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01/03/2016 | FRANCE | N°13/03164

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 01 mars 2016, 13/03164


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N al/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 03164.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 12 Novembre 2013, enregistrée sous le no F 12/ 00132

ARRÊT DU 01 Mars 2016

APPELANT :

Monsieur Jean-Claude X...... 49260 BREZE

comparant-assisté de Maître LUCAS, avocat substituant Maître Gérard SULTAN, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
LA SAS GRATIEN MEYER Route de Montsoreau BP 22 49401 SAUMUR CEDEX 1 <

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représentée par Maître Bertrand CREN, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En applica...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N al/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 03164.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 12 Novembre 2013, enregistrée sous le no F 12/ 00132

ARRÊT DU 01 Mars 2016

APPELANT :

Monsieur Jean-Claude X...... 49260 BREZE

comparant-assisté de Maître LUCAS, avocat substituant Maître Gérard SULTAN, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
LA SAS GRATIEN MEYER Route de Montsoreau BP 22 49401 SAUMUR CEDEX 1

représentée par Maître Bertrand CREN, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Décembre 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne LEPRIEUR, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 01 Mars 2016, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

M. Jean-Claude X... a été engagé par la société des Etablissements Gratien, Meyer , Seydoux et cie, négociants à Saumur, devenue ultérieurement la société Gratien Meyer , à compter du 20 mars 1973 en qualité de caviste manutentionnaire. En dernier lieu, il occupait un emploi de contremaître logistique, catégorie agents de maîtrise, et percevait un salaire mensuel de 2 938, 12 ¿ bruts. Etait applicable aux relations entre les parties la convention collective des vins et spiritueux.

Le salarié a été victime d'un accident du travail le 3 novembre 2011, sans qu'un arrêt de travail ne lui soit prescrit.
Par une lettre en date du 21 novembre 2011, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique fixé au 30 novembre 2011. Il lui était proposé dans ce même courrier un poste de reclassement de caviste-cariste au sein de la société Champagne Alfred Gratien, poste que M. X... a refusé par courrier du 25 novembre 2011.

Le salarié s'est trouvé en arrêt de travail pour rechute d'accident du travail à compter du 22 novembre 2011 et jusqu'au 29 juin 2012, puis pour maladie à compter du 2 juillet 2012 jusqu'au 31 août 2012.
Il a été à nouveau convoqué par lettres des 24 novembre 2011, 9 janvier 2012, 3 février 2012, 8 mars 2012, 6 avril 2012, 22 mai 2012, 20 juin 2012 et 21 août 2012 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, la date initialement fixée ayant été reportée en raison des arrêts de travail successifs.
M. X... a été déclaré apte à la reprise par le médecin du travail le 3 septembre 2012.
Après un entretien préalable qui s'est tenu le 3 septembre 2012, et à la suite de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, le contrat a été rompu le 24 septembre 2012. La lettre de licenciement du 25 septembre 2012 est ainsi libellée : " (...) Nous évoluons en effet, sur un secteur particulièrement fragile du fait notamment de sa sensibilité aux soubresauts de l'économie et de la taille de ses acteurs. Non seulement en effet, nous dépendons des habitudes de consommation, mais, en outre, nous sommes confrontés à une concurrence émanant de groupes structurés, dont la taille et les moyens fragilisent le marché. Les acteurs du marché sont ainsi dotés de capacité de production très supérieures au volume du marché, de sorte que celui-ci se trouve au final saturé. Cette situation de surproduction a mécaniquement entraîné une exacerbation de la concurrence. Confrontés à la saturation du marché, certains acteurs ont en effet choisi des stratégies-notamment de prix-agressives, au point de déréguler le marché. Ainsi, non seulement le marché baisse en volume, mais les transactions se font à des prix également à la baisse. Cette situation n'a malheureusement pas manqué de nous impacter. Depuis 3 ans, nous sommes ainsi confrontés à une baisse de notre chiffre d'affaires qui a fini par engendrer des difficultés économiques. Le résultat d'exploitation, véritable indicateur de la performance économique, ne cesse de se dégrader ces dernières années. Sur l'exercice 2010, Gratien Meyer par exemple, a enregistré une perte de résultat d'exploitation de 98 000 euros, en régression de près de 225 000 euros par rapport à l'année précédente et de plus de 490 000 euros par rapport à 2008. Au 31 décembre 2011, nous avons enregistré un nouveau déficit du résultat d'exploitation.

L'équilibre économique du secteur s'en trouve ainsi menacé. Au 31 décembre 2011, l'exercice s'est achevé par une nouvelle perte, qui est venue s'ajouter à celles enregistrées en 2009 et 2010. Cette situation est d'autant plus alarmante que des mesures ont déjà été prises. Outre une baisse des charges, le recours à l'intérim a été réduit à son strict minimum-voir suspendu-chez Gratien Meyer depuis août 2010, et il a été mis en place depuis cette même date, une organisation de production alternant le tirage et l'habillage, et ce, pour maintenir un niveau d'occupation. Pour autant, ces mesures sont insuffisantes pour faire face à la sous-activité, au regard notamment des prévisions. Les perspectives ne dessinent en effet, aucune amélioration à court ou moyen terme. Bien en revanche, la situation ne s'est pas améliorée depuis la fin de l'année 2011. Nous n'avons pas constaté de reprise soutenue de l'activité et une telle perspective demeure très improbable dans les prochains mois.- La crise qui frappe durement l'économie mondiale depuis plusieurs mois affecte notre secteur d'activité et exacerbe la concurrence en accentuant le mécanisme de dérégulation du marché.- Nos concurrents continuent en effet leur politique de prix dérégulés en pratiquant des prix inférieurs à nos prix de revient.- Notre client Aldi, principal client à l'étranger, a cessé son contrat depuis le 1er janvier dernier, nous privant ainsi non seulement d'un volume d'activité annuel important, mais également de la faculté de compenser à l'international les tensions de prix du marché français.- Malgré nos efforts, nous enregistrons une nouvelle baisse d'activité. Le nombre de cols vendus au 31 juillet 2012 est en régression de près de 15 % par rapport à l'année dernière à la même époque et le chiffre d'affaires est lui significativement en baisse.- Cette baisse d'activité est d'autant plus inquiétante qu'elle entraîne mécaniquement une augmentation de stocks, auto alimentant ainsi les effets de la sous activité Ces difficultés économiques, conjuguées à la nécessité sur un marché de plus en plus concurrentiel, de préserver notre compétitivité, rendent nécessaires une réorganisation de nos services. Cette réorganisation, destinée à préserver notre pérennité et sauvegarder notre compétitivité, entraîne la suppression de votre poste. Soucieux de préserver votre emploi, nous vous avons proposé un reclassement à Epernay, proposition, que vous avez refusée par lettre reçue le 28 novembre 2011. Nos recherches n'ont malheureusement permis d'identifier aucun autre poste de reclassement. (...) "

M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Saumur le 19 décembre 2012 de demandes tendant à ce que son licenciement soit annulé ou en tout état de cause jugé sans cause réelle et sérieuse et au paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul, sans cause réelle et sérieuse et prononcé en violation des critères d'ordre des licenciements ainsi que de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice distinct, outre un rappel d'indemnité compensatrice de congés payés.
Par jugement du 12 novembre 2013, le conseil de prud'hommes a jugé le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, aux motifs que n'étaient établis ni le caractère économique du licenciement, ni le respect de l'obligation de reclassement ni encore des critères d'ordre des licenciements. Il a condamné la société au paiement des sommes de 20 000 ¿ de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 260, 05 ¿ au titre d'un rappel de congés payés et 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. Il a débouté le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice distinct et rappelé que l'exécution provisoire était de droit en ce qui concerne le paiement du rappel de congés payés.
Le salarié a régulièrement interjeté appel.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Le salarié, dans ses conclusions parvenues au greffe le 1er septembre 2015, soutenues oralement, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, sollicite : * l'annulation de son licenciement et, en tout état de cause, la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ; * l'infirmation du jugement en ce qu'il a limité le montant des dommages-intérêts alloués et la condamnation de la société au paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice des intérêts de droit et net de charges :-145 000 ¿ de dommages-intérêts pour licenciement nul, sans cause réelle et sérieuse et prononcé en violation des critères d'ordre des licenciements ;-20 000 ¿ de dommages-intérêts en réparation du préjudice distinct ; * la confirmation du jugement en ses dispositions relatives au solde d'indemnité de congés payés et à l'article 700 du code de procédure civile ; * la condamnation de la société au paiement de la somme de 5 000 ¿ sur ce même fondement au titre des frais irrépétibles.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir avoir été licencié en raison de son état de santé déficient, comme son épouse au demeurant, laquelle a été également licenciée par la société après avoir été en arrêt de travail pendant de nombreux mois. Son licenciement est donc nul pour discrimination.
Son licenciement est en tout état de cause dénué de cause réelle et sérieuse. En effet, il n'est pas établi de difficultés économiques au niveau de l'entreprise. Il est fait à cet égard sommation à la société de verser aux débats dans leur intégralité l'ensemble de ses liasses fiscales au titre des exercices 2010 à 2012. Il n'existe pas plus de difficultés économiques au niveau du groupe Henkell dont fait partie la société et dont le secteur d'activité est le même, à savoir la distribution et la commercialisation de champagne, vins et autres alcools. Le poste du salarié n'a pas été supprimé puisqu'il a été remplacé par M. A... qui était jusque là son adjoint. La société est strictement incapable d'expliquer en quoi le motif économique allégué impliquait le recours à un prestataire extérieur, par la signature d'un contrat logistique au coût exorbitant.

L'employeur a violé son obligation de reclassement ; il ne justifie pas d'une recherche préalable, loyale, effective, sérieuse et personnalisée, une seule proposition de reclassement ayant été faite et ce, 10 mois avant la notification du licenciement. Le registre du personnel de la société Gratien Meyer démontre par ailleurs que celle-ci a multiplié les recrutements en contrat à durée déterminée pour pourvoir des postes qui auraient pu parfaitement convenir au salarié ; la société a également continué de recourir à l'intérim et a fait effectuer de nombreuses heures supplémentaires à son personnel durant les années 2011 et 2012. Aucune recherche n'a été effectuée dans le groupe et à l'étranger, alors que le critère de permutabilité du personnel n'est pas contesté et que le questionnaire adressé au salarié ne répond pas aux exigences de l'article L. 1233-4-1 du code du travail.
Les critères d'ordre des licenciements ont été violés, rien ne permettant d'expliquer que le sort ait désigné M. X... compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise, de ses promotions successives, de son âge, de sa situation familiale, de son état de santé fragilisé et de sa polyvalence, alors qu'il n'était évidemment pas le seul dans sa catégorie professionnelle d'agent de maîtrise. L'application des critères d'ordre, tels qu'ils ont été proposés dans l'entreprise, n'aurait jamais dû désigner M. X....
La somme allouée par le conseil de prud'hommes ne répare pas le préjudice subi par M. X... qui n'a pas pu retrouver d'emploi et est resté au chômage pendant 3 ans avant de faire valoir ses droits à la retraite.
Le salarié est en outre bien-fondé à invoquer un préjudice distinct à raison des circonstances particulièrement vexatoires de la rupture, ayant eu à subir 9 convocations à entretien préalable, outre une contre-visite à l'initiative de l'employeur, alors qu'il était en arrêt de travail pour accident du travail. Cela l'a d'ailleurs plongé dans un état anxio-dépressif.
Enfin, il lui est dû un solde d'indemnité compensatrice de congés payés de 1260, 05 ¿ correspondant à 2, 5 jours de congés acquis au mois de juin 2012, période pendant laquelle il était en arrêt de travail pour accident du travail et donc considérée comme un temps de travail effectif.
La société, dans ses conclusions parvenues au greffe le 14 décembre 2015, soutenues oralement, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, formant appel incident, sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a jugé le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, ainsi que le débouté du salarié de toutes ses demandes à l'exception de celle relative au solde d'indemnité compensatrice de congés payés. Subsidiairement, elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a apprécié le préjudice subi à la somme de 20 000 ¿. Elle demande la condamnation du salarié au paiement de la somme de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir, sur la nullité du licenciement, qu'en vertu de l'article L. 1134-1 du code du travail, il appartient au salarié qui se dit victime d'une discrimination de présenter des éléments de fait laissant supposer une discrimination directe ou indirecte et qu'en l'espèce, l'intéressé n'établit aucun fait. Il convient de préciser que le salarié a été victime d'un accident du travail anodin le 3 novembre 2011, au point d'ailleurs qu'il n'a bénéficié d'aucun arrêt de travail à ce moment là. La rechute déclarée par l'intéressé est intervenue à un moment fort opportun, soit le jour de présentation de la lettre de convocation à entretien préalable. Toujours est-il que, lors de l'engagement de la procédure de licenciement, M. X... n'était sous le bénéfice d'aucun arrêt de travail et que l'arrêt dont il a bénéficié ultérieurement portait sur une lésion peu importante. Soutenir dans ces conditions qu'il aurait présenté une fragilité en raison de son état de santé est dénué de tout sérieux.
Sur le bien-fondé du licenciement, il n'est pas contesté que la société fait partie d'un groupe, en l'occurrence le groupe allemand Henkell. Cependant, la société est spécialisée dans la production de vins de Loire et plus particulièrement de pétillants de Loire, activité qu'elle est seule à faire au niveau du groupe. Dans ces conditions, le motif économique doit être apprécié au niveau de ce secteur d'activité qui ne concerne que la société Gratien Meyer et il n'y a pas lieu d'étendre ce cadre d'appréciation aux autres sociétés du groupe n'évoluant pas sur le même secteur d'activité. L'activité de distribution et de stockage reste résiduelle et n'a pas eu pour effet de modifier l'activité de la société qui reste la commercialisation de vins pétillants de Loire. Sur les trois derniers exercices, de 2010 à 2012, la société a enregistré un résultat d'exploitation déficitaire cumulé de 528 247 ¿ et des pertes cumulées de 939 636 ¿. Il est ainsi établi que la situation économique de la société justifiait une réorganisation afin d'assurer sa pérennité et la sauvegarde de sa compétitivité. Si des investissements réalisés en 2012 ont été possibles grâce au soutien financier de la maison mère, ces mesures ne sont pas de nature à remettre en cause le bien-fondé du licenciement économique. Le juge n'a au demeurant pas à substituer son appréciation à celle de l'employeur. Le recours à l'intérim comme l'accomplissement d'heures supplémentaires ont fortement diminué en 2012.

L'emploi de M. X... a bien été supprimé puisqu'il n'a pas été remplacé, la société n'ayant procédé à aucune embauche sur un poste de contremaître logistique et M. A... occupant un emploi différent, avec une qualification différente, mais s'étant vu confier des tâches supplémentaires.
M. X... n'ayant pas répondu au courrier de la société par lequel il lui était demandé s'il acceptait de recevoir des offres de reclassement à l'étranger, son absence de réponse vaut refus par application de l'article L. 1233-4 du code du travail. Il s'ensuit que les recherches de reclassement et les offres éventuelles devaient être circonscrites aux deux sociétés françaises, la société Gratien Meyer et la société Champagne Alfred Gratien. En l'espèce, les recherches menées par l'employeur ont permis d'identifier une solution de reclassement, qui a été refusée par le salarié. L'examen des registres du personnel des deux sociétés démontre l'absence de toute autre solution de reclassement.
Par ailleurs, l'inobservation éventuelle des règles relatives à l'ordre des licenciements n'a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse ; les dommages-intérêts accordés lorsque le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse et les indemnités pour non-respect des critères d'ordre des licenciements ne peuvent se cumuler. En l'espèce, les règles en la matière ont été respectées, le salarié étant le seul de sa catégorie professionnelle de contremaître-logistique, de sorte qu'aucun ordre des licenciements n'avait à être mis en oeuvre.

A titre subsidiaire, le quantum sollicité par M. X... est particulièrement excessif, l'intéressé n'ayant pas hésité à réclamer devant le conseil de prud'hommes l'équivalent de 52 mois de salaire, alors même qu'il a bénéficié d'une indemnité de licenciement équivalente à 15 mois de salaire, a perçu des allocations Pôle emploi et a fait valoir ses droits à la retraite à taux plein le 1er janvier 2015. Sa perte de revenu sur l'ensemble de la période de chômage et de façon générale son préjudice sont donc très loin de la somme réclamée. Le jugement devra être, à titre subsidiaire, confirmé sur le quantum.
Le salarié sera débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice distinct : la société n'a eu aucun comportement répréhensible à son égard, ayant été obligée de reporter la tenue de l'entretien préalable en raison des prolongations de son arrêt de travail et donc de son indisponibilité.
La société ne s'oppose pas à la demande au titre du solde d'indemnité compensatrice de congés payés.
MOTIFS DE LA DECISION
-Sur la nullité du licenciement :
Par application des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le salarié invoque en l'espèce que son licenciement est fondé sur une discrimination en raison de sa situation de famille et de son état de santé. Les éléments qu'il présente sont les faits suivants :

- Il est l'époux de Mme X..., licenciée après s'être trouvée en arrêt de travail pour maladie.
- Il a été victime d'un accident du travail et présentait un état de santé déficient. On observera à cet égard que l'accident du travail dont a été victime M. X... n'a pas entraîné d'arrêt de travail antérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement, tandis que la rechute de cet accident, consécutive à une entorse de la cheville, est datée du jour de présentation de la lettre de convocation à entretien

préalable. Le salarié s'est trouvé par la suite en arrêt de travail pour maladie, notamment suite à un état anxio-dépressif. Ainsi, précédemment à l'engagement de la procédure de licenciement, le salarié n'était pas en arrêt de travail et, en l'état des pièces soumises à l'appréciation de la cour, son état de santé n'était pas altéré.

- Les motifs allégués par la société pour tenter d'expliquer la suppression de son poste ou sa désignation par les critères d'ordre des licenciements ne résisteraient pas à l'examen. A cet égard, il résulte notamment des organigrammes, du compte-rendu du comité de pilotage du 24 novembre 2011 et du contrat de prestation logistique en date du 25 novembre 2011 que le poste de M. X... a bien été supprimé par le recours à un prestataire extérieur et l'attribution du reliquat de ses tâches à d'autres salariés. Sur le respect des critères d'ordre, on rappellera qu'appartiennent à une même catégorie professionnelle les salariés qui exercent dans l'entreprise des activités de même nature supposant une formation professionnelle commune. Il résulte des organigrammes produits et des tableaux de polyvalence du service production en date de juin 2010 et février 2011 que le salarié était le seul dans sa catégorie professionnelle, laquelle ne pouvait se confondre avec la catégorie des agents de maîtrise, étant observé par ailleurs que son adjoint, M. A..., relevait quant à lui de la catégorie des ouvriers de production.

En cet état, le seul fait établi, à savoir que le licenciement économique collectif de 5 personnes a concerné les deux époux X..., ne suffit pas à établir la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte à l'égard de M. X... en raison de sa situation de famille ou de son état de santé. Les demandes relatives à la nullité du licenciement doivent par conséquent être rejetées.
- Sur le bien-fondé du licenciement :
Lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques de l'employeur doivent s'apprécier tant au sein de la société qu'au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d'activité. De même, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la réorganisation invoquée par l'employeur dans la lettre de licenciement n'est de nature à justifier un licenciement pour motif économique que si elle est nécessaire à la sauvegarde du secteur d'activité de ce groupe. La spécialisation d'une entreprise dans le groupe ou son implantation dans un pays différent de ceux où sont situées les autres sociétés du groupe ne suffit pas à exclure son rattachement à un même secteur d'activité, au sein duquel doivent être appréciées les difficultés économiques.

En l'espèce, il est prétendu par le salarié que le secteur d'activité était commun aux différentes sociétés du groupe. On observera en ce sens que le document remis aux représentants du personnel évoque aussi bien les ventes de champagne, de vins tranquilles que de vins effervescents par la société Gratien Meyer . De même, il est établi que la société Gratien Meyer stockait du champagne et des alcools dans ses locaux (pièce no 30 du salarié), tandis que, selon les conclusions de l'employeur, les contrôles qualité ont été pris en charge par Henkell en Allemagne à la suite du licenciement de Mme X.... Sur son site Internet, le groupe Henkell se présente comme l'un des principaux fournisseurs de vins mousseux de Champagne, vins et spiritueux en Europe.
Les éléments produits par l'employeur en ce qui concerne le secteur d'activité sont limités à la seule entreprise Gratien Meyer . Ils ne permettent pas de déterminer l'étendue du secteur d'activité du groupe dont relève la société et donc le périmètre d'appréciation du motif économique. Aucun élément économique ou financier n'est par ailleurs fourni sur la situation du groupe Henkell.

Dans ces conditions, il n'est pas établi que le secteur d'activité de la société se réduise à la production de vins de Loire et plus particulièrement de pétillants de Loire et soit distinct de celui des autres sociétés du groupe. Le licenciement sera par conséquent jugé comme dénué de cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens qui tendent à la même fin.
En considération notamment de l'ancienneté du salarié au moment du licenciement (39 ans), de son âge (57 ans), du fait qu'il démontre n'avoir pu retrouver un emploi en dépit de nombreuses recherches et avoir fait valoir ses droits à la retraite après être resté au chômage pendant plus de deux années, la cour dispose des éléments suffisants pour porter, par voie d'infirmation du jugement déféré, à la somme de 50 000 ¿ le montant de l'indemnité propre à réparer le préjudice résultant pour lui du licenciement injustifié dont il a fait l'objet et que l'employeur sera condamné à lui payer.

- Sur la demande en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice distinct :

Le salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse peut prétendre à des dommages-intérêts distincts de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en cas de comportement fautif de l'employeur dans les circonstances de la rupture.
En l'espèce, le fait que l'entretien préalable ait été repoussé à de nombreuses reprises pour finalement se tenir après la fin de l'arrêt de travail du salarié ne constitue pas en soi un comportement fautif. De même en est-il de l'exercice par l'employeur de son droit de demander un contrôle médical du caractère justifié de l'arrêt de travail, lequel ne s'est accompagné en l'occurrence d'aucune circonstance particulière.
Dans ces conditions, le salarié sera débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice distinct, par voie de confirmation du jugement.

- Sur le solde d'indemnité compensatrice de congés payés :

La demande, non contestée ni dans son principe ni dans son quantum, est justifiée au regard des pièces produites, à savoir notamment les bulletins de paie dont celui du mois de septembre 2012 sur lequel figure la somme de 2 695, 11 ¿ réglée à ce titre. Le jugement sera confirmé de ce chef.

- Sur le remboursement des indemnités de chômage :

En l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69- 1o du code du travail dans sa version en vigueur au moment de la rupture du contrat de travail. L'employeur sera par conséquent condamné au remboursement des indemnités de chômage dans la limite de 6 mois d'indemnités, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69- 1o du code du travail.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant en matière sociale, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement seulement en ce qu'il a fixé à 20 000 ¿ le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Déboute M. Jean-Claude X... de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement nul ;
Condamne la société Gratien Meyer au paiement à M. Jean-Claude X... de la somme de 50 000 ¿ de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Ordonne le remboursement par la société Gratien Meyer des indemnités de chômage éventuellement versées à M. Jean-Claude X..., à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage et sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69- 1o du code du travail ;
Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la demande, soit de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et à défaut de demande initiale, à la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, et sur les sommes à caractère indemnitaire à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus ;
Condamne la société Gratien Meyer à payer à M. Jean-Claude X... la somme de 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et déboute la société Gratien Meyer de sa propre demande formée sur le même fondement ;
Condamne la société Gratien Meyer au paiement des dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/03164
Date de la décision : 01/03/2016
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2016-03-01;13.03164 ?
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