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30/05/2022 | FRANCE | N°19/00664

France | France, Cour d'appel d'Angers, 1ère chambre section b, 30 mai 2022, 19/00664


COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ERE CHAMBRE SECTION B







LP/CG

ARRET N°



AFFAIRE N° RG 19/00664 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EPM2



jugement du 20 Novembre 2018

Tribunal de Grande Instance d'angers

n° d'inscription au RG de première instance : 12/04070





ARRÊT DU 30 MAI 2022





APPELANT :



M. [T] [A]

né le 20 Août 1944 à [Localité 20] (45)

[Adresse 5]

[Localité 11] (LA REUNION)



Représenté par Me Anne-laure LE BLOUC

H de la SELAS ORATIO AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 20122149 et par Me Robert CHICAUD, avocat plaidant au barreau de ST DENIS DE LA REUNION



INTIMES :



M. [C] [A]

né le 01 Décembre...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ERE CHAMBRE SECTION B

LP/CG

ARRET N°

AFFAIRE N° RG 19/00664 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EPM2

jugement du 20 Novembre 2018

Tribunal de Grande Instance d'angers

n° d'inscription au RG de première instance : 12/04070

ARRÊT DU 30 MAI 2022

APPELANT :

M. [T] [A]

né le 20 Août 1944 à [Localité 20] (45)

[Adresse 5]

[Localité 11] (LA REUNION)

Représenté par Me Anne-laure LE BLOUCH de la SELAS ORATIO AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 20122149 et par Me Robert CHICAUD, avocat plaidant au barreau de ST DENIS DE LA REUNION

INTIMES :

M. [C] [A]

né le 01 Décembre 1941 à [Localité 17] (45)

[Adresse 9]

[Localité 6]

Mme [D] [A]

née le 15 Décembre 1973 à [Localité 12] (49)

[Adresse 16]

[Adresse 16]

[Localité 10]

Représentés par Me Nathalie GREFFIER, avocat postulant au barreau d'ANGERS et par Me Catherine SCHULD, avocat plaidant au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 24 Mars 2022, Mme PARINGAUX, Conseillère ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :

Mme COURTADE, Présidente de chambre

Mme COUTURIER, Conseillère

Mme PARINGAUX, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme BOUNABI

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 30 mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Marie-Christine COURTADE, Présidente de chambre et par Florence BOUNABI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

M. [N] [A] et Mme [P] [F] se sont mariés le 16 octobre 1970 à [Localité 12] (49), sans contrat de mariage préalable.

Par acte notarié du 4 mars 1980, M. [N] [A] a fait donation entre vifs à son conjoint des quotités disponibles permises entre époux au jour du décès du donateur.

M. [N] [A] est décédé le 9 mai 2008 à [Localité 12] (49).

Sa veuve, Mme [P] [F], est décédée le 25 janvier 2010 à Angers (49), laissant pour lui succéder leurs deux fils, issus d'une première union de M. [A], adoptés par Mme [F] selon jugement en adoption simple, du 12 septembre 2000, rendu par le tribunal de grande instance d'Angers :

- M. [C] [A], demeurant à [Localité 14] (38),

- M. [T] [A], demeurant à La réunion (97).

Le patrimoine du couple était composé, outre divers biens mobiliers, de plusieurs biens immobiliers, à savoir :

- une maison d'habitation, située au [Adresse 13] (49), dite aussi la maison de [Localité 19], référencée au cadastre section AD n° [Cadastre 7] et [Cadastre 8], bien indivis,

- une maison d'habitation, située au [Adresse 3] au [Localité 18] (44), référencée au cadastre section AM n°[Cadastre 1], bien propre de M. [N] [A],

- un immeuble à usage de commerce et d'habitation, situé au [Adresse 2] (28) référencé au cadastre section AB n° [Cadastre 4], bien propre de M. [N] [A].

Maître [J], notaire à [Localité 12], a établi deux projets d'attestations immobilières en la forme authentique et deux déclarations de succession au nom de chacun des deux défunts.

La succession n'a pas pu être réglée amiablement.

Par assignation du 24 octobre 2012, M. [C] [A] a fait citer M. [T] [A] devant le tribunal de grande instance d'Angers.

Par exploit en date du 10 décembre 2013, M. [T] [A] a fait citer en intervention forcée sa nièce Mme [D] [A], fille de [C] [A], devant le tribunal de grande instance d'Angers.

Les deux procédures introduites ont été jointes par ordonnance du 31 décembre 2013.

Dans le dernier état de ses écritures signifiées le 22 juin 2016, M. [C] [A] a sollicité, au visa des articles 815 et 840 du code civil et de l'article 1360 du code de procédure civile, de :

- voir faire droit à la demande de cessation d'indivision par lui présentée,

- voir prononcer l'attribution de la maison du [Localité 18] à [C] [A],

- voir ordonner le partage en nature ou à défaut par voie de licitation des biens dépendants de la succession de M. [N] [A] ou de Mme [P] [F],

- voir dire qu'il conviendra de tenir compte dans le partage de l'indivision existant entre M. [T] [A] et lui même des éléments suivants :

interruption de la location de l'appartement à [Localité 14] pour accueillir ses parents, soit une somme évaluée à 4.500 euros,

l'amortissement de son véhicule pour les voyages qu'il a effectués de [Localité 15] à [Localité 12] lorsque ses parents avaient besoin de lui, évalué à la somme de 7 662,50 euros,

la plus-value apportée à la maison de [Localité 19] en raison des travaux qu'il a réalisés, plus-value évaluée à la somme de 20.000 euros,

l'amortissement de son véhicule pour les voyages qu'il a effectués de [Localité 15] à [Localité 19] pour vider la maison, soit la somme de 1.500 euros,

- obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi eu égard à l'opposition systématique de son frère pour la liquidation de la succession de ses parents, soit une somme de 10 000 euros,

- voir condamner M. [T] [A] à lui verser une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Dans le dernier état de ses conclusions signifiées le 10 décembre 2015, M. [T] [A] a sollicité de :

- lui voir donner acte de sa volonté de sortir de l'indivision,

- lui voir donner acte de ce qu'il n'est pas opposé à ce que M. [C] [A] se voit attribuer la maison du [Localité 18],

- voir débouter M. [C] [A] de sa demande de plus-value ainsi que de sa demande de frais irrépétibles,

- voir recevoir sa demande reconventionnelle et la voir dire bien fondée,

- voir dire que M. [C] [A] se devra de rapporter toutes les sommes figurant dans le tableau récapitulatif (pièce 27 A) à la succession s'agissant tant des sommes dont il fut directement bénéficiaire que des sommes ayant bénéficié à sa fille,

- voir dire que M. [C] [A] devra faire réintégrer dans la succession la somme de 141.543 euros, tandis que lui-même devra faire réintégrer la somme de 24.148 euros,

- lui voir donner acte de ce qu'il se réserve d'appeler à la cause Mme [D] [A] au regard d'une reconnaissance de dette en faveur de ses grands-parents, de nature à diminuer le patrimoine de la succession,

- voir dire que les frais générés par la présente instance sont inclus dans les frais de succession,

- voir condamner M. [C] [A] aux entiers dépens dont distraction au profit de la Scp Exaequo avocats, avocats aux offres de droit.

Dans ses conclusions signifiées le 21 mai 2014, Mme [D] [A] a sollicité au visa des articles 843 alinéa 1 et 846 du code civil de :

- voir dire mal fondées les demandes de rapport à la succession de M. [T] [A] en ce qu'elles sont dirigées contre elle,

- voir débouter M. [T] [A] de l'ensemble de ses demandes,

- voir condamner M. [T] [A] à lui payer une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 16 janvier 2018, le tribunal de grande instance d'Angers a :

- ordonné la réouverture des débats afin de permettre à chacune des parties de faire des observations sur le choix du notaire à désigner judiciairement, voire le cas échéant de confirmer la désignation de Maître [J], notaire à Angers, pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage du régime des successions de M. [N] [A] et de Mme [P] [F], étant précisé que le tribunal ne pourra désigner judiciairement qu'un seul notaire pour procéder à ces opérations ;

- dit que l'affaire serait rappelée à l'audience du 18 septembre 2018 ;

- réservé les dépens.

Dans ses écritures du 11 septembre 2018, M. [C] [A] a sollicité la désignation de Maître [L] [R], notaire à [Localité 12].

Dans ses écritures du 10 septembre 2018, M. [T] [A] a proposé de voir désigner Maître [V] [H], notaire à [Localité 11].

Par jugement du 20 novembre 2018 le tribunal de grande instance d'Angers a :

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage du régime des successions de M. [N] [A], décédé le 9 mai 2008 à [Localité 12], et de Mme [P] [F] veuve [A] décédée le 25 janvier 2010 à [Localité 12] ;

- commis Maître [G] [O], notaire à [Localité 12], pour y procéder ;

- désigné Mme Nadine Gaillou, vice-présidente, en qualité de juge commissaire ;

- dit qu'en cas d'empêchement du juge ou du notaire commis, ils seront remplacés par simple ordonnance sur requête rendue à la demande de la partie la plus diligente ;

- décerné acte à M. [C] [A] et M. [T] [A] de leur accord pour voir attribuer à titre préférentiel à M. [C] [A] la maison du [Localité 18] située [Adresse 3] ;

- débouté M. [T] [A] de sa demande d'indemnité d'occupation à l'encontre de M. [C] [A] pour la maison du [Localité 18] ;

- débouté M. [T] [A] de sa demande de rapport à succession des sommes reçues par Mme [D] [A] du vivant de ses grands-parents ;

- débouté M. [C] [A] de sa demande au titre des frais de transport engagés par lui pour rendre visite à ses parents de leur vivant ;

- débouté M. [C] [A] de sa demande de dommages-intérêts ;

- renvoyé les parties devant le notaire désigné pour le surplus ;

- laissé à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles ;

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation et partage.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour d'appel d'Angers le 5 avril 2019, M. [T] [A] a interjeté appel du jugement rendu le 20 novembre 2018 par le tribunal de grande instance d'Angers tendant : à la nullité et /ou l'infirmation de la décision entreprise et portant sur tous les chefs de la décision de première instance portant grief à M. [T] [A] ainsi que ceux qui en dépendent et particulièrement en ce que le tribunal - a débouté M. [T] [A] de sa demande d'indemnité d'occupation contre M. [C] [A] pour la maison du [Localité 18], - a laissé à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles - n'a pas fait droit à la demande de M. [T] [A] de voir dire M. [C] [A] tenu de rapporter toutes les sommes figurant dans le tableau récapitulatif (pièce n° 27 A) à la succession s'agissant tant des sommes dont il fut directement bénéficiaire que des sommes ayant bénéficié à sa fille - n'a pas fait droit à la demande de M. [T] [A] de voir dire M. [C] [A] tenu de faire réintégrer dans la succession la somme de 141.543 euros'.

M. [C] [A] et Mme [D] [A] ont constitué avocat le 17 mai 2019.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 février 2022.

L'affaire a été fixée pour plaidoirie à l'audience du 24 mars 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 23 janvier 2020, M. [T] [A] demande à la cour d'appel d'Angers de :

- recevoir l'appel interjeté par M. [T] [A] et le dire bien fondé ;

- bien vouloir donner acte à M. [T] [A] de ce qu'il renonce à contester la décision des premiers juges, s'agissant de Mme [D] [A] ;

- dire parfait le désistement à son encontre ;

- débouter M. [C] [A] de toutes ses demandes et prétentions au titre de son appel incident ;

- bien vouloir réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Angers le 20 novembre 2018 sur les trois chefs retenus par l'appelant ;

- ordonner à M. [C] [A] de rapporter à la succession la somme de :

35.447,51 euros, à titre personnel,

21.800 euros, par voie de substitution de sa fille ;

- dire et juger que le principe d'une indemnité d'occupation de la maison du [Localité 18] sera retenu, avec pour obligation au notaire désigné d'en fixer le montant ;

- donner acte à M. [T] [A] de ce qu'il adhère partiellement à la décision des premiers juges en ce qu'ils ont :

ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage du régime des successions de M. [N] [A], décédé le 9 mai 2008 à [Localité 12], et de Mme [P] [F] veuve [A], décédée le 25 janvier 2010 à [Localité 12] ;

commis Maître [G] [O], notaire à [Localité 12], pour y procéder ;

dit qu'en cas d'empêchement du juge ou du notaire commis, ils seront remplacés par simple ordonnance sur requête rendue à la demande de la partie la plus diligente ;

donné acte à M. [C] [A] et à M. [T] [A] de leur accord pour voir attribuer à titre préférentiel à M. [C] [A] la maison du [Localité 18], située [Adresse 3] ;

- s'entendre condamner M. [C] [A] à payer à M. [T] [A] la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'à supporter les dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 6 mai 2020 M. [C] [A] et Mme [D] [A] demandent à la présente juridiction de :

- dire mal fondé l'appel interjeté le 5 avril 2019 par M. [T] [A],

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Angers en ce qu'il a rejeté la demande de M. [T] [A] tendant au rapport à la succession de la somme de 21 800 euros et au versement d'une indemnité d'occupation par M. [C] [A] pour la maison du [Localité 18],

- faire droit à l'appel incident de M. [C] [A],

- dire et juger qu'il conviendra de tenir compte dans le partage de l'indivision existant entre M. [T] [A] et M. [C] [A] des éléments suivants :

interruption de la location de l'appartement à [Localité 14] pour accueillir ses parents, soit la somme évaluée à 4.500 euros ;

l'amortissement de son véhicule pour les voyages qu'il a effectué de [Localité 15] à [Localité 12] lorsque ses parents avaient besoin de lui, évalué à la somme de 7.662,50 euros ;

la plus value apportée à la maison de [Localité 19] en raison des travaux qu'il a réalisé, plus value évaluée à la somme de 20.000 euros ;

l'amortissement de son véhicule pour les voyages qu'il a effectué de [Localité 15] à [Localité 19] pour vider la maison, soit la somme de 1.500 euros ;

des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi eu égard à l'opposition systématique de son frère pour la liquidation de la succession de ses parents, soit une somme de 10.000 euros ;

des paiements effectués par M. [C] [A] pour le compte de la succession se décomposant comme suit :

intérêts de la vente du bois de Saint Denis les Ponts dont le conseil général bloque le montant tant que la succession ne sera pas signée par [T] [A]

mémoire

intérêts des sommes bloquées chez le notaire depuis l'assignation introductive d'instance

mémoire

assurance auto de la [...]

114,40 euros

assurance auto de la [...]

16,69 euros

visite contrôle

taxe foncière du [Localité 18] 2013

362 euros

taxe foncière du [Localité 18] 2012

354 euros

taxe foncière du [Localité 18] 2010

348 euros

- condamner M. [T] [A] à verser à M. [C] [A] une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laisser les dépens à la charge de M. [T] [A].

Pour un exposé plus ample des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions sus visées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le désistement

Les articles 384, 400 du code de procédure civile disposent que l'instance s'éteint accessoirement à l'action, par l'effet du désistement. Le désistement n'est parfait que par l'acceptation du défendeur. Toutefois l'acceptation n'est pas nécessaire si le défendeur n'a présenté aucune défense au fond ou fin de non recevoir au moment où le demandeur se désiste.

M. [T] [A] s'est désisté de son appel à l'encontre de Mme [D] [A] dans ses conclusions du 15 juillet 2019.

Mme [D] [A] n'a présenté à cette date aucune défense au fond ou fin de non recevoir.

Par suite le désistement par M. [T] [A] de son appel concernant l'intimée Mme [D] [A] est parfait.

Sur le fond du litige

Sur l'indemnité d'occupation pour la maison du [Localité 18]

L'article 815-9 du code civil dispose que: chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal. L'indivisaire qui use ou jouit de la chose indivise est, sauf convention contraire redevable d'une indemnité'.

L'article 9 du code de procédure civile dispose que: ' il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention'.

M. [T] [A] argue de l'éloignement géographique important de son domicile, situé à La Réunion, de la ville du [Localité 18], où se trouve la maison d'habitation propriété de feu son père, pour justifier qu'il ne peut jouir privativement du bien, à la différence de son frère [C], domicilié en métropole, qui en outre dispose seul des clefs du bien.

M. [C] [A] relève que la partie adverse ne démontre pas en quoi elle serait dans l'impossibilité matérielle de jouir du bien, notamment par l'absence de possession d'un jeu de clefs de l'immeuble.

Sur ce,

Il est de jurisprudence constante que la jouissance privative d'un bien résulte de l'impossibilité de fait ou de droit, pour un co-indivisaire, d'user du bien indivis, l'indemnité d'occupation étant alors due même en l'absence d'occupation effective des lieux.

Or M. [T] [A] ne rapporte pas la preuve du fait que seul son frère dispose des clefs de la maison du [Localité 18].

M. [C] [A] peut y accéder, cela est acquis et non contesté par ce dernier, notamment dans l' échange épistolaire avec son frère, via son conseil, du 26 janvier 2012 où il indique 'qu'il n'entretiendra pas cette année le bien immobilier du [Localité 18]', mais cela n'emporte pas démonstration irréfragable que M. [T] [A] en serait privé d'accès par la conservation exclusive des clefs du bien indivis par son co-indivisaire.

Par ailleurs l'éloignement géographique du domicile de M. [T] [A], situé hors de la métropole, n'est en rien opposable à M. [C] [A], et ne constitue pas en soit un obstacle de fait à la jouissance du bien par l'appelant.

C'est donc à bon droit que le premier juge a débouté M. [T] [A] de sa demande d'indemnité d'occupation.

Par suite le jugement contesté de ce chef sera confirmé.

Sur les demandes de rapport à succession et les frais

L'article 843 du code civil dispose que: ' tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement : il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne leur aient été faits expressément hors part successorale. Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant'.

L'article 1373 du code de procédure civile dispose notamment que : ' en cas de désaccord des co-partageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmet au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d'état liquidatif'.

L'article 1374 du code de procédure civile dispose que: ' toutes les demandes faites en application de l'article 1373 entre les mêmes parties, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, ne constituent qu'une seule instance. Toute demande distincte est irrecevable à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à l'établissement du rapport par le juge commis'.

L'article 1375 du code de procédure civile dispose notamment que: ' le tribunal statue sur les points de désaccord. Il homologue l'état liquidatif ou renvoie les parties devant le notaire pour établir l'acte constatant le partage '.

M. [T] [A] argue de l'existence d'une lettre manuscrite, datée du 24 septembre 2008 de son frère [C], dans laquelle il reconnaît avoir reçu de son père, au titre de prêt sans intérêts, une somme de 100.000 euros, pour demander le rapport de cette dette à l'indivision successorale à hauteur de 35.447,51 euros.

M. [T] [A] considère que sa nièce, Mme [D] [A], a reçu non pas une donation de 21.800 euros de ses grands-parents, mais s'est vu accorder un prêt par ces derniers remboursable par son père M. [C] [A], en accord avec ce dernier, comme elle l'a mentionné dans un courrier manuscrit du 24 décembre 2008, et dont l'intimé est tenu au rapport par voie de substitution.

M. [T] [A] souligne l'absence de preuve rapportée par la partie adverse de la réalité des diverses sommes d'argent qu'elle prétend avoir exposées dans l'intérêt de l'indivision.

M. [C] [A] ne conteste pas l'existence de ces écrits, mais explique que le jour où il a souhaité rembourser à son père le prêt initialement consenti, ce dernier l'a refusé, indiquant qu'il allait verser la même somme à son autre fils, ce qu'il n'a à l'évidence pas fait, mais ce dont M. [C] [A] n'est pas responsable.

M. [C] [A] souligne que la volonté de son père à son endroit apparaît clairement par la mention apposée à l'époque sur ses comptes ' nous lui en faisons cadeau'.

M. [C] [A] considère que seuls les héritiers successibles sont tenus de rapporter les donations antérieures à la succession, et qu'ainsi les sommes versées par ses grands-parents à Mme [D] [A], de même pour leurs autres petits-enfants, n'ont pas à être réintégrées dans l'indivision successorale, et qu'il n'y a lieu à aucune substitution ou novation de sa part.

M. [C] [A] revendique l'intégration dans les comptes de l'indivision des frais qu'il explique avoir seul avancé dans l'intérêt et pour la conservation de cette dernière.

Sur ce,

Aucune des parties n'a interjeté appel principal ou incident pour remettre en cause la décision du premier juge d'ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage du régime des successions de M. [N] [A] et de sa veuve Mme [P] [F].

Cette mission a été confiée par le tribunal judiciaire d'Angers à Maître [G] [O], notaire à Angers.

Le projet d'état liquidatif du notaire commis n'a pas encore été dressé.

Par suite les opérations de rapport sollicitées ou contestées par les parties relèvent de la compétence du notaire judiciairement désigné et sont donc prématurées devant le juge.

C'est donc à bon droit que le premier juge a renvoyé les parties devant le notaire commis.

Par suite le jugement contesté de ce chef sera confirmé.

Sur les frais de voyage de M. [C] [A] exposés du vivant de ses parents

M. [C] [A] estime à 7.662,50 euros la somme correspondant à l'amortissement de son véhicule pour les voyages qu'il a effectué de [Localité 15] à [Localité 12] lorsque ses parents avaient besoin de lui.

M. [T] [A] relève que les déplacements (frais d'essence et d'autoroute) réalisés par son frère ont en réalité été réglés grâce à la carte bancaire de leur mère et qu'il ne justifie donc pas des frais qu'il aurait exposés.

Il souligne en outre qu'il n'a jamais lui-même entendu faire supporter indûment à l'indivision les frais conséquents d'avion qu'il a eu pour venir voir ses parents en métropole.

Sur ce,

Il n'est pas contesté que M. [C] [A], qui réside dans la région de [Localité 15], a pu effectuer des voyages pour se rendre au domicile de ses parents, à [Adresse 13], et particulièrement après le décès de son père en 2008, pour rendre visite et aider, dans certaines tâches, sa mère.

Cependant M. [C] [A] ne justifie pas en quoi ces voyages, même fréquents, ouvriraient droit à indemnisation ou prise en compte par l'indivision successorale dans laquelle il se trouve avec son frère, dans la mesure où il n'a fait que remplir son devoir filial envers ses ascendants.

Le jugement contesté sera par suite confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts

L'article 1240 du code civil dispose que: ' tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

M. [C] [A] dénonce l'attitude de blocage systématique de son frère pour mener à bien la liquidation des successions de leurs parents, ainsi que ses propos injustes et diffamants, dans ses ultimes écritures, pour revendiquer l'existence d'un préjudice moral ouvrant droit à indemnisation.

M. [T] [A] conteste avoir jamais adopté un comportement d'opposition systématique, et estime même avoir fait montre d'un esprit arrangeant vis à vis des demandes de son frère, acceptant notamment l'attribution préférentielle de la maison du [Localité 18] à son profit.

Sur ce,

Si le ressentiment est vif entre les deux parties, comme cela apparaît dans le contenu de leurs écritures respectives, M. [C] [A] ne caractérise cependant pas les propos précis qui seraient de nature diffamante ou blessante à son endroit.

De plus les écritures contestées relèvent de la liberté de développement et d'expression propres aux écritures judiciaires.

D'autre part M. [C] [A] ne rapporte pas la preuve d'une opposition systématique, malveillante, imputable à son frère dans le règlement de la succession de leurs deux parents.

C'est donc à bon droit que sa demande de dommages et intérêts a été rejetée par le premier juge.

Le jugement contesté sera confirmé de ce chef.

Sur les frais et dépens

Aucun élément de l'espèce ne fonde, en équité, les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile revendiquées respectivement par chacune des parties à l'encontre de l'autre. Aussi M. [T] [A] et M. [C] [A] seront déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

Compte tenu du caractère familial du litige, chacune des parties supportera ses dépens propres.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONSTATE le désistement par M. [T] [A] de son appel concernant l'intimée Mme [D] [A] ;

CONFIRME le jugement rendu le 20 novembre 2018 par le tribunal de grande instance d'Angers en toutes ses dispositions contestées ;

DÉBOUTE M. [T] [A] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE M. [C] [A] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

F. BOUNABI M.C COURTADE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : 1ère chambre section b
Numéro d'arrêt : 19/00664
Date de la décision : 30/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-30;19.00664 ?
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