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24/11/2022 | FRANCE | N°22/00055

France | France, Cour d'appel d'Angers, 1ère chambre section b, 24 novembre 2022, 22/00055


COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ère CHAMBRE B







Ordonnance N°: 55



Ordonnance du Juge des libertés et de la détention de LAVAL du 04 Novembre 2022



N° RG 22/00055 - N° Portalis DBVP-V-B7G-FCNT





ORDONNANCE

DU 24 NOVEMBRE 2022





Nous, Catherine MICHELOD, Présidente de chambre à la Cour d'Appel d'ANGERS, agissant par délégation du Premier Président en date du 30 août 2022, assistée de S. LIVAJA, Greffier,



Statuant sur l'appel formé par :



Mad

ame [I] [M]

née le 06 Février 1956 à [Localité 8] (50)

[Adresse 2]

[Localité 4]

actuellement hospitalisée au centre hospitalier de [7]



Non comparante représentée par Me Delphine TO...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ère CHAMBRE B

Ordonnance N°: 55

Ordonnance du Juge des libertés et de la détention de LAVAL du 04 Novembre 2022

N° RG 22/00055 - N° Portalis DBVP-V-B7G-FCNT

ORDONNANCE

DU 24 NOVEMBRE 2022

Nous, Catherine MICHELOD, Présidente de chambre à la Cour d'Appel d'ANGERS, agissant par délégation du Premier Président en date du 30 août 2022, assistée de S. LIVAJA, Greffier,

Statuant sur l'appel formé par :

Madame [I] [M]

née le 06 Février 1956 à [Localité 8] (50)

[Adresse 2]

[Localité 4]

actuellement hospitalisée au centre hospitalier de [7]

Non comparante représentée par Me Delphine TOULON, avocat au barreau d'ANGERS, commis d'office,

APPELÉS A LA CAUSE :

Monsieur LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER DE [7]

[Adresse 3]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Madame [P] [A]

née le 09 Septembre 1952

[Adresse 1]

[Localité 5]

Non comparants, ni représentés,

Après débats à l'audience publique tenue au Palais de Justice le 23 Novembre 2022, il a été indiqué que la décision serait prononcée le 24 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCEDURE

Par décision du directeur du Centre Hospitalier du [7] en date du 25 octobre 2022, Mme [I] [M], née le 06 février 1956 à [Localité 8] (53), a été admise en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète sur demande d'un tiers, en l'espèce sa soeur, Mme [P] [A], selon la procédure d'urgence.

Cette décision a été prise au visa d'un certificat dressé le jour même par le docteur [X] [C], praticien intérimaire exerçant au Centre Hospitalier [7], mentionnant que, devant l'urgence et le risque grave d'atteinte à l'intégrité de cette patiente, les troubles constatés chez Mme [M] rendent impossible son consentement et justifient des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier spécialisé.

Sur la base des certificats médicaux dressés dans les 24 et 72 heures de l'admission en hospitalisation complète, soit les 26 octobre et 28 octobre 2022, par les docteurs [B] [F] et [D] [J], psychiatres exerçant au sein de l'établissement de soins, le directeur du Centre Hospitalier [7] a, le 28 octobre 2022, décidé du maintien des soins psychiatriques contraints de Mme [M] sous la même forme de prise en charge.

Saisi par requête du directeur du Centre Hospitalier [7] datée du 31 octobre 2022 aux fins de contrôle de la mesure d'hospitalisation complète dans les 12 jours de l'admission de Mme [I] [M], à laquelle a été joint notamment l'avis rédigé à même date par le docteur [K] [G], psychiatre au sein de l'établissement, favorable à la poursuite de la mesure, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Laval a, par ordonnance rendue le 04 novembre 2022 et après avis du parquet du 03, autorisé le maintien de l'hospitalisation complète.

Par lettre simple expédiée le 10 novembre 2022 et reçue le 14 novembre 2022 par le Greffe de la cour d'appel d'Angers, Mme [I] [M] a relevé appel de cette décision qui lui a été notifiée le 07 novembre 2022.

L'ensemble des parties concernées a été convoqué à l'audience du 23 novembre 2022 à 15 heures et le dossier régulièrement communiqué au Ministère Public.

Dans son avis circonstancié daté du 15 novembre 2022 complété le 16 novembre 2022 dont la teneur a été rappelée à l'audience, le docteur [F], a considéré que les soins psychiatriques en hospitalisation complète de Mme [M] sont justifiés et à maintenir au constat des troubles présentés par l'intéressée. La praticien a en outre précisé, qu'après lecture de sa convocation pour l'audience d'appel, Mme [I] [M] a finalement refusé de s'y rendre.

DEBATS EN APPEL

A l'audience du 23 novembre 2022, Mme [I] [M] a été représentée par Maître Delphine Toulon, avocate au barreau d'Angers et désignée au titre de la commission d'office à cette fin.

Le conseil a formulé diverses observations sur la procédure tenant à l'absence de document attestant du respect du délai de 8 jours entre l'admission et la réception par le juge des libertés et de la détention de la requête du directeur d'établissement, à l'absence de notification à Mme [M] des décisions d'admission et de maintien en hospitalisation, à l'existence d'une erreur dans le texte visé dans la décision d'admission et à l'absence de caractérisation des conditions d'urgence et de risque d'atteinte à l'intégrité du malade ainsi qu'au défaut de carte d'identité du tiers demandeur à l'hospitalisation. Elle a toutefois accepté que des vérifications soient opérées à ce sujet en cours de délibéré. Sur le fond, Maître Toulon s'en est rapporté à justice.

Bien que régulièrement convoqués, M. le directeur du Centre hospitalier de [7] et Mme [P] [A], tiers demandeur à l'hospitalisation, ne se sont pas présentés ni personne pour eux.

Dans son avis écrit daté du 21 novembre 2022 dont il a été donné lecture à l'audience, le Parquet Général a conclu à la recevabilité de l'appel et, au fond, à la confirmation de l'ordonnance entreprise.

SUR QUOI

- Sur la recevabilité de l'appel

L'appel de Mme [I] [M] a été relevé dans les formes et délais prévus par les articles R. 3211-18 et R. 3211-19 du code de la santé publique.

Il est donc parfaitement recevable.

- Sur la mesure d'hospitalisation complète

- Sur le contrôle de la procédure

Au regard des pièces transmises par l'établissement d'accueil en cours de délibéré sur notre demande après avoir recueilli l'accord préalable du conseil de l'appelante et qui ont été communiquées à celui-ci, les réserves émises quant à la notification effective des décisions d'admission et de maintien en hospitalisation complète à Mme [M] datées des 25 et 28 octobre 2022 ont bien été notifiées à la patiente en sorte que les observations les concernant sont devenues sans objet.

Il en est de même s'agissant des observations liées aux prescriptions de l'article L 3211-12-1 du code de la santé publique en son dernier aliéna au vu des vérifications opérées en cours de délibéré avec l'accord de l'avocat de l'appelante. Il résulte en effet des pièces transmises et communiquées au conseil de Mme [M] afin que soit assuré le respect du contradictoire, que la requête du directeur d'établissement aux fins de contrôle de la mesure d'hospitalisation complète datée du 31 octobre 2022 a été adressée le jour même au juge des libertés et de la détention de Laval ainsi qu'en atteste le mail à cette date. Ainsi, le délai de 8 jours entre l'admission décidée le 25 octobre 2022 et la saisine du juge des libertés et de la détention a été respecté.

S'agissant des deux autres moyens soulevés, il importe de rappeler que, selon l'article L 3216-1 du code de la santé publique, si le juge judiciaire connaît des contestations portant sur la régularité des décisions administratives de soins sans consentement, celui-ci ne peut prononcer la main-levée de la mesure que, s'il est résulté, de l'irrégularité qu'il constate, une atteinte aux droits de la personne qui en fait l'objet.

Par ailleurs, l'article L 3212-3 du code de la santé publique énonce qu'en cas d'urgence, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade, le directeur d'un établissement de soins mentionné à l'article L 3222-1 peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d'un tiers l'admission en soins psychiatriques d'une personne malade au vu d'un certificat médical émanant, le cas échéant, d'un médecin exerçant dans l'établissement.

Tel est le cas de la procédure suivie pour l'admission de Mme [M] en soins psychiatriques contraints sous le régime de l'hospitalisation complète, laquelle a été décidée par le directeur du Centre Hospitalier [7] sur demande d'un tiers, en l'espèce de Mme [P] [A], et selon la procédure d'urgence prévue par l'article L 3212-3 du code de la santé publique au visa du certificat médical dressé le 25 octobre 2022 par le docteur [C].

En premier lieu, le document dénommé 'demande du tiers' figurant au dossier est un document daté et signé le 25 octobre 2022 et complété de manière manuscrite par la personne sollicitant l'hospitalisation sous contrainte de Mme [M] à savoir Mme [A] qui y précise clairement son lien de parenté proche étant sa soeur.

L'exigence qu'une copie de la carte d'identité du tiers requérant soit annexée à une telle demande ne résulte d'aucune prescription légale. En toute hypothèse, le fait que Mme [A] soit effectivement la soeur de l'appelante n'est pas remis en cause de sorte que la preuve d'un grief au défaut allégué n'est nullement rapportée.

En second lieu, il est exact que la procédure d'admission en soins psychiatriques de l'article L 3212-3 du code de la santé publique revêt un caractère exceptionnel car elle n'est possible que dans le cas particulier de l'urgence résultant du risque grave à l'intégrité du malade.

Dans le certificat médical ayant servi de base à l'admission de Mme [M], le docteur [C] a pris soin de détailler les circonstances de son examen dont il résulte que Mme [M] est connue du service pour un trouble schizo-affectif avec une tendance très interprétative, déjà hospitalisée à deux reprises sous contrainte en raison d'un tableau délirant et d'un refus de soins, étant présentement de nouveau en rupture de soins depuis juin, refusant les visites de l'EATA et d'ouvrir sa porte à sa soeur. Il a clairement précisé que ces circonstances imposent une hospitalisation d'évaluation et d'observation en urgence compte tenu du risque grave d'atteinte à l'intégrité de la patiente.

Il résulte des mentions du document en cause, qui vise expressément le cadre d'une admission en urgence, que le médecin a procédé de façon individualisée et circonstanciée à la description des symptômes présentés par Mme [M] et sont de nature à éclairer suffisamment le constat d'un risque grave d'atteinte à l'intégrité physique de celle-ci et, ce faisant, d'une urgence liée à la nature et à l'intensité des troubles constatés.

L'urgence s'est du reste trouvée confirmée par les constatations des psychiatres de l'établissement d'accueil dans les 24 et 72 heures de l'admission notamment du docteur [F] qui, dans le certificat dressé le 26 octobre 2022, décrit la persistance d'un discours délirant avec des thèmes de persécution et d'empoisonnement notamment par les médecins ainsi que le ton hostile et agressif d'une patiente mettant en doute la légitimité de son hospitalisation sous contrainte et refusant la prise de son traitement.

Il s'en déduit que l'urgence justifiant le recours à la procédure dérogatoire visée à l'article L3212-3 du code de la santé publique est suffisamment caractérisée au travers des énonciations du certificat médical sur lequel le directeur d'établissement s'est fondé pour décider de l'admission en hospitalisation complète de Mme [M] et dont il s'est expressément approprié les termes, étant observé de surcroît que cette décision vise précisément en son en-tête les dispositions légales appliquées.

Les moyens d'irrégularité soulevés pour le compte de l'appelante ne peuvent donc prospérer et seront écartés.

- Sur la poursuite de la mesure

En droit et aux termes de l'article L. 3212-1 I du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies:

1° - ses troubles mentaux rendent impossible son consentement

2° - son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L 3211-2-1 du dit code.

Selon l'article L 3211-12-1 du même code, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement lorsque l'hospitalisation en soins psychiatriques a été prononcée à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent en application de l'article L 3212-1 du dit code, n'ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de 12 jours à compter de l'admission. Cette saisine est accompagnée d'un avis motivé rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète.

Enfin, si le juge qui se prononce sur le maintien de l'hospitalisation complète doit apprécier le bien-fondé de la mesure au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, il ne peut substituer son avis à l'évaluation, par les médecins des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

En l'espèce, les pièces du dossier notamment médicales établissent que Mme [I] [M], connue du milieu psychiatrique à raison d'un trouble psychotique chronique et ayant déjà fait l'objet d'hospitalisation sous contrainte par le passé, a été admise le 25 octobre 2022 en hospitalisation complète sur décision du directeur du Centre Hospitalier [7] à la demande de sa soeur et selon la procédure d'urgence en suite d'une nouvelle recrudescence d'idées délirantes de persécution, en situation d'isolement total à son domicile puisque refusant tout contact notamment avec le personnel soignant de l'équipe d'appui et sa soeur.

Les divers certificats et avis médicaux parfaitement circonstanciés et motivés se prononçant en faveur du maintien de soins psychiatriques contraints sous la même forme de prise en charge qui ont fait suite à cette admission ont confirmé l'instabilité psychique de cette patiente avec la persistance d'idées délirantes avec un déni des troubles et une opposition au traitement et à la prise en charge.

Tel est encore le cas au regard de l' avis motivé émis par le docteur [F] au 15 novembre 2022 dont la transmission répond aux exigences de l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique. Ce praticien relève en particulier que les thèmes de persécution par son entourage, les infirmiers et les médecins persistent en ajoutant que l'adhésion au délire est totale avec une réaction d'opposition, d'hostilité et d'absence de coopération aux soins notamment par refus de la prise du traitement.

Ces éléments médicaux, y compris les plus récents, suffisent à établir que les troubles dont souffre Mme [I] [M] rendent toujours impossible son consentement et que son état mental continue d'imposer des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante.

Par conséquent, la décision entreprise sera confirmée puisque l'atteinte portée à l'exercice des libertés constitutionnelles garanties demeure à ce jour adaptée, nécessaire et proportionnée à l'état mental de l'intéressée et à la mise en oeuvre du traitement qu'il requiert.

- Sur les dépens

Conformément aux dispositions des articles R. 93 et R. 93-2 du code de procédure pénale, les dépens seront laissés à la charge de l'Etat.

PAR CES MOTIFS

Le Délégué du premier président de la cour d'appel, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire,

DÉCLARONS l'appel recevable ;

REJETONS les moyens de procédure soulevés pour le compte de Mme [I] [M] ;

Au fond, CONFIRMONS l'ordonnance rendue le 04 novembre 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Laval ayant autorisé le maintien des soins psychiatriques sans consentement dont fait l'objet Mme [I] [M] sous la forme de l'hospitalisation complète ;

LAISSONS les dépens à la charge de l'État.

LE GREFFIER LE DÉLÉGUÉ

DU PREMIER PRÉSIDENT

S. LIVAJA C. MICHELOD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : 1ère chambre section b
Numéro d'arrêt : 22/00055
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;22.00055 ?
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