La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/05/2022 | FRANCE | N°22/00029

France | France, Cour d'appel d'Angers, 1ère chambre section b, 18 mai 2022, 22/00029


COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ère CHAMBRE B







Ordonnance N°: 29



Ordonnance du Juge des libertés et de la détention d'[Localité 2] du 06 Mai 2022



N° RG 22/00029 - N° Portalis DBVP-V-B7G-E73R



ORDONNANCE

DU 18 MAI 2022





Nous, Catherine MICHELOD, Présidente de chambre à la Cour d'Appel d'ANGERS, agissant par délégation du Premier Président en date du 20 décembre 2021, assistée de S. LIVAJA, Greffier,





Statuant sur l'appel formé par :



Mad

ame [P] [W] épouse [G]

née le 01 Juin 1954 à [Localité 4] ([Localité 4])

[Adresse 1]

[Localité 2]

actuellement hospitalisée au [Adresse 5]



Comparante assistée de Me Julie MARTHY, av...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ère CHAMBRE B

Ordonnance N°: 29

Ordonnance du Juge des libertés et de la détention d'[Localité 2] du 06 Mai 2022

N° RG 22/00029 - N° Portalis DBVP-V-B7G-E73R

ORDONNANCE

DU 18 MAI 2022

Nous, Catherine MICHELOD, Présidente de chambre à la Cour d'Appel d'ANGERS, agissant par délégation du Premier Président en date du 20 décembre 2021, assistée de S. LIVAJA, Greffier,

Statuant sur l'appel formé par :

Madame [P] [W] épouse [G]

née le 01 Juin 1954 à [Localité 4] ([Localité 4])

[Adresse 1]

[Localité 2]

actuellement hospitalisée au [Adresse 5]

Comparante assistée de Me Julie MARTHY, avocat au barreau d'ANGERS, commis d'office,

APPELÉ A LA CAUSE :

Monsieur LE DIRECTEUR DU [Adresse 5]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Non comparant, ni représenté,

Après débats à l'audience publique tenue au Palais de Justice le 18 Mai 2022 à 14h00, il a été indiqué que la décision serait prononcée le jour même en fin d'après-midi, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile.

Faits et procédure

Par décision du directeur du [Adresse 5] ([Adresse 5]) de [Localité 7] en date du 26 avril 2022, Mme [P] [W] épouse [G], née le 1er juin 1954 à [Localité 4] (69) a été admise en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète à compter du 25 avril 2022, sans demande d'un tiers et pour péril imminent.

Cette décision a été prise sur la base d'un certificat dressé le 25 avril 2022 par le docteur [S] [D], médecin extérieur à l'établissement d'accueil, rappelant les circonstances de son examen et retenant que les troubles mentaux constatés chez l'intéressée rendent impossible son consentement et justifient, compte tenu du péril imminent, des soins immédiats assortis d'une surveillance constante dans un établissement spécialisé.

Un relevé de vaine recherche d'un tiers a été dressé le 25 avril 2022 tandis que la décision d'admission n'a pu être notifiée à Mme [G] au vu de son état de santé attestée le 27 avril 2022 par deux cadres de santé de l'établissement d'accueil qui ont indiqué son refus de signature.

Par lettre datée du 26 avril 2022, M. [F] [G], époux de Mme [W], a été avisé de la mesure d'hospitalisation.

Sur la base des certificats médicaux dressés dans les 24 et 72 heures de l'admission, précisément les 26 et 28 avril 2022, par les docteurs [C] et [E], psychiatres exerçant tous deux au [Adresse 5], le directeur d'établissement a, par décision du 28 avril 2022 notifiée à la patiente le 29 avril 2022, prononcé le maintien de Mme [P] [W] épouse [G] en soins psychiatriques contraints sous la même forme de prise en charge.

Saisi par requête du directeur du [Adresse 5] datée du 02 mai 2022 aux fins de contrôle de la mesure dans les 12 jours de l'hospitalisation à laquelle a été joint notamment l'avis rédigé à même date par le docteur [C], psychiatre exerçant au sein de l'établissement, le juge des libertés et de la détention d'[Localité 2] a, par ordonnance rendue le 06 mai 2022 et après avis du parquet du 05 mai 2022, autorisé la poursuite de l'hospitalisation complète de Mme [P] [W] épouse [G].

Par lettre simple datée du 09 mai 2022 et transmise par mail au Greffe de la cour d'appel d'Angers le 10 mai 2022, Mme [P] [W] épouse [G] a relevé appel de cette décision qui lui a été notifiée le 09 mai 2022.

L'ensemble des parties concernées a été convoqué à l'audience du 18 mai 2022 à 14 heures et le dossier communiqué au Ministère Public le 13 mai 2022.

Dans son avis motivé adressé au greffe de la Cour d'appel le 12 mai 2022 dont la teneur a été rappelée à l'audience, le docteur [C], psychiatre du [Adresse 5], a conclu à la nécessité de poursuivre les soins sous contrainte en hospitalisation complète de Mme [P] [W] épouse [G].

Débats devant la cour

A l'audience du 18 mai 2022, l'appelante comparait en personne avec l'assistance de Maître Julie Marthy, avocate au barreau d'Angers, désignée au titre de la commission d'office en suite de sa demande.

Entendue sur les motifs de son appel, Mme [P] [W] épouse [G] explique qu'elle maintient son recours après avoir été incitée par le docteur [C] afin de parler. Elle fait part de son souhait de quitter le [Adresse 5] car elle dispose de toutes ses capacités intellectuelles et morales, qu'elle prend ses médicaments et dispose d'un suivi à l'extérieur. Elle ajoute s'être rendue en toute liberté au [Adresse 5] car sa situation de couple était compliquée notamment du fait des violences de son mari, lequel a refusé qu'elle aille se reposer chez sa soeur qui réside dans le Beaujolais dont elle est originaire dès lors qu'il considère que les bipolaires sont des 'dingues'. Elle indique qu'elle s'est donc réfugiée au [Adresse 5] où elle prend son traitement. Elle souhaite s'inscrire dans un programme de soins à long terme avec des soins infirmiers à domicile en précisant être suivie par un psychiatre et un psychothérapeute.

L'appelante expose en outre que le diagnostic de bipolarité a été porté à l'été 2019 et se dit consciente, comme tout malade, que le traitement est indispensable, que lors de son admission d'avril 2022, elle n'avait pas arrêté le traitement qui lui avait été prescrit à la suite de son hospitalisation libre au [Adresse 5] en décembre 2021 en suite d'un choc affectif, qu'elle a été hospitalisée dans cet établissement au total à 5 reprises dont la dernière avant la présente admission également sous contrainte en février 2022 car, à chaque fois, son mari dit qu'elle est 'folle'. Après lecture du certificat médical initial faisant état de sa conduite au service des urgences du CHU d'Angers, elle dit s'être rendue d'elle-même à l'hôpital qui est une 'gare de triage' avant d'être effectivement conduite au [Adresse 5]. Concernant l'avis le plus récent du docteur [C], elle déclare ne pas avoir eu le temps d'évoquer avec ce psychiatre la mise en place d'un programme de soins ambulatoires car ce dernier est très occupé. Tout en respectant le docteur [C] et les soignants, elle réitère son souhait de rentrer chez elle.

De son côté, son conseil ne formule aucune observations sur la régularité de la procédure. S'agissant du dernier avis du docteur [C], elle tient à souligner que Mme [G] reconnaît parfaitement ses troubles bipolaires de sorte qu'elle n'est pas anosognosique, admet que le traitement lui est indispensable tandis que le certificat initial ne fait pas mention d'une rupture de traitement de sa part.

Maître [V] conclut en relayant le souhait de Mme [G] de voir mettre en place un programme de soins en ambulatoire.

Dûment convoqué, M. le directeur du [Adresse 5] est absent et n'est pas représenté.

Dans son avis écrit daté du 17 mai 2022 dont il a été donné lecture à l'audience, le Parquet Général conclut à la recevabilité de l'appel et, au fond, à la confirmation de l'ordonnance entreprise.

SUR QUOI

- Sur la recevabilité de l'appel

L'appel de Mme [P] [W] épouse [G] a été relevé dans les formes et délais prévus par les articles R. 3211-18 et R. 3211-19 du code de la santé publique.

Il est donc parfaitement recevable.

- Sur la poursuite de la mesure de soins

En droit et aux termes de l'article L. 3212-1 I du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1°- ses troubles mentaux rendent impossible son consentement,

2°- son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L 3211-2-1 du dit code.

En application de l'article L 3212-1 II 2° du même code, le directeur d'établissement prononce l'admission lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du présent II et qu'il existe, à la date de l'admission, un péril imminent pour la santé de la personne dûment constaté par un certificat médical émanant d'un médecin extérieur à l'établissement constatant l'état mental de la personne malade, indiquant les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins.

Selon l'article L 3211-12-1 du même code, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement lorsque l'hospitalisation en soins psychiatriques a été prononcée à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent en application de l'article L 3212-1 du dit code, n'ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de 12 jours à compter de l'admission. Cette saisine est accompagnée d'un avis motivé rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète.

Enfin, si le juge qui se prononce sur le maintien de l'hospitalisation complète doit apprécier le bien-fondé de la mesure au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, il ne peut substituer son avis à l'évaluation, par les médecins des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

Dans le cas présent, figurent bien au dossier les divers certificats et avis médicaux circonstanciés et motivés légalement exigés ainsi que les décisions administratives intervenues à ce jour. La procédure a donc été menée de manière conforme aux prescriptions légales et d'ailleurs aucune observation n'est formulée à ce titre.

S'agissant de la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète, les pièces de la procédure notamment médicales du dossier établissent que Mme [P] [W] épouse [G], patiente de presque 68 ans connue du secteur psychiatrique depuis plusieurs années et déjà hospitalisée en milieu spécialisé, a été admise en soins psychiatriques sans consentement sous le régime de l'hospitalisation complète à compter du 25 avril 2022 sur décision du directeur du [Adresse 5] pour péril imminent au visa de l'article L 3212-1 II 2° du code de la santé publique après un transfert des urgences du Centre hospitalier d'[Localité 2] à la suite d'une nouvelle décompensation de sa maladie bipolaire sur un mode maniaque.

Le certificat médical ayant servi de base à la décision d'admission mentionne en particulier des troubles du comportement se manifestant essentiellement par des propos incohérents, un délire de persécution à l'égard de son mari et des soignants ainsi que des fluctuations thymiques caractérisant le péril imminent.

L'impossibilité d'un consentement aux soins et la nécessité de soins sous surveillance constante ont été confirmés par les certificats médicaux dressés par les deux psychiatres distincts dans les 24 et les 72 heures de l'admission de Mme [G] sous le régime de l'hospitalisation complète qui ont fondé la décision de maintien prise par le directeur du [Adresse 5] ainsi que par l'avis médical qui a été joint à la requête aux fins de contrôle de plein droit de cette mesure par le juge des libertés et de la détention dans les 12 jours d'hospitalisation.

Pour conclure à la nécessité de poursuivre les soins psychiatriques contraints sous la même forme de prise en charge, les différents psychiatres du [Adresse 5] ont ainsi décrit une patiente logorrhéique, désorganisée sur le plan psychique et moteur, présentant des idées délirantes envahissantes sur une thématique persécutive et mégalomaniaque ainsi qu'un comportement fortement inadapté, le tout associé avec une anosognosie totale et le fait de réfuter la nécessité des soins.

Telles sont encore les constatations du docteur [C] retranscrites dans l'avis parfaitement motivé et circonstancié émis le 12 mai 2022 et transmis au greffe de la Cour conformément à l'article L3211-12-4 du code de la santé publique le 13 mai 2022.

Ce psychiatre constate en particulier que, malgré une amélioration clinique perceptible de l'état psychique de Mme [G], il persiste au jour de son examen des éléments délirants mégalomaniaques et de persécution non critiqués et rationnalisés par tout moyen, une ambivalence de l'intéressée à la prise d'un traitement médicamenteux en dépit d'un discours superficiel d'acceptation ainsi qu'une anosognosie de ses troubles. De ce fait, le praticien conclut clairement que les soins sous contrainte en hospitalisation complète sont nécessaires afin d'améliorer l'observance médicamenteuse, l'insight de Mme [G] et ainsi minorer le risque de trouble comportemental à son retour à domicile.

L'ensemble de ces éléments suffit à établir que les troubles objectivés sur le plan médical ont été et rendent toujours impossible le consentement de Mme [G] dont l'état mental, en dépit de l'amélioration constatée depuis l'admission, continue d'imposer des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante justifiant le maintien de sa prise en charge en soins contraints dans le cadre contenant d'une hospitalisation complète.

L'atteinte portée à l'exercice des libertés constitutionnelles garanties demeurant adaptée, nécessaire et proportionnée à l'état mental de l'intéressée et à la mise en oeuvre du traitement qu'il requiert, l'ordonnance déférée sera donc confirmée.

- Sur les dépens

Conformément aux dispositions des articles R. 93 et R. 93-2 du code de procédure pénale, les dépens seront laissés à la charge de l'Etat.

PAR CES MOTIFS

Le délégué du Premier président de la Cour d'appel, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et mise à disposition au greffe,

En la forme,

DÉCLARONS l'appel recevable ;

Au fond,

CONFIRMONS l'ordonnance rendue le 06 mai 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Angers ayant autorisé la poursuite de l'hospitalisation complète de Mme [P] [W] épouse [G] ;

LAISSONS les dépens à la charge de l'État.

LE GREFFIERLE DÉLÉGUÉ

DU PREMIER PRÉSIDENT

S. LIVAJAC. MICHELOD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : 1ère chambre section b
Numéro d'arrêt : 22/00029
Date de la décision : 18/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-18;22.00029 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award