La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/03/2016 | FRANCE | N°13/03270

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 08 mars 2016, 13/03270


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N ic/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 03270.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 26 Novembre 2013, enregistrée sous le no F/ 12/ 01592 (Jonction du no 13/ 3302)
ARRÊT DU 08 Mars 2016

APPELANTE :
Madame Odile X..., son épouse, venant aux droits de Monsieur Robert X..., décédé... 49120 LA TOURLANDRY
représentée par Maître Gérard MAROT, avocat au barreau d'ANGERS-No du dossier 12139

INTIMEE :
LA SA

AR CARTON Boulevard du Cormier BP 20236 49302 CHOLET
représentée par Maître Gilles PEDRON, avocat a...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N ic/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 03270.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 26 Novembre 2013, enregistrée sous le no F/ 12/ 01592 (Jonction du no 13/ 3302)
ARRÊT DU 08 Mars 2016

APPELANTE :
Madame Odile X..., son épouse, venant aux droits de Monsieur Robert X..., décédé... 49120 LA TOURLANDRY
représentée par Maître Gérard MAROT, avocat au barreau d'ANGERS-No du dossier 12139

INTIMEE :
LA SA AR CARTON Boulevard du Cormier BP 20236 49302 CHOLET
représentée par Maître Gilles PEDRON, avocat au barreau d'ANGERS en présence de Monsieur Y..., directeur des Ressources Humaines

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Janvier 2016 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 08 Mars 2016, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCÉDURE,
La société A et R Carton est une entreprise à Cholet appartenant au groupe scandinave A et R Carton spécialisé dans le conditionnement des boîtes en Carton. Le site français emploie un effectif de plus de 200 salariés et applique la convention collective nationale du Cartonnage.
M. Robert X... a été recruté le 29 juin 1976 par la société A et R Carton en qualité d'opérateur finition dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet. En dernier lieu, il occupait un poste de manutentionnaire su service de collage en contrepartie d'un salaire brut de 2 002. 67 euros par mois.
Le 27 octobre 2010, la Caisse primaire d'assurance maladie, saisie par le salarié, a notifié une décision de prise en charge d'une maladie professionnelle pour la maladie " main doigts, syndrome du canal carpien gauche ". M. X... placé en arrêt de travail a cessé de percevoir les indemnités journalières au 31 juillet 2012, la caisse l'ayant considéré comme consolidé. Lors de la visite de reprise le 26 juin 2012, le médecin du travail a rendu un avis qu'il a confirmé le 11 juillet 2012, les termes suivants : " Inapte à un poste exigeant des manutentions de charges de plus de deux kilos et des gestes répétitifs (dont son poste au collage) ; Apte sur un poste administratif, de surveillance, d'accueil. "
Le 7 août 2012, l'employeur a proposé au salarié, à la suite d'une réunion avec les délégués du personnel le 1er août, un poste de cariste et un poste d'opérateur finition. M. X... a décliné les propositions des deux poste de reclassement " pour manque de compétence " et " de tout poste à l'étranger dû au problème de langue. "
Par courrier en date du 7 août 2011, M. X... a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au 17 août. Par courrier du 21 août 2012, le salarié a reçu notification de son licenciement dans les termes suivants : " Le 27 juin 2012, nous avons reçu du service médical inter entreprises une fiche d'aptitude datée du 26 juin 2012 vous concernant : " Inapte à un poste exigeant des manutentions de plus de 2 kilos et des gestes répétés, Apte à un poste de surveillance, d'accueil administratif. A revoir dans 15 jours après étude du poste le 11 juillet à 11 heures ". Le 4 juillet 2012, le médecin du travail a procédé à l'étude de votre poste de travail au sein de l'entreprise. Le 11 juillet 2012, vous avez une nouvelle fois examinée par le médecin du travail dans le cadre d'une seconde visite de reprise. A l'issue de l'examen, le médecin du travail a confirmé l'inaptitude à occuper son emploi d'opérateur finition. Suite à la réunion exceptionnelle des délégués du personnel du 1er août 2012, nous vous avons notifié le 7 août 2012 les possibilités de reclassement :- opérateur finition (saisie/ lancement) avec une formation interne,- cariste au service expéditions, avec une formation interne. Par ailleurs, nous vous avons informé lors de notre entrevue du lundi 6 août 2012 à 11 heures que vous ne parlez pas d'autres langues que le français de sorte qu'aucune permutation ou mutation au sein d'un des autres établissement du groupe A et R Carton, tous situés dans des pays non francophones, ne peut être sérieusement envisagé. A cette possibilité de reclassement interne, " vous nous avez répondu défavorablement à nos différentes propositions de postes ".
Lors de l'entretien du 17 août 2012, au cours duquel était présent M. Z..., nous avons réitéré ces propositions de reclassement qui n'entraînaient pas de modification de votre contrat de travail. Il a réitéré en votre nom votre refus. Ces faits nous contraignent à vous notifier votre licenciement pour inaptitude physique médicalement constatée à occuper votre emploi dans la mesure où ce poste exige des manutentions de plus de 2 kilos et des gestes répétés sans qu'il qu'il ait été possible d'aménager votre poste de travail. Il n'a pas été également possible de procéder à votre reclassement puisque vous avez refusé les offres faites en ce sens étant précisé qu'aucun autre emploi compatible avec vos aptitudes physiques restantes et répondant à vos attentes n'est actuellement vacant au sein de l'entreprise et du groupe. Votre préavis de deux mois ne pourra être exécuté non de votre fait mais en raison de votre inaptitude à effectuer votre travail. "
Le 12 septembre et le 11 octobre 2012, M. X... a réclamé le versement de l'indemnité équivalente à l'indemnité de préavis et l'indemnité spéciale de licenciement dues par l'employeur d'un salarié licencié à la suite d'une inaptitude professionnelle.
En décembre 2012, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers en paiement de l'indemnité équivalente à l'indemnité de préavis, de l'indemnité spéciale de licenciement, de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de reclassement et pour la violation prévue par l'article L 1226-12 du code du travail.
Par jugement en date du 26 novembre 2013, le conseil de prud'hommes d'Angers a :- condamné la SA A et R Carton à payer à M. X... les sommes suivantes :-4 005. 68 euros au titre de l'indemnité équivalente à l'indemnité de préavis,-23 339. 39 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,- débouté M. X... de ses autres demandes,- rejeté la demande reconventionnelle de la société AR Carton,- condamné la société AR Carton aux dépens.
Les parties ont reçu notification de ce jugement les 11 et 12 décembre 2013. M. X... en a régulièrement relevé appel général par courrier électronique du 17 décembre 2013 de son conseil. La société AR Carton a également interjeté appel par courrier de son conseil posté le 19 décembre 2013.
M. X... est décédé le 5 mars 2014 laissant pour unique héritière Mme Odile A... veuve X....

PRÉTENTIONS et MOYENS des PARTIES
Vu les conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 28 octobre 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles Mme X... es qualité d'héritière unique de M. Robert X... demande à la cour de :- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que le refus du salarié n'était pas abusif et en ce qu'il lui a alloué :- la somme de 4 005. 68 euros au titre de l'indemnité équivalente à l'indemnité de préavis,- la somme de 23 339. 39 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,- la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- infirmer le jugement sur l'obligation de reclassement,- condamner la société A et R Carton au versement de :- la somme de 24 033. 48 euros de dommages intérêts sur le fondement de l'article L 1226-15 du code du travail, et subsidiairement la somme de 2 000 euros au titre de la violation de l'article L 1226-12 du code du travail,- la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.
Elle fait valoir en substance que :
- sur les indemnités de l'article L 1226-14 du code du travail :- le salarié licencié pour inaptitude professionnelle bénéficie en application de l'article L 1226-14 du code du travail d'une indemnité équivalente à l'indemnité de préavis et d'une indemnité spéciale, à moins que l'employeur ne démontre que le salarié a refusé un poste de reclassement de manière abusive,- l'origine professionnelle de l'inaptitude de M. X... est établie au regard des certificats médicaux d'arrêts de travail et n'a pas sérieusement été contestée par l'employeur qui en avait connaissance dès la date du licenciement le 21 août 2012,- M. X... a refusé les deux postes de reclassement qui lui ont été proposés en ce que le poste de cariste n'était pas conforme aux prescriptions du médecin du travail et ne répondait pas à ses compétences en matière de conduite d'engins, et que le poste d'opérateur finition correspondait à un emploi de gestion administrative requérant des compétences de l'outil informatique que le salarié ne maîtrisait pas,- le refus du salarié des postes modifiant son contrat de travail n'était donc pas abusif de sorte qu'il a droit aux indemnités prévues par la loi, à savoir 4005. 68 euros pour l'indemnité équivalente à l'indemnité de préavis et 23 339. 39 euros pour l'indemnité spéciale de licenciement.
- sur la violation de l'obligation de reclassement :- l'employeur n'a pas rempli son obligation de reclassement en proposant un emploi de cariste non conforme aux prescriptions du médecin du travail et un emploi d'opérateur polyvalent dans le secteur finition ne correspondant pas à ses compétences s'agissant d'un poste fondamentalement différent et nécessitant une maîtrise de l'informatique que M. X... ne possédait pas,- s'agissant des postes de reclassement dans les entreprises étrangères du groupe, la société A et R Carton doit mener ses recherches indépendamment des souhaits exprimés et du comportement du salarié : il ne peut pas écarter les possibilités de reclassement à l'étranger au motif que le salarié ne maîtrisait pas la langue anglaise alors qu'un poste d'exécution sans contact avec les clients n'exige pas une telle maîtrise mais un simple apprentissage des rudiments basiques de la langue anglaise,- l'employeur ne satisfait pas à son obligation de recherche de reclassement dans les entreprises du groupe au travers d'une " simple " lettre de M. B... établie en langue anglaise le 30 juillet 2012, en réponse au responsable du site français,- le refus du salarié du ou des postes proposés ne libère pas l'employeur de son obligation de reclassement puisqu'il doit démontrer l'absence de solution de reclassement et justifier de recherches nécessairement postérieures au refus du salarié le 6 août 2012, ce qu'il n'a pas fait : ses seules allégations " en l'absence de tout poste vacant au sein de l'entreprise " dans la lettre de licenciement sont dépourvues de valeur probante,- la société AR Carton doit être condamnée au paiement de l'indemnité prévue à l'article L 1226-15 du code du travail sur la base de 12 mois de salaire, soit 24 0333. 48 euros.
- Subsidiairement, sur l'absence d'information écrite des motifs s'opposant au reclassement :- l'obligation de notifier par écrit les motifs s'opposant au reclassement du salarié ressortant des dispositions de l'article L 1226-12 du code du travail n'a pas été respectée par l'employeur, faute d'avoir expliqué que les recherches postérieures au refus du salarié n'ont pas pu aboutir,- le préjudice nécessairement subi par le salarié doit être indemnisé à hauteur de 2 000 euros.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 24 décembre 2015 régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience selon lesquelles la Société AR Carton demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a accordé au salarié :- la somme de 4 005. 68 euros au titre de l'indemnité équivalente à l'indemnité de préavis,- la somme de 23 339. 39 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,- la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- confirmer le jugement pour le surplus,- débouter le salarié de toutes ses demandes et le condamner au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient essentiellement que :
- sur l'obligation de reclassement :- l'employeur a satisfait à son obligation de recherche d'un reclassement en proposant le poste d'opérateur en saisie finition, qui a reçu l'approbation du médecin du travail et les délégués du personnel ; ce poste était d'un niveau identique au poste précédemment occupé, avec maintien de la classification et de la rémunération, sans changement de lieu de travail et nécessitait une formation a minima en informatique,- le second poste de cariste a été proposé sur la demande des délégués du personnel même si l'employeur avait émis des réserves sur la compatibilité de l'emploi avec les capacités physiques restantes du salarié,- aucun autre poste n'était vacant comme le confirme l'extrait du registre du personnel de l'entreprise de Cholet,- M. X..., qui avait refusé tout poste à l'étranger dans son courrier du 6 août 2012 " en raison du problème de langue " ne pouvait pas être reclassé sur un poste administratif dans les entreprises du groupe à l'étranger à défaut de maîtriser l'anglais et la langue locale ni sur un poste d'exécutant en raison des restrictions médicales,- l'action en formation linguistique excède largement l'obligation de reclassement mise à la charge de la société AR Carton,- la seule filiale francophone (tunisienne) de la société Carton n'emploie qu'un agent commercial,- l'employeur a rapporté la preuve de ses recherches loyales et sérieuses de tous les postes disponibles y compris après aménagement, au travers du compte rendu de la réunion avec les délégués du personnel,- le salarié réclame une indemnisation correspondant à 12 mois de salaire en vertu de l'article L 1226-15 du code du travail alors qu'il avait décidé de cesser toute activité professionnelle de longue date, qu'il ne s'est pas présenté à l'entretien préalable étant déjà parti en vacances.
- sur les indemnités spéciales de rupture :- le salarié déclaré inapte à son poste à la suite d'une maladie professionnelle qui refuse un poste de reclassement n'a pas droit à l'indemnité équivalente à l'indemnité de préavis et à l'indemnité spéciale visées dans l'article L 1226-14 du code du travail lorsque ce refus est abusif,- si le médecin du travail a émis des réserves sur le poste de cariste offert au salarié, il a considéré que le second poste d'opérateur en saisie était compatible avec les restrictions médicales et son état de santé,- le fait pour M. X... de refuser ce second poste doit être considéré comme abusif puisqu'il correspondait à un emploi de même nature, avec maintien de la rémunération et de l'ancienneté, assorti d'un plan de formation adapté en externe à l'outil informatique er en interne pour l'adaptation au poste et à ses outils,- en refusant un poste de reclassement ne constituant pas une modification de son contrat de travail, M. X... ne justifie pas du motif légitime à l'appui de ce refus et n'est donc pas fondé à bénéficier des dispositions de l'article L 1226-14 du code du travail et à percevoir l'indemnité équivalente à l'indemnité de préavis et l'indemnité spéciale,- le montant des demandes financières est incohérent puisque le salarié a retenu une base de salaire de 2 002. 79 euros au titre de l'indemnité équivalente à l'indemnité de préavis et de 2 018. 18 euros pour l'indemnité spéciale, alors que l'employeur a calculé l'indemnité de licenciement sur la base d'un salaire moyen sur les trois derniers mois de 1 838. 25 euros brut par mois.- sur l'absence d'information écrite des motifs s'opposant au reclassement :- cette demande fondée sur l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié visée à l'article L 1226-12 doit être rejetée car l'employeur a proposé deux postes de reclassement.

MOTIFS DE LA DÉCISION,
Sur l'obligation de reclassement,
En application des dispositions de l'article L 1226-10 du code du travail, lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé au besoin par des mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail. L'obligation de reclassement dont la preuve doit être rapportée par l'employeur est une obligation de moyen renforcée. Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et le cas échéant en cas d'appartenance à un groupe de sociétés, au sein des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel éventuellement à l'étranger.
Les éléments du dossier démontrant que l'inaptitude physique de M. X... à son poste d'opérateur manutentionnaire est d'origine professionnelle, que l'employeur en avait connaissance au moment de la notification du licenciement, justifient, ce qui n'est pas contesté par la société A et R Carton, que le salarié pouvait bénéficier des dispositions des articles L 1226-10 et suivants du code du travail.
M. X... reproche à son employeur de ne pas avoir justifié de ses recherches de reclassement en interne après le refus du salarié le 6 août 2012, notamment au travers d'une transformation de son poste, ni de ses recherches dans les entreprises du groupe à l'étranger.
Le salarié âgé de 56 ans, travaillait en qualité d'opérateur depuis 36 ans auprès de la société. Le médecin du travail ayant déclaré le salarié inapte à son poste actuel de manutentionnaire et l ¿ ayant déclaré apte à un poste administratif, de surveillance ou d'accueil, l'appelant ne peut pas sérieusement reprocher à son employeur de ne pas avoir envisagé une adaptation de son poste qu'il ne pouvait plus occuper en raison des restrictions médicales interdisant le " port de charges de plus de 2 kg et les gestes répétitifs (dont son poste de collage). "
La société A et R Carton, tout en convenant de l'existence d'un groupe de reclassement, a écarté les recherches d'un poste administratif dans les entreprises du groupe situées à l'étranger en raison du refus exprimé par M. X... qui ne maîtrisait pas la langue anglaise et dont la mobilité géographique était réduite.
Elle produit à l ¿ appui :- le courrier de M. B..., président de la société A et R Carton, adressé en langue anglaise à M. C... responsable du site à Cholet selon lequel il n'existe pas, après recherches, de poste disponible de reclassement pour M. X... au regard de sa formation et de son expérience dans le groupe A et R Carton, les postes administratifs exigeant au moins 3-5 années d'expérience et la connaissance de la langue anglaise et de la langue locale.- le procès-verbal du 1er août 2012 de la réunion avec les délégués du personnel sur la proposition par l'employeur de deux postes en interne d'opérateur de saisie et de cariste, sur l'absence de poste vacant dans les services administratifs-le courriel-non daté-du médecin du travail (pièce 11) considérant le poste d'opérateur en saisie compatible avec les restrictions médicales et différant sa réponse sur le poste de cariste,- le courrier du 6 août 2012 de M. X... refusant " les postes d'opérateur de saisie et de cariste et tous postes à l'étranger " à l'issue de l'entretien du même jour avec M. Y... responsable RH,- son courrier du 7 août 2012 comportant les propositions précises et détaillées des postes de cariste et d'opérateur polyvalent (saisie),- un extrait (une seule page) du registre des entrées et sorties du personnel du site de Cholet limité aux recrutements effectués entre le 5 septembre 2011 et le 7 janvier 2013 démontrant qu'aucun poste conforme aux restrictions médicales n'a été pourvu (pièce 22)- le courrier établi le 22 décembre 2015 en langue anglaise par M. D... responsable de la société A et R Carton précisant que la société filiale en Tunisie n'a pas de salarié à l'exception d'un commercial.
Le fait que M. X... ait refusé les deux postes de reclassement ne permet pas d'en déduire que l'employeur a satisfait à son obligation puisqu'il appartient à ce dernier de démontrer qu'il ne dispose d'aucun autre poste compatible avec l'état de santé du salarié.
La société A et R Carton ne produit aucun registre d'entrée et de sortie du personnel des sociétés composant le périmètre de reclassement de sorte qu'il est impossible de vérifier la structure des effectifs et la répartition catégorielle des emplois au sein de chacune des entreprises concernées. Le courrier daté du 30 juillet 2012 de M. B..., qui intervient après le refus de M. X... le 6 août d'accepter un poste à l'étranger, omet de préciser la nature er l'étendue des recherches opérées par les responsables RH des entreprises du groupe. Par ailleurs, il n'est produit ni le courrier de recherche de M. Y... responsable RH du site de Cholet ni les réponses des destinataires. Ni le procès-verbal de réunion du 1er août 2012 ni le courrier de M. B... du 30 juillet 2012 ne suffisent à établir la preuve des recherches effectives des postes administratifs, de surveillance ou d'accueil, en vue du reclassement de M. X... en interne et au sein des autres entreprises du groupe. Dans ces conditions, l'employeur ne démontre pas qu'il ne disposait pas d'autres postes disponibles et conformes aux prescriptions du médecin du travail et ne justifie pas de son impossibilité du reclassement du salarié après le refus de ce dernier le 6 août 2012.
Ces éléments permettent de conclure que la société A et R Carton ne justifie pas de l'absence en interne et au sein du groupe auquel elle appartient d'autre poste de reclassement disponible que ceux proposés au salarié et compatible avec les préconisations du médecin du travail. Le licenciement de M X... sera en conséquence déclaré sans cause réelle et sérieuse, par voie d'infirmation du jugement.
Sur les indemnités prévues par l'article L 1226-14 du code du travail,
En application de l'article L 1226-14 du code du travail, le refus par un salarié du poste de reclassement proposé par l'employeur est abusif dès lors que la proposition de reclassement entraîne une modification du contrat de travail.
En l'espèce, le premier poste de cariste proposé à M. X... était incompatible avec les restrictions du médecin du travail de sorte que le refus opposé par le salarié le 6 août 2012 ne peut pas être considéré comme abusif.
S'agissant du second poste d'opérateur polyvalent en saisie, il résulte des pièces produites que :- le poste précédemment occupé correspondait à des fonctions d'opérateur dans le service finition, de niveau VI-2, coefficient 180, consistant à approvisionner une machine, assurer la mise en caisse des étuis pliés, collés ou la mise sur palette des découpes à plat.- le poste proposé d'opérateur de saisie au sein du service de finition est classifié de niveau IV-1, coefficient 185, exige des compétences de saisie sur un clavier informatique.
Si ce second poste était conforme aux prescriptions du médecin du travail, il ne fait pas débat que le salarié, occupant un poste d'opérateur manutentionnaire depuis 36 années, ne disposait d'aucune compétence spécifique pour se servir de l'outil informatique à temps complet, que l'employeur avait prévu une formation en informatique pour le salarié ; que le profil de ce poste de type administratif était éloigné de celui précédemment occupé et des compétences professionnelles de M. X....
Il s'ensuit que, même si le poste relevait du même secteur (finition), qu'il était rémunéré sur les mêmes bases, le refus du second poste, motivé par le salarié par son " manque de compétence ", ne peut pas être qualifié d'abusif s'agissant d'un emploi entraînant nécessairement une modification de son contrat de travail.
Dans ces conditions, par application de l'article L 1226-14 du code du travail, M. X... a droit à l'indemnité compensatrice d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'à l'indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité légale.
Selon l'article L 1226-16 du code du travail, les indemnités prévues aux articles L 1226-14 et L 1226-15 sont calculées sur la base du salaire moyen qui aurait été perçu par l'intéressé au cours des trois derniers mois s'il avait continué à travailler au poste qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail provoquée par l'accident de travail ou la maladie professionnelle. Pour le calcul de ces indemnités, la notion de salaire est définie par le taux personnel, les primes et les avantages de toute nature, les indemnités et les gratifications.
Au vu des bulletins de salaire, M. X... a reconstitué à juste titre son salaire moyen brut sur la base 2 002. 79 euros, correspondant au salaire de base (1 734. 06 euros), à la prime d'ancienneté (173. 41 euros) et à la majoration équipe (95. 37 euros). la demande en paiement du salarié est fondée à concurrence de la somme de 4 005. 68 euros brut au titre de l'indemnité équivalente à l'indemnité de préavis, et de la somme de 23 339. 39 euros au titre de l'indemnité spéciale, par voie de confirmation du jugement.

Sur l'indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Selon l'article L 1226-15 du code du travail, le salarié licencié de manière illégitime pour cause d'inaptitude professionnelle a droit à des dommages intérêts dont le montant ne peut pas être inférieur à 12 mois de salaires.
M. X... n'a pas justifié de sa situation professionnelle après le licenciement du 22 août 2012. Il bénéficiait d'une pension d'invalidité jusqu'à son décès survenu le 5 mars 2014. Compte tenu de la situation personnelle du salarié, du montant de sa rémunération (2 002. 79 euros), de son âge (56 ans), de son ancienneté (36 ans), la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer à la somme de 24 033. 48 euros nets de CSG et de RDS le montant de l'indemnité propre à réparer le préjudice en application de l'article L 1226-15 du code du travail, par voie d'infirmation du jugement. Cette somme sera versée à Mme X... ès qualité d'unique héritière de son mari décédé le 5 mars 2014.

Sur les autres demandes,
Les conditions d'application de l'article L 1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage payées au salarié du jour de son licenciement et ce à concurrence de deux mois. Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme X... les frais non compris dans les dépens. L'employeur sera condamné à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile L'employeur sera condamné aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant, publiquement et contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort,
ORDONNE la jonction des procédures portant les références suivantes RG 13/ 3302 et RG 13/ 3270,
DECERNE acte à Mme Odile X... de ce qu'elle intervient à la cause en qualité d'héritière unique de son mari M. Robert X..., décédé le 5 mars 2014,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a dit que l'employeur avait bien rempli son obligation de reclassement à l'égard de son salarié et a débouté M. X... de sa demande en paiement de dommages intérêts sur le fondement de l'article L 1226-15 du code du travail
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
CONDAMNE la société A et R Carton à payer à Mme X... ès qualité :- la somme de 24 033. 48 euros net à titre de dommages intérêts pour licenciement illégitime en application de l'article L 1226-15 du code du travail-la somme de 1 000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
CONFIRME le surplus des dispositions du jugement entrepris,
ORDONNE le remboursement par la société A et R Carton au profit des organismes intéressés comme Pôle Emploi, organisme les ayant servies, des indemnités de chômage versées au salarié au jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de deux mois d'indemnités de chômage.
CONDAMNE la société A et R Carton aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/03270
Date de la décision : 08/03/2016
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2016-03-08;13.03270 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award