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24/11/2022 | FRANCE | N°22/00054

France | France, Cour d'appel d'Angers, 1ère chambre section b, 24 novembre 2022, 22/00054


COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ère CHAMBRE B







Ordonnance N°: 54



Ordonnance du Juge des libertés et de la détention de LAVAL du 04 Novembre 2022



N° RG 22/00054 - N° Portalis DBVP-V-B7G-FCNL





ORDONNANCE

DU 24 NOVEMBRE 2022





Nous, Catherine MICHELOD, Présidente de chambre à la Cour d'Appel d'ANGERS, agissant par délégation du Premier Président en date du 30 août 2022, assistée de S. LIVAJA, Greffier,





Statuant sur l'appel formé par :



Monsieur [H] [S]

né le 20 Mai 1977 à [Localité 9] (13)

[Adresse 3]

[Localité 6]

actuellement hospitalisé au Centre hospitalier [8]



Comparant assisté de Me Delphine TOULON, avocat au ...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ère CHAMBRE B

Ordonnance N°: 54

Ordonnance du Juge des libertés et de la détention de LAVAL du 04 Novembre 2022

N° RG 22/00054 - N° Portalis DBVP-V-B7G-FCNL

ORDONNANCE

DU 24 NOVEMBRE 2022

Nous, Catherine MICHELOD, Présidente de chambre à la Cour d'Appel d'ANGERS, agissant par délégation du Premier Président en date du 30 août 2022, assistée de S. LIVAJA, Greffier,

Statuant sur l'appel formé par :

Monsieur [H] [S]

né le 20 Mai 1977 à [Localité 9] (13)

[Adresse 3]

[Localité 6]

actuellement hospitalisé au Centre hospitalier [8]

Comparant assisté de Me Delphine TOULON, avocat au barreau d'ANGERS, commis d'office,

APPELÉS A LA CAUSE :

UDAF 53, en qualité de curateur

[Adresse 2]

[Localité 5]

Monsieur LE PREFET DE LA MAYENNE

ARS DES PAYS DE LA LOIRE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Non comparants, ni représentés,

Après débats à l'audience publique tenue au Palais de Justice le 23 Novembre 2022, il a été indiqué que la décision serait prononcée le 24 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCEDURE

Par arrêté de M. Le Préfet de la Mayenne en date du 27 octobre 2022, M. [H] [S], né le 20 mai 1977 à [Localité 9] (13) et placé sous curatelle renforcée par jugement du 19 octobre 2018 pour une durée de 5 ans, a fait l'objet d'une réintégration en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète au Centre hospitalier du [8] de [Localité 7] à compter du 26 octobre 2022.

Cette mesure a été décidée sur la base du certificat médical dressé le 26 octobre 2022 par le docteur [X], psychiatre de l'établissement concluant à la nécessité d'une modification de la forme de la prise en charge de M. [H] [S] avec arrêt du programme de soins et réintégration sur le mode d'une hospitalisation complète.

Par requête datée du 31 octobre 2022, M. le Préfet de la Mayenne a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Laval afin qu'il soit statué sur le contrôle de la mesure de soins contraints de M. [H] [S] en suite de sa réintégration en hospitalisation complète.

A été joint à cette requête l'avis motivé émis à même date par le docteur [G], psychiatre de l'établissement d'accueil, se prononçant en faveur de la poursuite de la mesure de soins contraints sous la même forme de prise en charge.

Par ordonnance rendue le 04 novembre 2022 sur avis conforme du parquet daté du 03 novembre 2022, le juge des libertés et de la détention de Laval a maintenu le régime d'hospitalisation complète sans consentement de M. [H] [S].

Par courrier simple expédié en ecopli le 09 novembre 2022 et reçu au greffe de la cour d'appel d'Angers le 14 novembre 2022, M. [H] [S] a relevé appel de cette décision qui lui a été notifiée le jour de son prononcé aux motifs que 'l'hôpital n'est pas sa vocation et qu'il s'y sent très mal à l'aise d'autant que les relations avec les médecins sont désormais tendues ..'.

L'ensemble des personnes concernées a été convoqué à l'audience d'appel du 23 novembre 2022 à 14 heures 45 et le dossier régulièrement communiqué au ministère public.

Dans un certificat de situation daté du 21 novembre 2022 dont il a été donné lecture dès l'ouverture des débats, le docteur [G], psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, a conclu au maintien de l'hospitalisation complète de M. [H] [S].

DEBATS EN APPEL

A l'audience publique du 21 novembre 2022, M. [H] [S] a été assisté de Maître Delphine Toulon, avocate au barreau d'Angers et désignée au titre de la commission d'office en suite de sa demande.

Entendu sur les motifs de son appel, M. [H] [S] a expliqué que si le jour de l'audience devant le juge des libertés et de la détention, il n'a pas refusé de rester hospitalisé, il rencontre désormais des difficultés relationnelles avec le docteur [G]. A titre d'exemple, il a exposé que, lorsqu'il demande à ce praticien une permission pour aller voir sa mère, celui-ci lui répond 'que dalle'. Il a jugé que le docteur [G] lui fait des conditions de vie impossibles et qu'il n'y a pas possibilité de changer de psychiatre. Il a ajouté avoir vu un expert ce matin. Il s'est décrit comme borderline, hyperactif et essayant de sortir d'un cadre. Questionné sur les raisons de sa réintégration, il a expliqué avoir suivi des femmes dont l'une qu'il a trouvé attirante jusqu'à leur domicile sans prendre le temps de communiquer avec elles de sorte qu'elles ont pris peur et ont fait appel aux gendarmes. Il a admis que cela n'était pas la première fois qu'il agissait de la sorte mais, ce jour là, il se sentait mal. Il a admis également avoir arrêté son traitement depuis plusieurs mois car il en avait assez et a ajouté se sentir mieux depuis qu'il est hospitalisé avec le traitement.

Pour sa part, son avocat a formulé diverses observations sur la procédure comme tenant à l'absence d'élément permettant de vérifier que le délai de 8 jours prévu à l'article L 3212-12-1 du code de la santé publique entre le jour de la réintégration et la réception de la requête saisissant le juge des libertés et de la détention a été respecté, à l'absence de notifications des décisions préfectorales des 08 février 2022, 08 mai 2022 et 27 octobre 2022 et enfin à l'absence de production des certificats mensuels d'août à octobre 2021 inclus. Sous le bénéfice de ces observations quant à la procédure, Maître Toulon a conclu à la levée de la mesure mais ne s'est pas opposée à ce que des vérifications soient opérées en cours de délibéré. Sur le bien-fondé de la mesure, elle s'en est rapporté aux éléments détaillés par M. [S].

Bien que régulièrement convoqués, M. le Préfet de la Mayenne et l'UDAF 53 exerçant la mesure de protection instituée au profit de M. [H] [S] n'ont pas comparu. La présente décision sera par conséquent réputée contradictoire.

Par avis écrit daté du 21 novembre 2022 dont la teneur a été rappelée à l'audience, le représentant du Parquet Général a conclu à la recevabilité de l'appel et, au fond, à la confirmation de l'ordonnance entreprise.

SUR QUOI

- Sur la recevabilité de l'appel

Au vu des énonciations détaillées au titre des faits et procédure, il convient de constater que l'appel de M. [H] [S] respecte les formes et délais requis par la loi.

Il est donc parfaitement recevable et sera déclaré comme tel.

- Sur la poursuite de soins

- Sur le contrôle de la procédure

Au regard des pièces transmises par l'établissement d'accueil en cours de délibéré à notre demande après avoir recueilli l'accord préalable du conseil de l'appelant qui ont été communiquées à celui-ci, les réserves émises quant à l'absence de certificats mensuels pour les mois d'août à octobre 2021 inclus sont sans objet.

Il en est de même des observations relatives aux prescriptions du dernier alinéa de l'article L 3211-12-1 du code de la santé publique au regard des vérifications opérées en cours de délibéré avec l'accord du conseil de M. [S]. Il résulte en effet du mail transmis par le greffe, communiqué à l'avocat de l'appelant en sorte de respecter le contradictoire, que la requête du préfet datée du 31 octobre 2022 aux fins de contrôle de la mesure de soins contraints en suite de la réintégration de M. [S] en hospitalisation complète décidée le 27 octobre 2022 a été adressée au juge des libertés et de la détention le 02 novembre 2022. Le délai de 8 jours entre la réintégration et la saisine du juge compétent a donc bien été respecté.

S'agissant enfin des observations relatives aux notification des arrêtés préfectoraux portant modification et maintien de la forme de prise en charge en programme de soins des 08 février 2022 et 06 mai 2022, les documents transmis démontrent que ceux-ci ont bien été notifiés, précisément les 23 et 24 novembre 2022, tandis que celui décidant de la réintégration en hospitalisation complète le 27 octobre 2022 a été notifié le 28 octobre 2022 ; précision faite que la notification des deux premières décisions a été impossible dès lors que le patient n'a pas honoré les rendez-vous en présentiel à compter du 08 février 2022, ainsi qu'en attestent les certificats mensuels dressés depuis cette date.

Pour l'ensemble de ces raisons, les moyens de procédure soulevés ne peuvent donc prospérer et seront écartés.

- Sur la poursuite de la mesure

En droit, il résulte de la combinaison des articles L. 3213-1, L. 3211-2-1. et L. 3211-11 du code de la santé publique qu'une personne ne peut être admise et maintenue en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat qu'à la condition qu'il soit constaté qu'elle souffre de troubles mentaux compromettant la sécurité des personnes ou portant gravement atteinte à l'ordre public.

Selon l'article L 3211-12-1 du même code, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention préalablement saisi par le représentant de l'Etat n'ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de 12 jours à compter de l'admission. Cette saisine est accompagnée d'un avis motivé rendu par un psychiatre.

Enfin, si le juge qui se prononce sur le maintien de l'hospitalisation complète doit apprécier le bien-fondé de la mesure au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, il ne peut substituer son avis à l'évaluation, par les médecins des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

Dans le cas présent, il ressort des pièces du dossier que M. [H] [S], âgé de 45 ans et placé sous mesure de protection, a été admis le 09 janvier 2014 en soins psychiatriques sous contrainte au Centre hospitalier du [8] de [Localité 7] sous la forme d'une hospitalisation complète en exécution d'un arrêté préfectoral pour trouble à l'ordre public suite à un épisode d'agressivité verbale envers le personnel médical chez un patient auparavant placé sous programme de soins en SDDE pour péril imminent.

Ces pièces enseignent également que, depuis l'arrêté du 9 janvier 2014, les soins psychiatriques contraints se sont poursuivis sous différentes formes de prise en charge et notamment, par arrêtés datés des 08 février 2022 et 06 mai 2022, sous la forme et les modalités définies dans un programme de soins établi par le docteur [G], psychiatre de l'établissement d'accueil, au 07 février 2022.

Sa réintégration en hospitalisation complète est intervenue à compter du 26 octobre 2022 suite à la décision du préfet de la Mayenne du 27 octobre 2022 au vu du certificat médical dressé par le docteur [X], psychiatre, en suite d'une nouvelle décompensation psychotique, dans un contexte de rupture de traitement et de toute thérapeutique depuis plusieurs mois, puisque celui-ci s'est révélé comme, lors de ses précédentes hospitalisations, sous emprise de thématique délirante sexuelle, prévalente, récurrente, stéréotypée qui l'a conduit à suivre avec insistance des femmes sur la voie publique et à leur demander des faveurs, mû par un sentiment de toute puissance et d'être séduit télépathiquement par ces dernières.

La persistance des troubles ainsi objectivés et du risque qu'ils génèrent pour autrui ainsi que le déni par M. [H] [S] de ses troubles et le rejet des traitements et des prescriptions ont conduit le docteur [G] à prescrire le maintien de l'hospitalisation complète aux termes de son avis daté du 31 octobre 2022 adressé dans la perspective de l'audience devant le premier juge.

Dans son avis circonstancié et motivé actualisé au 21 novembre 2022 transmis au greffe de la cour conformément à l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, le docteur [G] conclut tout aussi clairement que les soins sans consentement en hospitalisation complète dont M. [S] fait l'objet sont à maintenir.

A cette date, le praticien mentionne toujours que M. [S] est 'désinhibé, convaincu 'd'avances télépathiques' qui poursuit de ses assiduités toute jeune femme, anosognosique et dans un sentiment de toute puissance, développant un discours sthénique, quérulent, préjudiciel et persécutif vis à vis des traitements rejetés, des prescriptions ainsi que des autorités s'estimant dans son droit de répondre aux appels séducteurs et de procréer'.

Les éléments médicaux recueillis à ce jour - tenant en particulier à l'état psychique de M. [S], à son absence de prise de conscience de toute pathologie, à la mise en échec volontaire du suivi et du traitement dans le cadre du programme de soins, au refus réitéré de soins et au risque persistant que ceux-ci induisent pour autrui- établissent que les troubles dont l'intéressé souffre rendent encore impossible son consentement et que son état mental continue d'imposer des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante qui justifient une hospitalisation complète.

Par conséquent, la décision entreprise sera confirmée puisque l'atteinte portée à l'exercice des libertés constitutionnelles garanties demeure à ce jour adaptée, nécessaire et proportionnée à l'état mental de M. [H] [S] et à la mise en oeuvre du traitement qu'il requiert.

- Sur les dépens

Conformément aux dispositions des articles R. 93 et R. 93-2 du code de procédure pénale, les dépens seront laissés à la charge de l'Etat.

PAR CES MOTIFS

Le magistrat délégué par le Premier Président de la Cour d'Appel,

Statuant publiquement et par décision réputée contradictoire,

DECLARONS l'appel recevable ;

REJETONS les moyens de procédure soulevés pour le compte de M. [H] [S] ;

Au fond, CONFIRMONS l'ordonnance rendue le 04 novembre 2022 par le juge des libertés et de la détention de Laval qui a autorisé le maintien des soins psychiatriques sans consentement dont fait l'objet M. [H] [S] sous la forme d'une hospitalisation complète ;

LAISSONS les dépens à la charge de l'État.

LE GREFFIER LE DÉLÉGUÉ

DU PREMIER PRÉSIDENT

S. LIVAJA C. MICHELOD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : 1ère chambre section b
Numéro d'arrêt : 22/00054
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;22.00054 ?
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