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12/12/2022 | FRANCE | N°22/00056

France | France, Cour d'appel d'Angers, 1ère chambre section b, 12 décembre 2022, 22/00056


COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ère CHAMBRE B







Ordonnance N°: 56



Ordonnance du Juge des libertés et de la détention d'ANGERS du 09 Décembre 2022



N° RG 22/00056 - N° Portalis DBVP-V-B7G-FCYQ





ORDONNANCE

DU 12 DECEMBRE 2022





Nous, Catherine MICHELOD, Présidente de chambre à la Cour d'Appel d'ANGERS, agissant par délégation du Premier Président en date du 30 août 2022, assistée de S. LIVAJA, Greffier,





Statuant sur l'appel formé par :

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Monsieur LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

Près le Tribunal judiciaire d'Angers

[Adresse 8]

[Localité 4]



Comparant en la personne de M. Christophe VALISSANT,substitut général près la Cou...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ère CHAMBRE B

Ordonnance N°: 56

Ordonnance du Juge des libertés et de la détention d'ANGERS du 09 Décembre 2022

N° RG 22/00056 - N° Portalis DBVP-V-B7G-FCYQ

ORDONNANCE

DU 12 DECEMBRE 2022

Nous, Catherine MICHELOD, Présidente de chambre à la Cour d'Appel d'ANGERS, agissant par délégation du Premier Président en date du 30 août 2022, assistée de S. LIVAJA, Greffier,

Statuant sur l'appel formé par :

Monsieur LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

Près le Tribunal judiciaire d'Angers

[Adresse 8]

[Localité 4]

Comparant en la personne de M. Christophe VALISSANT,substitut général près la Cour d'appel d'Angers,

APPELÉS A LA CAUSE :

Monsieur [H] [B]

né le 05 Juin 1971 à [Localité 7] (72)

[Adresse 1]

[Localité 4]

actuellement hospitalisé au CESAME

Comparant assisté de Me Jérusalemy substitué par Me Chevalier, avocats au barreau d'Angers, désigné d'office,

Monsieur LE PREFET DE MAINE ET LOIRE

ARS Pays de la Loire-Département des soins sans consentement

[Adresse 2]

[Localité 3]

Monsieur LE DIRECTEUR DU CESAME

centre hospitalier spécialisé

[Adresse 9]

[Localité 5]

Non comparants, ni représentés,

Après débats à l'audience publique tenue au Palais de Justice le 12 décembre 2022 à 10h00, il a été indiqué que la décision serait prononcée le jour même dans l'après-midi par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCEDURE

Par arrêté du Préfet de Maine-et-Loire en date du 10 novembre 2022, M. [H] [B], né le 05 juin 1971 [Localité 7] (72), a été admis en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète au Centre de santé mentale [6] de [Localité 10] en suite d'une ordonnance rendue le 09 novembre 2022 par le président du tribunal correctionnel d'Angers au visa de l'article 706-135 du code de procédure pénale.

En effet, par jugement rendu le 09 novembre 2022, le tribunal correctionnel a, pour l'essentiel, requalifié les faits du 1er au 24 août 2022 de harcèlement moral d'une personne sans incapacité en harcèlement moral d'une personne suivi d'une incapacité supérieure à 8 jours ; dit que M. [H] [B] a commis les faits de harcèlement moral d'une personne sans incapacité, de menace de mort réitérée, d'atteinte à l'intimité de la vie privée par fixation, enregistrement ou transmission de l'image d'une personne et d'harcèlement moral d'une personne suivi d'une incapacité supérieure à 8 jours ; déclaré M. [H] [B] irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits et ordonné l'admission en soins psychiatriques de [H] [B] sous forme d'une hospitalisation complète dans l'établissement figurant sur la liste établie par le directeur général de l'ARS conformément aux dispositions de l'article L 3222-1 du code de la santé publique, afin d'assurer une continuité de la prise du traitement et, selon l'ordonnance rendue ce jour.

Cette décision d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental en application de l'article 122-1 alinéa 1 du code pénal est intervenue sur la base d'un rapport d'expertise psychiatrique dressé le 20 octobre 2022 par le docteur [W] préconisant une injonction de soins sous la forme d'une hospitalisation sous contrainte dans un établissement spécialisé.

Sur la base des certificats médicaux dressés dans les 24 et 72 heures de l'admission de M. [H] [B], précisément les 11 et 13 novembre 2022 par les docteurs [J] et [X], psychiatres exerçant au sein de l'établissement, la mesure d'hospitalisation complète a été maintenue par arrêté préfectoral du 15 novembre 2022.

Par requête enregistrée le 30 novembre 2022, M. [H] [B] a sollicité la main-levée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement sous le régime de l'hospitalisation complète dont il est l'objet.

Ont été transmis l'ensemble des pièces de la procédure notamment médicales en ce compris un avis motivé émis le 06 décembre 2022 par le docteur [R], le certificat mensuel établi par le docteur [R] accompagné d'un programme de soins signé et l'avis du collège d'experts datés du 07 décembre 2022 se prononçant en faveur de la levée de l'hospitalisation complète avec poursuite des soins psychiatriques en ambulatoire sous la forme d'un programme de soins.

Par ordonnance rendue le 09 décembre 2022 après avis non conforme du parquet du 08 décembre 2022, le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire d'Angers a ordonné la main-levée de l'hospitalisation complète de M. [H] [B] et dit que les soins psychiatriques contraints se poursuivront dans le cadre du programme de soins signé par le docteur [R] le 07 décembre 2022.

Le 09 décembre 2022, M. le Procureur de la République d'Angers a relevé appel de cette décision aux motifs que la poursuite de soins par M. [B] est pour le moins hypothétique, que la levée d'hospitalisation est prématurée et que le risque grave d'atteinte à l'ordre public et à la sûreté des tiers doit être pris en compte. A été jointe à cette déclaration d'appel une demande d'effet suspensif de l'exécution de l'ordonnance sus-visée au sujet de laquelle M. [B], à qui elle a été régulièrement notifiée, a présenté des observations écrites formalisant son accord avec la décision entreprise en réitérant son engagement de respecter le programme de soins proposé par le docteur [R] conformément à l'avis du collège d'experts.

Par ordonnance du 10 décembre 2022, le magistrat délégué par le Premier Président de la cour d'appel d'Angers a déclaré recevable le recours du ministère public suspensif de l'exécution de l'ordonnance dont appel et dit qu'il sera statué sur la demande en appel le lundi 12 décembre 2022 à 09 heures 30, la présente ordonnance valant convocation.

Par message électronique daté du 09 décembre 2022 à 17 heures 33, l'Agence Régionale de Santé des Pays de la Loire a transmis l'arrêté préfectoral pris le 09 décembre 2022 au visa du certificat médical établi le 07 décembre 2022 par le docteur [R] et portant maintien de la mesure de soins psychiatriques de M. [B] au Centre Hospitalier Spécialisé de Ste Gemmes sur Loire pour une durée de trois mois à compter du 10 décembre 2022 jusqu'au 10 mars 2023 inclus sous la forme de prise en charge.

Par ailleurs, a été joint au dossier de la procédure, le jugement rendu par le tribunal correctionnel le 09 novembre 2022 ordonnant l'admission en soins psychiatriques de [H] [B] sous forme d'une hospitalisation complète dans l'établissement figurant sur la liste établie par le directeur général de l'ARS conformément aux dispositions de l'article L 3222-1 du code de la santé publique, afin d'assurer une continuité de la prise du traitement et, selon l'ordonnance rendue le même jour.

L'ensemble de ces éléments a été porté à la connaissance des parties présentes préalablement aux débats.

DEBATS EN APPEL

A l'audience du 12 décembre 2022, le représentant du Parquet Général conclut à l'infirmation de l'ordonnance dont appel par le maintien en hospitalisation complète de M. [B]. Il fait valoir qu'il ne peut contredire les avis émis par les médecins mais souligne qu'un précédent programme de soins n'a pas été respecté en septembre, que l'on ignore le contenu du programme de soins sur lequel va se fonder le suivi du patient et qu'il y a un risque d'atteinte à la sécurité d'autrui du fait de la nature des infractions poursuivies.

En sa qualité d'intimé, M. [B], entendu en ses observations, indique qu'il est toujours d'accord avec la mise en place du programme de soins proposé par le psychiatre dans un cadre contraint en faisant observer qu'il a pris le temps de réfléchir à ses actes et que le suivi des soins psychiatriques en ambulatoire lui permettra de poursuivre utilement des démarches administratives notamment de recherche d'un emploi.

Son conseil, Maître Chevalier fait observer que les derniers certificats et avis d'experts -comme d'ailleurs celui de 72 heures qui ne se prononce pas sur le maintien de l'hospitalisation complète- sont clairement en faveur d'un programme de soins et sur l'absence de nécessité d'une poursuite de l'hospitalisation complète. Elle ajoute que ce programme de soins qui a été signé et accepté par M. [B] et qui figure en procédure est parfaitement détaillé. Elle précise que le non-respect de ce programme de soins peut conduire à une réintégration en hospitalisation complète, que même si les actes ont été reconnus par M. [B], celui-ci a été jugé irresponsable sur le plan pénal. Elle a donc conclu à la confirmation de l'ordonnance dont appel.

Bien que régulièrement convoqués, M. le Préfet de Maine-et-Loire et M. le Directeur du CESAME sont absents. La présente décision sera réputée contradictoire.

SUR QUOI

En droit, l'article L 3211-12 du code de la santé publique énonce que le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l'établissement d'accueil peut être saisi, à tout moment, notamment par la personne faisant l'objet de soins, aux fins d'ordonner, à bref délai, la main-levée immédiate d'une mesure de soins prononcée notamment sur décision du représentant de l'Etat.

De même, il résulte de la combinaison des articles L. 3213-1, L. 3211-2-1 et L. 3211-11 du code de la santé publique qu'une personne ne peut être admise et maintenue en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat qu'à la condition qu'il soit constaté qu'elle souffre de troubles mentaux compromettant la sécurité des personnes ou portant gravement atteinte à l'ordre public ; les modalités de sa prise en charge pouvant ensuite être définies sans qu'il soit nécessaire de constater qu'elle a commis de nouveaux actes de nature à compromettre la sécurité des personnes ou à porter atteinte à l'ordre public.

Enfin, il est admis que si le juge qui se prononce sur le maintien de l'hospitalisation complète doit apprécier le bien-fondé de la mesure au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, il ne peut substituer son avis à l'évaluation par les médecins des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

Dans le cas présent, il résulte des énonciations détaillées au titre de l'exposé des faits et de la procédure que figurent au dossier les divers avis et certificats légalement exigés ainsi que les décisions administratives et judiciaires intervenues à ce jour, lesquels comportent les éléments de motivation requis pour apprécier en fait et en droit la poursuite de l'hospitalisation complète. La procédure est donc régulière et aucune contestation n'est émise à cet égard.

S'agissant du bien-fondé de la demande de mainlevée, il résulte des pièces de la procédure notamment médicales que M. [H] [B] a été admis le 10 novembre 2022 en soins psychiatriques contraints sous la forme d'une hospitalisation complète sur décision du représentant de l'Etat en suite d'un jugement d'irresponsabilité pénale prononcé le 09 novembre 2022 dans un contexte de troubles du comportement à type de harcèlement et menaces de mort envers des personnalités publiques dont il s'est dit victime.

Les certificats médicaux dressés dans les 24 et 72 heures de l'admission en milieu spécialisé notamment celui du docteur [J] du 11 novembre 2022 qui se sont prononcés en faveur de la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète ont relevé notamment que M. [B], ayant déjà été hospitalisé sous contrainte, présente un délire paranoïaque franc, en réseau, immuable qu'il ne critique pas avec un discours en boucle sur une 'injustice judiciaire', restant anosognosique ainsi qu'une défiance vis-à-vis du soin même s'il est ajouté qu'il prend son traitement qui a été repris depuis son hospitalisation.

Toutefois, tant l'avis motivé émis le 06 décembre 2022 par le docteur [R] que le certificat mensuel établi par le même praticien le 07 décembre 2022 ainsi que l'avis du collège d'experts daté du 07 décembre 2022 sont clairement favorables à la levée de l'hospitalisation complète avec poursuite des soins psychiatriques de M. [B] sous la forme d'un programme de soins.

Il est noté en particulier que si l'intéressé présente le même contact et le même discours que lors des précédentes hospitalisations et lors des entretiens de suivi ambulatoires et que les propos à tonalité persécutive signent une symptomatologie enkystée, immuable, non améliorée par les prises en charge médicales hospitalières ou ambulatoires, non aggravé dans les périodes de rupture des soins, il n'est pas observé actuellement de signe de décompensation aïgue ni d'aggravation des comportements délictueux, que l'intéressé n'exprime aucun désir de vengeance, aucune vélléité hétéro-agressive tandis que son action se fait sur le mode de la dénonciation et non de la menace. Il y est ajouté que, face aux conséquences de ses actions, M. [B] exprime aujourd'hui sa volonté de se maintenir à distance de ses persécuteurs désignés afin d'éviter toute nouvelle procédure, qu'il se montre en confiance avec l'équipe de soins et prêt à poursuivre les soins en ambulatoire sous la forme d'un programme de soins en sorte de conclure que l'état de santé actuel de ce patient n'apparaît pas présenter à ce jour de danger pour la sécurité des personnes.

Les éléments médicaux ainsi reproduits concordent donc pour établir que si M. [B] souffre toujours de troubles mentaux rendant impossible son consentement et que son état mental continue d'imposer des soins immédiats, ceux-ci justifient désormais non plus une surveillance constante dans le cadre d'une hospitalisation complète mais une surveillance médicale régulière selon les modalités strictement définies au programme de soins qui figure bien en annexe du certificat médical signé en ce sens par le docteur [R] le 07 décembre 2022 et accepté par M. [B], encore en cause d'appel.

Sauf à dénaturer les avis médicaux récents ainsi motivés, c'est donc à raison que le juge des libertés et de la détention a, faisant droit à la requête de M. [H] [B], ordonné la main-levée de la mesure d'hospitalisation complète prononcée en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale et dit que les soins psychiatriques contraints se poursuivront dans le cadre du programme de soins annexé au certificat médical dressé en ce sens par le docteur [R] le 07 décembre 2022, lequel a été accepté et signé par le patient ; étant observé que la levée de l'hospitalisation complète n'est pas ici subordonnée au recueil des deux expertises prévue à l'article L 3211-12, II du code de la santé publique compte tenu du quantum de la peine encourue à raison de la nature des faits poursuivis.

La décision dont appel sera donc confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Le délégué du premier président, statuant publiquement et par décision réputée contradictoire,

Vu l'ordonnance rendue le 10 décembre 2022 ;

CONFIRMONS en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention d'Angers du 09 décembre 2022 ;

LAISSONS les dépens à la charge de l'Etat.

LE GREFFIER LE DÉLÉGUÉ

DU PREMIER PRÉSIDENT

S. LIVAJA C. MICHELOD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : 1ère chambre section b
Numéro d'arrêt : 22/00056
Date de la décision : 12/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-12;22.00056 ?
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