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01/03/2016 | FRANCE | N°13/03163

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 01 mars 2016, 13/03163


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N al/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 03163.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 12 Novembre 2013, enregistrée sous le no F 12/ 00125

ARRÊT DU 01 Mars 2016

APPELANTE :
Madame Jacqueline X...... 49260 BREZE
comparante-assistée de Maître LUCAS, avocat substituant Maître Gérard SULTAN, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :
LA SAS GRATIEN MEYER Route de Montsoreau BP 22 49401 SAUMUR CEDEX 1
reprÃ

©sentée par Maître Bertrand CREN, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N al/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 03163.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 12 Novembre 2013, enregistrée sous le no F 12/ 00125

ARRÊT DU 01 Mars 2016

APPELANTE :
Madame Jacqueline X...... 49260 BREZE
comparante-assistée de Maître LUCAS, avocat substituant Maître Gérard SULTAN, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :
LA SAS GRATIEN MEYER Route de Montsoreau BP 22 49401 SAUMUR CEDEX 1
représentée par Maître Bertrand CREN, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Décembre 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne LEPRIEUR, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 01 Mars 2016, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE
Mme Jacqueline X... a été engagée par la société des Etablissements Gratien, Meyer, Seydoux et cie, négociants à Saumur, devenue ultérieurement la société Gratien Meyer, pour la période du 12 octobre au 23 décembre 1981 en qualité de caviste temporaire selon contrat à durée déterminée, puis à compter du 21 janvier 1982 comme ouvrière caviste selon contrat à durée indéterminée. En dernier lieu, elle percevait un salaire mensuel de 1 632, 67 ¿ bruts.
Etait applicable aux relations entre les parties la convention collective des vins et spiritueux.
La salariée s'est trouvée en arrêt de travail pour maladie à diverses reprises dans le courant de l'année 2011. A la suite d'un examen en date du 7 mars 2011, elle a été déclarée par le médecin du travail " apte à la préparation des commandes sauf à la manutention des cartons de 6 magnums. Poste envisagé : mise des cônes à la production sur la chaîne : inapte à ce poste car inapte aux gestes répétitifs. Reprise effective le 11 mars 2011 ". A l'issue d'un autre examen du 26 juin 2011, elle a été déclarée " apte à la reprise dans les mêmes conditions que précédemment, reprise effective le 4 juillet. Poste envisagé : contrôle des matières premières sèches. L'aptitude à ce poste sera déterminée après étude par moi-même prochainement ". Le 5 juillet 2011, le médecin du travail déclarait la salariée apte au poste de contrôle des matières premières sèches.
Après avoir été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique fixé au 5 décembre 2011, la salariée, qui se trouvait en arrêt de travail pour maladie depuis le 2 décembre 2011, a été licenciée par lettre du 15 décembre 2011 ainsi libellée : " Nous évoluons sur un secteur particulièrement fragile du fait notamment de sa sensibilité aux soubresauts de l'économie et de la taille de ses acteurs. Non seulement en effet, nous dépendons des habitudes de consommation, mais, en outre, nous sommes confrontés à une concurrence émanant de groupes structurés, dont la taille et les moyens fragilisent le marché. Les acteurs du marché sont ainsi dotés de capacité de production très supérieures au volume du marché, de sorte que celui-ci se trouve au final saturé. Cette situation de sur-production a mécaniquement entraîné une exacerbation de la concurrence. Confrontés à la saturation du marché, certains acteurs ont en effet choisi des stratégies-notamment de prix-agressives, au point de déréguler le marché. Ainsi, non seulement le marché baisse en volume, mais les transactions se font à des prix également à la baisse. Cette situation n'a malheureusement pas manqué de nous impacter. Depuis 3 ans, nous sommes ainsi confrontés à une baisse de notre chiffre d'affaires qui a fini par engendrer des difficultés économiques. Le résultat d'exploitation, véritable indicateur de la performance économique, ne cesse de se dégrader ces dernières années. Sur le dernier exercice, Gratien Meyer par exemple, a enregistré une perte de résultat d'exploitation de 98 000 euros, en régression de près de 225 000 euros par rapport à l'année précédente et de plus de 490 000 euros par rapport à 2008. L'équilibre économique du secteur s'en trouve menacé. Au 31 décembre dernier, l'exercice s'est achevé par une nouvelle perte, qui est venue s'ajouter à celle enregistrée sur 2009. Au total, sur les deux derniers exercices, les pertes cumulées fixent les capitaux propres à un niveau inférieur au montant du capital social. Cette situation est d'autant plus alarmante que des mesures ont déjà été prises. Outre une baisse des charges, le recours à l'intérim a été suspendu chez Gratien Meyer depuis août 2010 et il a été mis en place depuis cette même date, une organisation de production alternant le tirage et l'habillage, et ce, pour maintenir un niveau d'occupation. Pour autant, ces mesures sont insuffisantes pour faire face à la sous-activité, au regard notamment des prévisions d'activité. Les perspectives ne dessinent malheureusement aucune amélioration à court ou moyen terme, bien en revanche : ¿ Le baisse d'activité a en effet, mécaniquement entraîné une augmentation de stocks... qui auto alimente les effets de la sous-activité. ¿ Une proche reprise soutenue de l'activité est très improbable.- Nos concurrents continuent, voire accentuent, leur politique de prix dérégulés en pratiquant des prix inférieurs à nos prix de revient.- Notre client Aldi, principal client à l'étranger, vient de nous informer qu'il ne renouvelait pas son contrat, nous privant ainsi non seulement d'un volume d'activité annuel de près de 350 000 bouteilles, mais également de la faculté de compenser à l'international les tensions de prix du marché français. Ces difficultés économiques, conjuguées à la nécessité sur un marché de plus en plus concurrentiel, de préserver notre vecteur compétitivité, rendent nécessaires une réorganisation de nos services. Cette réorganisation, destinée à préserver notre pérennité et sauvegarder notre compétitivité, entraîne la suppression de votre poste. En l'absence de solution de reclassement, cette situation nous a contraint à devoir engager à votre encontre une procédure de licenciement. (...) "
A la suite de l'acceptation par la salariée d'un contrat de sécurisation professionnelle, le contrat a été rompu le 27 décembre 2011.
La salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Saumur le 26 novembre 2012 de demandes tendant à voir annuler son licenciement et au paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul, sans cause réelle et sérieuse et prononcé en violation des critères d'ordre des licenciements, ainsi que de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de formation.
Par jugement du 12 novembre 2013, le conseil de prud'hommes a jugé le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, aux motifs que n'étaient établis ni le caractère économique du licenciement, ni le respect de l'obligation de reclassement ni encore des critères d'ordre des licenciements. Il a condamné la société au paiement des sommes de 10 000 ¿ de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2 000 ¿ de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de reclassement et 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La salariée a régulièrement interjeté appel.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La salariée, dans ses conclusions parvenues au greffe le 1er septembre 2015, soutenues oralement, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, sollicite : * l'annulation de son licenciement et, en tout état de cause, la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse et que la société avait méconnu son obligation de reclassement ; * l'infirmation du jugement en ce qu'il a limité les sommes allouées et la condamnation de la société au paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice des intérêts de droit et net de charges :-77 000 ¿ de dommages-intérêts pour licenciement nul, sans cause réelle et sérieuse et violation des critères d'ordre des licenciements ;-10 000 ¿ de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de formation ; * la confirmation du jugement en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile ; * la condamnation de la société au paiement de la somme de 5 000 ¿ sur ce même fondement.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir avoir été licenciée en raison de son état de santé déficient et de sa situation familiale, comme son mari lequel a été également licencié par la société après avoir été victime d'un accident du travail qui a altéré ses capacités de travail. Son licenciement est donc nul pour discrimination.
Son licenciement est par ailleurs dénué de cause réelle et sérieuse. En effet, il n'est pas établi de difficultés économiques au niveau de l'entreprise. Il est fait à cet égard sommation à la société de verser aux débats dans leur intégralité l'ensemble de ses liasses fiscales au titre des exercices 2010 à 2012. Il n'existe pas plus de difficultés économiques au niveau du groupe Henkell dont fait partie la société et dont le secteur d'activité est le même, à savoir la distribution et la commercialisation de champagne, vins et autres alcools. Le poste de la salariée, qui venait à peine d'être créé, n'a pas été supprimé ; son emploi, concernant le contrôle des matières premières sèches, n'était en rien concerné par le motif allégué.
L'employeur a violé son obligation de reclassement ; il ne justifie d'aucune recherche, tandis que le registre du personnel de la société Gratien Meyer démontre que celle-ci a multiplié les recrutements en contrat à durée déterminée pour pourvoir des postes qui auraient pu parfaitement convenir à la salariée. La société a continué de recourir à l'intérim et a fait effectuer de nombreuses heures supplémentaires à son personnel durant les années 2011 et 2012. Le poste de caviste au sein de la société Alfred Gratien, disponible, n'a pas été proposé à l'intéressée. Aucune recherche n'a été effectuée dans le groupe et à l'étranger, alors que le critère de permutabilité du personnel n'est pas contesté et que le questionnaire adressé à la salariée ne répond pas aux exigences de l'article L. 1233-4-1 du code du travail.
Les critères d'ordre des licenciements ont été violés, rien ne permettant d'expliquer que le sort ait désigné Mme X... compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise, de ses états de service, de son âge, de sa situation familiale, de son état de santé fragilisé et de sa polyvalence, alors qu'elle n'était évidemment pas la seule dans sa catégorie professionnelle d'ouvrier.
La somme allouée par le conseil de prud'hommes ne répare pas le préjudice subi par Mme X... qui n'a pas pu retrouver d'emploi.
En plus de 30 années d'activité, la société n'a jamais fait bénéficier Mme X... de la moindre formation conforme aux exigences de l'article L. 6321-1 du code du travail, ce qui lui a été préjudiciable puisqu'elle n'a pu évoluer et est restée cantonnée au même coefficient.
La société, dans ses conclusions parvenues au greffe le 14 décembre 2015, soutenues oralement, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, formant appel incident, sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a jugé le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et l'obligation de reclassement non respectée, et par conséquent le débouté de la salariée de toutes ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail. Elle demande la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande au titre de la violation de l'obligation de formation. Subsidiairement, elle sollicite la réformation du jugement en ce qu'il a alloué des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour violation de l'obligation de reclassement ainsi que la confirmation du jugement en ce qu'il a apprécié le préjudice subi à la somme de 10 000 ¿. Elle demande la condamnation de la salariée au paiement de la somme de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir, sur la nullité du licenciement, qu'en vertu de l'article L. 1134-1 du code du travail, il appartient au salarié qui se dit victime d'une discrimination de présenter des éléments de fait laissant supposer une discrimination directe ou indirecte et qu'en l'espèce, l'intéressée n'établit aucun fait. Les faits qu'elle avance sont dénués de tout sérieux, étant précisé qu'elle a entendu déclarer auprès de la CPAM deux maladies professionnelles qui ont toutes les deux fait l'objet d'un refus de prise en charge.
Sur le bien-fondé du licenciement, il n'est pas contesté que la société fait partie d'un groupe, en l'occurrence le groupe allemand Henkell. Cependant la société est spécialisée dans la production de vins de Loire et plus particulièrement de pétillants de Loire, activité qu'elle est seule à faire au niveau du groupe. Dans ces conditions, le motif économique doit être apprécié au niveau de ce secteur d'activité qui ne concerne que la société Gratien Meyer et il n'y a pas lieu d'étendre ce cadre d'appréciation aux autres sociétés du groupe n'évoluant pas sur le même secteur d'activité. Sur les trois derniers exercices, de 2010 à 2012, la société a enregistré un résultat d'exploitation déficitaire cumulé de 528 247 ¿ et des pertes cumulées de 939 636 ¿. Il est ainsi établi que la situation économique de la société justifiait une réorganisation afin d'assurer sa pérennité et la sauvegarde de sa compétitivité. L'activité de distribution et de stockage reste résiduelle et n'a pas eu pour effet de modifier l'activité de la société qui reste la commercialisation de vins pétillants de Loire. Si des investissements réalisés en 2012 ont été possibles grâce au soutien financier de la maison mère, ces mesures ne sont pas de nature à remettre en cause le bien-fondé du licenciement économique. Le recours à l'intérim comme l'accomplissement d'heures supplémentaires ont fortement diminué en 2012.
L'emploi de Mme X... a bien été supprimé puisqu'elle n'a pas été remplacée, la société n'ayant procédé à aucune embauche sur un poste de contrôle qualité des matières sèches ; les contrôles qualité sont désormais pris en charge par Henkell en Allemagne. Le juge n'a pas à substituer son appréciation à celle de l'employeur en ce qui concerne le choix des mesures mises en place.
Mme X... n'ayant pas répondu au courrier de la société par lequel il lui était demandé si elle acceptait de recevoir des offres de reclassement à l'étranger, son absence de réponse vaut refus par application de l'article L. 1233-4 du code du travail. Il s'ensuit que les recherches de reclassement et les offres éventuelles devaient être circonscrites aux deux sociétés françaises, la société Gratien Meyer et la société Champagne Alfred Gratien. En l'espèce, les recherches menées par l'employeur n'ont pas permis d'identifier une solution de reclassement.
Par ailleurs, l'inobservation éventuelle des règles relatives à l'ordre des licenciements n'a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse ; les dommages-intérêts accordés lorsque le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse et les indemnités pour non-respect des critères d'ordre des licenciements ne peuvent se cumuler. En l'espèce, les règles en la matière ont été respectées, la salariée étant la seule de sa catégorie professionnelle de collaborateur non cadre du service qualité, de sorte qu'aucun ordre des licenciements n'avait à être mis en oeuvre.
Les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour non-respect de l'obligation de reclassement ne peuvent se cumuler, de sorte que la réformation du jugement s'impose sur ce point.
A titre subsidiaire, le quantum sollicité par Mme X... est particulièrement excessif, l'intéressée n'hésitant pas à réclamer l'équivalent de 47 mois de salaire, alors même qu'elle a bénéficié d'une indemnité de licenciement équivalente à 11 mois de salaire, a perçu des allocations Pôle emploi et pourra faire valoir ses droits à la retraite à taux plein le 1er mars 2016. Le jugement devra être, à titre subsidiaire, confirmé sur le quantum.
La salariée a régulièrement bénéficié de différentes formations au cours de l'exécution du contrat de travail et d'une évolution de son coefficient. Ses prétentions relatives au non-respect de l'obligation de formation sont radicalement injustifiées.

MOTIFS DE LA DECISION
-Sur la nullité du licenciement :
En application des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
La salariée invoque en l'espèce que son licenciement est fondé sur une discrimination en raison de sa situation de famille et de son état de santé. Les éléments qu'elle présente sont les suivants :
- Elle est l'épouse de M. X..., licencié également après avoir été victime d'un accident du travail. Il convient d'observer cependant que M. X... a été victime d'un accident du travail n'ayant pas entraîné d'arrêt de travail antérieurement à l'engagement d'une procédure de licenciement à son encontre, puis d'une rechute de cet accident à compter du jour de présentation de la lettre de convocation à entretien préalable. Ainsi, dans les mois précédant l'engagement de la procédure de licenciement, il n'était pas en arrêt de travail et, en l'état des pièces soumises à l'appréciation de la cour, son état de santé n'était pas altéré.
- Elle s'est trouvée en arrêt de travail pour maladie pendant plusieurs mois et présentait un état de santé déficient. Si on se réfère à l'attestation Pôle emploi, il s'avère que la salariée s'est trouvée en arrêt de travail pour maladie plusieurs jours par mois chaque mois entre décembre 2010 et décembre 2011, à l'exception des mois d'avril, mai, août et octobre 2011. Le médecin du travail a procédé à l'étude de son poste le 8 février 2011, à la suite de laquelle il a préconisé " l'utilisation d'un gerbeur pour la mise des cartons sur palettes, l'aide d'un autre salarié pour les temps forts de l'activité " ainsi que " la limitation de la manutention des charges trop lourdes, c'est à dire au-dessus de 10 kg quand le mode est répétitif et 12 kg quand il est occasionnel ". C'est dans ces conditions que le poste de contrôle des matières premières sèches a été créé spécifiquement selon le procès-verbal du CHS-CT du 27 juin 2011. Il a par ailleurs été notifié les 18 avril 2011 et 10 octobre 2011 à l'entreprise par la caisse primaire d'assurance maladie le refus de prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels de deux maladies déclarées par la salariée, soit " épaule douloureuse droite ", puis " sciatique par hernie discale ".
- Les motifs allégués par la société pour tenter d'expliquer la suppression de son poste ou sa désignation par les critères d'ordre des licenciements ne résisteraient pas à l'examen. A cet égard, il est établi par les organigrammes produits que le poste de Mme X... a bien été supprimé, et par le registre du personnel qu'il n'a pas été procédé à une embauche sur ce poste. Par contre, sur le respect des critères d'ordre, on rappellera qu'appartiennent à une même catégorie professionnelle les salariés qui exercent dans l'entreprise des activités de même nature supposant une formation professionnelle commune. Selon l'employeur, constituait une catégorie professionnelle au sein de l'entreprise l'emploi de contrôle des matières premières sèches, qualifié de " collaborateur non cadre du service qualité ". On observera que cette catégorie professionnelle ainsi définie aboutit à désigner individuellement Mme X..., alors même que ses bulletins de paie ont toujours mentionné indifféremment un emploi de caviste, catégorie ouvrier, de même que le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi qui lui ont été délivrés.
Il résulte des fiches de poste produites que les tâches dévolues au poste de contrôle des matières premières sèches étaient pour partie identiques à celles du poste de préparateur aux expéditions précédemment occupé par la salariée. Au demeurant, son affectation au contrôle des matières premières sèches a nécessité une formation spécifique de seulement 8 heures (pièces no 35 de la société), ce qui démontre qu'elle ne nécessitait pas une formation de base spécifique ou une formation complémentaire excédant l'obligation d'adaptation. La salariée a par ailleurs démontré dans le passé sa polyvalence, laquelle n'a été affectée que par les limitations d'aptitude indiquées par le médecin du travail dans le courant de l'année 2011. A cet égard, les tableaux de polyvalence du service production du 14 juin 2010 et du 16 février 2011 (pièces no 8 de la salariée) démontrent une certaine interchangeabilité des divers salariés au sein du service production, ceux-ci pouvant être amenés concomitamment ou successivement à exercer diverses tâches relevant du service, à l'exception néanmoins de ceux de la maintenance qui, en l'état des pièces soumises à l'appréciation de la cour, n'effectuent que des tâches de maintenance. Dans ces conditions, il est établi que la salariée exerçait des fonctions de même nature que les autres ouvriers du service production, tels que figurant sur le tableau de polyvalence, à l'exception de ceux du service de maintenance, et qu'elle partageait avec ceux-ci une formation commune. Elle faisait donc partie de la même catégorie professionnelle que ceux-ci.
En cet état, il est établi la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de l'état de santé.
Or, l'employeur n'apporte aucun élément permettant d'apprécier objectivement le choix opéré parmi les salariés, prétendant contre toute évidence que Mme X... était la seule de sa catégorie professionnelle dans l'entreprise.
En conséquence de ces observations, le licenciement sera déclaré nul.
En considération notamment de l'ancienneté de la salariée au moment du licenciement (29 ans), de son âge (57 ans), du fait qu'elle démontre n'avoir pu retrouver un emploi en dépit de nombreuses recherches et percevait en dernier lieu une allocation de solidarité spécifique d'un montant journalier de 1, 04 ¿, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer à la somme de 35 000 ¿ le montant de l'indemnité propre à réparer le préjudice résultant pour elle du licenciement nul dont elle a fait l'objet et que l'employeur sera condamné à lui payer.
Il n'y a pas lieu, après avoir retenu la nullité du licenciement, de statuer sur les moyens relatifs à l'absence de cause réelle et sérieuse de celui-ci. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a alloué des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour manquement à l'obligation de reclassement.

- Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de formation :
Selon l'article L. 6321-1 du code du travail, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Mme X... a bénéficié en l'espèce :- d'une formation d'une durée de 7 heures en avril 2002, laquelle a abouti à l'obtention d'un certificat de conducteur de chariots automoteurs à conducteur porté ;- d'une formation à la sécurité incendie d'une durée de 2h 45 en avril 2008 ;- d'une formation à l'hygiène d'une durée totale de 3 heures en septembre 2008 et avril 2009 ;- d'une formation au contrôle qualité d'une durée de 8 heures laquelle a eu lieu durant les mois de juillet, septembre et novembre 2011.
La salariée a ainsi bénéficié de l'équivalent de 3 jours de formation durant les 29 années qu'ont duré la relation de travail. L'employeur ne produit pas de plan de formation.
Au regard de l'obligation pour l'employeur d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, ces constatations établissent un manquement de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail entraînant un préjudice distinct de celui résultant de sa rupture. Ce préjudice sera fixé à la somme de 1 000 ¿ et le jugement encore infirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS,
La cour statuant en matière sociale, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Juge le licenciement de Mme Jacqueline X... nul ;
Condamne la société Gratien Meyer au paiement à Mme Jacqueline X... des sommes suivantes : * 35 000 ¿ de dommages-intérêts pour licenciement nul, * 1 000 ¿ de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de formation ;
Confirme le jugement en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ;
Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère indemnitaire à compter du jugement déféré sur le montant des sommes allouées par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus ;
Condamne la société Gratien Meyer à payer à Mme Jacqueline X... la somme de 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et déboute la société Gratien Meyer de sa propre demande formée sur le même fondement ;
Condamne la société Gratien Meyer au paiement des dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/03163
Date de la décision : 01/03/2016
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2016-03-01;13.03163 ?
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