouver un apaisement et un rythme de sommeil. Elle a relevé enfin que des discussions entre son client et les psychiatres sont en cours pour envisager une sortie à plus ou moins court terme.

Bien que régulièrement convoqué, M. le directeur de l'EPSM de la Sarthe n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter.

Dans son avis écrit daté du 24 janvier 2023 dont la teneur a été rappelée à l'audience, le Parquet Général a conclu à la recevabilité de l'appel et, au fond, à la confirmation de l'ordonnance entreprise.

SUR QUOI

- Sur la recevabilité de l'appel

Au vu des énonciations détaillées au titre des faits et de la procédure, il sera constaté que l'appel de M. [W] [B] a été relevé dans les formes et délais prévus par les articles R. 3211-18 et R. 3211-19 du code de la santé publique.

Il est donc parfaitement recevable.

- Sur la mesure d'hospitalisation complète

En droit, aux termes de l'article L. 3212-1 I du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1°- ses troubles mentaux rendent impossible son consentement,

2°- son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L 3211-2-1 du dit code.

Aux termes de l'article L 3212-1 II 2° du même code, le directeur d'établissement prononce l'admission lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du présent II et qu'il existe, à la date de l'admission, un péril imminent pour la santé de la personne dûment constaté par un certificat médical émanant d'un médecin extérieur à l'établissement constatant l'état mental de la personne malade, indiquant les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins.

Selon l'article L 3211-12-1 du même code, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement lorsque l'hospitalisation en soins psychiatriques a été prononcée à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent en application de l'article L 3212-1 du dit code, n'ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de 12 jours à compter de l'admission. Cette saisine est accompagnée d'un avis motivé rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète.

Enfin, il est admis que si le juge qui se prononce sur le maintien de l'hospitalisation complète doit apprécier le bien-fondé de la mesure au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, il ne peut substituer son avis à l'évaluation, par les médecins des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

Dans le cas présent, il ressort des pièces détaillées au titre des faits et de la procédure que celle-ci est régulière puisqu'y figure l'ensemble des certificats et avis médicaux légalement exigés de même que les décisions administratives intervenues à ce jour. Aucune contestation n'est d'ailleurs émise sur ce point.

S'agissant de la poursuite de la mesure, il résulte des pièces notamment médicales du dossier que M. [W] [B], âgé de 48 ans, a été admis le 06 janvier 2023 en soins psychiatriques contraints sous le régime de l'hospitalisation complète sur décision du directeur de l'EPSM de la Sarthe pour péril imminent au constat, par un médecin des urgences du centre hospitalier du Mans, d'un trouble bipolaire avec syndrome dépressif majeur en suite d'une tentative d'autolyse dans le contexte d'une rupture thérapeutique avec refus d'adhésion aux soins.

L'impossibilité d'un consentement aux soins et la nécessité de soins sous surveillance constante ont été confirmées par les certificats médicaux dressés dans les 24 et 72 heures de l'admission de M. [W] [B] par deux psychiatres de l'EPSM de la Sarthe ainsi que par l'avis médical motivé et circonstancié dressé en vue de l'audience devant le premier juge.

En effet, dans le certificat de 24 heures, le docteur [L] relève pour l'essentiel que M. [B] dit ne pas se souvenir des faits survenus aux urgences avançant juste un passage à l'acte impulsif, qu'il présente une tendance à projeter sur autrui toutes ses difficultés, qu'il souhaite rentrer à son domicile en disant connaître ses problèmes sans pour autant s'engager dans un réel désir de les régler et en coupant court face aux transmissions des urgences et des inquiétudes de son père en sorte de juger nécessaire de poursuivre les soins et la surveillance, de faire le point avec la famille et éventuellement un point social et le médecin traitant au vu du passage à l'acte, de l'agitation aux urgences et du déni des difficultés.

Le certificat de 72 heures évoque quant à lui un patient peu accessible au raisonnement, tachypsychique, logorrhéique, tenant des propos disgressifs avec une fuite des idées, difficilement canalisable et devant être recentré régulièrement ainsi qu'un défaut de critique de son passage à l'acte suicidaire récent, une banalisations de ses angoisses, l'absence de conscience de son état psychique et le fait de ne pouvoir consentir de façon adaptée aux soins.

L'avis du 10 janvier 2023 conclut pour sa part à la nécessité de poursuivre les soins psychiatriques à temps complet de M. [W] [B] au constat d'une accélération psychique avec logorrhée, une exaltation et une thymie haute non concordante avec les faits récents. Celui-ci est y encore décrit comme peu accessible au raisonnement et sans conscience de son état psychique avec une adhésion aux soins précaire, une absence de critique de son passage à l'acte et ne comprenant toujours pas son hospitalisation.

Tel est encore le sens des constatations médicales actualisées au 23 janvier 2023 qui motivent l'avis transmis conformément à l'article L3211-12-4 du code de la santé publique.

Pour se prononcer en faveur du maintien de la mesure sous la même forme de prise en charge, le docteur [Y]-[V] indique en particulier que M. [W] [B] présente une décompensation psychiatrique avec anosognosie, que la thymie n'est pas stabilisée, que les propos sont inadaptés et que les troubles du raisonnement et du jugement persistent tandis que celui-ci est dans l'incapacité de se saisir des soins nécessaires à son rétablissement,

De tout ce qui précède, il est médicalement caractérisé que les troubles mentaux dont M. [W] [B] est atteint rendent encore impossible son consentement et continuent d'imposer des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante justifiant le maintien de sa prise en charge en soins psychiatriques sans consentement dans le cadre contraint et contenant de l'hospitalisation complète dont la levée s'avère donc prématurée.

Dès lors que l'atteinte portée à l'exercice des libertés constitutionnelles garanties demeure en l'état adaptée, nécessaire et proportionnée à l'état de santé mental de M. [W] [B] et à la mise en oeuvre du traitement qu'il requiert, l'ordonnance déférée sera confirmée.

- Sur les dépens

Conformément aux dispositions des articles R. 93 et R. 93-2 du code de procédure pénale, les dépens seront laissés à la charge de l'Etat.

PAR CES MOTIFS

Le délégué du premier président de la cour d'appel d'Angers, statuant publiquement et par décision réputée contradictoire,

En la forme,

DÉCLARONS l'appel recevable ;

Au fond,

CONFIRMONS l'ordonnance rendue le 12 janvier 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire du Mans ayant maintenu le régime de l'hospitalisation complète sans consentement de M. [W] [B] à l'EPSM de la Sarthe ;

LAISSONS les dépens à la charge de l'État.

LE GREFFIER LE DÉLÉGUÉ

DU PREMIER PRÉSIDENT

S. LIVAJA C. MICHELOD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : 1ère chambre section b
Numéro d'arrêt : 23/00003
Date de la décision : 25/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-25;23.00003 ?
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