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17/11/2022 | FRANCE | N°16/02375

France | France, Cour d'appel d'Angers, Troisième chambre, 17 novembre 2022, 16/02375


COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale













ARRÊT N°



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/02375 - N° Portalis DBVP-V-B7A-D7XR.



Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MAINE ET LOIRE, décision attaquée en date du 14 Septembre 2016, enregistrée sous le n° 9544 9121





ARRÊT DU 17 Novembre 2022





APPELANTE :



Société [9] devenue [7]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Adresse

6]



représentée par Me Hervé MORAS de la SCP LEMAIRE - MORAS & ASSOCIES, avocat au barreau de VALENCIENNES







INTIMES :



Monsieur [W] [K]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



comparant





LA CAISSE PRIMAIR...

COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/02375 - N° Portalis DBVP-V-B7A-D7XR.

Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MAINE ET LOIRE, décision attaquée en date du 14 Septembre 2016, enregistrée sous le n° 9544 9121

ARRÊT DU 17 Novembre 2022

APPELANTE :

Société [9] devenue [7]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

représentée par Me Hervé MORAS de la SCP LEMAIRE - MORAS & ASSOCIES, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMES :

Monsieur [W] [K]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) DE [Localité 8], venant aux droits de CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'[Localité 4]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Monsieur [Z], muni d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juillet 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame GENET, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Madame Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Madame Nathalie BUJACOUX

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 17 Novembre 2022, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame GENET, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

M. [W] [K], né le 2 mars 1969, qui travaillait au sein de la société [9] en qualité de magasinier depuis le 29 juin 1998, a souscrit une déclaration de maladie professionnelle le 6 février 2008 pour un syndrome anxio-dépressif réactionnel. Un certificat médical initial du 6 mars 2008 a identifié cette pathologie.

Après instruction et avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] (la caisse) a pris en charge la maladie de M. [K] au titre de la législation professionnelle le 19 septembre 2008.

Contestant l'opposabilité à son égard de la décision de prise en charge de la maladie, la société [9] a saisi successivement la commission de recours amiable de la caisse qui, par décision du 8 janvier 2009, a rejeté sa demande, puis le tribunal des affaires de sécurité sociale de Maine-et-Loire (recours n° 9121).

Le 1er décembre 2008, le médecin du travail a déclaré M. [K] inapte à son poste de travail et à tout poste dans l'entreprise et la société [9] l'a licencié pour inaptitude le 25 mai 2009.

Le 9 juillet 2009, M. [K] a saisi la caisse d'une demande tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur.

Après échec de la tentative d'accord amiable effectuée le 26 novembre 2009 en application des dispositions de l'article L. 452-4 du code de la sécurité sociale, M. [K] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Maine-et-Loire le 4 décembre 2009 d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur (recours n° 9544).

Par jugement du 6 mars 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale a ordonné la jonction des affaires 9121 et 9544 et a sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal du contentieux de l'incapacité qui avait été saisi par la société [9] d'une contestation portant sur le fait que le médecin-conseil avait admis pour M. [K] un taux d'incapacité permanente partielle de 25 %.

Par jugement du 13 novembre 2012, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Nantes a déclaré inopposable à la société [9] le taux d'incapacité permanente partielle de 25 % attribué à M. [K]. Ce jugement a été frappé d'appel devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (CNITAAT) qui l'a infirmé par arrêt du 5 avril 2016 en déclarant opposable à

la société [9] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] en date du 28 novembre 2008 reconnaissant à M. [K], à la date du 28 juillet 2008, un taux d'incapacité permanente partielle de 25 % résultant de la maladie professionnelle déclarée le 6 mars 2008.

Par jugement du 14 septembre 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale, après avoir écarté dans les motifs de sa décision une nouvelle demande de sursis à statuer présentée par la société [9], a :

- dit que la maladie professionnelle déclarée par M. [K] est imputable à la faute inexcusable de son employeur, la société [9] ;

- fixé la majoration de la rente due à M. [K] à son taux maximum ;

- infirmé la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] du 8 janvier 2009 ;

- déclaré inopposable à la société [9] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] du 19 septembre 2008 de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. [K] le 6 février 2008;

- dit qu'en conséquence l'organisme social ne pourra exercer de recours subrogatoire contre l'employeur au titre de la faute inexcusable ;

- avant dire droit sur l'indemnisation, ordonné une expertise médicale de M. [K] et désigné le Docteur [B] [N] avec pour mission de se faire communiquer le dossier médical de M. [K] et en prendre connaissance, de procéder à l'examen clinique de M. [K], de décrire les séquelles consécutives à la maladie professionnelle et de donner son avis sur :

* le déficit fonctionnel temporaire, en décrivant le cas échéant la durée et le degré d'incapacité du fait de ce déficit fonctionnel temporaire éprouvé par la victime et l'étendue de ce chef de préjudice,

* le préjudice d'agrément,

* le préjudice esthétique temporaire, en le quantifiant sur une échelle de 1 à 7,

* le préjudice esthétique permanent, en le quantifiant sur une échelle de 1 à 7,

* le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle,

* l'assistance d'une tierce personne avant consolidation,

* le préjudice sexuel,

* les frais d'adaptation éventuels de logement et/ou de véhicule,

* le préjudice de formation,

* les préjudices permanents exceptionnels atypiques liés aux handicaps permanents;

- dit que les frais d'expertise seront à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] et que celle-ci doit en faire l'avance ;

- alloué à M. [K] une provision de 2 000 euros à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] ;

- condamné la société [9] à payer à M. [K] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté le surplus des demandes des parties ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception envoyée le 17 octobre 2016, la société [9] a relevé appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 23 septembre précédent.

La société [9] a demandé à titre principal à la cour d'ordonner un sursis à statuer dans l'attente du nouvel arrêt de la CNITATT qui devait intervenir à la suite de la cassation de son arrêt du 5 avril 2016 prononcé par la Cour de cassation le 15 juin 2017.

Par arrêt prononcé le 31 octobre 2019, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des données du litige et des prétentions initiales des parties, la présente cour a :

- rejeté la demande de sursis à statuer présentée à titre principal par la société [9] dans l'attente de l'arrêt de la CNITATT ;

- confirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Maine-et-Loire du 14 septembre 2016 en ce qu'il a déclaré inopposable à la société [9] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] du 19 septembre 2008 de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. [K] le 6 février 2008 ;

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société [9] tirée de la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable exercée par M. [K];

Avant dire droit sur le fond :

- désigné le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Bretagne, avec pour mission de donner son avis motivé, en application de l'alinéa 4 de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, sur la question de savoir si la maladie caractérisée dont souffre M. [K], non désignée dans un tableau des maladies professionnelles et ayant entraîné une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 25 %, a été essentiellement et directement causée par son travail habituel au sein de la société [9] ;

- dit que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Bretagne prendra connaissance du dossier détenu par la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8], sollicitera et recueillera des parties toutes pièces, notamment médicales, utiles à l'accomplissement de sa mission et devra transmettre à la présente juridiction son avis motivé dans les quatre mois de sa saisine ;

- réservé le surplus et les dépens.

Par arrêt du 13 mai 2020, la CNITATT a statué dans les termes suivants :

'Déclare irrecevable l'intervention volontaire de M. [K],

Vu l'arrêt de la cour d'appel d'Angers en date du 31 octobre 2019,

Constate que le recours est devenu sans objet.'

Le CRRMP de la région [Localité 5] a rendu son avis le 22 septembre 2020 en établissant une relation directe entre la pathologie présentée par l'intéressé et son activité professionnelle et en ne relevant pas l'existence de facteurs extra-professionnels s'opposant à l'établissement d'un lien essentiel.

Par arrêt en date du 25 novembre 2021 auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des données du litige et des prétentions initiales des parties, la présente cour a :

- rejeté la demande de désignation d'un troisième comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles présentée par la société [9] ;

- rejeté la demande d'expertise médicale de M. [W] [K] présentée par la société [9] ;

- confirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Maine-et-Loire du 14 septembre 2016 en ce qu'il a :

- dit que la maladie professionnelle déclarée par M. [W] [K] est imputable à la faute inexcusable de son employeur, la société [9] ;

- fixé la majoration de la rente due à M. [W] [K] à son taux maximum ;

- ordonné une expertise médicale de M. [W] [K] confiée au docteur [B] [N] et dit que les frais d'expertise seront à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] qui doit en faire l'avance ;

- alloué à M. [W] [K] une provision de 2 000 euros à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] ;

- condamné la société [9] à payer à M. [W] [K] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-rejeté la demande de nouvelle expertise médicale présentée par M. [W] [K] ;

- rejeté la demande de provision complémentaire présentée en appel par M. [W] [K] ;

- débouté la société [9] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée tant à l'encontre de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] qu'à l'encontre de M. [W] [K] ;

- dit qu'il y a lieu d'évoquer la liquidation du préjudice de M. [W] [K] ;

Avant dire droit sur la liquidation du préjudice de M. [W] [K] :

Vu le rapport définitif d'expertise médicale du docteur [B] [N] du 20 décembre 2016,

- invité M. [W] [K] à chiffrer précisément le montant de son préjudice et dit qu'il devra communiquer ses nouvelles conclusions à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8], à la société [9] ainsi qu'à la cour le 28 février 2022 au plus tard ;

- dit que la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] et la société [9] devront communiquer leurs conclusions en réplique à celles de M. [W] [K] le 30 avril 2022 au plus tard ;

- renvoyé l'affaire à l'audience du 5 juillet 2022 à 9h00 et dit que la notification de l'arrêt vaudra convocation pour ladite audience ;

- réservé les dépens ainsi que la demande présentée en appel par M. [W] [K] au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans l'attente des suites de la procédure.

Le dossier a de nouveau été plaidé à l'audience du 5 juillet 2022.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions reçues au greffe le 28 février 2022 régulièrement soutenues à l'audience et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, M. [W] [K] demande à la cour de liquider son préjudice selon les modalités suivantes :

- 146'912 euros pour manque à gagner avec l'attribution d'une rente d'incapacité concernant les bases de salaire de référence et l'absence de coefficient professionnel ;

Pour les préjudices prévus par l'article L. 452 ' 3 du code de la sécurité sociale

- majoration de rente ;

- souffrances physiques et morales : 30'000 euros ;

- préjudice esthétique : 10 000 euros ;

- préjudice d'agrément : 30'000 euros ;

- préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle : 46'000 euros ;

Pour les préjudices non indemnisés au titre de la législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles

- frais divers : 1178 euros ;

- tierce personne temporaire : 7000 euros ;

- préjudice scolaire, universitaire ou de formation : 20'000 euros ;

- déficit fonctionnel temporaire : 39'000 euros ;

- préjudice sexuel : 20'000 euros ;

- préjudice d'établissement : 50'000 euros ;

- préjudices permanents exceptionnels : définir par la cour.

Subsidiairement, M. [K] sollicitait la désignation d'un médecin expert judiciaire.

À titre infiniment subsidiaire, il demandait la désignation de Me [E], spécialiste en droit du dommage corporel et défense des droits des victimes.

M. [K] écrivait par ailleurs à nouveau à la cour le 24 août 2022. Il ne sera pas tenu compte de ses nouvelles écritures intervenues après la clôture des débats.

Par conclusions adressées au greffe le 5 juillet 2022, régulièrement soutenues à l'audience et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, la SARL [7] venant aux droits de la SAS [9] conclut:

- qu'il soit jugé que M. [K] ne chiffre pas de manière précise ses demandes ;

- qu'il soit jugé que M. [K] est irrecevable en ses demandes ;

Subsidiairement,

- au rejet des demandes présentées par M. [K] ;

En toute hypothèse,

- qu'il soit jugé que la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] est privée de toute action récursoire à son encontre ;

- à la condamnation de M. [K] à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- à la condamnation de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions reçues au greffe le 4 juillet 2022, régulièrement soutenues à l'audience et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] conclut :

- qu'il soit jugé que la demande d'inopposabilité dans les rapports employeur/caisse est irrecevable faute d'intérêt à agir en ce sens au stade de l'appel ;

- qu'elle s'en rapporte à justice sur le bien fondé de l'appel portant sur la reconnaissance de la faute inexcusable ;

- au rejet, en tout état de cause de la demande présentée à son encontre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- en cas d'infirmation du jugement conduisant au rejet de la faute inexcusable, à la condamnation de M. [K] à lui payer la somme de 45 377,89 euros ainsi que les majorations de rente versées postérieurement au 5 juillet 2022 jusqu'à la notification de l'arrêt de la cour d'appel.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les moyens tirés de l'irrecevabilité des demandes

Il apparaît que M. [K] a parfaitement évalué le montant des préjudices dont il réclame l'indemnisation dans ses dernières conclusions reçues au greffe le 28 février 2022, à l'exception des préjudices permanents exceptionnels que la cour n'a pas à définir elle-même.

Pour le reste, il convient de rejeter le moyen tiré de l'irrecevabilité de ses demandes.

Par ailleurs, il convient de rappeler que par arrêt définitif en date du 31 octobre 2019, la cour a déjà statué sur l'inopposabilité à la société [9] de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] du 19 septembre 2008 de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. [K] le 6 février 2008.

La cour notait que la caisse primaire avait sur ce point acquiescé au jugement, de sorte que cette question n'est plus dans le débat en appel.

La cour n'a pas reconnu d'action récursoire de la caisse à l'encontre de l'employeur dans son arrêt en date du 25 novembre 2021.

La caisse, dans le cadre de la présente instance, ne formule aucune demande en ce sens, de sorte que la demande consistant à voir juger que la caisse est privée de toute action récursoire contre la société [7] venant aux droits de la société [9] est sans objet.

De plus, à ce stade de la procédure d'appel, la cour n'est plus amenée à se prononcer sur l'existence de la faute inexcusable. Cette question a déjà été tranchée par l'arrêt définitif du 25 novembre 2021, de sorte que la demande présentée par la caisse de remboursement des sommes versées à M. [K] est sans objet.

Enfin, les demandes présentées par M. [K] à titre subsidiaire et infiniment subsidiaire sont irrecevables, la cour ayant déjà statué sur ces demandes par arrêt définitif du 25 novembre 2021. Il était alors souligné qu''aucune critique médicalement fondée n'est articulée à l'encontre du rapport d'expertise du docteur [N] qui a répondu précisément aux questions qui lui étaient posées ainsi qu'aux observations formulées à la suite du pré-rapport par l'avocat de M. [K]. Celui-ci ne produit devant la cour aucun élément médical qui serait de nature à démontrer une aggravation de son état de santé en rapport de causalité avec la maladie professionnelle résultant de la faute inexcusable.'

La cour n'a pas estimé utile à la solution du litige d'ordonner une nouvelle expertise destinée à l'évaluation des préjudices de M. [K].

Par conséquent, la cour s'en tiendra aux conclusions dégagées par le docteur [N] dans son rapport d'expertise médicale du 20 décembre 2016.

Sur la liquidation des préjudices de M. [K]

L'expert a noté qu'au jour de l'examen clinique M. [K] présentait des séquelles douloureuses du rachis dorsolombaire et un syndrome anxiodépressif sévère en lien avec son activité professionnelle.

Selon l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article L. 452-2, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.

Les dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, ne font pas obstacle à ce qu'en cas de faute inexcusable de l'employeur, et indépendamment de la majoration du capital ou de la rente, la victime puisse demander la réparation non seulement des chefs de préjudice énumérés par cet article mais aussi de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

La réserve d'interprétation portant sur les dispositions des articles L. 451-1 et L. 452-2 à L. 452-5 du code de la sécurité sociale, émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 juin 2010, signifie seulement que la victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de l'employeur peut demander à ce dernier devant la juridiction de sécurité sociale la réparation de tous les chefs de préjudice non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, sans pour autant lui conférer un droit d'indemnisation intégrale de son dommage, et notamment un droit à réparation complémentaire des postes de préjudice déjà indemnisés de manière forfaitaire par le code de la sécurité sociale, le droit à réparation intégrale n'étant pas un principe de valeur constitutionnelle.

L'indemnisation des préjudices de M. [K] doit s'analyser comme suit :

Les préjudices extra-patrimoniaux

Les préjudices extra-patrimoniaux temporaires avant consolidation

déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice concerne l'indemnisation de l'aspect non économique de l'incapacité temporaire et recouvre la gêne subie par la victime dans les actes de la vie courante pendant la maladie traumatique, c'est à dire jusqu'à sa consolidation. Il inclut pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d'agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

L'expert a fixé la durée et l'intensité de ce préjudice de la façon suivante:

- déficit fonctionnel temporaire de classe II (25%) du 10 décembre 2004 au 28 juillet 2008, en raison 'd'un traitement au long cours, des séances de rééducation, des séances d'ostéopathie, de 2 arrêts de travail sans hospitalisation.'

Au vu des éléments produits et de l'avis de l'expert, il convient d'allouer à M. [K] la somme de 35 000 euros.

souffrances endurées

Les souffrances endurées indemnisées dans le cadre de la faute inexcusable de l'employeur sont celles qui ne sont pas déjà indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent, soit les souffrances avant consolidation.

Pour évaluer à 3 sur une échelle de 1 à 7 les souffrances physiques ou psychiques endurées par M. [K] depuis les faits à l'origine des dommages en 2004 jusqu'à la date de la consolidation fixée au 28 juillet 2008, l'expert a retenu les nombreuses séances de rééducation, d'ostéopathie et les différents traitements instaurés.

Au vu des éléments produits et de l'avis de l'expert, il convient d'allouer à M. [K] la somme de 6 000 euros.

Les préjudices extra-patrimoniaux permanents après consolidation

préjudice d'agrément

Le préjudice d'agrément vise exclusivement l'indemnisation du préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs antérieure à l'accident.

L'expert a retenu un préjudice d'agrément qui correspond à la perte de toute envie de loisirs, sorties et activités en société pour M. [K].

Au vu des éléments produits et de l'avis de l'expert, il convient d'allouer à M. [K] la somme de 2 000 euros.

préjudice esthétique

L'expert n'a pas retenu ce chef de préjudice. La demande présentée par M. [K] sur ce point doit donc être rejetée.

perte de chance de promotion professionnelle

La majoration de la rente ne tend qu'à compenser le préjudice résultant de la perte de capacité ou de gains, y compris la perte de gains futurs, ainsi que l'incidence professionnelle de l'incapacité. C'est pourquoi la victime a le droit de demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Il appartient alors au salarié d'établir qu'il aurait eu au jour de l'accident de sérieuses chances de promotion professionnelle.

En revanche, le déclassement professionnel est compensé par l'attribution d'une rente majorée. La perte de droits à la retraite consécutive à un licenciement pour inaptitude que subit un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle due à une faute inexcusable de l'employeur fait partie des préjudices réparés par la rente majorée et ne donne lieu quant à elle à aucune indemnisation complémentaire. De même, un salarié ne peut obtenir l'indemnisation de la perte de ses revenus professionnels, en sus de la majoration de rente ou de capital dont il a bénéficié au titre de la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. En effet le mécanisme d'indemnisation de ce poste de préjudice consiste dans le versement d'une rente ou d'un capital.

Cela signifie que la demande présentée par M. [K] à hauteur de 146'912 euros concernant 'un manque à gagner' en raison de la rente d'incapacité servie ne peut pas faire l'objet d'une indemnisation complémentaire en dehors de versement de la rente majorée. Cette demande doit donc être rejetée.

De plus, même si l'expert a noté les doléances de M. [K] concernant la perte de promotion professionnelle, précisant que ce dernier avait refusé un poste de commercial, il n'est justifié d'aucun préjudice en ce domaine.

Cette demande doit donc également être rejetée.

Préjudice sexuel

L'expert n'a pas retenu ce chef de préjudice. La demande présentée par M. [K] sur ce point doit donc être rejetée.

Les préjudices patrimoniaux

Les préjudices patrimoniaux temporaires avant consolidation

assistance temporaire d'une tierce personne

L'expert n'a pas retenu ce chef de préjudice. La demande présentée par M. [K] sur ce point doit donc être rejetée.

frais divers

M. [K] justifie au soutien de sa demande à hauteur de 1178 euros du réglement des frais auprès de l'osthéopathe. Il n'est pas non plus contesté qu'il a effectué également deux trajets en train à [Localité 3] pour se rendre à la CNITAAT. Il convient de faire droit intégralement à sa demande.

Les préjudices patrimoniaux permanents après consolidation

assistance permanente tierce personne

L'expert n'a pas retenu ce chef de préjudice. La demande présentée par M. [K] sur ce point doit donc être rejetée.

Préjudice scolaire, universitaire ou de formation

L'expert n'a pas retenu ce chef de préjudice. La demande présentée par M. [K] sur ce point doit donc être rejetée.

Préjudice d'établissement

L'expert n'a pas retenu ce chef de préjudice. La demande présentée par M. [K] sur ce point doit donc être rejetée.

Ces condamnations porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt sur le fondement des dispositions de l'article 1231-7 du code civil.

Sur la caisse primaire d'assurance maladie

La présente décision est opposable et commune à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] qui versera directement à M. [K] l'indemnisation de l'ensemble de ses préjudices conformément à la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle le 19 septembre 2008.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] est condamnée au paiement des dépens d'appel, y compris les frais d'expertise.

Les demandes présentées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Vu l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 31 octobre 2019 ;

Vu l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 25 novembre 2021 ;

DECLARE irrecevable la demande présentée par M. [W] [K] au titre des préjudices permanents exceptionnels ;

REJETTE pour le surplus le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes présentées par M. [W] [K] au titre de la liquidation de son préjudice ;

DECLARE sans objet la demande présentée par la société [7] venant aux droits de la société [9] tendant à voir juger que la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] est privée de toute action récursoire ;

DECLARE sans objet la demande présentée par la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] de remboursement des sommes perçues par M. [W] [K] 'en cas d'infirmation du jugement conduisant au rejet de la faute inexcusable' ;

DECLARE irrecevables les demandes présentées par M. [W] [K] à titre subsidiaire et infiniment subsidiaire ;

REJETTE les demandes présentées par M. [W] [K] au titre du préjudice esthétique, du 'manque à gagner concernant le versement de la rente d'incapacité', du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de promotion professionnelle, du préjudice lié à l'assistance temporaire et permanente d'une tierce personne, du préjudice sexuel, du préjudice universitaire, scolaire ou de formation et du préjudice d'établissement;

FIXE les préjudices de M. [W] [K] comme suit :

Préjudices extra-patrimoniaux

Préjudices extra-patrimoniaux avant consolidation

déficit fonctionnel temporaire : 35 000 euros

souffrances endurées : 6000 euros

Préjudices extra-patrimoniaux après consolidation

préjudice d'agrément : 2000 euros

Préjudices patrimoniaux

Préjudices patrimoniaux avant consolidation

frais divers : 1178 euros

DIT que ces condamnations porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt sur le fondement des dispositions de l'article 1231-7 du code civil ;

DECLARE la présente décision commune et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] ;

DIT que la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] doit faire l'avance des sommes dues au titre de l'indemnisation des préjudices subis par M. [W] [K] dans la limite du présent arrêt ;

REJETTE les demandes présentées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] au paiement des dépens d'appel, y compris les frais d'expertise.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Viviane BODIN Estelle GENET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 16/02375
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;16.02375 ?
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