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07/07/2022 | FRANCE | N°18/00757

France | France, Cour d'appel d'Angers, Troisième chambre, 07 juillet 2022, 18/00757


COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale













ARRÊT N°



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00757 - N° Portalis DBVP-V-B7C-ENPI.



Jugement Au fond, origine de MAINE ET LOIRE, décision attaquée en date du 31 Octobre 2018, enregistrée sous le n° 21700033





ARRÊT DU 07 Juillet 2022





APPELANT :



Monsieur [G] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représenté par Me Samuel DE LOGIVIERE de la SELARL SULT

AN - LUCAS - DE LOGIVIERE - PINIER - POIRIER, avocat au barreau d'ANGERS







INTIMEE :



LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MAINE ET LOIRE

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Monsieur [Y]




...

COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00757 - N° Portalis DBVP-V-B7C-ENPI.

Jugement Au fond, origine de MAINE ET LOIRE, décision attaquée en date du 31 Octobre 2018, enregistrée sous le n° 21700033

ARRÊT DU 07 Juillet 2022

APPELANT :

Monsieur [G] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Samuel DE LOGIVIERE de la SELARL SULTAN - LUCAS - DE LOGIVIERE - PINIER - POIRIER, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MAINE ET LOIRE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Monsieur [Y]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Mai 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame DELAUBIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Madame Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Mme Nathalie BUJACOUX

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

Greffier lors du prononcé : Madame Jacqueline COURADO

ARRÊT :

prononcé le 07 Juillet 2022, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame DELAUBIER, conseiller pour le président empêché, et par Madame Jacqueline Courado, adjoint administratif faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

Le 28 juin 2016, M. [G] [Z] a souscrit une déclaration de maladie professionnelle pour une hypoacousie bilatérale importante avec acouphènes nécessitant un appareillage, selon certificat médical initial du 10 juin 2016.

Par décision du 7 décembre 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire a refusé de prendre en charge cette pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels, estimant que les conditions réglementaires n'étaient pas remplies.

M. [Z] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de l'organisme social qui l'a confirmée le 23 décembre 2016, puis devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Maine-et-Loire, lequel l'a débouté de son recours par jugement en date du 31 octobre 2018.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée le 27 novembre 2018, M. [Z] a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 22 novembre précédent.

Par arrêt du 28 janvier 2021, la cour, par arrêt avant dire droit, a ordonné une mesure d'expertise médicale technique dans les conditions prévues à l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale, en donnant pour mission à l'expert de déterminer si les conditions médicales du tableau 42 des maladies professionnelles étaient respectées (niveau de la perte auditive, nature des examens réalisés et utilisation d'une cabine insonorisée avec un audiomètre calibré).

Le docteur [K] [S], expert judiciaire désigné, a déposé son rapport daté du 26 janvier 2022 au greffe de la cour qui l'a réceptionné le 4 février 2022.

Le dossier a été appelé à l'audience du conseiller rapporteur du 3 mai 2022 lors de laquelle toutes les parties étaient présentes ou représentées.

*

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Lors de l'audience du 3 mai 2022, M. [G] [Z] s'est référé expressément à ses conclusions n°3 reçues au greffe le 6 mars 2020, et auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé. Il demandait à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris et la décision de la commission de recours amiable ;

- annuler la décision de refus de prise en charge en date du 7 décembre 2016 ;

- dire et juger que l'ypoacousie bilatérale qu'il a contractée relève de la législation relative aux maladies professionnelles avec toutes les conséquences de droit ;

A titre infiniment subsidiaire,

- ordonner la mise en oeuvre d'une expertise médicale sur le fondement des articles L. 141-1 à L. 141-3 du code de la sécurité sociale , ainsi qu'aux articles R. 141-1 à R. 141-10 du même code.

Au soutien de ses intérêts, M. [Z] affirmait justifier avoir été exposé aux bruits lésionnels conformément à la liste limitative des travaux prévus au tableau 42 et assurait que le délai de prise en charge avait bien été respecté.

Il faisait valoir que selon le docteur [D], dans son courrier du 28 février 2020, l'audiogramme du 19 avril 2016 avait bien été réalisé dans les conditions prescrites par le tableau 42. Il indiquait que ce même médecin avait confirmé un déficit à droite comme à gauche supérieur à 35 dB par lettre du 30 novembre 2018.

M. [Z] ajoutait que le docteur [W] quant à lui avait aussi diagnostiqué l'existence d'une 'perte moyenne supérieure à 35 dB pour les deux oreilles' tel qu'indiqué dans son courrier du 6 janvier 2017, et que le médecin du travail avait réalisé le 20 septembre 2016 un audiogramme qui confirmait l'hypoacousie bilatérale.

Il entendait rappeler que la loi n'imposait pas qu'aux audiogrammes soit annexé un compte-rendu faisant systématiquement état des modalités de calcul aboutissant au déficit d'au moins 35 décibels, comme l'avaient exigé les premiers juges. Il précisait que la Cour de cassation avait jugé qu'il n'était pas besoin que soit précisé dans le certificat délivré par le praticien, qu'il s'agissait d'une cabine insonorisée dont il avait fait usage et d'un audiomètre calibré.

Enfin, M. [Z] entendait produire aux débats des éléments permettant d'affirmer qu'il avait bien été exposé au risque dans le cadre de son activité professionnelle.

*

La caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire sollicite l'homologation du rapport d'expert judiciaire, se référant également au dispositif de ses écritures reçues le 10 février 2020 et sollicitant la confirmation du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers à titre principal.

La caisse avait relevé que les éléments médicaux produits aux débats par M. [Z] étaient insuffisants pour remettre en cause l'appréciation du médecin conseil qui avait constaté que le salarié ne présentait pas une perte auditive d'au moins 35 dB sur la meilleure oreille.

Elle faisait valoir subsidiairement que si la maladie litigieuse correspondait bien à la maladie désignée au tableau 42, il reviendrait alors à M. [Z] de démontrer qu'il avait été exposé au risque listé au tableau ce, alors que selon l'employeur, il s'occupait de la surveillance, du conditionnement, et de la mise en palette des produits en plastique et n'était pas affecté directement à l'usinage des tubes en matière plastique.

***

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale prévoit que 'est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau'. Chaque tableau précise la nature des travaux susceptibles de provoquer la maladie, énumère les affections provoquées et le délai dans lequel la maladie doit être constatée après la cessation de l'exposition du salarié au risque identifié pour être prise en charge.

Le tableau 42 des maladies professionnelles désigne la maladie suivante :

« Hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible, accompagnée ou non d'acouphènes.

Cette hypoacousie est caractérisée par un déficit audiométrique bilatéral, le plus souvent symétrique et affectant préférentiellement les fréquences élevées.

Le diagnostic de cette hypoacousie est établi :

- par une audiométrie tonale liminaire et par une audiométrie vocale qui doivent être concordantes ;

- en cas de non concordance : par une impédancemétrie et recherche du réflexe stapédien ou, à défaut, par l'étude du suivi audiométrique professionnel.

Ces examens doivent être réalisés en cabine insonorisée, avec un audiomètre calibré.

Cette audiométrie diagnostique est réalisée après une cessation d'exposition au bruit lésionnel d'au moins 3 jours et doit faire apparaître sur la meilleure oreille un déficit d'au moins 35 dB. Ce déficit est la moyenne des déficits mesurés sur les fréquences 500, 1000, 2000 et 4000 Hertz.

Aucune aggravation de cette surdité professionnelle ne peut être prise en compte, sauf en cas de nouvelle exposition au bruit lésionnel. »

En l'espèce, pour justifier que la maladie déclarée est bien celle du tableau 42 des maladies professionnelles, M. [Z] a versé aux débats les éléments suivants :

- le certificat médical établi par le docteur [W], médecin généraliste, en date du 6 janvier 2017 indiquant que l'audiogramme montre une perte moyenne supérieure à 35 dB pour les deux oreilles ;

- le certificat médical établi par le docteur [D] oto-rhino-laryngologiste en date du 19 avril 2016 précisant que M. [Z] doit recevoir un appareillage auditif bilatéral ;

- un courrier du docteur [D] en date du 30 novembre 2018 mentionnant que l'audiométrie qu'elle a effectuée le 19 avril 2016 « montrait une surdité mixte avec un seuil auditif moyen de 50 décibels de l'oreille droite et de 48,75 décibels de l'oreille gauche ».

- un courrier du docteur [D] en date du 28 février 2020 indiquant que l'audiométrie réalisée a bien été faite « dans les conditions standard, c'est-à-dire dans une cabine insonorisée avec un audiomètre calibré. » Il est également confirmé dans ce courrier que « l'audiométrie tonale et vocale sont concordantes, une impédancemétrie a été effectuée ainsi que la recherche des réflexes stapédiens qui sont absents ».

La caisse avait produit l'audiométrie réalisée le 20 septembre 2016 et l'impédancemétrie sur laquelle il est mentionné une perte auditive de 45 %.

Le médecin-conseil avait considéré dans le colloque médico administratif du 7 novembre 2016 que M. [Z] ne présentait pas une « perte auditive de plus de 35 dB sur la courbe osseuse de l'audition sur la meilleure oreille ».

Constatant une contradiction entre l'avis du médecin conseil du service médical d'une part et, celui du médecin traitant et de l'oto-rhino-laryngologiste d'autre part, la cour a ordonné avant dire droit une expertise judiciaire réalisée par le docteur [K] [S].

Les conclusions de son rapport sont les suivantes :

'L'audiogramme réalisé par le docteur [D] du 19 avril 2016 et qui a servi de support à la déclaration de maladie professionnelle par le docteur [O] objective non pas une hypoacousie de perception, mais une hypoacousie mixte avec une part de perception qui correspond à la courbe en conduction osseuse (courbe la plus haute située des deux côtés sur l'audiogramme) et une part de transmission qui correspond à la courbe en conduction aérienne (courbe la plus basse des deux côtés sur l'audiogramme).

Rappelons qu'une surdité professionnelle suite à l'exposition aux bruits dans le cadre de l'activité professionnelle est une surdité de perception par atteinte de l'oreille interne (la cochlée), atteinte touchant préférentiellement les aigus, car les cellules responsables de la perception des aigus au niveau de la cochlée sont les plus fragiles'.

Après avoir indiqué que le calcul de la perte auditive ne concernait donc que la partie perceptionnelle de l'audiogramme du 19 avril 2016 et avoir procédé au calcul basé sur la conduction osseuse, l'expert affirme que 'd'après ces résultats, la meilleure oreille, c'est à dire la gauche, ne fait pas apparaître un déficit moyen d'au moins 35 dB (30,5 au lieu de 35)'.

Il ajoute que 'les conditions médicales du tableau 42 des maladies professionnelles ne sont pas respectées (niveau de la perte auditive) pour prendre en compte la surdité de M. [Z] comme maladie professionnelle en se basant sur l'audiogramme du 19 avril 2016".

Enfin, l'expert fait valoir qu'il 'ne met pas en doute le handicap auditif de M. [Z] mais rappelle que sa mission n'est pas d'évaluer son hypoacousie, mais de savoir si cette dernière est en rapport avec sa pratique professionnelle selon des critères définis par la loi'.

M. [Z] n'apporte pas de nouveaux éléments de nature à remettre en cause les conclusions du docteur [S], se limitant à reprendre les documents déjà produits et dont l'expert judiciaire a pu prendre connaissance et tenir compte dans le cadre de ses opérations.

En conséquence, il convient d'homologuer le rapport d'expertise et constater que les conditions médicales du tableau 42 des maladies professionnelles, en particulier s'agissant du niveau de la perte auditive, n'étaient pas remplies à la date de la déclaration de maladie professionnelle faite par M. [Z] le 28 juin 2016 sur la base d'un certificat médical initial du 10 juin 2016.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté le recours formé par M. [Z] à l'encontre de la décision prise par la caisse de refuser de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels la pathologie déclarée par l'assuré le 28 juin 2016 sur la base d'un certificat médical du 10 juin 2016.

M. [Z] sera condamné aux dépens de la procédure d'appel à l'exclusion des frais d'expertise judiciaire qui resteront à la charge de la caisse.

***

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe de la cour,

Vu l'arrêt avant dire droit de la présente cour du 28 janvier 2021 ;

Vu le rapport d'expertise du docteur [K] [S] daté du 26 janvier 2002 au greffe de la cour le 4 février 2022 ;

CONFIRME le jugement prononcé le 31 octobre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Maine-et-Loire rejetant le recours formé par M. [G] [Z] à l'encontre de la décision prise par la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire le 7 décembre 2016 de refuser de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels la pathologie déclarée le 28 juin 2016 sur la base d'un certificat médical du 10 juin 2016 ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [G] [Z] aux dépens de la procédure d'appel à l'exclusion des frais d'expertise judiciaire qui resteront à la charge de la caisse.

LE GREFFIER,P/ LE PRÉSIDENT empêché,

J. COURADO M-C. DELAUBIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 18/00757
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;18.00757 ?
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