COUR D'APPEL
D'ANGERS
1ERE CHAMBRE SECTION B
IC/IM
ARRET N°
AFFAIRE N° RG 19/00075 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EOCF
Jugement du 06 Décembre 2018
Juge aux affaires familiales du MANS
n° d'inscription au RG de première instance : 17/04012
ARRET DU 27 OCTOBRE 2022
APPELANT :
M. [P] [G] [V] [T]
né le 09 Août 1956 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Cyrille GUILLOU de la SELARL BOIZARD - GUILLOU, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 190005
INTIMEE :
Mme [J] [D] divorcée [T]
née le 06 Août 1959 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Valérie MOINE de la SELARL MOINE - DEMARET, avocat au barreau du MANS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 23 Juin 2022, Mme COUTURIER, conseillère, ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :
Mme COURTADE, Présidente de chambre
Mme COUTURIER, Conseillère
Mme PARINGAUX, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme BOUNABI
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 27 octobre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Marie-Christine COURTADE, Présidente de chambre, et par Florence BOUNABI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE
Mme [J] [D] et M. [P] [T] se sont mariés, sans contrat de mariage, le 29 juillet 1978 à [Localité 5] (08).
Par requête enregistrée le 8 juillet 2014, M. [P] [T] a présenté une demande en divorce devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance du Mans.
Par ordonnance de non~conciliation du 20 novembre 2014, le juge aux affaires familiales saisi a constaté l'acceptation du principe du divorce par les époux, a accordé à l'épouse Ia jouissance du domicile conjugal sans indemnité d'occupation, a réparti les véhicules entre les époux, a commis maître [N] [Z] pour préparer un projet d'état Iiquidatif et a mis à la charge de l'époux une pension alimentaire de 2.000 euros par mois au titre du devoir de secours.
Par acte d'huissier délivré le 19 décembre 2014, M. [T] a demandé que le divorce soit prononcé sur le fondement de l'article 233 du code civil et la désignation de maître [Z] pour procéder à la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux.
Selon jugement du 7 décembre 2015, le divorce des époux [T]-[D] a été prononcé en application des dispositions de l'article 233 du code civil et le juge aux affaires familiales a dit n'y avoir lieu à ordonner la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux dans le cadre d'un partage judiciaire.
Mme [D] et M. [T] ont sollicité maître [N] [Z] afin qu'un état Iiquidatif soit dressé dans le cadre d'un partage amiable.
Maître [Z] a dressé un procès-verbal de difficultés le 11 mai 2016.
Par acte d'huissier daté du 4 décembre 2017, M. [T] a assigné Mme [D] devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance du Mans pour la liquidation et le partage judiciaire de leurs intérêts patrimoniaux.
Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 10 septembre 2018, M. [P] [T] a sollicité du tribunal qu'iI :
- ordonne l'ouverture judiciaire du partage de la communauté [T] - [D] ;
- désigne pour y procéder maître [N] [Z], Notaire à Yvré Lévêque ;
- dise qu'en cas empêchement ou difficulté, il pourra être pourvu à son remplacement sur simple requête ;
- dise et juge que l'indemnité conventionnelle de licenciement d'un montant de 75.096 euros est un bien propre à son profit et que cette indemnité ne doit pas être partagée entre les deux ex-époux ;
- dise et juge que la somme de 19.000 euros ne doit pas donner lieu à récompense pour l'un ou l'autre des époux ;
- dise et juge que le règlement de la somme de 3.658 euros au titre des impôts sur les revenus 2014 sera partagé entre les époux dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial ;
- déboute [J] [D] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamne [J] [D] à lui verser la somme de 2.500 euros en application des dispositions de article 700 du code de procédure civile ;
- ordonne l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;
- condamne Mme [J] [D] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Soret Bruneau conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, Mme [D] a demandé de :
- ordonner l'ouverture judiciaire du partage de la communauté [T]-[D] ;
- désigner pour y procéder maître [N] [Z] Notaire à Yvré Lévêque ;
- dire qu'en cas d'empêchement ou de difficultés il pourra être pourvu à son remplacement sur simple requête ;
- débouter M. [P] [T] de sa demande tendant à vouloir juger que l'indemnité conventionnelle de licenciement de 75.096 euros est un bien propre ;
- dire et juger que l'indemnité conventionnelle de licenciement d'un montant de 75.098 euros constitue un bien commun ;
- dire et juger que la somme de 19.000 euros allouée à M. [P] [T] dans le cadre du procès-verbal de transaction à la suite de l'accident de circulation du 31 décembre 2011 doit tomber dans la communauté ;
- débouter M. [P] [T] de sa demande tendant à obtenir que la somme de 3.658 euros au titre des impôts sur le revenu 2014 soit partagée par moitié ;
- dire et juger que la somme de 3.658 euros sera partagée entre M. [P] [T] et elle au prorata des ressources de chacun en 2014 ;
- condamner M.[P] [T] à lui verser la somme de 2.500 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [P] [T] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP A. Benoit Avocat sur le fondement de l'article 699 du Code Civil.
Le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance du Mans du 6 décembre 2018 a notamment :
- ordonné l'ouverture des opérations de comptes-liquidation-partage judiciaire de la communauté ayant existé entre M. [J] [D] et M. [P] [T] ;
- désigné maître [N] [Z], notaire à [Localité 6] (72) pour procéder à ces opérations ;
- commis le juge aux affaires familiales en charge du contentieux des liquidations partage des régimes matrimoniaux au sein de la chambre 2 du tribunal de grande instance du Mans, afin de surveiller les opérations de liquidation/ partage ;
- dit qu'à compter du jour du présent jugement, le notaire disposera d'un délai de douze mois pour dresser un état liquidatif à partir des éléments que les parties soumettront à leur accord ;
- dit qu'en cas de désaccord il dressera au plus tard à l'issue de ce délai un procès-verbal énumérant précisément et point par point les différentes contestations soulevées ;
- dit que le procès-verbal auquel sera annexé le projet d'état liquidatif sera remis à chacune des parties ;
- dit qu'il appartiendra alors à la partie la plus diligente de saisir le juge aux affaires familiales du tribunal pour qu'il soit statué sur les difficultés consignées ;
- dit qu'en cas d'établissement d'un simple procès-verbal de carence, la saisine de la juridiction ne pourra se faire que par voie d'assignation ;
- rappelé au notaire commis les dispositions de l'article 1 365 dernier alinéa du code de procédure civile lui permettant de s'adjoindre un expert d'un commun accord entre les parties ou à défaut par le magistrat qui sera commis ;
- rappelé que si le notaire commis se heurte à l'inertie d'un indivisaire il peut le mettre en demeure, par acte extra-judiciaire, de se faire représenter par application des dispositions de l'article 841-1 du code civil. Faute d'avoir constitué mandataire dans les trois mois de la mise en demeure, le notaire peut demander au juge de désigner toute personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu'à la réalisation complète des opérations ;
- dit que le notaire pourra d'initiative interroger Ficoba en vertu de la présente décision ;
- débouté M. [P] [T] de sa demande visant à voir juger que l'indemnité conventionnelle de 75.096 euros versée parla [...] est un bien propre ;
- fixé à 115.976,88 euros l'indemnité versée à M. [P] [T] par [...] et constitutive d'un acquêt de communauté ;
- dit qu'il appartiendra au notaire soussigné d'en tirer les conséquences liquidatives de droit eu égard au patrimoine ayant encaissé cette indemnité versée par [...] ;
- dit que l'indemnité de 19.000 euros versée par la MAIF revêt la qualification d'acquêt au sens de l'article 1401 du code civil ;
- débouté Mme [J] [D] de sa demande visant à voir juger que l'indemnité de 19.000 euros versée par la M.A.I.F donne lieu à récompense ;
- fixé à 3.658 euros le montant dû au titre de l'impôt sur les revenus perçus en 2014 qui devra être inscrit au passif de la communauté [T]-[D] ;
- débouté les parties de leurs autres demandes ;
- dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a exposés ;
- débouté les parties de leur demande d'indemnité formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision;
Par déclaration reçue au greffe le 14 janvier 2019, M.[T] a relevé appel de cette décision en ce qu'elle l'a débouté de sa demande visant à voir juger que l'indemnité conventionnelle de 75.096 euros versée par la [...] est un bien propre, fixé à 115.976,88 euros l'indemnité versée à M. [T] par [...] et constitutive d'un acquêt de communauté, dit qu'il appartiendra au notaire d'en tirer les conséquences liquidatives de droit eu égard au patrimoine ayant encaissé cette indemnité versée par [...].
Une ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2021, l'affaire étant fixée pour plaidoiries à l'audience du 25 novembre 2021 puis renvoyée au 23 juin 2022.
PRETENTIONS DES PARTIES
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, aux dernières conclusions déposées au greffe par M. [T] le 27 mars 2019.
M. [T] demande à la cour de :
- dire et juger que la somme de 75.096 euros est un bien qui lui est propre car elle a, ainsi que le confirme celui qui a payé ladite somme, servi à réparer un préjudice moral ;
- s'agissant d'un bien propre, dire et juger que cette somme n'a pas à rentrer en communauté et à être partagée ;
- condamner Mme [J] [D] à lui payer une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Mme [D], qui a constitué avocat le 13 février 2019, n'a pas déposé de conclusions.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nature des indemnités reçues par M. [T]
L'article 1401 du code civil dispose que : « La communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres. »
L'article 1402 du code civil dispose que : « Tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l'on ne prouve qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de la loi. »
M. [T] fait valoir que l'attestation de la [...] établit que les sommes lui ont été versées pour réparer le préjudice moral lié à son licenciement pour inaptitude physique, et que ce tiers est le plus apte à établir la preuve du motif du versement.
Sur ce,
Il est constant que suite à un grave accident de la circulation le 31 décembre 2011, M. [T] a été licencié le 7 avril 2014 pour inaptitude de son poste au sein de la [...].
Son bulletin de salaire du mois d'avril 2014 fait état d'une indemnité de licenciement de 36.336,08 euros, d'une indemnité de congés payés de 12.904,08 euros et d'une indemnité conventionnelle de 75.096 euros.
Il n'est pas contesté que les sommes de 12.904,08 et 36.336,08 euros sont des sommes qui entrent dans l'actif commun.
M. [S], le 4 septembre 2015, en qualité de directeur administratif et financier de la [...], a déclaré que l'indemnité compensatrice de 111.432,78 euros a été versée à M. [T] pour « réparer le préjudice moral et physique subi ».
Il n'est cependant pas contesté que la somme de 49.240,86 euros sur les 111.432,78 euros versés n'est pas une indemnité réparant un préjudice corporel ou moral. L'attestation de l'employeur n'apporte donc pas la preuve que la somme versée à M. [T] répare un préjudice corporel ou moral.
M. [T] a reçu la somme de 75.096 euros en conséquence de la rupture de son contrat de travail, suite à son inaptitude physique et à l'impossibilité pour son employeur de le reclasser dans l'entreprise.
M. [T] ne produit aucune autre pièce pour justifier que les 75.096 euros lui ont été versés pour indemniser un préjudice l'affectant exclusivement personnellement, physiquement ou moralement, et non pour réparer le préjudice résultant de la perte de son emploi.
M. [T] ne prouve donc pas que la somme de 75.096 euros reçue de son employeur serait un bien propre. Cette somme constitue donc un acquêt, provenant de son industrie au sens de l'article 1401 précité et, en conséquence, le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les dépens
Mal fondé en son appel, M. [T] sera débouté de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné au paiement des dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance du Mans du 6 décembre 2018 en toutes ses dispositions contestées ;
DEBOUTE M. [P] [T] de sa demande formée à l'encontre de Mme [J] [D] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [P] [T] au paiement des dépens d'appel.
LA GREFFIERELA PRESIDENTE
F. BOUNABI M.C. COURTADE