COUR D'APPEL
D'ANGERS
1ERE CHAMBRE SECTION B
IC/IM
ARRET N°
AFFAIRE N° RG 19/01454 - N° Portalis DBVP-V-B7D-ERJB
Jugement du 21 Mai 2019
Tribunal de Grande Instance d'ANGERS
n° d'inscription au RG de première instance : 16/02324
ARRET DU 27 OCTOBRE 2022
APPELANT :
M. [S] [V]
né le 15 Juillet 1948 à [Localité 8] ([Localité 8])
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Sébastien NAUDIN de la SELARL NEDELEC & NAUDIN, avocat au barreau d'ANGERS
INTIME :
M. [R] [V]
né le 29 Mars 1976 à [Localité 4] (49)
[Adresse 9]
[Localité 2]
Représenté par Me Julien ROUX, avocat postulant au barreau d'ANGERS, substitué à l'audience par Me Charline CHEVALIER, et par Me Patrick DESCAMPS, avocat plaidant au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 23 Juin 2022, Mme COUTURIER, Conseillère, ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :
Mme COURTADE, Présidente de chambre
Mme COUTURIER, Conseillère
Mme PARINGAUX, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme BOUNABI
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 27 octobre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Marie-Christine COURTADE, Présidente de chambre et par Florence BOUNABI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE
Madame [M] [B] épouse [V] est décédée le 7 avril 2011 à [Localité 11] (38).
M. [O] [V], son époux, est décédé le 31 décembre 2011 à [Localité 5] (49).
Ils laissent pour leur succéder M. [S] [V], leur fils, et M. [R] [V], leur petit-fils.
Par jugement en date du 15 décembre 2014, le tribunal de grande instance d'Angers a :
- déclaré l'assignation délivrée le 21 mars 2013 recevable ;
- débouté M. [R] [V] de sa fin de non recevoir ;
- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation partage du régime des successions de Mme [M] [B] épouse [V] décédée le 7 avril 2011 à [Localité 11] (38) et de M. [O] [V] décédé le 31 décembre 2011 à [Localité 5] (49) ;
- commis Maître [F], notaire à [Localité 4], pour y procéder ;
- désigné Mme Nadine Gaillou, Vice Présidente, en qualité de juge commissaire et pour faire rapport en cas de difficulté ;
- dit qu'en cas d'empêchement du juge ou du notaire commis, il sera remplacé par simple ordonnance sur requête rendue à la demande de la partie la plus diligente ;
- débouté M. [R] [V] de sa demande de production de la correspondance entretenue entre Maître [I] et son conseil ;
- rejeté toutes autres demandes ;
- laissé à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles ;
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation et partage.
Par acte en date du 25 juillet 2016, M. [S] [V] a fait citer M. [R] [V], son fils, devant le tribunal de grande instance d'Angers.
M. [S] [V] a sollicité de :
- voir prononcer la liquidation partage de la succession [V]-[B],
- se voir attribuer la totalité de l'actif net de la succession,
- voir condamner M. [R] [V] au paiement de la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du recel,
- voir condamner M. [R] [V] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
M. [R] [V] a sollicité de :
- voir débouter M. [S] [V] de l'ensemble de ses demandes,
- se voir attribuer la quotité disponible de la succession [V]-[B],
- voir condamner M. [S] [V] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par jugement en date du 21 mai 2019, le tribunal de grande instance d'Angers, a notamment :
- débouté M. [S] [V] de l'ensemble de ses demandes ;
- fait droit à la demande d'attribution de M. [R] [V] de la quotité disponible de la succession de ses grands -parents Mme [M] [B] épouse [V] et M. [O] [V] ;
- laissé à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles ;
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation et partage.
Par déclaration reçue au greffe le 17 juillet 2019, M. [S] [V] a relevé appel de cette décision en ce qu'il a été débouté de sa demande tendant à se voir attribuer la quotité disponible de la succession de ses parents, Mme [M] [B] et M. [O] [V].
Une ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2022, l'affaire étant fixée pour plaidoiries à l'audience du 23 juin 2022.
PRETENTIONS DES PARTIES
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
- le 11 mars 2020 pour M. [S] [V]
- le 30 novembre 2019 pour M. [R] [V]
aux termes desquelles les parties forment les demandes qui suivent :
M. [S] [V] demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris ;
- lui attribuer la totalité de l'actif net de la succession ;
- condamner M. [R] [V] au paiement de la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du recel ;
- condamner M. [R] [V] au paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
M. [R] [V] demande à la cour de :
- déclarer irrecevable et en tout cas mal fondé M. [S] [V] en son appel ;
- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
- débouter M. [S] [V] de l'ensemble de ses demandes, 'ns et prétentions ;
- attribuer la quotité disponible de la succession [V] - [B] à son pro't ;
- condamner M. [S] [V] à lui payer la somme de 3 500 euros chacun (sic) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [S] [V] aux entiers dépens,
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'existence d'un recel
L'article 778 du code civil dispose que : « Sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.
Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.
L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession. »
Le recel est constitué par toute fraude qui a pour conséquence de rompre l'égalité des partages entre cohéritiers.
M. [S] [V] fait valoir que la fraude résulte des man'uvres de M. [R] [V] pour tenter d'accroître indûment ses droits dans une succession.
Il indique que M. [R] [V] a été bénéficiaire des largesses de ses grands parents et en a usé et abusé, le couple défunt ayant vendu une maison pour permettre à M. [R] [V] l'acquisition d'un fonds artisanal qui a été placé en liquidation judiciaire en 2012, comme une autre structure situé à [Localité 7] qui a aussi périclité, et le couple défunt a consenti une donation de 10 % de la maison de [Localité 10] qui a été rapidement vendue et déménagée sans signature du juge des tutelles, et tous les meubles ont disparu, dilapidés et seul M. [R] [V] était à même de vider ladite maison et de signer le compromis de vente.
Il indique que les états bancaires du couple font apparaître des débits importants au profit de M. [R] [V]. Il soutient qu'il est évident que M. [R] [V] a soustrait, dissimulé des biens et des donations avec l'intention de fausser le partage.
Il affirme qu'il a abusé de la faiblesse de ses grands-parents et s'est débarrassé de son grand-père en maison de retraite en le laissant avec des dettes. Il indique que l'association en charge de la tutelle avait porté plainte et a dénoncé le comportement de M. [R] [V].
Il indique que M. [R] [V] a forcé la main de ses grands-parents pour les amener à lui verser des sommes en pleine connaissance du tort causé à son père. Il fait valoir la dissimulation de chèques, la vente en catimini des biens immobiliers hors du formalisme lié à la tutelle, l'enlèvement des meubles et objets qui appartenaient à son père.
M. [R] [V] fait valoir que la plainte déposée par la chargée de tutelle a été classée sans suite. Il relève que M. [S] [V] développe des allégations qui n'engagent que lui, qui sont infondées et infamantes, souligne que ses grands parents ont établi des testaments le 20 décembre 1991 à son profit. Il indique avoir bénéficié de versements alimentaires de ses grands-parents, en conséquence de l'abandon paternel.
Sur ce,
Le juge aux affaires familiales a relevé dans une ordonnance du 13 décembre 1994 que les parents de M. [R] [V] s'accordaient pour dire que celui-ci vivait chez ses grands-parents et n'était plus à leur charge, M. [S] [V] soutenant que c'était depuis le 1er septembre tandis que Mme [N] soutenait que c'était depuis le 23 septembre 1994.
Mme [M] [V] a, le 25 mars 2006, récapitulé un ensemble de dépenses pour la scolarité de M. [R] [V] qu'elle avait pris en charge de 1992 à 1994.
Il est établi que M. [R] [V], en difficulté en conséquence du divorce de ses parents, a été pris en charge par ses grands-parents avant sa majorité. Ses grands-parents l'ont ensuite soutenu dans ses entreprises.
Ainsi, il est établi que par acte du 30 juillet 2007, M et Mme [O] [V] ont donné à leur petit-fils [R] 10 % de la nue-propriété de leur maison de [Localité 10] (pour une valeur de 17 000 euros). De plus, le procès-verbal de dires sur liquidation partage établi par Maître [F] le 29 mars 2016 prouve que M. [R] [V] a bénéficié de versements de ses grands-parents, M et Mme [O] [V], notamment entre le 30 avril 2009 et le 29 mars 2010, par cinq chèques pour un montant total de 24 500 euros.
Il est justifié d'une procédure de liquidation judiciaire prononcée le 13 mars 2012 pour une société dont M. [R] [V] était administrateur depuis 2008.
M et Mme [O] [V] ont déclaré le 6 avril 2001, par courrier annexé au procès-verbal de dire précité, avoir subvenu à tous les besoins de leur petit-fils [R] jusqu'à ses 27 ans.
Il n'est pas justifié qu'aux dates de ces donations, M. [O] [V] ou Mme [M] [B] auraient été en état de faiblesse. M. [O] [V] a été placé sous mesure de tutelle le 20 janvier 2011 et son épouse a été sa tutrice jusqu'à la désignation de l'association [Adresse 6] le 12 mai 2011, à la suite du décès de Mme [M] [B].
M. [S] [V] affirme que M. [R] [V] s'est débarrassé de son grand-père mais, dans un courrier du 15 juillet 2010, M. [S] [V] accusait sa mère et son fils d'avoir abandonné M. [O] [V], et il déclarait à sa mère qu'il demandait une mesure de protection à son encontre.
Cependant, M. [O] [V] est entré en maison de retraite et Mme [M] [B] a été désignée tutrice de son époux par jugement du 20 janvier 2011. M. [R] [V] ne peut être tenu responsable d'un défaut de paiement de la maison de retraite où vivait son grand-père.
Il n'est pas justifié de man'uvres de M. [R] [V] pour obtenir les avantages que ses grands-parents lui ont consentis.
M.[S] [V] affirme que M. [R] [V] a abusé de ses grands-parents, qu'il a signé le compromis de vente d'un bien immobilier qui aurait été vendu sans l'autorisation du juge des tutelles, que M. [R] [V] a vidé la maison, qu'il a caché des donations.
Cependant, il ne prouve pas les faits qu'il soutient et n'établit pas l'abus de M. [R] [V] à l'encontre de ses grands-parents, notamment qu'il leur aurait forcé la main. Il est d'ailleurs établi l'existence d'une plainte de l'association [Adresse 6] pour vol du 5 août 2011 de meubles et objets de la maison de M. [O] [V] sans effraction de la maison, mais cette plainte a été classée sans suite le 9 novembre 2011.
Il est établi que trois chèques ont été débités les 11 et 12 avril 2011 selon le relevé du compte de M. ou Mme [O] [V] pour un total de 6 029 euros, alors que Mme [V] est décédée le 7 avril 2011, mais il n'est pas établi que M. [R] [V] aurait été bénéficiaire de ces chèques.
Le fait que M. [R] [V] ait été soutenu par ses grands-parents et qu'il ait reçu de leur part des sommes d'argent ne constitue pas une faute ou une fraude de M. [R] [V], et il n'est apporté aucune preuve de faits de détournement volontaire par M. [R] [V] des biens de la succession future de M. et Mme [O] [V], pas plus qu'il n'est justifié de ses agissements pour rompre l'égalité du partage.
M. [S] [V] n'apporte pas la preuve d'un recel de M. [R] [V]. Le jugement sera sur ce point confirmé.
En l'absence de preuve du recel, M. [S] [V] est mal fondé à solliciter réparation du préjudice qui en serait résulté. Le jugement qui a débouté M. [S] [V] de ses demandes à ce titre sera confirmé.
Sur le partage
M. [S] [V] sollicite en conséquence du recel l'attribution de la réserve et la quotité disponible.
M. [R] [V] sollicite l'attribution de la quotité disponible.
Sur ce,
M. [O] [V] et Mme [M] [B] étaient soumis au régime de communauté universelle depuis un acte notarié du 8 juillet 1991, homologué par jugement du 30 septembre 1991.
M. [O] [V] a, par testament du 20 décembre 1991, dit pour le cas de pré-décès de son conjoint : « je révoque toutes mes dispositions testamentaires antérieures et lègue la quotité disponible de mes biens meubles et immeubles à mon petit-fils [R] [W] [V] né le 29 mars 1976 à [Localité 4]. »
Mme [M] [B] a, par testament du 20 décembre 1991, dit pour le cas de pré-décès de son conjoint : « je révoque toutes mes dispositions testamentaires antérieures et lègue la quotité disponible de mes biens meubles et immeubles à mon petit-fils [R] [W] [V] né le 29 mars 1976 à [Localité 4]. »
M. [S] [V] n'apporte pas la preuve d'un recel ainsi qu'il a été vu plus haut.
M. [R] [V] est fils de M. [S] [V] et à ce titre n'est pas héritier réservataire mais légataire à titre universel et n'est pas soumis au rapport en application de l'article 857 du code civil.
Dès lors, il est bien fondé à solliciter la quotité disponible.
Le jugement sera sur ce point confirmé.
Sur les frais et dépens
Partie perdante, M. [S] [V] sera débouté de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, condamné au paiement de 2 000 euros à M. [R] [V] sur le même fondement et condamné au paiement des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance d'Angers du 21 mai 2019 en toutes ses dispositions contestées ;
DEBOUTE M. [S] [V] de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [S] [V] au paiement de la somme de 2 000 euros à M. [R] [V] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [S] [V] au paiement des dépens d'appel.
LA GREFFIERELA PRESIDENTE
F. BOUNABI M.C. COURTADE