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30/11/2022 | FRANCE | N°19/00026

France | France, Cour d'appel d'Angers, 1ère chambre section b, 30 novembre 2022, 19/00026


COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ERE CHAMBRE SECTION B







MCC/IM

ARRET N°



AFFAIRE N° RG 19/00026 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EN5M



Jugement du 02 Novembre 2018

Juge aux affaires familiales de Saumur

n° d'inscription au RG de première instance : 17/00155





ARRET DU 30 NOVEMBRE 2022



APPELANTE :



Mme [M] [S] [T] [F]

née le 08 Juillet 1961 à NANCY (54000)

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Jean DENIS de la SELAFA CH

AINTRIER AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS, et par Me Claire LANCELIN, avocat plaidant au barreau de DIJON



INTIME :



M. [B] [L] [Z] [V]

né le 14 Novembre 1960 à DIJON (21000)

[Adresse 2]

...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ERE CHAMBRE SECTION B

MCC/IM

ARRET N°

AFFAIRE N° RG 19/00026 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EN5M

Jugement du 02 Novembre 2018

Juge aux affaires familiales de Saumur

n° d'inscription au RG de première instance : 17/00155

ARRET DU 30 NOVEMBRE 2022

APPELANTE :

Mme [M] [S] [T] [F]

née le 08 Juillet 1961 à NANCY (54000)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean DENIS de la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS, et par Me Claire LANCELIN, avocat plaidant au barreau de DIJON

INTIME :

M. [B] [L] [Z] [V]

né le 14 Novembre 1960 à DIJON (21000)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Diane BARON de la SELARL LEXCAP, avocat postulant au barreau de SAUMUR, et par Me Jérôme CASEY, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 22 Septembre 2022, Mme COURTADE, présidente de chambre ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :

Mme COURTADE, présidente de chambre

Mme MICHELOD, présidente de chambre

Mme BUJACOUX, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme BOUNABI

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 30 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Marie-Christine COURTADE, présidente de chambre, et par Florence BOUNABI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [M] [F] et M. [B] [V] se sont mariés le 27 mars 1982 devant l'officier d'état civil de la commune de [Localité 8] (21) sans contrat de mariage préalable.

Par jugement du 16 janvier 2003, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Dijon a prononcé le divorce des époux et ordonné la liquidation et le partage du régime matrimonial, désignant pour y procéder le président de la chambre des notaires du Doubs ou son délégataire. Le jugement de divorce n'a pas été signifié.

Les époux ont repris la vie commune postérieurement et fait l'acquisition d'un terrain à bâtir au lieu dit '[Adresse 5]) selon acte notarié du 30 octobre 2009. Ils y ont fait édifier une maison d'habitation financée au moyen de cinq prêts.

Par jugement du 25 février 2016, après ordonnance de non conciliation du 5 décembre 2012, sur saisine de Mme [F], le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Besançon a constaté que les parties étaient déjà divorcées.

Selon acte notarié en date du 28 mai 2016, le bien immobilier a été vendu au prix de 283 000 euros. Le prix de la vente, déduction faite du solde des crédits, soit 190 281,58 euros a été consigné entre les mains du notaire instrumentaire.

Par acte d'huissier de justice du 15 février 2017, Mme [F] a attrait M.[V] devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Saumur, pour ordonner le partage de la masse active de l'indivision.

Par jugement du 2 novembre 2018, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Saumur a notamment :

- ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de l'indivision existant entre Mme [F] et M. [V] ;

- désigné pour ce faire Maître [J] [U] notaire à [Localité 6], pour y procéder avec faculté de faire application des dispositions de l'article 841-1 du code civil ;

- dit que M. [V] détient une créance contre l'indivision post communautaire de :

' 10 733,95 euros au titre du financement du terrain avec le PEL n° 5052027296T ;

' 4 704,02 euros au titre du financement du terrain avec le livret A n° 095016600L ;

' 64 023, 41 euros au titre du financement du terrain avec le PEL n° 6353000078T ;

' 5 846,37 euros au titre du remboursement anticipé de trois des cinq emprunts souscrits pour financer la construction de la maison indivise ;

' 98 139,13 euros au titre du remboursement des échéances des cinq emprunts souscrits ;

- rejeté les autres demandes ;

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation et de partage.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour d'appel d'Angers le 3 janvier 2019, Mme [F] a interjeté appel de cette décision en ce qu'il est dit que M. [V] dispose d'une créance à l'égard de l'indivision post communautaire.

Suivant conclusions déposées le 20 juin 2019, M. [V], qui a constitué avocat le 28 janvier 2019, a formé appel incident du jugement du 2 novembre 2018 en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité d'occupation.

Par arrêt avant dire droit en date du 21 octobre 2021, la cour a ordonné la réouverture des débats pour inviter les parties à faire valoir leurs observations sur une évolution de la jurisprudence de la cour de cassation postérieure à la clôture des débats.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 22 août 2022, l'affaire étant de nouveau fixée pour plaidoiries à l'audience du 22 septembre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 8 juin 2022, Mme [F] demande à la présente juridiction de :

Vu les articles 815 et suivants du Code Civil,

- dite et juger l'appel de Mme [F] recevable et bien fondé ;

En conséquence,

- réformer le jugement rendu le 2 novembre 2018 en ce qu'il a dit que M. [V] est créancier envers l'indivision post-communautaire d'une somme de 183 446,88 euros ;

Statuant à nouveau,

- dire et juger que la masse active de l'indivision sera composée du solde du produit de la vente du bien immobilier sis [Adresse 5] (25), déduction faite du remboursement des prêts et des frais, pour une valeur de 190 281,58 euros ;

- dire et juger que Mme [F] sera attributaire de la somme de 95 140,79 euros représentant la moitié du produit de la vente du bien immobilier sis [Adresse 5] (25), déduction faite du remboursement des prêts ;

- dire et juger que M. [V] sera attributaire de la somme de 95 140,79 euros représentant la moitié du produit de la vente du bien immobilier sis [Adresse 5] (25), déduction faite du remboursement des prêts ;

A titre principal,

- dire et juger que la demande de M. [V] au titre de l'indemnité d'occupation est irrecevable ;

- En conséquence l'en débouter ;

Subsidiairement,

- débouter M. [V] de sa demande d'indemnité d'occupation ;

- renvoyer les parties devant Maître [J] [U], notaire liquidateur, pour qu'il soit procédé au partage définitif au vu des dispositions du jugement à intervenir ;

- débouter M.[V] de ses demandes plus amples ou contraires ;

- condamner M. [V] au paiement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire et juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 17 novembre 2021, M. [V] demande à la présente juridiction de :

- juger M. [V] recevable et bien fondé en son appel incident ;

- débouter Mme [F] de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires ;

En conséquence,

Sur l'appel principal,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que M. [V] détient contre l'indivision post-communautaire :

- 10 773,95 euros au titre du financement du terrain avec le PEL n° 5052027296T ;

- 4 704,02 euros au titre du financement du terrain avec le livret A n° 095016600L ;

- 64 023,41 euros au titre du financement du terrain avec le PEL n° 6353000078T ;

Et statuant à nouveau de ce chef :

- juger que M. [V] détient trois créances contre Mme [F] sur le fondement de l'article 1303 du code civil au titre du financement du terrain sis au [Adresse 7] ;

En conséquence,

- condamner Mme [F] à payer à M. [V] :

- 5 366,98 euros au titre du financement du terrain avec le PEL n° 5052027296T ;

- 2 352,11 euros au titre du financement du terrain avec le livret A n° 095016600L ;

- 32 011,70 euros au titre du financement du terrain avec le PEL n° 6353000078T ;

Soit un total de 39 730,69 euros ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que M. [V] détient contre l'indivision post-communautaire :

- une créance de 5 846,37 euros au titre du remboursement anticipé de 3 des 5 emprunts souscrits pour financer la construction de la maison indivise ;

- une créance de 98 139,13 euros au titre du remboursement des échéances des 5 emprunts souscrits ;

Sur l'appel incident

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande d'indemnité d'occupation à l'encontre de Mme [F] ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- rejeter la fin de non-recevoir soulevée par Mme [F], tirée de la prescription, en raison d'une cause de suspension de la prescription ;

En conséquence,

- condamner Mme [F] au paiement de la somme de 12 600 euros au profit de l'indivision post-communautaire au titre de l'indemnité d'occupation due pour la jouissance exclusive de l'ancien immeuble indivis entre le mois d'août 2011 et le mois de novembre 2012 ;

A titre subsidiaire,

- constater que M. [V] a interrompu la prescription par ses conclusions signifiées le 18 février 2015 ;

En conséquence,

- condamner Mme [F] au paiement de la somme de 12 600 euros au profit de l'indivision post-communautaire au titre de l'indemnité d'occupation due pour la jouissance exclusive de l'ancien immeuble indivis entre le mois d'août 2011 et le mois de novembre 2012 ;

A titre infiniment subsidiaire,

- constater que la prescription n'a pas pu atteindre les échéances de septembre 2012 à novembre 2012 ;

En conséquence,

- condamner Mme [F] au paiement de la somme de 2 700 euros au profit de l'indivision post-communautaire au titre de l'indemnité d'occupation due pour la jouissance exclusive de l'ancien immeuble indivis entre le mois de septembre 2012 et le mois de novembre 2012 ;

En tout état de cause,

- condamner Mme [F] à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un exposé plus ample des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions sus visées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur les créances

Mme [F] soutient que si l'immeuble est juridiquement un bien indivis, les prêts constituent pour M. [V] et Mme [F] un passif de communauté dès lors qu'ils avaient la conviction d'être mariés et que la maison construite au moyen de ces prêts était le domicile familial.

Elle sollicite de fait un partage du produit de la vente du bien immobilier litigieux ; dit qu'il n'y a pas de créance au titre de l'acquisition du terrain, M.[V] ne pouvant prétendre que les fonds placés sur ces comptes entre le 26 novembre 2002 (date des effets du divorce) et le 30 octobre 2009 (acquisition) sont des fonds qui lui sont personnels et ouvrent droit à créance, puisqu'il est évident que les fonds figurant sur lesdits comptes proviennent des économies du couple (avant le 26 novembre 2002, économies communes, et après cette date, économies indivises) ; que l'acte d'acquisition du bien ne mentionne d'ailleurs pas de clause de remploi des fonds ; que la seule créance que peut revendiquer M. [V] est la somme de 2 973,31 euros, obtenue suite au décès de sa grand-mère et placée sur un PEL, ayant permis l'acquisition du terrain.

Mme [F] considère encore que le remboursement des échéances des prêts constitue une dépense de la vie courante n'ouvrant pas droit à remboursement ; que le terrain sur lequel la maison a été construite a été acquis indivisément par les concubins et les prêts ont été contractés indivisément entre eux pour financer les travaux de construction ; que M.[V] remboursait les échéances des prêts et Mme [F] s'acquittait des dépenses de ménage et de l'éducation des enfants, lesquels effectuaient des études secondaires financées par leur mère ; que les concubins participaient chacun dans la mesure de leurs revenus aux charges de la vie courante.

Mme [F] fait valoir qu'aucun contrat de prêt n'a été prévu entre les concubins obligeant I'un d'eux à rembourser l'autre ; que selon l'article 1359 du code civil, Mme [F] n'est donc pas tenue à remboursement des sommes versées par M. [V].

Mme [F] expose enfin que le remboursement par I'un des concubins des échéances des prêts constitue une intention libérale au profit de sa compagne, par application des dispositions de l'article 894 du Code civil ; que l'intention libérale doit s'apprécier au jour des paiements et non au jour de la liquidation de l'indivision ; que c'est en connaissance de cause que M. [V] a contribué au financement de l'acquisition au-delà de sa part contributive, son intention étant de gratifier sa concubine qu'il pensait au surplus être son épouse commune en biens.

M. [V] soutient détenir une créance au titre de l'approvisionnement du premier PEL ouvert en décembre 1993, pendant le mariage ; qu'il s'agit d'un placement commun car créé pendant la communauté et abondé jusqu'en novembre 2002 avec des fonds communs ; qu'à compter du 26 novembre 2002, les fonds qui ont été placés sur ce PEL étaient des fonds personnels à M. [V] puisque ses revenus sont devenus personnels à compter de cette date.

Il se dit également créancier au titre du livret A ouvert le 1er mars 2002, commun jusqu'au 26 novembre 2002, mais ensuite alimenté par des fonds personnels.

Enfin, il revendique une créance au titre du PEL n° 16855853179 ouvert auprès de la Caisse d'Épargne d'Auvergne, sur lequel figurait la somme de 2 317,79 euros, outre un chèque complémentaire de 655,52 euros hérité au décès de sa grand-mère, Mme [Y] [I], survenu le 23 janvier 2003.

Il expose, au visa des dispositions de l'arrêt de la cour de cassation du 21 octobre 2021, avoir droit à être remboursé sur le fondement du droit commun de l'article 1303 du code civil ; que si les dispositions nouvelles créant l'enrichissement injustifié ne sont applicables qu'à compter du 1er octobre 2016, elles sont immédiatement applicables aux situations antérieures pour ce qui est de la détermination et du calcul de l'indemnité ; qu'il maintient sa demande au nominal payé, le bien acquis grâce à son financement ayant été aliéné en 2017.

Sur ce,

Le jugement définitif du 25 février 2016 a constaté que Mme [F] et M. [V] sont divorcés par jugement du 16 janvier 2003, définitif à l'expiration du délai de deux ans prévu par l'article 528-1 du code de procédure civile, soit le 16 janvier 2005.

Il convient de préciser qu'en vertu de l'article 262-1 en ses dispositions applicables au présent litige, le jugement de divorce a pris effet dans les rapports entre époux, en ce qui concerne leurs biens, dès la date de l'assignation, soit le 26 novembre 2002.

Le premier juge a justement rappelé que la théorie de l'apparence bénéficie aux tiers qui, de bonne foi, ont pu croire à l'existence d'un droit, et non, comme en l'espèce, aux deux parties qui contractent en méconnaissance de leurs droits du fait de leur propre incurie.

C'est donc en vain que Mme [F] fait rappel constant de la présentation du couple qu'elle formait avec M. [V] comme étant marié pour tenter de faire application des règles réservées aux couples mariés.

Dès lors, quand ils ont acquis le terrain à bâtir au lieudit '[Adresse 5]) selon acte notarié du 30 octobre 2009 puis fait édifier une maison d'habitation, M. [V] et Mme [F] étaient concubins sans convention. Ils le sont restés jusqu'en juin 2011, date de leur séparation.

L'immeuble ayant été juridiquement acquis en indivision, Mme [F] en a la propriété dans les proportions fixées par l'acte notarié et sans égard pour le financement.

Elle est donc propriétaire de l'immeuble et donc du produit de sa vente à hauteur de moitié, faute d'autre précision dans l'acte d'acquisition. Par contre, M. [V] est fondé à réclamer une créance au titre des fonds dont il s'est seul acquitté.

Sur la créance au titre de l'acquisition du terrain

Le terrain a été acquis le 30 octobre 2009 moyennant le prix global de 118 000 euros financés comptant comme suit :

- 40 554,57 euros provenant d'un Plan Epargne Logement (PEL) n° 5052027296T ouvert au nom de M. [V] le 30 décembre 1993 pendant la durée du mariage ; antérieurement au 26 novembre 2002, les fonds déposés étaient communs et sont donc devenus indivis à la date d'effet du divorce. Postérieurement à cette date, ce compte a été approvisionné à hauteur de 10 733,95 euros.

- 64 023,41 euros provenant d'un PEL n° 6353000078T ouvert au nom de M. [V] le 16 septembre 2004 ; ce compte a été approvisionné à hauteur de 2 973,31 euros par des fonds personnels à M. [V] - puisqu'issus de la succession de sa grand-mère décédée le 23 janvier 2003 -, puis à hauteur de 11 058,58 euros incluant l'héritage, par transfert des fonds issus d'un compte PEL ouvert par M. [V] auprès de la Caisse d'Epargne le 9 janvier 2004 ; pour le surplus et à compter du 16 septembre 2004 par une somme de 52 835,66 euros ;

- 10 422,02 euros provenant d'un livret A n° 0965016300L ouvert au nom de M. [V] le 1er mars 2002, pendant le mariage ; les fonds déposés sur ce compte avant le 26 novembre 2002 sont communs et évalués à 5 718 euros ; postérieurement, ce compte a donc été approvisionné à hauteur de 4 704,02 euros ;

- 3 000 euros provenant d'un compte banque Postale sans autre précision.

Le titulaire d'un compte bancaire est présumé seul propriétaire des fonds déposés sur ce compte et il appartient à son adversaire d'établir l'origine indivise des fonds employés pour financer l'acquisition de l'immeuble.

Mme [F] se contente de soutenir qu'elle et M. [V] ont acquis le terrain sous l'apparence d'un couple marié, au moyen de leurs économies et convaincus qu'il s'agissait d'acquêts de communauté.

Outre le fait que la théorie de l'apparence a d'ores et déjà été écartée ci-avant, la simple affirmation - sans autre pièce notamment bancaire - d'un approvisionnement de ces comptes, ouverts au seul nom de M. [V], par des fonds émanant des deux parties ne suffit pas à rapporter la preuve contraire de leur caractère personnel au titulaire du compte, hormis concernant le compte PEL n° 5052027296T pour lequel il est acquis que les fonds au-delà de 10 733,95 euros sont indivis par suite du divorce.

Le terrain a été acquis au moyen de fonds personnels à M. [V] mais également de fonds indivis par suite du divorce. Par application des dispositions de l'article 815-10 du code civil, le terrain est donc un bien indivis.

Il convient de considérer comme l'a fait le premier juge que M. [V] dispose bien au titre de ces fonds d'un droit à créance, pour les montants respectifs de 10 733,95 euros au titre du PEL n° 5052027296T, 64 023,41 euros au titre du PEL n° 6353000078T et 4 704,02 euros au titre du livret A.

La cour a ordonné la réouverture des débats pour recueillir les observations des parties sur l'application d'une jurisprudence de la cour de cassation du 21 octobre 2021 (Cass. 1ère civ. 26 mai 2021, n° 19-21.302) postérieure à l'ordonnance de clôture et jugeant que 'selon l'article 815-13 du code civil, un indivisaire peut prétendre à une indemnité à l'encontre de l'indivision évaluée selon les modalités qu'il prévoit lorsqu'il a, à ses frais, amélioré l'état d'un bien indivis ou fait de ses deniers personnels des dépenses nécessaires à la conservation de ce bien ; que ce texte ne s'applique pas aux dépenses d'acquisition ; qu'il en résulte qu'un époux séparé de biens qui finance, par un apport de ses deniers personnels, la part de son conjoint dans l'acquisition d'un bien indivis peut invoquer à son encontre une créance évaluable selon les règles auxquelles renvoie l'article 1543 du code civil'. Cette jurisprudence est applicable aux concubins.

Mme [F] dit M. [V] soucieux de la gratifier parce qu'il la pensait être son épouse. L'intention libérale ne se présume pas et il appartient à celui qui s'en prévaut de la démontrer, le seul constat d'un appauvrissement étant insuffisant.

Elle doit exister au moment des paiements. Il convient de constater que lors de l'acquisition du terrain, il n'a pas été apporté de précision sur les modalités du financement, la somme ayant été versée comptant.

Néanmoins, l'acte a été rédigé par le notaire sur la foi d'une situation de mariage sous un régime matrimonial légal. Le seul défaut de mention ne saurait donc suffire en l'espèce à caractériser de la part de M. [V], qui a financé la majeure partie de cet achat, la volonté irrévocable de se déposséder des fonds au profit de son conjoint, mais tout au plus celle de prévoir une propriété partagée de l'immeuble.

En outre, il n'existait pas de convention entre les concubins concernant tant les charges de la vie courante, Mme [F] ne justifiant ni des revenus des concubins, ni des charges acquittées, ni au demeurant d'un accord exprès sur un partage.

M. [V] est donc fondé à réclamer cette créance, à hauteur du moitié de son montant, contre Mme [F], ce sur le fondement d'un enrichissement sans cause : M. [V] a financé la majeure partie de la part de Mme [F] dans l'acquisition du terrain, le patrimoine de celle-ci s'étant enrichi d'autant en ce qu'elle est réputée propriétaire à hauteur de 50 %, sans qu'une convention ni qu'une intention libérale ne justifient cet enrichissement.

La décision sera donc infirmée de ce chef en ce qu'elle a fixé la créance de M. [V] contre l'indivision et pour le montant total des fonds payés par lui.

Sur la créance au titre de l'édification de l'immeuble

L'immeuble d'habitation a été édifié au moyen de cinq prêts :

- un prêt Compte Epargne Logement (CEL) de la Banque Postale de 23 000 euros ;

- un prêt Pactys Liberté de la Banque postale de 110 000 euros ;

- un prêt de la Banque Française Mutualiste (BFM) de 11 000 euros ;

- un prêt de l'institution de gestion sociale des armées (IGESA) de 11 000 euros ;

- un prêt de l'institution de gestion sociale des armées de 5 000 euros.

Ces prêts ont été souscrits au nom de Mme [F] et de M. [V].

La vente de l'immeuble le 28 mai 2016 pour la somme de 283 000 euros a permis de solder les deux prêts Banque postale, soit 86 107,42 euros.

Il résulte de deux attestations de l'IGESA d'une part en date du 28 octobre 2016 et de la BFM d'autre part le 18 janvier 2017, que les crédits respectifs de ces deux prêteurs ont été soldés par anticipation par M. [V], dont le second au moyen d'un chèque Banque Postale à son nom, soit respectivement 2 594,92 euros pour les deux emprunts souscrits auprès de l'IGESA réglés le 14 juin 2016 et 3 251,45 euros pour l'emprunt souscrit auprès de la BFM réglés le 5 juin 2016.

Mme [F] reconnaît en outre que les prêts ont été remboursés par M. [V] par prélèvement sur un compte alimenté par ses seuls revenus.

Elle oppose néanmoins sa propre prise en charge parallèle des 'dépenses du ménage et de l'éducation des enfants' pour neutraliser la créance.

Or, aucune disposition légale ne règle la contribution des concubins aux charges de la vie commune. Sauf accord entre les concubins sur la répartition des charges de la vie commune, - dont font partie les dépenses exposées pour assurer le logement de la famille -, le concubin, qui assume seul le remboursement des échéances d'un emprunt souscrit pour acquérir un bien indivis, dispose d'une créance sur l'indivision en application de l'article 815-13 du code civil.

C'est à Mme [F] qu'incombe d'une part la charge de la preuve d'un accord passé entre elle et M. [V] ou au moins d'une volonté commune de partager les dépenses de la vie courante, d'autre part la preuve de sa participation effective à ces charges.

Mme [F] ne procède que par affirmation sans justifier aucunement ni des revenus des concubins, ni des charges acquittées, ni au demeurant d'un accord exprès sur ce partage.

Or, s'il est constant que cet immeuble a servi au logement des concubins, force est de constater que la vie commune a cessé en juin 2011, soit moins de deux ans après l'acquisition de l'immeuble.

En outre, M. [V] a pu dire, sans critique, que les deux enfants du couple n'y résidaient pas comme disposant de logements indépendants, que [G] était autonome financièrement et que seul [E] était aidé de ses parents.

Mme [F] ne démontre donc nullement que le paiement des échéances des prêts a pu se faire au titre d'une répartition convenue des charges courantes.

Mme [F] invoque encore l'existence d'une intention libérale de M. [V], soucieux de la gratifier parce qu'il la pensait être son épouse. L'intention libérale ne se présume pas et il appartient à celui qui s'en prévaut de la démontrer, le seul constat d'un appauvrissement étant insuffisant.

Elle doit exister au moment des paiements. Il est constant que les deux concubins disposaient de revenus professionnels, Mme [F] n'apportant aucune précision sur leur montant, ni leur usage.

L'ordonnance de non conciliation du 20 novembre 2012 fait état de demandes respectives des parties pour le paiement des échéances du prêt, mettant en évidence le défaut d'intention libérale.

Enfin, le concubinage a duré moins de deux ans après l'acte d'acquisition de l'immeuble, alors que M. [V] a poursuivi le remboursement des prêts jusqu'en juin 2016, ce qui tend à exclure une volonté libérale, ce d'autant que cette rupture s'est faite à l'initiative de Mme [F].

En tout état de cause, Mme [F], qui procède par affirmation, ne démontre nullement l'intention libérale de M. [V] de sorte qu'il est bien fondé à solliciter une créance sur l'indivision du chef des échéances et capitaux remboursés au titre des prêts contractés par les concubins.

Enfin, Mme [F] soutient qu'à défaut de convention expresse entre les parties, M. [V] n'est pas habile à lui réclamer le remboursement des sommes par lui versées au titre des prêts.

Or, la créance étant contre l'indivision au titre de l'acte authentique d'achat du terrain et des prêts souscrits au nom des deux indivisaires, l'existence ou pas d'un contrat entre les concubins est sans effet.

L'indemnité qui résulte des créances établies est appréciée selon les dispositions prévues par l'article 815-13 du code civil, soit la plus forte des deux sommes que représentent respectivement la dépense faite et le profit subsistant, le juge pouvant avoir recours à l'équité.

En l'espèce, M. [V] sollicite la confirmation de l'évaluation faite par le premier juge au montant de la dépense, Mme [F] ne formant subsidiairement aucune observation sur les montants retenus. La décision sera donc confirmée.

2) Sur l'indemnité d'occupation

S'agissant de la prescription, M. [V] soutient qu'aux termes de l'article 2234 du code civil, 'la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure' ; qu'il ne pouvait savoir qu'il avait une obligation d'agir dans les 5 ans du début de l'occupation exclusive du bien indivis par Mme [F], puisqu'il ne savait pas encore, lors de la séparation durant l'été 2011, qu'il était définitivement divorcé ; qu'il n'est donc nullement fautif et la prescription invoquée par Mme [F] ne peut avoir commencé à jouer à l'encontre de M. [V] qu'à compter du jugement du tribunal de grande instance de Besançon en date du 25 février 2016 ou, au plus tôt, à compter du jugement du 27 août 2015, le juge ayant alors décidé de rouvrir les débats sur la question du prononcé définitif du divorce depuis 2003 ; qu'il résulte donc que la prescription, invoquée par Mme [F], a en réalité été suspendue par un cas de force majeure et n'a commencé à courir, au plus tôt, qu'à compter du 27 août 2015,

Il soutient subsidiairement qu'il a formulé une demande au titre de l'indemnité d'occupation dès ses conclusions signifiées le 18 février 2015, ainsi que le rappelle le jugement du 25 février 2016, soit moins de cinq ans après le début de la jouissance exclusive par Mme [F] en septembre 2011 ; qu'il a donc interrompu le délai de prescription par ces conclusions.

M. [V] expose enfin, plus subsidiairement encore, que Mme [F] reste redevable envers l'indivision post-communautaire d'une indemnité d'occupation au titre des mois de septembre 2012 à novembre 2012, la prescription n'ayant pas pu atteindre les 3 dernières échéances ; que ne peuvent être prescrites que les échéances échues plus de 5 ans avant la date de la demande, ce qui ne serait pas le cas des échéances de septembre 2012 à novembre 2012, soit 3 mois.

Au fond, il soutient rapporter la preuve qu'il a quitté le logement indivis en août 2011 et que Mme [F] s'est quant à elle maintenue seule dans les lieux jusqu'en 2012 ; que le juge conciliateur, dans son ordonnance du 20 novembre 2012, n'a pas daté le départ de Mme [F] ; qu'il appartient à Mme [F] de démontrer qu'elle n'occupait pas le bien alors que dans un courrier du 4 juin 2011, elle dit vivre dans le logement ; que M. [V] rapporte la preuve qu'il avait un nouveau logement pour lequel il avait souscrit et signé un bail ; que le montant de l'indemnité d'occupation a été évalué par une agence immobilière.

Mme [F] oppose à M. [V] la prescription de la demande, sur le fondement des dispositions de l'article 815-10 alinéa 3 du code civil ; que M. [V] aurait donc dû présenter sa demande avant le mois de septembre 2016 ; qu'il a présenté cette demande pour la première fois aux termes de ses conclusions en réponse dans le cadre de la procédure de 1ère instance au mois de septembre 2017 ; qu'il n'a donc accompli aucun acte dans les cinq ans de la prétendue occupation permettant d'interrompre le délai de prescription.

Au fond, elle soutient que M. [V] ne démontre par aucun élément la valeur locative du bien immobilier ; qu'il n'appartient pas à Mme [F] de démontrer qu'elle n'occupait pas I'immeuble mais à M. [V] d'établir l'occupation de Mme [F] de I'immeuble litigieux pendant ladite période ; qu'il n'est pas démontré par M. [V] que Mme [F] aurait occupé seule le bien immobilier indivis du mois d'août 2011 au mois de décembre 2012.

Sur ce,

Aux termes des dispositions de l'article 815-9 du code civil, 'l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité'.

Sur la prescription

Mme [F] soulève d'abord une fin de non recevoir tirée de la prescription de la demande afférente à l'indemnité d'occupation. Cette demande n'a pas été présentée en première instance mais est recevable en tout état de la procédure.

La prescription de cinq ans prévue à l'article 815-10, alinéa 3, du code civil s'applique à l'indemnité d'occupation mise à la charge de l'indivisaire qui jouit privativement d'un bien indivis. Ainsi, aucune demande relative à l'indemnité due par un indivisaire, pour la jouissance privative d'un bien indivis, n'est recevable plus de cinq ans après la date à laquelle cette indemnité aurait pu être perçue.

M. [V] sollicite pour l'indivision et contre Mme [F] une indemnité d'occupation pour la jouissance exclusive de l'immeuble entre le mois d'août 2011 et le mois de novembre 2012.

Il est mal fondé à invoquer son ignorance du fait juridique du divorce intervenu entre les parties pour exciper de la force majeure, cet événement ne lui étant pas extérieur mais relevant de son incurie.

Par contre, il est avéré, à la lecture du jugement du tribunal de grande instance de Besançon du 25 février 2016, que M. [V], demandeur, a signifié des conclusions le 18 février 2015 pour solliciter le paiement par Mme [F] d'une 'indemnité au titre de sa jouissance exclusive du domicile conjugal'.

Cet acte a interrompu le cours de la prescription. La demande a été réitérée devant le juge de Saumur dans des conclusions déposées le 25 septembre 2017. C'est donc à tort que Mme [F] oppose à la demande de M. [V] la prescription.

Sur le bien fondé de la demande

En droit, l'indemnité d'occupation due à raison de l'utilisation privative du bien indivis doit revenir à l'indivision. Il faut et il suffit que l'occupant dispose d'une jouissance libre et exclusive.

M. [V] dit avoir quitté l'immeuble indivis en août 2011. Il justifie d'un bail locatif à son nom du 28 août 2011. L'ordonnance de non conciliation du 20 novembre 2012, qui domicilie Mme [F] à l'adresse du bien, fait néanmoins mention de ce 'chacun des époux a quitté le domicile conjugal et nul n'entend en réclamer la jouissance.'

Une demande de retrait d'épargne du 5 décembre 2011 mentionne bien l'adresse de l'immeuble de la main de Mme [F], des relevés de compte de la Banque Postale ou des Galeries Lafayette en octobre 2012 la domicilient également dans l'immeuble indivis.

Néanmoins, la preuve de l'usage effectif et exclusif ne procède pas de la seule adresse mentionnée sur des actes de procédure ou des courriers, ceux-ci ne justifiant que d'une adresse postale.

M. [V], sur qui porte la charge de la preuve d'une occupation privative du bien par Mme [F], ne la rapporte pas.

Il doit donc être débouté de sa demande à ce titre.

Le jugement de première instance sera confirmé de ce chef.

3)Sur les frais et dépens

Les parties succombant partiellement en leurs demandes respectives, il y aura lieu de dire qu'elles seront en équité déboutées de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et conserveront la charge respective de leurs dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

REJETTE la fin de non recevoir tirée de la prescription de la demande afférente à l'indemnité d'occupation ;

CONFIRME le jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Saumur du 2 novembre 2018 en ses dispositions critiquées sauf en ce qui concerne la créance au titre de l'acquisition du terrain ;

Statuant à nouveau de ce seul chef,

DIT que M. [B] [V] détient contre Mme [M] [F] une créance de 39 730,69 euros au titre de l'acquisition du terrain sis [Adresse 5]) ;

RENVOIE les parties devant Maître [J] [U], notaire à [Localité 6] (25), d'ores et déjà désigné, pour poursuivre les opérations de compte liquidation et partage de l'indivision au regard des principes arrêtés par la présente décision et ceux confirmés du jugement du 2 novembre 2018 ;

DEBOUTE M. [B] [V] et Mme [M] [F] de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

LAISSE à chaque partie la charge des dépens d'appel qu'elle a exposés.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

F. BOUNABI M.C. COURTADE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : 1ère chambre section b
Numéro d'arrêt : 19/00026
Date de la décision : 30/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-30;19.00026 ?
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