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01/03/2016 | FRANCE | N°13/02467

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 01 mars 2016, 13/02467


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N clm/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 02467.
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ANGERS, décision attaquée en date du 22 Février 2013, enregistrée sous le no 10560

ARRÊT DU 01 Mars 2016

APPELANTS :
Madame Jocelyne X...... 49800 ANDARD
Monsieur Nicolas X... Ambulancier... 49140 FONTAINE MILLON
Monsieur Thomas X...... 49800 ANDARD
Monsieur Mathieu X... Serveur... 49800 ANDARD
représentés par Maître SMATI-BERNIER, avocat substituant

Maître Philippe PAPIN, avocat au barreau d'ANGERS-No du dossier 1000210

INTIMES :
La Société GARAG...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N clm/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 02467.
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ANGERS, décision attaquée en date du 22 Février 2013, enregistrée sous le no 10560

ARRÊT DU 01 Mars 2016

APPELANTS :
Madame Jocelyne X...... 49800 ANDARD
Monsieur Nicolas X... Ambulancier... 49140 FONTAINE MILLON
Monsieur Thomas X...... 49800 ANDARD
Monsieur Mathieu X... Serveur... 49800 ANDARD
représentés par Maître SMATI-BERNIER, avocat substituant Maître Philippe PAPIN, avocat au barreau d'ANGERS-No du dossier 1000210

INTIMES :
La Société GARAGE HUMEAU 14 Boulevard de l'Ecce Homo 49100 ANGERS
représentée par Maître GAN, avocat au barreau D'ANGERS

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MAINE ET LOIRE CPAM 32 rue Louis Gain 49100 ANGERS
représentée par Monsieur Y..., muni d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Janvier 2016 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 01 Mars 2016, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :
M. Louis-Philippe X..., né le 2 août 1959, a été salarié de la société Garage Humeau en qualité de mécanicien automobile du 9 août 1980 au 23 janvier 2009, date à laquelle il est décédé des suite d'un cancer broncho-pulmonaire.
Il avait été placé en arrêt de travail à compter du 3 décembre 2007 du fait de cette maladie.
Le 6 août 2009, Mme Jocelyne X..., veuve de M. Louis-Philippe X..., a établi une déclaration de maladie professionnelle aux fins de prise en charge de ce cancer broncho-pulmonaire primitif au titre de la législation professionnelle et un certificat médical initial a été dressé par le médecin traitant le 31 août 2009.
Par décision notifiée le 19 novembre 2009, la caisse primaire d'assurance maladie de Maine et Loire (ci-après : la CPAM de Maine et Loire) a pris en charge la maladie de M. Louis-Philippe X... au titre de la législation professionnelle.
Le 25 mars 2010, Mme Jocelyne X... et ses enfants, MM. Nicolas, Thomas et Mathieu X... ont saisi la CPAM de Maine et Loire d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société Garage Humeau. Celle-ci ne s'étant pas présentée dans le cadre de la procédure amiable, un procès-verbal de carence a été dressé le 3 décembre 2010.
Par courrier parvenu au secrétariat le 8 décembre 2010, les consorts X... ont alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
Par jugement du 22 février 2013 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Maine-et-Loire a :
- déclaré l'action recevable aux motifs, d'une part, que Mme Jocelyne X... et MM. Nicolas, Thomas et Mathieu X... justifiaient de leurs qualités héréditaires, d'autre part, que la fin de non-recevoir tirée de la prescription n'était pas fondée ;- débouté les consorts X... de toutes leurs prétentions ;- déclaré le jugement commun à la CPAM de Maine et Loire ;- dit n'y avoir à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les consorts X... ont reçu notification de cette décision le 27 août 2013. Ils en ont relevé appel par déclaration électronique formée au greffe le 24 septembre 2013. Lors de l'audience du 7 avril 2015, à la demande des parties, l'affaire a été renvoyée contradictoirement à celle du 19 janvier 2016.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 19 janvier 2016 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 12 janvier 2016, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles Mme Jocelyne X..., M. Nicolas X..., M. Thomas X... et M. Mathieu X... demandent à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré leur action recevable ;- de l'infirmer pour le surplus ;- de juger que la maladie professionnelle dont était atteint M. Louis-Philippe X... et dont il est décédé est due à la faute inexcusable de la société Garage Humeau ;- d'ordonner la majoration de rente au maximum ;- de fixer ainsi qu'il suit les indemnités propres à réparer les préjudices complémentaires :
¿ 2 189, 49 ¿ au titre de la perte de revenus de M. Louis-Philippe X... ; ¿ 10 000 ¿ en réparation de son déficit fonctionnel temporaire ; ¿ 50 000 ¿ en réparation des souffrances physiques qu'il a endurées ; ¿ 40 000 ¿ en réparation de son préjudice moral ; ¿ 4 255, 36 euros au titre des frais d'obsèques ; ¿ 140, 62 euros au titre de la perte de revenus subie par Mme Jocelyne X... ; ¿ 10 000 ¿ en réparation du préjudice d'affection subi par chacun d'eux ;
- de dire que la CPAM de Maine et Loire fera l'avance des indemnités ainsi fixées à charge pour elle d'en récupérer le montant auprès de la société Garage Humeau ;- de condamner cette dernière à leur payer la somme de 3000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de statuer ce que de droit s'agissant des dépens.
Les appelants font valoir en substance que :
sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :- le délai de prescription biennale de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur n'ayant pu commencer à courir qu'à compter de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, et cette décision ayant été en l'espèce prise le « 31 août 2009 », leur action engagée le 7 décembre 2010 est parfaitement recevable ;
sur la faute inexcusable :- la preuve de l'exposition de M. Louis-Philippe X... aux poussières d'amiante pendant la période au cours de laquelle il a été le salarié de la société Garage Humeau et celle de l'absence de protections mises en oeuvre par l'employeur sont rapportées par les témoignages de ses collègues de travail ;- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la faute inexcusable peut être caractérisée nonobstant l'absence d'exposition permanente et continue à l'amiante ;- en l'état des connaissances scientifiques et de la législation applicable, au moment de l'embauche de M. Louis-Philippe X... et pendant toute la durée du contrat de travail, la société Garage Humeau ne pouvait pas ne pas avoir conscience du danger auquel elle exposait son salarié en le faisant travailler au sein d'un atelier dont l'atmosphère contenait des poussières d'amiante émanant des pièces détachées sur lesquelles les travaux d'entretien et de réparation des véhicules étaient accomplis ;- dans la mesure où il est indifférent que la faute inexcusable ait été ou non la cause déterminante, prépondérante de la maladie, il est inopérant de la part de l'employeur d'invoquer le tabagisme du salarié pour tenter de s'exonérer de sa responsabilité et de faire échec à l'action, étant observé que la preuve de ce tabagisme fait défaut.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 19 janvier 2016, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles la société Garage Humeau demande à la cour :
à titre principal :- de déclarer l'appel des consorts X... irrecevable ;
subsidiairement :- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription et déclaré recevable l'action en reconnaissance de la faute inexcusable ;- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts X... de leur demande en reconnaissance de la faute inexcusable et de les condamner in solidum à lui payer la somme de 3 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
très subsidiairement :- s'agissant de la réparation des préjudices : ¿ de déclarer irrecevable en tout cas mal fondée la demande présentée au titre des frais d'obsèques ; ¿ de limiter la réparation des préjudices moraux à la somme de 8000 ¿ par ayant-droit ; ¿ de limiter la réparation du préjudice fonctionnel temporaire de M. Louis-Philippe X... à la somme de 8400 ¿, celle des souffrances physiques endurées à la somme de 8000 ¿ et celle du préjudice moral à la somme de 5000 ¿ ; ¿ de débouter les consorts X... de la demande formée au titre des pertes de salaire subie par M. Louis-Philippe X... ;
- " de constater que l'exposition au risque avant parution du tableau 30 bis a été faite auprès de plusieurs employeurs et de dire en conséquence qu'il n'existe pas de lien de causalité éventuel " ;- de juger que l'organisme social ne peut pas se retourner contre le seul employeur présent à la procédure ni lui appliquer de majorations ;- de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie professionnelle déclarée pour le compte de M. Louis-Philippe X... le 6 août 2009 et de dire que la CPAM de Maine et Loire ne pourra récupérer aucune somme à son encontre ;
en tout état de cause :- de condamner la CPAM de Maine et Loire et les consorts X... in solidum à lui payer la somme de 3 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Garage Humeau fait valoir en substance que :
sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :- la prescription biennale a commencé à courir le 3 décembre 2007, date de la première constatation médicale de la maladie ;- l'action en reconnaissance de la faute inexcusable ayant été engagée en 2010, elle est prescrite ;
sur la faute inexcusable :- les attestations produites par les consorts X... sont stéréotypées ; elles ne permettent pas de faire la preuve de la faute inexcusable alléguée en ce que les témoins se contentent de procéder par affirmation s'agissant de l'exposition de leur collègue à la poussière d'amiante et qu'ils ne fournissent aucune indication relative aux périodes et à la durée de cette exposition ; à supposer que les pièces travaillées aient contenu de l'amiante, il ne pouvait s'agir que d'une exposition indirecte ;- au cours des dix dernières années d'emploi, le salarié effectuait « plutôt » des travaux de mise au point moteur ainsi que des recherches de panne au banc ;
- dans la mesure où depuis le décret de 1996, les pièces détachées ne pouvaient plus contenir de l'amiante, en aucun cas ses salariés ne pouvaient être en contact avec que de telles produits à l'occasion des travaux qu'ils accomplissaient ;- il est établi par les témoignages produits que M. Louis-Philippe X... fumait beaucoup ;- il s'agit d'une très petite entreprise employant habituellement entre 4 et 5 salariés de sorte que l'employeur n'avait pas de connaissances au sujet des risques " amiante " dans son activité ;- la reconnaissance d'une maladie professionnelle par inhalation de poussières d'amiante du fait de l'exposition à des travaux d'entretien ou de maintenance effectuée sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante est intervenue seulement par le décret du 22 mai 1996 sous la forme du tableau 30 bis des maladies professionnelles ;- il est inopérant de la part des consorts X... d'invoquer le décret de 1977 qui ne s'appliquait pas à l'activité du petit garage Humeau ;
sur la demande d'inopposabilité de la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de M. Louis-Philippe X... :- cette inopposabilité est encourue au motif que la CPAM de Maine et Loire n'établit pas avoir pris l'avis médical de son médecin conseil avant de prendre sa décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie en cause ;- en l'absence d'identification complète et de signature de l'auteur de la mention « cancer broncho-pulmonaire T 30 bis », il est impossible d'établir que c'est bien un médecin, encore moins le médecin conseil de la caisse qui a apposé cette mention ;- les éléments produits révèlent que le salarié a pu être exposé au risque auprès de plusieurs employeurs de sorte que le lien de causalité entre le travail qu'il a accompli en son sein et sa maladie n'est pas démontré.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 12 janvier 2016, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles la Caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire demande à la cour :- de lui donner acte de qu'elle s'en rapporte sur la question de la faute inexcusable ;- en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de la société Garage Humeau, de condamner l'employeur, sur le fondement des articles L. 452 et suivants du code de la sécurité, à lui reverser les sommes qu'elle sera amenée à régler aux ayants droits de la victime et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; de dire que l'employeur devra lui communiquer les coordonnées de sa compagnie d'assurance ;- de débouter la société Garage Humeau de sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge.
La caisse fait valoir en substance que :
- la société Garage Humeau a disposé d'un délai de consultation suffisant ;- contrairement à ce que soutient l'employeur, elle a bien soumis le dossier à un médecin conseil qui a confirmé lors du colloque médico-administratif la nature de la maladie et son rattachement au tableau numéro 30 bis des maladies professionnelles ;- l'avis favorable du médecin-conseil dont l'absence de motivation et de signature n'est pas susceptible d'entraîner l'inopposabilité de la décision de prise en charge à l'employeur, même en cas de réserves de la part de ce dernier, s'impose à la caisse et vaut preuve du respect des conditions médicales ;- les déclarations de l'employeur relatives aux conditions de travail permettent d'établir que M. Louis-Philippe X... a bien été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante ;- l'allégation de la société Garage Humeau selon laquelle M. Louis-Philippe X... aurait été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante chez de précédents employeurs est sans incidence sur l'action en recouvrement qu'elle-même peut exercer à son encontre ; en effet, à la supposer établie, une exposition successive chez différents employeurs peut donner lieu à l'inscription au compte spécial en matière de tarification dans les conditions de l'arrêté du 16 octobre 1995 ; cependant, cette situation n'est pas de nature à priver la caisse de son action en remboursement des sommes avancées contre l'employeur reconnu responsable de la faute inexcusable.
MOTIFS DE LA DÉCISION :

1o) Sur la recevabilité de l'appel :
La société Garage Humeau n'articule aucun moyen à l'appui de sa demande tendant à voir déclarer l'appel des consorts X... irrecevable.
Il résulte des pièces de la procédure que les consorts X... ont reçu notification du jugement entrepris le 27 août 2013 et qu'ils en ont relevé appel par déclaration électronique formée au greffe le 24 septembre 2013. Il suit de là qu'ils ont formé leur appel selon les formes requises et qu'ils ont respecté le délai d'un mois qui leur était ouvert.
Le recours sera donc déclaré recevable.

2o) Sur la recevabilité de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de la société Garage Humeau :
Il résulte des articles L. 431-2 dans sa rédaction issue de l'Ordonnance no 2004-329 du 14 avril 2004 applicable à l'espèce, L. 452-4 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale que, si les droits de la victime ou de ses ayants droit au bénéfice des prestations et indemnités prévues par la législation professionnelle se prescrivent par deux ans à compter, notamment, de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle ou à compter de la date de cessation du paiement des indemnités journalières, le délai de prescription est interrompu, en cas de circonstances susceptibles d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, par l'exercice de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de la maladie. Ce délai de prescription de deux ans ne peut recommencer à courir qu'à compter de la date de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie. (Cass. civ 2ème 24 janvier 2013 p no 11-28707 et 11. 28595).
Au cas d'espèce, la date de première constatation médicale du cancer broncho-pulmonaire dont était atteint M. Louis-Philippe X... se situe au 3 décembre 2007, date à laquelle il a été placé en arrêt de travail. Par ailleurs, les consorts X... justifient de ce que leur auteur a perçu des indemnités journalières jusqu'au 23 janvier 2009, date de son décès. Que l'on prenne comme point de départ du délai de prescription biennale le 3 décembre 2007, date à laquelle M. Louis-Philippe X... a été informé par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et son activité professionnelle, ou celle du 23 janvier 2009, date de cessation du paiement des indemnités journalières, ce délai a été interrompu le 19 août 2009, date à laquelle la CPAM de Maine et Loire a réceptionné la demande en reconnaissance du caractère professionnel de la maladie en cause établie le 6 août 2009 par Mme Jocelyne X.... Il a recommencé à courir le 19 novembre 2009, date à laquelle la caisse a notifié sa décision de prise en charge aux ayants droit de la victime.
La requête du 25 mars 2010 par laquelle les consorts X... ont saisi la CPAM de Maine et Loire aux fins de déclenchement de la procédure amiable de reconnaissance de la faute inexcusable de la société Garage Humeau équivaut à une citation en justice et a interrompu la prescription de même que la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale opérée le 8 décembre 2010.
Que l'on prenne comme point de départ du délai de prescription le 3 décembre 2007 ou le 23 janvier 2009, il s'est bien écoulé moins de deux ans entre chacune de ces dates et le 19 août 2009, date de l'exercice de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de la maladie. Puis il s'est écoulé moins de deux ans entre le 19 novembre 2009 et le 25 mars 2010 ou même le 8 décembre 2010.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription.
En cause d'appel, la société Garage Humeau ne discute plus la qualité à agir de Mme Jocelyne X... et de ses enfants, MM. Nicolas, Thomas et Mathieu X....
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de la société Garage Humeau.
3o) Sur la faute inexcusable :
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Il appartient au salarié qui invoque la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve de ce que celui-ci avait, ou aurait dû avoir, conscience du danger auquel il était exposé et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié, il suffit qu'elle soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.
Le tableau 30 bis des maladies professionnelles a été créé par le décret du 22 mai 1996. Il concerne le cancer broncho-pulmonaire primitif provoqué par l'inhalation de poussières d'amiante. Le délai de prise en charge est de 40 ans sous réserve d'une durée d'exposition de 10 ans. La liste limitative des travaux susceptibles de provoquer cette maladie comporte in fine les " travaux d'entretien ou de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante ".
Il résulte des pièces versées aux débats que M. Louis-Philippe X... qui est né le 2 août 1959 a été le salarié :- du 1er septembre 1975 au 16 mars 1979, de M. Roger A... qui exploitait le garage du même nom à Angers ;- du 19 mars au 14 avril 1979, de M. Bernard B... qui exploitait une station service BP boulevard J. Portet à Angers ;- du 9 août 1980 au 23 janvier 2009 de la société Garage Humeau à Angers.
Le certificat de travail établi le 29 janvier 2009 par la société Garage Humeau mentionne que M. Louis-Philippe X... était employé en qualité de mécanicien automobile.
Dans le cadre de l'enquête administrative diligentée par la CPAM de Maine et Loire suite à la déclaration de maladie professionnelle dont Mme Jocelyne X... l'a saisie le 19 août 2009, l'employeur a, le 20 octobre 2009, établi un " rapport concernant le poste de travail de Mr X... Philippe " aux termes duquel il confirme ces fonctions en indiquant que le salarié victime était employé au sein de l'entreprise en qualité de " mécanicien automobile ". L'employeur précise dans ce rapport que M. Louis-Philippe X... " effectuait bien sur la période des remises en état de freins et d'embrayages " et que " sur la dernière partie de sa vie professionnelle (10 ans), il effectuait plutôt la mise au point moteur et effectuait des recherches de pannes au banc ".
La société Garage Humeau verse également aux débats des attestations établies les 3 mai 2012 et 2 avril 2015 par M. Dominique Z... qui a travaillé au sein de cette entreprise du 15 juillet 1968 au 30 septembre 2008, d'abord en qualité de mécanicien auto, puis de responsable de la partie tôlerie et peinture et de la partie " assurance " pour y terminer sa carrière en tant que dirigeant.
Les consorts X... produisent quant à eux les témoignages de MM. Yves C..., Michel D... et Lionel E..., anciens collègues de travail de M. Louis-Philippe X... au sein de la société Garage Humeau respectivement de février 2002 à avril 2004, de juillet 1980 à août 2003 et du 12 novembre 1991 au 30 octobre 2008.
Il ressort du rapport susvisé, des deux attestations de M. Dominique Z... et des témoignages de ses trois collègues de travail qu'au cours de la période d'emploi de M. Louis-Philippe X..., celui-ci a bien été amené à accomplir au sein du Garage Humeau des travaux de remplacement de freins, d'alternateurs et d'embrayages et des opérations de nettoyage de ces pièces, notamment de dépoussiérage des freins, l'exposant à l'inhalation de poussières d'amiante.
Si le décret no 96-1133 du 24 décembre 1996 a interdit l'utilisation, la fabrication et la commercialisation de produits contenant de l'amiante, de sorte que les nouveaux véhicules et les pièces de rechange ne contenaient plus en principe de composants contenant de l'amiante, M. Lionel E... indique que, pour autant, au sein du Garage Humeau, au-delà de cette date, les mécaniciens ont continué à entretenir les anciens véhicules. Cette déclaration est corroborée par celles de M. Dominique Z... et par le rapport de l'employeur quand ils indiquent, le premier, sans toutefois fournir de date ou de période précises, que " le remplacement des freins ne représentait qu'une petite partie de notre activité globale et le personnel était vigilant-une histoire de bon sens ", le second, qu'au cours des dix dernières années de sa carrière professionnelle, le salarié victime " effectuait plutôt des mises au point moteur et des recherches de pannes au banc " et que " La victime a pu être exposée depuis son embauche dans l'établissement. Par contre, au fil des années, il avait un poste de technicien (mettre au point-diagnostic-et travaillait de moins en moins sur les freins) ".
Il est ainsi établi que, si à partir de 1996, à la faveur de l'interdiction de l'amiante, puis de l'abandon des travaux de remise en état des démarreurs et alternateurs dont l'échange standard est devenu plus rentable, puis, plus tard encore, du développement de l'électronique dans les véhicules et du recours aux outils informatiques, les travaux accomplis par M. Louis-Philippe X... ont, peu à peu, comporté de moins en moins d'opérations de remplacement et de nettoyage de pièces d'anciens véhicules contenant des composants amiantés, pour autant, la réalisation de tels travaux ne s'est pas subitement arrêtée en 1996 mais s'est prolongée au-delà de cette année là.
Aux termes du rapport qu'elle a établi le 20 octobre 2009, la société Garage Humeau indique que, comme tout atelier mécanique, ses locaux de réparation étaient empreints de " poussières moteur " ainsi que d'odeurs de carburant et d'huile liées au travaux de réparation ou de mise au point et inhalées par les salariés. Les trois salariés de même que M. Dominique Z... indiquent que le lundi matin était consacré au nettoyage et au balayage de l'atelier dans son ensemble.
A compter du 22 mai 1996, date du décret qui a créé le tableau 30 bis érigeant en maladie professionnelle le cancer-broncho pulmonaire à raison notamment de l'accomplissement de " travaux d'entretien ou de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante ", puis encore plus à compter du décret du 24 décembre 1996 qui a interdit l'usage de l'amiante, en sa qualité de professionnel de la mécanique automobile et compte tenu de la connaissance qui était alors acquise, notamment dans ce milieu professionnel concerné, des dangers liés aux poussières d'amiante et du fait que certaines pièces automobiles majeures tels que les freins, les embrayages et les alternateurs comportaient de l'amiante et que les travaux de réparation et d'entretien de ces pièces généraient des dégagements de poussières d'amiante, la société Garage Humeau ne pouvait pas ignorer qu'elle exposait ses mécaniciens aux risques liés à ces poussières. La preuve de la conscience de ce danger ressort d'ailleurs des attestations de M. Dominique Z... qui indique que, lors des visites qu'il effectuait dans l'atelier, le médecin du travail avait donné à l'employeur des conseils au sujet des modes de protection à adopter, notamment, par voie de piégeage des poussières au moyen d'un produit " lessiviel " lors des opérations de nettoyage des freins et des embrayages.
Pour autant, la société Garage Humeau ne démontre pas avoir pris des mesures propres à protéger ses salariés, notamment, M. Louis-Philippe X..., de cette exposition aux poussières d'amiante. En effet, aux termes du rapport du 20 octobre 2009, l'employeur a indiqué que l'atelier était un vaste hangar muni de grandes ouvertures, ouvertes une grande partie de l'année, et équipé d'une ventilation l'été et d'un chauffage en hiver, " le poste de travail " étant protégé par une cloison métallique. La seule protection individuelle dont il a alors fait état est une protection auditive au moyen de bouchons d'oreille et la seule mesure qu'il a présentée s'agissant des poussières d'amiante est le recours à un " produit lessiviel " pour nettoyer les freins et les embrayages. Aux termes des attestations qu'il a établies les 3 mai 2012 et 2 avril 2015, M. Dominique Z... confirme le recours à un appareil mobile qui permettait de nettoyer les freins et les embrayages en piégeant les poussières d'amiante au moyen d'un produit liquide et il ajoute qu'étaient à la disposition des salariés des masques, des tabliers et des gants. Selon lui, le médecin du travail a relevé l'existence de ces mesures de protection dans son rapport de visite.
L'existence de ces protections est contestée de façon concordante par MM. Lionel E... et Michel D... qui dénient avoir jamais disposé de masques et de gants et qui indiquent que le nettoyage des disques et tambours de freins avant leur démontage ainsi que celui des embrayages était réalisé au moyen de soufflage d'air comprimé. La société Garage Humeau, qui n'a pas fait état de mesures de protections individuelles contre les poussières d'amiante dans son rapport du 20 octobre 2009, ne produit aucun élément objectif, notamment aucun rapport du médecin du travail, qui viendrait corroborer les déclarations faites par M. Dominique Z... pour la première fois trois ans plus tard. L'employeur n'allègue pas l'existence d'un système d'extraction fiable des poussières puisqu'au contraire celles-ci étaient dégagées par balayage hebdomadaire des locaux auquel se livraient les salariés, dont M. Louis-Philippe X....
En l'état de ces éléments, les consorts X... rapportent la preuve de ce que :- pendant toute sa période de travail au sein de la société Garage Humeau, M. Louis-Philippe X... a bien été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante depuis le 9 août 1980 et bien au-delà de l'année 1996 ;- à compter, à tout le moins de la fin de l'année 1996, l'employeur ne pouvait pas ne pas avoir conscience du danger auquel il exposait ses salariés, parmi lesquels M. Louis-Philippe X..., en leur faisant réaliser des travaux, notamment de remplacement de freins, d'alternateurs et d'embrayages et des travaux de nettoyage de ces pièces générant des dégagements de poussières d'amiante ;- pour autant, il ne justifie pas avoir mis en place des mesures de protection individuelles et collective propres à les préserver de ce danger.
Par voie d'infirmation du jugement déféré, il convient donc de retenir que le cancer broncho-pulmonaire primitif diagnostiqué sur la personne de M. Louis-Philippe X... le 3 décembre 2007 et dont il est décédé le 23 janvier 2009 est dû à la faute inexcusable de la société Garage Humeau. Dans la mesure où il suffit que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été une cause nécessaire du dommage pour que sa responsabilité soit engagée alors même que d'autres fautes auraient concouru à ce dommage, il est indifférent à la solution du présent litige que le salarié victime ait pu faire preuve d'un important tabagisme lui-même de nature à favoriser la maladie en cause. Et, à supposer avéré que M. Louis-Philippe X... ait été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante chez ses deux premiers employeurs, ce qu'aucun élément ne vient corroborer, l'intimée se contentant de procéder par affirmation sur ce point, cette exposition est tout aussi indifférente à la solution du présent litige.

4o) Sur la réparation des préjudices :
En application des dispositions de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, la faute inexcusable de l'employeur ouvre droit pour le salarié victime et ses ayants droit à une indemnisation complémentaire tenant, d'une part, en la majoration du capital ou de la rente versée, d'autre part, dans la réparation des préjudices énumérés à l'article L. 452-3 du même code.
Il résulte de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 2010-8 QPC du 18 juin 2010, qu'en cas de faute inexcusable, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ou ses ayants droit peuvent demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux énumérés par le texte précité, à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Sur les préjudices de M. Louis-Philippe X... :
Dans la mesure où la perte de gains professionnels actuels, c'est à dire celle subie pendant la période d'incapacité temporaire avant consolidation, est indemnisée au moins en partie par les indemnités journalières servies en application des articles L. 433-1 et suivants du code de la sécurité sociale, comme l'indique exactement l'employeur la demande en paiement de la somme de 2 148, 09 ¿ pour perte de salaire est irrecevable. (Civ. 2 ème, 20 septembre 2012, pourvoi n o 11-20. 798).
L'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire qui inclut, pour la période antérieure à la consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique et jusqu'à la date de consolidation, n'est pas couverte par le livre IV du code de la sécurité sociale, les indemnités journalières, qui se rapportent exclusivement à la perte de salaire, ne couvrant pas ce poste de préjudice. En considération des éléments soumis à l'appréciation de la cour, il apparaît que, durant la période objet de la demande, écoulée du 3 décembre 2007, date de la première constatation de la maladie, au 23 janvier 2009, date du décès de M. Louis-Philippe X..., les troubles dont souffrait ce dernier réduisaient sa capacité fonctionnelle, entraînaient une gêne dans l'accomplissement des actes de la vie courante et une perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie qui justifient de retenir l'existence d'un déficit fonctionnel total, ce que l'intimée ne discute pas. Ce chef de préjudice sera justement réparé par l'allocation d'une indemnité d'un montant de 9 660 ¿.
En application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, les consorts X... peuvent demander la réparations des souffrances physiques et des souffrances morales subies au cours de la période de soins, jusqu'au décès. En l'état des éléments soumis à l'appréciation de la cour, il convient de fixer à la somme de 15 000 ¿ l'indemnité propre à réparer les souffrances physiques et à une somme de même montant l'indemnité propre à réparer le préjudice moral, soit au total 30 000 ¿.
Sur les préjudices propres aux consorts X... :
En application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, il convient de fixer au maximum la majoration de la rente allouée à Mme Jocelyne X... et, le cas échéant, des rentes pouvant être allouées aux autres ayants droit du défunt.
Il résulte de l'article L. 435-1 du code de la sécurité sociale, figurant au chapitre V du livre IV de ce code, qu'en cas d'accident du travail suivi de mort les frais funéraires sont payés par la caisse primaire d'assurance maladie, de sorte qu'ils figurent parmi les chefs de préjudices expressément couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, et dont les ayants droit de la victime ne peuvent pas demander réparation à l'employeur en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété à la lumière de la décision no 2010 DC- 8QPC du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010. (Civ. 2 ème 28 avril 2011, no 10-14. 771) C'est donc à juste titre que la société Garage Humeau s'oppose à ce chef de demande.
A l'appui de la demande formée à hauteur de 140, 62 ¿ pour perte de revenus, les appelants versent aux débats un courrier de l'association d'aide à domicile ASSADOM duquel il ressort que cette somme correspond à la perte de salaire nette subie par Mme Jocelyne X... " sur les mois de novembre 2008 à février 2009 " du fait de trois jours de carence non pris en charge par la sécurité sociale et par l'assurance complémentaire. Aucun élément ne permettant d'établir un quelconque lien entre cette perte de revenus et la maladie de M. Louis-Philippe X..., cette demande sera rejetée.
En application de l'article L. 4523-3 du code de la sécurité sociale, les consorts X... ont droit à obtenir réparation du préjudice moral résultant pour eux de leur époux et père. MM. Nicolas, Thomas et Mathieu X... sont nés respectivement le 8 mai 1983, le 30 juillet 1986 et le 7 mai 1989. Ils étaient donc respectivement âgés de 26 ans, 23 ans et 20 ans au moment du décès de leur père. En l'état des éléments soumis à l'appréciation de la cour, il convient de fixer à la somme de 10 000 ¿ l'indemnité propre à réparer le préjudice moral de Mme Jocelyne X... et à la somme de 8 000 ¿ le montant de l'indemnité propre à réparer le préjudice moral de chacun des enfants.

5o) Sur le paiement des indemnités par la caisse :
Le bénéfice du versement direct par la caisse de la réparation allouée à la victime d'une faute inexcusable en application des dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, s'appliquant également aux indemnités réparant les préjudices non énumérés par ce texte, la CPAM de Maine et Loire versera directement aux consorts X... l'ensemble des indemnités arbitrées en leur faveur.

6o) Sur la demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie en cause et sur le recours de la caisse :
Vu les articles R. 441-11 et R. 441-13 du code de la sécurité sociale ;
Il résulte de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l'espèce antérieure au décret no 2009-938 du 29 juillet 2009 entré en vigueur le 1er janvier 2010, que la caisse primaire d'assurance maladie, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, doit informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision. L'article R. 441-13 du même code énumère quant à lui les pièces constituant le dossier de la caisse primaire, parmi lesquels figure l'avis du médecin conseil sur le caractère professionnel de la maladie.
Au cas d'espèce, la CPAM de Maine et Loire justifie avoir, par courrier du 5 novembre 2009 réceptionné par la société Garage Humeau le 9 novembre suivant, informé cette dernier de la clôture de l'instruction du dossier de demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de M. Louis-Philippe X..., en lui précisant que, préalablement à la prise de décision qui interviendrait le 19 novembre 2009, elle avait la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier.
En cause d'appel, l'employeur ne soutient plus qu'il n'aurait pas disposé d'un délai de consultation suffisant.
Comme pièce qu'elle soutient être celle constitutive de l'avis du médecin conseil, la CPAM de Maine et Loire verse aux débats un courrier du 8 septembre 2009 établi par Mme Shirley G..., salariée de la caisse chargée d'instruire le dossier de reconnaissance de la maladie professionnelle de M. Louis-Philippe X..., à l'intention du service médical de la caisse sans autre précision.
Ce courrier est ainsi libellé : " Pour me permettre de gérer le dossier " information non valorisée " concernant l'assuré (e) cité (e) en références, je souhaite obtenir votre avis sur la (ou les) question (s) suivante (s). A QUEL TABLEAU DOIT ON RATTACHER LA PATHOLOGIE SUR LE CERTIFICAT INITIAL DU DR H... ? ". Au pied de ce texte a été apposée la mention manuscrite suivante : " Cancer broncho pulmonaire T 30 bis " suivi d'un tampon : " I... J... " partiellement recouvert d'une signature et a été tamponnée la mention : " COLLOQUE MEDICO-ADMINISTRATIF 10 SEP. 2009 ".
Il n'est pas discuté que ce courrier figurait bien parmi les pièces soumises à la consultation de la société Garage Humeau. Mais cette dernière soutient à juste titre que rien ne permet d'identifier " I... J... " et d'établir qu'il s'agit bien d'un médecin, encore moins d'un médecin conseil de la CPAM de Maine et Loire. Cette dernière se contente, en effet, d'affirmer que la mention " Cancer broncho pulmonaire T 30 bis " a bien été rédigée par son médecin conseil sans produire la moindre pièce permettant de justifier que " I... J... " avait bien cette qualité en septembre 2009. La cour ne peut donc que considérer que la CPAM de Maine et Loire ne justifie pas avoir soumis à la société Garage Humeau l'avis du médecin conseil sur le caractère professionnel de la maladie comme le lui impose l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale.
La décision du 19 novembre 2009, emportant reconnaissance du caractère professionnel du cancer broncho-pulmonaire dont était atteint M. Louis-Philippe X... sera en conséquence déclarée inopposable à la CPAM de Maine et Loire. Cette décision d'inopposabilité prive la CPAM de Maine et Loire de la possibilité d'exercer contre la société Garage Humeau le recours prévu par les articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale s'agissant de la majoration de rente et des indemnités allouées au titre de l'indemnisation complémentaire.

PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Déclare recevable l'appel formé par Mme Jocelyne X... et MM. Nicolas, Thomas et Mathieu X... contre le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Maine-et-Loire du 22 février 2013 ;
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable l'action des consorts X... en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;
L'infirme en toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Dit que le cancer broncho-pulmonaire primitif diagnostiqué chez M. Louis-Philippe X... le 3 décembre 2007 et pris en charge au titre de la législation professionnelle par décision du 19 novembre 2009 est dû à la faute inexcusable de la société Garage Humeau ;
Fixe au maximum la majoration de la rente allouée à Mme Jocelyne X... et, le cas échéant, des rentes pouvant être allouées aux autres ayants droit du défunt ;
Fixe aux sommes suivantes les indemnités dues à Mme Jocelyne X... et MM. Nicolas, Thomas et Mathieu X... :
- du chef du préjudice subi par M. Louis-Philippe X... :
¿ déficit fonctionnel temporaire : 9 660 ¿ ¿ souffrances physiques : 15 000 ¿ ¿ souffrances morales : 15 000 ¿
- en réparation de leur préjudice personnel :
¿ préjudice moral de Mme Jocelyne X... : 10 000 ¿ ¿ préjudice moral de M. Nicolas X... : 8 000 ¿ ¿ préjudice moral de M. Thomas X... : 8 000 ¿ ¿ préjudice moral de M. Mathieu X... : 8 000 ¿
Dit que toutes ces sommes seront directement versées aux consorts X... par la CPAM de la Maine et Loire ;
Déclare la décision du 19 novembre 2009, emportant reconnaissance du caractère professionnel du cancer broncho-pulmonaire dont était atteint M. Louis-Philippe X... inopposable à la CPAM de Maine et Loire ;
Dit en conséquence la CPAM de Maine et Loire ne pourra pas exercer contre la société Garage Humeau le recours prévu par les articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale s'agissant de la majoration de rente et des indemnités allouées au titre de l'indemnisation complémentaire ;
Condamne la société Garage Humeau à payer aux consorts X... la somme de 3000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que devant la juridiction de sécurité sociale, la procédure est sans frais.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/02467
Date de la décision : 01/03/2016
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2016-03-01;13.02467 ?
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