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17/11/2022 | FRANCE | N°16/02436

France | France, Cour d'appel d'Angers, Troisième chambre, 17 novembre 2022, 16/02436


COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale













ARRÊT N°



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/02436 - N° Portalis DBVP-V-B7A-EABV.



Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du MANS, décision attaquée en date du 05 Octobre 2016, enregistrée sous le n° 25075





ARRÊT DU 17 Novembre 2022





APPELANT :



Monsieur [H] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représenté par Me BOUCHAU

D, avocat substituant Maître Paul CAO de la SCP IN-LEXIS, avocat au barreau de SAUMUR







INTIMEE :



LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) DE LA SARTHE

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Mada...

COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/02436 - N° Portalis DBVP-V-B7A-EABV.

Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du MANS, décision attaquée en date du 05 Octobre 2016, enregistrée sous le n° 25075

ARRÊT DU 17 Novembre 2022

APPELANT :

Monsieur [H] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me BOUCHAUD, avocat substituant Maître Paul CAO de la SCP IN-LEXIS, avocat au barreau de SAUMUR

INTIMEE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) DE LA SARTHE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Madame [C], munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Septembre 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame DELAUBIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Mme Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : M. Yoann WOLFF

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 17 Novembre 2022, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame DELAUBIER, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS et PROCÉDURE

M. [H] [S], salarié de la société [3] en qualité de boucher, a souscrit le 19 mai 2015 auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe (la caisse), une déclaration de maladie professionnelle au titre d'une pathologie franche du nerf cubital droit, sur la base d'un certificat médical initial du docteur [R] [Y] du 17 mai 2015.

Par courrier du 10 novembre 2015, la caisse a, après instruction, notifié à M. [S] un refus de prise en charge d'une maladie pour motif administratif, en précisant que les conditions réglementaires prévues par le tableau n° 57 relatif aux affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail ne sont pas remplies pour le motif suivant : 'absence d'atteinte du nerf cubital à l'EMG du 12/12/14".

M. [S] a saisi successivement la commission de recours amiable de la caisse qui, par décision du 18 décembre 2015, a rejeté sa demande, puis le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Sarthe qui, par jugement du 5 octobre 2016, a confirmé la décision de rejet rendue par la commission et a débouté M. [S] en sa demande de reconnaissance de sa pathologie au titre des maladies professionnelles ainsi que dit n'y avoir lieu à dépens.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception envoyée le 9 novembre 2016, M. [S] a relevé appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 11 octobre précédent.

Par arrêt du 6 février 2020 auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des données du litige et des prétentions initiales des parties, la présente cour, avant dire droit, a :

- ordonné une expertise médicale technique en application des articles L. 141-1 et R. 142-17-1 du code de la sécurité sociale ;

- désigné à cette fin le docteur [U] [P], inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Angers en matière de sécurité sociale (...), avec mission, dans le respect du contradictoire et des dispositions de l'article R. 142-17-1 du code de la sécurité sociale de:

- prendre connaissance de l'entier dossier de M. [H] [S] et procéder à son examen clinique ;

- dire s'il existait le 19 mai 2015, date de la déclaration de maladie professionnelle, au vu notamment de l'examen pratiqué le 12 décembre 2014, un syndrome canalaire du nerf ulnaire dans la gouttière épithrochléo-oléocranienne confirmé par électroneuromyographie (EMG) ;

- dit que l'expert adressera son rapport au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel d'Angers dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;

- rappelé que les frais d'expertise seront avancés par la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe, sans préjudice de leur prise en charge définitive ;

- renvoyé l'affaire à l'audience du mardi 2 juin 2020 à 9 heures, la notification du présent arrêt valant convocation pour cette date ;

- réservé le surplus des demandes ainsi que les dépens.

L'expert a clôturé son rapport le 28 juillet 2022, reçu au greffe le 3 août suivant, en concluant dans les termes suivants : 'Il existait le 19 mai 2015, date de la déclaration de maladie professionnelle un syndrome canalaire du nerf ulnaire droit très net sur le

plan clinique, syndrome confirmé par les constatations établies sur le compte rendu opératoire du 30 juillet 2015, même si l'EMG pratiqué le 12 décembre 2014 ne montre pas d'atteinte du nerf cubital.'

L'affaire a fait l'objet de nombreux renvois dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, avant d'être retenue à l'audience du conseiller rapporteur du 12 septembre 2022, lors de laquelle les parties étaient présentes ou représentées.

*

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Lors de l'audience du 12 septembre 2022, M. [S] a sollicité oralement l'homologation du rapport d'expertise et la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée le 19 mai 2015.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe a déclaré s'en rapporter à justice. Elle a fait observer que le 12 décembre 2014, date du 1er IRM, M. [S] ne présentait pas encore d'atteinte du nerf cubital et que la maladie professionnelle doit être considérée comme établie à la date de la déclaration soit le 19 mai 2015.

***

MOTIVATION

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale prévoit qu' 'est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau'. Chaque tableau précise la nature des travaux susceptibles de provoquer la maladie, énumère les affections provoquées et le délai dans lequel la maladie doit être constatée après la cessation de l'exposition du salarié au risque identifié, pour être prise en charge.

En l'espèce, la déclaration de maladie professionnelle du 19 mai 2015 et le certificat médical initial du 17 mai 2015 désignent 'une pathologie franche du nerf cubital droit'.

La cour avait estimé dans les motifs de son arrêt du 6 février 2020 que si cette dénomination initiale ne correspondait exactement à aucune pathologie du tableau n°57, cette absence de désignation précise de l'un des tableaux dans la déclaration de maladie professionnelle ou dans le certificat initial établi par le médecin traitant de l'assuré n'avait pas pour effet de rendre cette demande irrecevable. Elle a ajouté qu'il appartenait à la caisse d'instruire la demande de prise en charge sans être tenue par la désignation figurant dans la déclaration et, en l'absence de tableau précisément désigné, il lui revenait, après avis du médecin conseil du service du contrôle médical, de dire si la maladie déclarée se rattachait ou non à l'un ou l'autre des tableaux.

Le médecin conseil du service médical dans le cadre du colloque médico-administratif a estimé que l'assuré était atteint d'un syndrome du nerf ulnaire (ou cubital, les deux termes étant synonymes) au coude droit, de sorte que la demande avait été instruite au regard de l'une des maladies figurant au tableau n°57 (B-coude) relatif aux affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail et dont l'intitulé exact est le suivant : 'syndrome canalaire du nerf ulnaire dans la gouttière épithrochléo-oléocrannienne confirmé par électroneuromyographie (EMG)'.

Il a été constaté qu'une EMG avait été réalisée le 12 décembre 2014 mais selon le colloque médico-administratif du 15 octobre 2015, le médecin conseil avait relevé une 'absence d'atteinte du nerf cubital à l'EMG du 12 décembre 2014", estimant alors que les conditions réglementaires du tableau n'étaient pas réunies , ce qui a motivé la décision de refus de prise en charge de la caisse notifiée par courrier du 10 novembre 2015.

La cour avait relevé toutefois, que dans un courrier du 17 mai 2015, le docteur [R] [Y], chirurgien orthopédiste spécialiste des membres supérieurs, avait reproché à 'l'examen électrique' qui semblait désigner l'EMG du 12 décembre 2014, de ne parler que du nerf médian alors que M. [S] souffrait essentiellement du nerf cubital.

La cour, ne disposant pas des compétences techniques lui permettant d'interpréter l'EMG du 12 décembre 2014 ou de dire si cet examen permettait ou non de caractériser une atteinte au nerf ulnaire, a donc ordonné une mesure d'expertise afin de déterminer si l'appréciation du médecin conseil du service médical devait l'emporter sur l'avis émis par le docteur [Y].

L'expert médical judiciaire a conclu qu'il 'existait le 19 mai 2015, date de la déclaration de maladie professionnelle un syndrome canalaire du nerf ulnaire droit très net sur le plan clinique, syndrome confirmé par les constatations établies sur le compte rendu opératoire du 30 juillet 2015, même si l'EMG pratiqué le 12 décembre 2014 ne montre pas d'atteinte du nerf cubital.'

Pour se prononcer en ce sens, l'expert s'est appuyé sur le compte rendu opératoire d'une intervention chirurgicale du 30 juillet 2015 mentionnant les éléments suivants : 'découverte d'un nerf cubital en situation pathologique nette puisqu'il se trouve la pointe de l'épithrochlée et le creux et que le muscle cubital antérieur sincère de façon très proximale. La pathologie vraiment très franche avec une augmentation de volume sur le nerf cubital. Le nerf cubital est libéré au sein du muscle cubital antérieur, libéré au niveau brachial'. Il vise également le compte rendu d'EMG du 12 décembre 2014.

L'expert conclut de façon claire et dépourvue d'ambiguïté que ces éléments plaident 'très nettement en faveur d'un syndrome canalaire du nerf ulnaire droit dans la gouttière épitrochléo-olécrânienne, à la fois sur des arguments cliniques pré et post opératoires et sur des arguments anatomiques'. Il ajoute que la 'constatation électromyographique du 12 décembre 2014 n'empêche pas d'affirmer très clairement que M. [S] souffrait d'un syndrome canalaire du nerf ulnaire droit' à la date de la déclaration de maladie professionnelle.

En conséquence, à la lumière des éléments du dossier incluant les conclusions du rapport de l'expert médical judiciaire et en l'absence de contestation sérieuse et pertinente opposée par la caisse, il y a lieu de retenir que la pathologie dont cette dernière a refusé la prise en charge et qui relève du tableau n° 57 des maladies professionnelles remplit l'ensemble des conditions de prise en charge notamment celle tenant à l'atteinte du nerf cubital, les autres conditions ne faisant pas débat.

Dès lors, cette maladie déclarée le 19 mai 2015 doit être prise en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe qui devra régulariser le dossier de M. [S] ce, à compter du 19 mai 2015 date de la déclaration.

Il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe conservera à sa charge les frais d'expertise et les entiers dépens d'appel

***

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Vu l'arrêt avant-dire droit de la présente cour du 6 février 2020 ;

Vu le rapport d'expertise du docteur [P] déposé le 3 août 2022 ;

INFIRME le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans du 5 octobre 2016 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que la maladie instruite à l'égard de M. [H] [S] au titre d'un 'syndrome canalaire du nerf ulnaire dans la gouttière épithrochléo-oléocrannienne confirmé par électroneuromyographie (EMG)', inscrite sur le tableau n°57 B des maladies professionnelles, déclarée le 19 mai 2015 doit être prise en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe à compter de la date de déclaration, soit le 19 mai 2015 ;

Dit que la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe conservera à sa charge les frais d'expertise ainsi que les entiers dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,

Viviane BODIN M-C. DELAUBIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 16/02436
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;16.02436 ?
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