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13/10/2022 | FRANCE | N°21/00055

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sécurité sociale, 13 octobre 2022, 21/00055


COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale













ARRÊT N°



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00055 - N° Portalis DBVP-V-B7F-EYJ3.



Jugement Au fond, origine Pole social du TJ du MANS, décision attaquée en date du 16 Décembre 2020, enregistrée sous le n° 20/00113





ARRÊT DU 13 Octobre 2022





APPELANTE :



Madame [S] [H]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Maître PAUMIER, avocat substi

tuant Maître Christine DE PONTFARCY de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20200220







INTIMEE :



LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) DE LA SARTHE

[Adresse 1]

[Loca...

COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00055 - N° Portalis DBVP-V-B7F-EYJ3.

Jugement Au fond, origine Pole social du TJ du MANS, décision attaquée en date du 16 Décembre 2020, enregistrée sous le n° 20/00113

ARRÊT DU 13 Octobre 2022

APPELANTE :

Madame [S] [H]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Maître PAUMIER, avocat substituant Maître Christine DE PONTFARCY de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20200220

INTIMEE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) DE LA SARTHE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Madame [C], munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Juin 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame GENET, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Madame Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Mme Nathalie BUJACOUX

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 13 Octobre 2022, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame GENET, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par ordonnance du 26 septembre 2019 rendue par la juridiction de la famille et des affaires des mineurs du tribunal de 1ère instance de Oudja (Maroc), Mme [S] [H] et son époux ont été désignés comme tuteurs et autorisés à prendre en charge sous [K], l'enfant abandonné [X] [W], né le 10 janvier 2019 à [Localité 4] (Maroc).

Le 12 novembre 2019, Mme [H] a déposé auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe (la caisse) une demande ayant pour objet le bénéfice d'un congé d'adoption.

Le 10 décembre 2019, la caisse lui a notifié une décision de refus des prestations au motif que la [K] constituait un recueil légal qui ne permettait pas de bénéficier du droit au congé d'adoption.

Le 18 décembre 2019, l'assurée a saisi la commission de recours amiable de l'organisme social, laquelle a confirmé la décision de refus de la caisse en sa séance du 9 janvier 2020.

Le 4 mars 2020, Mme [H] a alors saisi le pôle social du tribunal judiciaire du Mans aux fins de faire condamner la caisse à lui verser les indemnités journalières de sécurité sociale au titre d'un congé d'adoption du 11 au 21 décembre 2019 outre une indemnité de procédure.

Par jugement du 16 décembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire du Mans a :

- débouté Mme [H] de sa demande d'octroi du congé d'adoption du 11 décembre au 21 décembre 2019 et de sa demande d'indemnisation ;

- débouté Mme [H] de ses prétentions fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée aux dépens de l'instance.

Par déclaration électronique du 21 janvier 2021 Mme [H] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 23 décembre 2020.

Lors de l'audience du conseiller rapporteur du 14 juin 2022, à laquelle l'affaire a été fixée, les parties ont repris oralement leurs conclusions respectives auxquelles il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits ainsi que de leurs prétentions et moyens et il leur a été indiqué que la décision interviendrait le 13 octobre 2022 par mise à disposition au greffe.

MOYENS ET PRÉTENTIONS :

Par conclusions reçues au greffe par voie électronique le 15 avril 2021, Mme [H] demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et fondé ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes ;

En statuant à nouveau,

- constater qu'elle a accueilli un enfant par l'intermédiaire d'une procédure de [K] en vue de son adoption ;

- juger qu'elle peut bénéficier du droit à un congé d'adoption ;

- constater les manquements de la caisse primaire d'assurance maladie à son obligation d'information ;

En conséquence,

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe au versement des indemnités journalières qui lui sont dues au titre de son congé d'adoption du 11 au 21 décembre 2019 ;

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Mme [H] fait essentiellement valoir que si la loi marocaine ne reconnaît pas et prohibe l'adoption, la procédure de [K] est toutefois une institution de substitution à l'adoption. Elle fait observer que la personne qui prend en charge un enfant par [K] se trouve dans une situation identique à celle du futur parent adoptant, quand l'enfant est placé en vue d'une adoption. Elle se réfère en outre à la décision rendue le 12 juin 2019 par M. [R] [Y], défenseur des droits (n°2019-106) qui souligne que l'interprétation stricte du texte de l'article L.331-7 du code de la sécurité sociale prive les personnes recueillant des enfants par [K] de bénéficier de l'indemnisation du congé d'adoption et induit une différence de traitement constituant une discrimination indirecte fondée sur la nationalité, alors que l'article 14 de la CEDH prohibe toute discrimination sur ce fondement.

Mme [H] en déduit que dans l'intérêt de l'enfant, il est opportun d'assimiler l'accueil par [K] à un accueil en vue d'une adoption.

Sur l'obligation d'information, elle prétend qu'elle s'est présentée au point d'accueil délocalisé en sollicitant, dès la première entrevue, des informations sur son éventuel droit au congé d'adoption à la suite du futur accueil d'un enfant par [K] et que la caisse a manifestement été informée oralement de la procédure de [K] lui confirmant la possibilité de constituer un dossier en vue de l'indemnisation du congé d'adoption. Elle invoque également la réponse tardive de la caisse datée du 10 décembre 2019, pour une demande reçue le 4 novembre précédent, soit la veille du début du congé projeté.

**

Par conclusions reçues au greffe le 13 juin 2022, la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe demande à la cour de :

- confirmer le jugement ainsi que le bien-fondé de sa décision du 10 décembre 2019 de refus d'indemnisation du congé d'adoption au titre de la [K] ;

- constater qu'elle a respecté l'obligation générale d'information et qu'elle n'a pas commis de faute ;

- débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes.

La caisse fait valoir que l'enfant de Mme [H] n'a pas été adopté mais seulement recueilli dans le cadre d'une procédure dite de '[K]' spécifique au droit islamique et qui se distingue de l'adoption se rapprochant en droit français d'un 'recueil légal' soit une mesure de protection d'un enfant qui ne produit aucun effet à l'égard de la filiation. Elle en déduit que l'indemnité prévue par l'article L.331-7 du code de sécurité sociale n'est pas due en pareil cas. La caisse fait par ailleurs référence à une note de la caisse nationale d'assurance maladie du 12 mars 2019 en ce sens.

Sur l'obligation d'information visée par l'article R.112-2 du code de sécurité sociale, elle soutient que l'assurée ne démontre aucun manquement de sa part puisque si Mme [H] s'est rendue au point d'accueil d'Allones le 4 novembre 2019, elle n'a fait état d'un dossier relatif à une demande de congé d'adoption que le 12 novembre suivant. Elle considère qu'antérieurement à cette date rien ne permettait de connaître la spécificité de ce dossier. Elle fait observer que le site ameli.fr fait état de l'exclusion de la [K] du cadre du congé d'adoption.

Elle ajoute que l'avis du défenseur des droits ne saurait suppléer les dispositions édictées par le code de la sécurité sociale en matière de congé d'adoption.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- sur le bénéfice du congé d'adoption :

L'article L.331-7 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 14 juin 2018 au 1er juillet 2021 et applicable au présent litige, dispose que :

' L'indemnité journalière de repos est accordée aux assurés, parents adoptifs ou accueillants, qui remplissent les conditions mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 161-6.

L'indemnité journalière de repos est due, pendant dix semaines au plus ou vingt-deux semaines au plus en cas d'adoptions multiples, à la condition que l'assuré cesse tout travail salarié durant la période d'indemnisation. Celle-ci débute à compter de l'arrivée de l'enfant au foyer ou dans les sept jours qui précèdent la date prévue de cette arrivée.

La période d'indemnisation est portée à dix-huit semaines lorsque, du fait de l'adoption, l'assuré ou le ménage assume la charge de trois enfants au moins dans les conditions prévues aux premier et quatrième alinéas de l'article L. 521-2.'

Le second alinéa de l'article L. 161-6 du code de sécurité sociale dans sa version applicable du 14 juin 2018 au 1er juillet 2021 est ainsi rédigé : 'les dispositions de l'alinéa précédent s'appliquent aux assurés à qui un service départemental d'aide sociale à l'enfance, un organisme français autorisé pour l'adoption ou l'Agence française de l'adoption confie un enfant en vue de son adoption, ainsi qu'aux assurés titulaires de l'agrément mentionné à l'article L. 225-2 du code de l'action sociale et des familles lorsqu'ils adoptent ou accueillent un enfant en vue de son adoption par décision de l'autorité étrangère compétente, à condition que l'enfant ait été autorisé, à ce titre, à entrer sur le territoire français.'

Il est constant que le congé d'adoption bénéficie uniquement aux parents ayant adopté un enfant ou l'accueillant à leur foyer en vue de son adoption future.

Par ailleurs, l'article 370-3 du code civil dans sa version en vigueur du 8 février 2001 au 23 février 2022 et applicable à l'espèce, prévoit que l'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle le prohibe, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France.

En l'espèce, Mme [H] et son époux ont recueilli l'enfant [X] [W] dans le cadre d'une [K], institution de droit islamique marocain, dont les effets juridique sont limités à ceux d'une délégation d'autorité parentale puisque le droit marocain prohibe l'adoption, ce que reconnaît l'assurée dans ses écritures.

L'ordonnance de [K] du 26 septembre 2019, se borne ainsi à désigner Mme [H] et son époux pour veiller à l'éducation de l'enfant [X], leur accordant la qualité de tuteurs. Ainsi le recueil de l'enfant n'est comparable ni à une adoption, ni à l'accueil d'un enfant en vue de son adoption par décision de l'autorité étrangère compétente, de sorte que c'est à bon droit que la caisse a considéré que Mme [H] ne remplissait pas les conditions prévues à l'article L.331-7 du code de sécurité sociale pour avoir droit aux indemnités journalières du congé d'adoption.

Mme [H] invoque une décision du défenseur des droits en date du 12 juin 2019 dans laquelle il fait part de ses observations quant au caractère discriminant du refus d'application de l'article 331-7 du code de sécurité sociale en présence d'une [K]. Toutefois, d'une part cet avis est purement consultatif ne liant pas la cour et d'autre part, il apparaît que la situation d'une [K] résultant de la loi personnelle de l'enfant n'est pas contraire à l'intérêt supérieur de celui-ci et ne méconnaît donc pas les dispositions de la convention internationale des droits de l'enfant tel que l'a jugé la cour européenne des droits de l'homme (4 octobre 2012, Harroudj c. France), de sorte que Mme [H] ne peut se plaindre d'une discrimination par rapport aux parents adoptifs qui se trouvent dans une situation juridique différente de la sienne justifiant l'ouverture des droits qui lui sont à juste titre refusés.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [H] de sa demande d'octroi du congé d'adoption.

- sur l'obligation d'information de la caisse :

L'article R.112-2 du code de sécurité sociale dispose que :

'Avec le concours des organismes de sécurité sociale, le ministre chargé de la sécurité sociale prend toutes mesures utiles afin d'assurer l'information générale des assurés sociaux.

Il établit annuellement dans le cadre des mesures générales de coordination déjà existantes les directives selon lesquelles s'exerce l'action des organismes de sécurité sociale en matière de prévention des accidents du travail.

Il contrôle la réalisation, par les organismes de sécurité sociale, du plan d'action sanitaire et sociale.

Il prend toutes mesures nécessaires à la mise en oeuvre de l'action sociale en faveur des personnes âgées.'

En l'espèce l'argument de Mme [H] tenant au non respect de cette obligation ne saurait prospérer, comme l'ont justement retenu les premiers juges à l'issue d'un raisonnement particulièrement complet et pertinent auquel la cour renvoie intégralement.

Ainsi, il est établi que le site ameli.fr, servant à informer les assurés de leurs droits et démarches, indique dans une rubrique concernant le congé d'adoption que 'vous ne pouvez pas bénéficier du congé d'adoption si vous recueillez un enfant dans le cadre d'une [K] (principalement en Algérie et au Maroc).'

Il ressort également des impressions d'écran des demandes de Mme [H], que cette dernière a transmis le 12 novembre 2019, l'intégralité de son dossier en vue du bénéfice du congé d'adoption, en ce compris la référence à la [K], absente de ses demandes antérieures qui concernaient l'adoption en général. Dans ces conditions, la réponse de la caisse intervenue le 10 décembre suivant n'apparaît pas tardive.

Par conséquent, la caisse a respecté son obligation d'information.

Le jugement est confirmé de ce chef.

- sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement doit être confirmé sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [H] est condamnée au paiement des dépens d'appel. Sa demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe

CONFIRME le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire du Mans le 16 décembre 2020 en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT ;

DÉBOUTE Mme [S] [H] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

CONDAMNE Mme [S] [H] aux entiers dépens de la procédure d'appel.

+

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Viviane BODINEstelle GENET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 21/00055
Date de la décision : 13/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-13;21.00055 ?
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