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30/11/2022 | FRANCE | N°20/01588

France | France, Cour d'appel d'Angers, 1ère chambre section b, 30 novembre 2022, 20/01588


COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ERE CHAMBRE SECTION B







LP/CG

ARRET N°



AFFAIRE N° RG 20/01588 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EXID



du 17 Juillet 2020

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LAVAL

n° d'inscription au RG de première instance : 19/00469







ARRET DU 30 NOVEMBRE 2022



APPELANTE :



Mme [S] [U] épouse [P]

née le 28 Septembre 1968 à [Localité 9] (GABON)

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Eric CE

SBRON de la SELARL BFC AVOCATS, avocat postulant au barreau de LAVAL - N° du dossier 22000511 et par Me Josias FRANCOIS, avocat plaidant au barreau de PARIS



INTIME :



M. [O] [P]

né le 23 Juillet 1972 à [Locali...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ERE CHAMBRE SECTION B

LP/CG

ARRET N°

AFFAIRE N° RG 20/01588 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EXID

du 17 Juillet 2020

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LAVAL

n° d'inscription au RG de première instance : 19/00469

ARRET DU 30 NOVEMBRE 2022

APPELANTE :

Mme [S] [U] épouse [P]

née le 28 Septembre 1968 à [Localité 9] (GABON)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric CESBRON de la SELARL BFC AVOCATS, avocat postulant au barreau de LAVAL - N° du dossier 22000511 et par Me Josias FRANCOIS, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIME :

M. [O] [P]

né le 23 Juillet 1972 à [Localité 6] (53)

[Adresse 2]

[Localité 11]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/000611 du 10/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'ANGERS)

Représenté par Me Claire PENARD de la SCP PENARD CLAIRE, avocat au barreau de LAVAL

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue en chambre du conseil, à l'audience du 22 Septembre 2022, Mme PARINGAUX, conseillère ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :

Mme COURTADE, présidente de chambre

Mme BUJACOUX, conseillère

Mme PARINGAUX, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme BOUNABI

Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public qui a fait connaître son avis

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 30 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Marie-Christine COURTADE, présidente de chambre et par Florence BOUNABI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

M. [O] [P], qui est de nationalité française, et Mme [S] [U], qui est de nationalité gabonaise, se sont mariés le 23 mai 2015 devant l'officier d'état civil de la commune de [Localité 3] (92). Aucun enfant n'est issu de cette union.

Mme [U] a une fille, [K], née le 11 juin 2006 d'une précédente relation.

Par acte d'huissier de justice du 18 octobre 2019, M. [P] a assigné Mme [U] devant le tribunal de grande instance de Laval aux fins de voir prononcer la nullité du mariage.

Il a sollicité également la condamnation de son épouse au paiement de la somme de 800 euros en réparation de son préjudice moral, au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Le 18 février 2020 le ministère public a émis un avis tendant à accueillir la demande en nullité du mariage formée par M. [P].

Bien que régulièrement assignée, Mme [U] n'a pas constitué avocat.

Par jugement du 17 juillet 2020, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Laval a :

- annulé le mariage célébré le 23 mai 2015, par devant l'officier d'état civil de la ville de [Localité 3], entre : M. [O] [P] né le 23 juillet 1972 à [Localité 6] (53) et Mme [S] [U] née le 28 septembre 1968 à [Localité 9] (Gabon) ;

- ordonné la mention du présent jugement en marge de l'acte de mariage susvisé, de l'acte de naissance de M. [P] et au répertoire spécial tenu par le service central de l'Etat civil à [Localité 8] en ce qui concerne l'acte de naissance de Mme [U] ;

- débouté M. [P] de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamné Mme [U] à payer à M. [P] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [U] aux entiers dépens.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour d'appel d'Angers le 17 novembre 2020, Mme [U] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a " annulé le mariage célébré le 23 mai 2015, par devant l'Officier d'état civil de la ville de [Localité 3] entre : M. [P] né le 23 juillet 1972 à Ernée et Mme [U] née le 28 septembre 1968 à [Localité 9] au Gabon ; ordonné la mention du jugement en marge de l'acte de mariage, de l'acte de naissance de M. [P] et au répertoire spécial tenu par le service central de l'Etat civil à [Localité 8] en ce qui concerne l'acte de naissance de Mme [U] ; condamné Mme [U] à payer à M. [P] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné Mme [U] aux entiers dépens'.

Par avis du 15 octobre 2021, le procureur général près la cour d'appel d'Angers s'est prononcé en faveur de la recevabilité de l'appel, et sur le fond, en l'absence de communication des pièces, s'en est rapporté à justice.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 août 2022, l'affaire étant fixée pour plaidoiries à l'audience du 22 septembre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 12 février 2021, Mme [U] demande à la cour de :

- annuler le jugement contesté en ce qu'il :

* annule le mariage célébré le 23 mai 2015, par-devant l'officier d'état civil de la Ville de [Localité 3], entre : M. [O] [P], né le 23 juillet 1972 à [Localité 6] et Mme [S] [U], née le 28 septembre 1968 à [Localité 9] au Gabon ;

* ordonne la mention du présent jugement en marge de l'acte de mariage susvisé, de l'acte de naissance de M. [P] et au répertoire spécial tenu par le service central de l'état civil à [Localité 8] en ce qui concerne l'acte de naissance de Mme [U] ;

* condamne Mme [U] à payer à M. [P] la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamne Mme [U] aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau,

- prononcer le divorce pour faute aux torts exclusifs de M. [P] ou renvoyer au tribunal judiciaire compétent afin qu'il prononce le divorce pour faute aux torts exclusifs de M. [P] pour violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune, en application de l'article 242 du code civil ;

- condamner M. [P] à verser à la concluante la somme de 15 000 euros au titre de l'article 1240 du code civil, en réparation du préjudice subi ;

- condamner M. [P] à verser à la concluante la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [P] aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 10 mai 2021, M. [P] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Laval le 17 juillet 2020 en ce qu'il a :

* annulé le mariage célébré le 23 mai 2015 par devant l'officier d'état civil de la ville de [Localité 3] entre M. [O] [P] et Mme [S] [U] ;

* ordonné la mention du présent jugement en marge de l'acte de mariage ;

* condamné Mme [U] à payer à M. [P] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné Mme [U] aux entiers dépens ;

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Laval le 17 juillet 2020 en ce qu'il a débouté M. [P] de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamner en conséquence Mme [U] à verser à M. [P] la somme de 800 euros au titre de son préjudice moral ;

- condamner Mme [U] à verser à M. [P] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [U] aux entiers dépens.

Pour un exposé plus ample des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions sus visées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le défaut de procès équitable et de respect du contradictoire

L'article 562 du code procédure civile dispose que: ' l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible'.

Mme [U] demande l'annulation du jugement.

Elle expose n'avoir pas pu bénéficier du principe du contradictoire devant le premier juge, puisque tous les actes de procédure ont été adressés au domicile de son époux en Mayenne, et qu'elle n'a jamais été informée de la procédure engagée par M.[P].

Dans ces conditions elle sollicite l'annulation par la cour d'appel du jugement rendu le 17 juillet 2020 par le juge aux affaires familiales de Laval pour violation du droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'homme (CEDH) et le non respect du principe du contradictoire posé par les articles 14 et 16 du code de procédure civile.

M. [P] estime totalement infondée cette demande, rappelant qu'il a fait assigner Mme [U] à la dernière adresse qu'il lui connaissait à compter de 2017, et qu'un procès-verbal de recherches infructueuses a été régulièrement dressé par l'huissier de justice témoignant des recherches qu'il a menées pour la localiser.

Sur ce,

L'assignation que M. [P] a chargé la SCP Dechaintre-Montembault, huissiers de justice associés à Laval (53), de délivrer à Mme [U] a donné lieu le 18 octobre 2019 à un procès-verbal de recherches infructueuses en application des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile.

Il résulte des mentions de ce procès-verbal que M. [P] a communiqué à l'huissier sa propre adresse en Mayenne, celle du domicile conjugal, mais en lui signalant expressément qu'elle était la dernière adresse connue de son épouse et qu'elle y recevait encore du courrier postal.

Or à cette époque les parties se rejoignent dans leurs écritures sur le fait qu'il n'y avait plus de communauté de vie entre elles, et M. [P] verse aux débats deux courriers postaux, un personnel affranchi le 9 novembre 2017 et un officiel affranchi le 23 avril 2018, destinés à son épouse reçus à l'adresse du domicile conjugal en Mayenne, preuve qu'elle n'avait pas déclaré une autre adresse aux tiers.

Il n'est donc pas démontré que M. [P] aurait délibérément caché des informations en sa possession utiles à l'huissier de justice et contemporaines à son intervention sur l'adresse de son épouse ou sur son lieu de travail.

D'autre part l'huissier dispose d'une totale autonomie pour accomplir sa mission, quelques soient les renseignements fournis par son client.

En l'espèce l'huissier décrit les nombreuses investigations qu'il a réalisées pour tenter de remettre l'assignation à Mme [U] (contact avec les services de la mairie, recherches sur internet, notamment sur les pages blanches) et qui lui ont permis de trouver un numéro de téléphone aux prénom et nom patronymique de Mme [S] Moulombi qu'il a essayé de contacter sans succès malgré le message vocal laissé sur son répondeur l'invitant à contacter son étude le plus rapidement possible.

L'huissier a en outre identifié une '[S] [P]' sur le réseau social Facebook dont le profil correspondait à celui de l'épouse de M. [P], habitant à [Localité 10], corroborant sa précédente identification.

C'est dans ce contexte que l'huissier de justice a régulièrement dressé un procès-verbal de recherches infructueuses conformément aux dispositions de l'article 659 du code de procédure civile.

Le moyen de nullité invoqué par Mme [U] selon lequel M. [P] aurait délibérément fourni des renseignements erronés ou incomplets à l'huissier de justice pour ne pas que la partie adverse soit présente à l'instance devant le juge aux affaires familiales de Laval n'est donc pas fondé.

Sur la nullité du mariage

L'article 146 du code civil dispose que: ' il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement'.

Mme [U] soutient qu'elle a contracté un authentique mariage avec M. [P] et non un mariage factice dans le seul but d'obtenir la nationalité française comme il le prétend.

Elle indique avoir rencontré son futur époux en 2014, lors d'un culte protestant qu'elle animait à [Localité 7], alors qu'elle avait déjà à cette époque un titre de séjour de 10 ans, ainsi qu'un travail et un logement à [Localité 3].

Mme [U] explique que le couple a décidé de fixer le domicile conjugal à [Localité 3], pour qu'elle puisse poursuivre son activité professionnelle dans la région parisienne, tout en acceptant sans difficulté de se rendre au domicile personnel de M. [P] situé en Mayenne notamment en période de vacances.

Mme [U] argue de ce qu'elle disposait de son autonomie financière au moment de son mariage, dont elle a d'ailleurs payé les frais avec ses parents, et qu'elle se contentait et se contente toujours de son statut de résident sur le territoire national, n'ayant jamais sollicité ni même préparé un début de dossier de demande de nationalité française.

Mme [U] explique qu'en réalité le pasteur ayant célébré leur mariage religieux, [D] [C], a pris le contrôle de M. [P] pour l'éloigner d'elle, et qu'il s'en est suivi un conflit entre les époux, M. [P] décidant de retourner vivre seul en Mayenne.

Mme [U] indique qu'elle est tombée malade en décembre 2016, a été prise en charge par le centre hospitalier de [Localité 5], a été en arrêt maladie jusqu'au 2 février 2017, sans jamais recevoir le moindre soutien affectif ou financier de son époux, tandis qu'elle a scrupuleusement respecté ses devoirs et obligations d'épouse.

Elle fait état de deux déplacements en Mayenne en juillet et septembre 2017 au cours desquels elle a tenté de rejoindre son mari avec sa fille [K], inscrite en Mayenne pour la rentrée scolaire, mais sans succès du fait du refus de ce dernier, qui malgré l'intervention de la police et des pompiers le 4 septembre 2017 lui a signifié qu'elle n'était pas la bienvenue.

Depuis elle déplore ne plus avoir eu que de rares conversations téléphoniques avec M. [P], et que c'est à l'occasion de l'une d'entre elles qu'il lui a appris que leur mariage avait été annulé par le juge aux affaires familiales de Laval.

M. [P] considère qu'il a été trompé par Mme [U] sur ses réelles intentions matrimoniales et que son consentement au mariage a été vicié.

Il indique qu'il a épousé sa femme, après six mois de relation, à la demande insistante de cette dernière, qui dès l'origine de leur relation n'avait de cesse de questionner sa future belle-soeur sur la durée de vie commune exigée pour pouvoir faire une demande en vue d'obtenir la nationalité française, et qui n'est jamais venue ensuite s'installer avec lui en Mayenne comme cela avait été prévu, ne venant lui rendre visite que 2 ou 3 week-ends par an.

M. [P] conteste que le pasteur [C] ait eu un rôle néfaste dans son couple, et souligne que s'il a lui éprouvé des sentiments sincères envers Mme [U], celle-ci a radicalement changé d'attitude à son égard dès le lendemain de la célébration du mariage civil, déclarant sans son accord l'adresse du couple en région parisienne.

Il indique qu'ayant compris les réelles intentions de son épouse, obtenir la nationalité française via le mariage avec un français, il a décidé de mettre un terme à cette union , malgré les tentatives à deux reprises de Mme [U] en 2017 de 'débarquer' en Mayenne.

M. [P] mentionne dans ses écritures que 'les 16 années' qui les séparent et la jeunesse de Mme [U] ont été des atouts dont elle a su jouer pour parvenir à ses fins et le tromper, l'amenant à se marier sans jamais avoir eu l'intention d'assumer ses devoirs conjugaux ou d'entamer une vie commune.

Sur ce,

L'article 146 du code civil subordonne la validité du mariage au consentement des époux. Il est par ailleurs de jurisprudence constante de la Cour de cassation que le mariage est nul, faute de consentement, lorsque les époux ou l'un d'eux, ne se sont prêtés à la cérémonie qu'en vue d'atteindre un résultat étranger à l'union matrimoniale.

Il appartient à M. [P], qui conteste la validité du mariage, en application des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, de rapporter la preuve de l'absence d'intention matrimoniale de Mme [U].

L'attestation en date du 20 avril 2017 de Mme [B] [T], soeur de M. [P], produite aux débats,énonce que: ' je me souviens d'un fait étrange arrivé peu avant le mariage de [O] et [S]. [S] m'a questionné: comment fait-on pour avoir la nationalité française ' Je lui ai répondu : il me semble qu'il faut 4 ans de vie commune et la 5ème année on peut demander la nationalité française. Elle m'a répondu en colère: mais je n'attendrai jamais tout ce temps! Ah ça non! Sais- tu comment j'ai réussi à obtenir mon logement sur [Localité 10] ' Je venais tous les jours au service de la préfecture. Je faisais des scènes pour faire bouger le préfet. Je suis connue par le préfet ! Ils ont fini par me donner mon logement ! On rigolait bien avec ma copine ! Maintenant ils ne peuvent plus rien !; J'étais interloquée. J'écoutais, je ne disais rien. Je ne suis pas d'accord avec ses méthodes.'

Par ailleurs les attestations de Mme [T], de son époux M. [E] [T], de la mère de M. [P], Mme [X] [P] et d'un ami de M. [P], M. [N] [Y] sont convergentes pour témoigner de l'absence de vie commune du couple, l'époux vivant en Mayenne et l'épouse à [Localité 3], hormis deux ou trois week-end par an et pendant les mois d'août, entre leur mariage en mai 2015 et 2016, au cours desquels ' [S] aime venir en vacances dans la maison de [O], accompagnée de ses amies, famille et relations'.

Les attestations des proches de M. [P] accréditent donc son argumentaire selon lequel Mme [U] était animée de l'intention d'obtenir rapidement la nationalité française par son mariage avec un ressortissant français et que notoirement le couple ne partageait aucune communauté de vie réelle hormis des séjours très ponctuels et en pure villégiature de l'épouse chez son époux.

Les attestations d'amis versées aux débats par Mme [U], pour celles écrites de manière manuscrite dans le respect des conditions de forme posées par l'article 202 du code de procédure civile ( pièces numéros 19,21,23,26,27,32,33), font état du bonheur perceptible des deux époux lors de leur mariage religieux le 4 juillet 2015, comme des qualités morales de l'épouse.

Cependant aucune ne vient invalider la teneur univoque des propos que Mme [U] a tenu à sa future belle-soeur avant le mariage, selon l'attestation sur l'honneur de cette dernière.

Le fait que Mme [U] justifie avoir exercé une activité professionnelle propre à lui fournir des ressources autonomes de vie, disposer d'un appartement loué à [Localité 3] depuis le 12 octobre 2004 , ainsi que d'un titre de séjour en cours de validité au moment de son mariage et renouvelé le 28 avril 2019 jusqu'au 28 avril 2029, n'est pas antinomique avec sa volonté, clairement exposée à sa future belle-soeur antérieurement à son mariage, d'utiliser son union avec M. [P] pour faciliter son obtention de la nationalité française.

Mme [U] justifie avoir été hospitalisée une semaine, du 20 décembre au 27 décembre 2016 au service de chirurgie digestive et viscérale de l'hôpital [4] de [Localité 5] et avoir ensuite bénéficié d'un arrêt de travail du 27 décembre 2016 au 2 février 2017. Néanmoins elle ne peut arguer de cette courte période d'indisponibilité, un mois et demi, pour se rendre en Mayenne chez son époux, pour justifier de l'absence totale de vie commune entre les deux époux observée par tous les proches de M. [P] et qui n'est d'ailleurs pas contredite par les proches de Mme [U].

La main courante déposée le 5 septembre 2017 à la police de [Localité 7] par Mme [U] ne fait que reprendre sa version des faits quant au refus opposé la veille par son époux de la laisser entrer à son domicile à [Localité 11] (53), refus d'ailleurs non contesté par ce dernier, sans apporter d'éléments objectifs probants sur la réalité de la vie conjugale qu'elle allègue avoir eu avec lui.

D'autre part la plainte que Mme [U] a fait déposer par l'intermédiaire de son conseil auprès du procureur de la République de Nanterre le 30 décembre 2020 pour dénoncer 'les délits de dénonciation calomnieuse et d'escroquerie' commis par M. [P], n'a à ce jour aboutie à aucune condamnation pénale de M. [P] ou des personnes qui ont témoigné pour lui dans la procédure notamment sa soeur Mme [T].

L'ensemble de ces éléments démontre que Mme [U] n'était animée par aucune volonté matrimoniale quant elle s'est unie à M. [P] le 23 mai 2015 à [Localité 3], poursuivant un but étranger à la finalité du mariage, à savoir lui faciliter l'obtention plus rapide de la nationalité française par son union avec un citoyen français.

Par suite il est fondé d'annuler le mariage contesté, et le jugement rendu par le juge aux affaires familiales de Laval sera confirmé de ce chef.

L'examen de la demande reconventionnelle présentée par Mme [U] tendant à obtenir le prononcé du divorce pour faute aux torts exclusifs de son époux, ou le renvoi au tribunal judiciaire compétent pour qu'il le prononce, est devenue sans objet compte tenu de l'annulation confirmée du mariage en cause d'appel.

Sur les dommages et intérêts

L'article 1240 du code civil énonce que: ' tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel est arrivé à le réparer'.

M. [P] demande l'indemnisation du préjudice moral qu'il a subi par la condamnation de Mme [U] à lui verser une somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts.

Il explique s'être véritablement investi dans sa relation avec son épouse, en étant sincèrement amoureux, et désirant fonder rapidement une famille. Aussi il fait état de sa profonde désillusion lorsque les mois passant il n'a pu que constater le désintérêt manifeste de son épouse, et que l'attrait qu'elle avait pu éprouver pour lui n'était pas envers sa personne mais sa nationalité.

M. [P] se décrit comme profondément affecté par cet échec, ainsi que par la manipulation et l'abus dont il a été la victime.

Mme [U] a contesté la pertinence de la décision d'annulation du mariage, mais n'a pas développé d'argumentation particulière sur la demande d'indemnisation présentée par M. [P].

Sur ce,

Dans son attestation du 20 avril 2017 Mme [B] [T], soeur de M. [P], relate que Mme [U] lui a clairement manifesté son intention d'obtenir rapidement la nationalité française, en se mariant, et son absence de scrupules pour parvenir avec le renfort de manoeuvres (' des scènes') à obtenir ordinairement ce qu'elle convoitait d'important.

Mme [T] décrit également son frère comme souffrant de cette situation, se sentant trompé, abusé et trahi.

M. [Y] ami de longue date de M. [P] a indiqué dans son attestation qu'il ne semblait ni heureux ni épanoui dans son mariage.

Par ailleurs les attestations produites par ses proches décrivent M. [P] comme sincèrement animé par le désir de mettre fin à sa solitude, et en filigrane comme étant d'un tempérament plus effacé que son épouse. M. [T] a témoigné de ce que dès la rencontre de son beau-frère avec Mme [U], il avait été question de mariage, bien que M. [P] ait demandé encore un mois de réflexion avant de se décider, car il l'a trouvait 'avec beaucoup de tempérament' , mais qu'elle n'en avait pas tenu compte et au contraire avait précipité le mariage.

Ces éléments accréditent l'existence d'un ascendant moral de Mme [U] sur son futur époux dont elle a usé à son préjudice.

En revanche s'il existe une légère différence d'âge entre les époux, 4 ans, c'est l'époux qui est plus jeune que son épouse. M. [P] ne peut donc faire état de manipulations ou manoeuvres liées à l'attrait de sa jeunesse dont aurait pu user à son endroit Mme [U].

Aussi le préjudice moral subi par M. [P] du fait des agissements de Mme [U] pour l'amener à contracter un mariage fictif sera indemnisé par une somme de 300 euros.

La demande de dommages et intérêts présentée par Mme [U] est sans objet, sa demande en divorce l'étant également.

Sur les frais et dépens

Mme [U] a succombé en première instance, c'est donc à bon droit qu'elle a été condamnée à payer à M. [P] une indemnité de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

Le jugement contesté de ces chefs sera confirmé.

Mme [U] succombe en appel , elle sera par suite condamnée à verser à M. [P] une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

REJETTE le moyen de nullité soulevé par Mme [S] [U] ;

CONFIRME le jugement rendu le 17 juillet 2020 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Laval en ses dispositions contestées sauf en ce qui concerne le débouté de la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral présentée par M. [O] [P] ;

Statuant de nouveau de ce seul chef,

CONDAMNE Mme [S] [U] à payer à M. [O] [P] la somme de trois cent euros (300 euros) à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi ;

CONDAMNE Mme [S] [U] à payer à M. [O] [P] une somme de deux mille euros (2 000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [S] [U] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

F. BOUNABI M-C. COURTADE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : 1ère chambre section b
Numéro d'arrêt : 20/01588
Date de la décision : 30/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-30;20.01588 ?
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