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19/10/2022 | FRANCE | N°22/00049

France | France, Cour d'appel d'Angers, 1ère chambre section b, 19 octobre 2022, 22/00049


COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ère CHAMBRE B







Ordonnance N°: 49



Ordonnance du Juge des libertés et de la détention du MANS du 07 Octobre 2022



N° RG 22/00049 - N° Portalis DBVP-V-B7G-FCCN





ORDONNANCE

DU 19 OCTOBRE 2022



Nous, Catherine MICHELOD, Présidente de chambre à la Cour d'Appel d'ANGERS, agissant par délégation du Premier Président en date du 30 août 2022, assistée de S. LIVAJA, Greffier,





Statuant sur l'appel formé par :



Monsieu

r [L] [T]

né le 14 Octobre 1981 à [Localité 6] (72)

[Adresse 7]

[Localité 3]



Comparant assisté de Me Claire CAVELIER D'ESCLAVELLES, avocat au barreau d'ANGERS, désigné d'office,



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COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ère CHAMBRE B

Ordonnance N°: 49

Ordonnance du Juge des libertés et de la détention du MANS du 07 Octobre 2022

N° RG 22/00049 - N° Portalis DBVP-V-B7G-FCCN

ORDONNANCE

DU 19 OCTOBRE 2022

Nous, Catherine MICHELOD, Présidente de chambre à la Cour d'Appel d'ANGERS, agissant par délégation du Premier Président en date du 30 août 2022, assistée de S. LIVAJA, Greffier,

Statuant sur l'appel formé par :

Monsieur [L] [T]

né le 14 Octobre 1981 à [Localité 6] (72)

[Adresse 7]

[Localité 3]

Comparant assisté de Me Claire CAVELIER D'ESCLAVELLES, avocat au barreau d'ANGERS, désigné d'office,

APPELÉS A LA CAUSE :

EPSM DE LA SARTHE, en qualité de tuteur

Protection des majeurs

[Adresse 1]

[Localité 2]

Monsieur LE DIRECTEUR DE L'EPSM DE LA SARTHE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Non comparants, ni représentés,

Après débats à l'audience publique tenue au Palais de Justice le 19 Octobre 2022 à 14h30, il a été indiqué que la décision serait prononcée dans la soirée, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCEDURE

Par décision du directeur de l'Etablissement Public de Santé Mentale de la Sarthe, dénommé ci-après EPSM de la Sarthe, en date du 12 mars 2021, M. [L] [T], bénéficiaire d'une mesure de tutelle depuis le 19 février 2021, a été admis en soins psychiatriques sans consentement pour péril imminent.

Cette décision a été prise sur la base d'un certificat établi par le docteur [W], médecin des Urgences du Centre Hospitalier de la [Localité 5], décrivant les troubles mentaux présentés par M. [L] [T] sous la forme d'un délire de persécution, d'un syndrome dépressif et d'un discours incohérent chez un patient schizophrène suivi à l'EPSM, attestant de l'impossibilité de son consentement et de la nécessité de soins immédiats assortis d'une surveillance constante ainsi que de l'existence d'un péril imminent pour sa santé avec impossibilité d'obtenir une demande d'un tiers.

Cette mesure de soins contraints a été maintenue sous la forme d'une hospitalisation complète sur décision du directeur de l'établissement d'accueil datée du 15 mars 2021 au visa de certificats dressés dans les 24 et 72 heures de l'admission, respectivement les 13 et 15 mars 2021 par les docteurs [V] et [P], tous deux psychiatres de l'EPSM de la Sarthe, se prononçant en faveur de la poursuite de la mesure au constat chez M. [L] [T] d'un délire très persécutif, d'une opposition à tout traitement et d'une absence totale de critique des troubles présentés.

Par la suite, la mesure de soins contraints a été prolongée sous la même forme de prise en charge par diverses décisions du directeur de l'EPSM de la Sarthe prises successivement les 08 novembre 2021, 08 décembre 2021, 07 janvier 2022, 07 février 2022, 07 mars 2022 et 06 avril 2022 sur la base de certificats médicaux mensuels favorables au maintien de l'hospitalisation complète de M. [L] [T].

Par requête datée du 11 avril 2022 et reçue au greffe le 19 avril 2022, M. [L] [T] a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire du Mans en vue d'obtenir la main-levée de la mesure de soins psychiatriques contraints sous le régime de l'hospitalisation complète dont il est l'objet.

Suivant ordonnance rendue le 29 avril 2022 après avis conforme du parquet du 26 avril 2022 et au vu notamment de l'avis émis le 21 avril 2022 par le docteur [U] [R], psychiatre de l'établissement de soins, le juge des libertés et de la détention du Mans a rejeté cette demande.

Cette décision a été confirmée en appel par ordonnance du 12 mai 2022 rendue par le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel d'Angers.

Le 26 août 2022, le directeur de l'EPSM de la Sarthe a décidé de la réadmission de M. [L] [T] en hospitalisation complète dans le cadre de la mesure de soins sans consentement en cours sur la base d'un certificat de réintégration dressé à cette date par le docteur [X], psychiatre de l'établissement d'accueil, à son retour en hospitalisation après un stage d'un mois en logement thérapeutique d'évaluation.

Saisi par requête du directeur d'établissement du 29 août 2022, le juge des libertés et de la détention du Mans a, par ordonnance du 02 septembre 2022, maintenu le régime d'hospitalisation complète sans consentement.

Au visa du certificat médical mensuel émanant du docteur [S] [I] le jour même, cette mesure a été maintenue pour un mois à compter du 15 septembre 2022 sur décision du directeur d'établissement du 12 septembre 2022 notifiée le 13.

* * *

Dans un courrier reçu le 29 septembre 2022 -non le 29 août comme porté par erreur sur le tampon par simple référence à la date manuscrite figurant sur le courrier lui-même, M. [L] [T] a sollicité de nouveau la main-levée de la mesure.

Aux termes d'une ordonnance rendue le 07 octobre 2022 après avis du ministère public en date du 04 octobre 2022, le juge des libertés et de la détention du Mans a rejeté sa demande sur la base notamment d'un certificat de situation du docteur [I] actualisé au 03 octobre 2022.

Par lettre simple dont l'enveloppe porte la date d'expédition du 11 octobre 2022 et parvenue au greffe de la cour d'appel d'Angers le 13 octobre 2022, M. [L] [T] a relevé appel de cette dernière décision qui lui a été notifiée le 07 octobre 2022.

A réception de la procédure, l'ensemble des personnes concernées a été convoqué à l'audience d'appel du 19 octobre 2022 à 14 heures 30 et le dossier communiqué au Parquet Général.

Dans son avis daté du 17 octobre 2022 dont il a été donné lecture lors des débats, le docteur [U] [R], psychiatre de l'EPSM de la Sarthe participant à la prise en charge du patient, a conclu que l'état de santé de M. [L] [T] nécessite la poursuite des soins en hospitalisation complète.

POSITION DES PARTIES

A l'audience publique du 19 octobre 2022, M. [L] [T] comparaît en personne avec l'assistance de Maître Claire Cavelier d'Esclavelles, avocate au barreau d'Angers et désignée au titre de la commission d'office en suite de sa demande.

Entendu sur les motifs de son appel, M. [T] expose qu'il n'est atteint d'aucune maladie psychiatrique, qu'il y a un conflit d'intérêts en ce qui le concerne avec la justice, l'EPSM, sa tutelle et qu'il est victime d'un complot des plus hautes sphères jusqu'au Bureau International des Nations Unies puisqu'il est doté de dons paranormaux que personne ne peut expliquer. Il se dit prêt à trouver un terrain d'entente avec la justice en collaborant à la résolution de crimes anciens sinon il tombera dans le vice en aidant le côté obscur c'est a dire les gens qui sont contre la loi car c'est sa seule chance de s'en sortir et ne pas tomber en dépression puisqu'il passe actuellement ses journées à fumer toute la journée et qu'il doit regarder des écrans.

De son côté, son conseil fait observer que M. [T] ayant été admis pour péril imminent, le maintien des soins en continu au-delà d'un an à compter de l'admission est subordonné, en vertu de l'article L3212-7 alinéa 3 du code de la santé publique, à une évaluation médicale approfondie par un collège d'experts, ce que souhaite celui-ci.

Bien que régulièrement convoqués, M. le directeur de l'Etablissement Public de Santé Mentale de la Sarthe ainsi que le Mandataire Judiciaire pour la protection des majeurs de l'EPSM, désigné en qualité de tuteur de M. [L] [T], sont absents. La présente décision sera réputée contradictoire

Par avis écrit en date du 17 octobre 2022, porté à la connaissance des parties présentes, le représentant du Parquet Général conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise.

SUR QUOI

-Sur la recevabilité de l'appel

L'appel de M. [L] [T] a été relevé dans les formes et délais prévus par les articles R. 3211-18 et R. 3211-19 du code de la santé publique.

Il y a donc lieu de le recevoir.

- Sur la mainlevée de l'hospitalisation complète

En droit, l'article L 3211-12 du code de la santé publique énonce que le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l'établissement d'accueil peut être saisi, à tout moment, notamment par la personne faisant l'objet de soins, aux fins d'ordonner, à bref délai, la main-levée immédiate d'une mesure de soins prononcée notamment sur décision du directeur d'établissement.

Par ailleurs, il résulte de la combinaison des articles L. 3213-1, L. 3211-2-1 et L. 3211-11 du code de la santé publique qu'une personne ne peut être admise et maintenue en soins psychiatriques notamment sur décision du directeur d'établissement qu'à la condition qu'il soit constaté qu'elle souffre de troubles mentaux rendant impossible son consentement et que son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1 du dit code.

Enfin, il est admis que si le juge qui se prononce sur le maintien de l'hospitalisation complète doit apprécier le bien-fondé de la mesure au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, il ne peut substituer son avis à l'évaluation par les médecins des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

Dans le cas présent, il ressort des diverses pièces mentionnées dans l'exposé des faits et de la procédure que figurent au dossier l'ensemble des avis et certificats légalement exigés ainsi que les diverses décisions notamment administratives intervenues à ce jour.

Il importe d'observer que plusieurs décisions judiciaires ont été rendues depuis l'admission de M. [T] en soins contraints dont en dernier lieu l'ordonnance rendue le 02 septembre 2022, à ce jour définitive, qui a ainsi validé la procédure antérieure. Ceci rend inopérante l'observation formulée par le conseil de M. [T] au regard des dispositions de l'article L 3212-7 alinéa 3 du code de la santé publique et, partant, la demande d'évaluation médicale par un collège d'experts sollicitée.

S'agissant de la poursuite de la mesure de soins, il ressort des pièces du dossier notamment médicales que M. [L] [T], âgé actuellement de 41 ans, a été admis en soins sans consentement à l'Etablissement Public de Santé Mentale de la Sarthe à compter du 12 mars 2021 sur décision du directeur de cet établissement selon la procédure de péril imminent prévue à l'article L.3212-1 II 2° du Code de la santé publique en suite d'une décompensation délirante aigüe dans un contexte de rupture de soins ayant conduit à des menaces de mort et des dégâts matériels visant l'organisme alors en charge de la mesure de tutelle dont il est l'objet. Les soins psychiatriques contraints dont M. [T] fait l'objet ont été régulièrement maintenus depuis lors sous différentes formes de prise en charge.

En dernier lieu et à compter du 26 août 2022, M. [T] a été réadmis sous le régime de l'hospitalisation complète sur décision du directeur de l'EPSM de la Sarthe à son retour d'hospitalisation après un stage d'un mois en logement thérapeutique d'évaluation à raison d'un contact pathologique et de la nécessité de le faire bénéficier d'un cadre sécurisant pour l'ajustement du projet médico-social de préparation à la sortie, au rappel de la persistance continue d'une symptomatologie délirante sous-jacente avec des fluctuations d'intensité et des fluctuations de répercussion sur le comportement ainsi que de la proposition par celui-ci de projets personnels représentant un danger puisqu'il pouvait envisager de quitter brutalement l'hospitalisation pour aller vivre à l'étranger sans moyens matériels et sans préparation.

Les divers certificats et avis médicaux parfaitement circonstanciés et motivés se prononçant en faveur du maintien de soins psychiatriques contraints en hospitalisation complète qui ont fait suite à cette réadmission- notamment le certificat mensuel du 12 septembre 2022 et encore l'avis médical du 03 octobre 2022- ont confirmé chez M. [T] l'existence de symptômes psychotiques avec délire de persécution, des troubles du raisonnement, du discernement et du jugement dans un contexte de refus de prise de traitement, de non adhésion aux soins et d'absence de conscience de son état pathologique.

Tel est encore le cas de l'avis motivé actualisé au 17 octobre 2022 émis par le docteur [R] dont la transmission répond aux exigences de l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique. Pour conclure à la nécessité de poursuivre les soins en hospitalisation complète, le praticien relève en particulier que le délire de mécanisme intuitif et interprétatif persiste chez ce patient schizophrène qui refuse les entretiens la plupart du temps et son traitement régulièrement et se montre régulièrement menaçant.

L'ensemble de ces pièces médicales, y compris les plus récentes et qui émanent de divers psychiatres, suffit à établir, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une expertise, de ce que les troubles dont souffre M. [T] rendent toujours impossible son consentement et que son état mental continue d'imposer des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante.

Par conséquent, l'ordonnance entreprise ayant rejeté sa demande de main-levée sera confirmée dès lors que l'atteinte portée à l'exercice des libertés constitutionnelles garanties demeure à ce jour adaptée, nécessaire et proportionnée à l'état psychique de l'intéressé et à la mise en oeuvre du traitement qu'il requiert.

- Sur les dépens

Conformément aux dispositions des articles R. 93 et R. 93-2 du code de procédure pénale, les dépens d'appel seront laissés à la charge de l'Etat.

PAR CES MOTIFS

Le délégué du Premier président de la cour d'appel, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et prononcée par mise à disposition au greffe,

En la forme,

DÉCLARONS l'appel recevable ;

Au fond,

DISONS n'y avoir lieu à expertise ;

CONFIRMONS l'ordonnance rendue le 07 octobre 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire du Mans ayant rejeté la demande de main-levée de la mesure de soins psychiatriques contraints de M. [L] [T], né le 14 octobre 1981 à la [Localité 6] (72) ;

LAISSONS les dépens à la charge de l'État.

LE GREFFIERLE DÉLÉGUÉ

DU PREMIER PRÉSIDENT

S. LIVAJAC. MICHELOD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : 1ère chambre section b
Numéro d'arrêt : 22/00049
Date de la décision : 19/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-19;22.00049 ?
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