La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/03/2016 | FRANCE | N°13/01272

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 01 mars 2016, 13/01272


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N al/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 01272.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 25 Mars 2013, enregistrée sous le no 12/ 00100

ARRÊT DU 01 Mars 2016

APPELANT :
Monsieur Damien X...... 49480 SAINT SYLVAIN D'ANJOU (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2013/ 005878 du 13/ 09/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)
non comparant-représenté par Maître PINEAU, avocat s

ubstituant Maître Bertrand SALQUAIN, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMES :
Maître Odile A.....

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N al/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 01272.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 25 Mars 2013, enregistrée sous le no 12/ 00100

ARRÊT DU 01 Mars 2016

APPELANT :
Monsieur Damien X...... 49480 SAINT SYLVAIN D'ANJOU (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2013/ 005878 du 13/ 09/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)
non comparant-représenté par Maître PINEAU, avocat substituant Maître Bertrand SALQUAIN, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMES :
Maître Odile A...- Mandataire Liquidateur de l'EURL LAC... 49002 ANGERS CEDEX 01
L'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par l'unédic CGEA de RENNES Immeuble le Magister-4 cours raphaël Binet 35069 RENNES CEDEX
non comparants-représentés par Maître CREN, avocat de la SELARL LEXCAP-BDH, avocats au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Décembre 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne LEPRIEUR, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.

ARRÊT : prononcé le 01 Mars 2016, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE
M. Damien X..., né le 7 avril 1993 et donc alors âgé de 16 ans, a conclu le 31 août 2009 avec M. Jacky Y..., en sa qualité de représentant de la société L. A. C exploitant des salons de coiffure à Pellouailles Les Vignes, un contrat d'apprentissage pour la période du 14 septembre 2009 au 31 août 2011 en vue de l'obtention d'un CAP de coiffure.
Par décision du 28 avril 2011, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a suspendu le contrat d'apprentissage conclu entre les parties sur le fondement des articles L. 6225-4 et 5 ainsi que R. 6225-9 du code du travail, décidé que le contrat ne pourrait être repris et que cette interdiction de reprise entraînait la rupture du contrat à la date de la notification de la décision. Il ajoutait que M. Y... devait verser à l'apprenti les sommes dont il aurait été redevable si le contrat s'était poursuivi jusqu'à son terme fixé au 31 août 2011 et que la gravité des faits conduisait à prononcer à l'encontre de M. Y... une décision d'interdiction de recruter de nouveaux apprentis ainsi que des jeunes titulaires de contrat d'insertion en alternance pendant une durée de 3 ans. Pour statuer ainsi, le directeur s'est fondé sur un courrier d'alerte transmis par le médecin inspecteur régional du travail le 19 avril 2011, établi sur la base des constats du médecin du travail faisant état d'un défaut d'encadrement et de techniques de management ayant occasionné des conséquences sur la santé de l'apprenti. Il était relevé que l'enquête contradictoire diligentée avait révélé que :- l'apprenti ne connaissait aucune progression pédagogique dans son apprentissage et peu de formation pratique puisqu'il occupait la majeure partie de son temps à l'observation et aux tâches de ménage ;- après le départ de la personne désignée en qualité de maître d'apprentissage, aucun nouveau maître n'a été désigné ;- des agressions verbales et des vexations étaient régulièrement commises de la part du gérant de la société et de son épouse à l'encontre de l'apprenti. Le directeur en conclut que " les éléments relevés au cours de l'enquête démontrent qu'il existe des risques sérieux d'atteinte à la santé ou l'intégrité physique ou morale des jeunes qui sont en formation dans l'entreprise de M. Y... " et donc de M. X.... Il ajoute que l'employeur ne garantit pas que les conditions de travail, de santé et de sécurité permettent une formation satisfaisante des jeunes qui lui sont confiés.
M. X... a cessé de se présenter à son poste. L'employeur n'a pas versé les sommes dont il était redevable.
Sur recours hiérarchique formé par M. Jacky Y..., le directeur général du travail, par décision du 28 août 2011, a annulé la décision du 28 avril 2011 " sur la forme ", aux motifs que l'employeur n'avait pas été informé de la proposition de suspension d'exécution du contrat d'apprentissage, cette absence de notification entachant d'illégalité la décision contestée, et que le délai de 15 jours à compter du constat de l'agent de contrôle pour statuer sur la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage n'avait pas été respecté. Cette décision a été notifiée à M. X... par courrier du 19 septembre 2011.
M. X... a saisi la juridiction prud'homale le 23 janvier 2012 afin de solliciter la condamnation de la société au paiement de dommages-intérêts pour résiliation anticipée du contrat d'apprentissage aux torts de l'employeur et en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral.
Par jugement en date du 19 décembre 2012, le tribunal de commerce d'Angers a placé en liquidation judiciaire d'office la société L. A. C et désigné Me A... en qualité de liquidateur.
Par jugement du 25 mars 2013, le conseil de prud'hommes d'Angers a : * jugé que la rupture du contrat d'apprentissage était imputable à la société et fixé la créance de l'apprenti à la somme de 1 392, 30 ¿ à titre de dommages-intérêts pour rupture du contrat d'apprentissage, * retenu qu'il n'y avait pas eu de harcèlement moral et débouté l'apprenti de sa demande en paiement de dommages-intérêts à ce titre, * dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire, * donné acte au CGEA de Rennes de son intervention, * dit que " ces condamnations " lui seraient opposables en tant que gérant de l'AGS dans les limites prévues par l'article L. 3253-8 du code du travail et les plafonds prévus par les articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du même code, * condamné Me A..., ès-qualités de mandataire liquidateur de la société, à payer à M. X... la somme de 750 ¿ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, * condamné Mme A..., ès-qualités de mandataire liquidateur de la société, aux entiers dépens.
M. X... a régulièrement interjeté appel.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. X..., dans ses conclusions parvenues au greffe le 14 décembre 2015, soutenues oralement, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que la rupture était imputable à l'employeur, la réformation pour le surplus et la fixation de sa créance au passif de la société à la somme de 2 784, 60 ¿ à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat, outre celle de 6 000 ¿ de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi. Il sollicite également la condamnation de Me A..., ès qualité de liquidateur de la société, à lui régler la somme de 1 500 ¿ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, il expose que si la procédure d'urgence a été déclenchée par l'inspection du travail, c'est parce qu'il était confronté à une situation mettant en péril sa santé, peu important que la décision ait été annulée a posteriori pour vice de procédure. L'employeur a refusé de procéder au versement de la rémunération, prétexte pris de l'exercice du recours hiérarchique, bafouant ainsi les règles élémentaires en la matière. Même à prendre en considération le fait que le recours hiérarchique de la société a finalement conduit à l'annulation de la décision de l'inspection du travail, il résulte du dossier et de l'enquête menée que l'employeur est seul responsable de la rupture anticipée du contrat. Lorsque M. X... a eu connaissance de l'annulation de la décision de l'inspection du travail, le contrat d'apprentissage n'était plus en cours, de sorte qu'une demande de résiliation était inopérante. Il est bien-fondé à réclamer à titre de dommages-intérêts la somme correspondant au montant des salaires qu'il aurait dû percevoir entre le mois de mai 2011 et le mois d'août 2011.
En outre, il a été victime d'un préjudice moral important en raison du comportement de l'employeur, notamment de l'absence de formation et surtout du harcèlement moral subi, préjudice qui doit être réparé sur le fondement des articles 1382 du code civil et L. 1151-1 du code du travail.
Me A..., en sa qualité de liquidateur de la société L. A. C, dans ses conclusions déposées au greffe le 14 décembre 2015, soutenues oralement, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, formant appel incident, sollicite :- l'infirmation du jugement en ce qu'il a jugé que la rupture du contrat d'apprentissage était imputable à l'employeur et le débouté de M. X... de sa demande de dommages-intérêts à ce titre,- la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté l'apprenti de sa demande au titre du harcèlement moral,- la condamnation de l'apprenti à restituer la somme de 1392, 30 ¿,- le débouté de l'apprenti de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, s'agissant de la rupture du contrat d'apprentissage, il indique que peu importe le motif de l'annulation, étant précisé néanmoins qu'il ne s'agit pas simplement d'un vice de forme mais bien de la violation d'une garantie procédurale de fond. La décision d'annulation étant rétroactive et étant devenue définitive, en l'absence de manifestation de volonté de rompre le contrat, le contrat n'a pas été rompu et est venu normalement à son terme le 31 août 2011, ce dont il résulte qu'aucune somme n'est dûe. A titre subsidiaire, le conseil a d'ailleurs relevé que l'apprenti avait retrouvé aussitôt un nouvel employeur et n'avait pas subi de perte de salaire.
S'agissant du harcèlement moral, les faits rapportés ne suffisent pas à caractériser l'existence d'un harcèlement, sachant que la décision du 28 avril 2011 ne peut être retenue puisqu'elle a été postérieurement annulée. En tout état de cause, M. X... ne s'explique pas sur le montant de sa demande.
L'AGS intervenant par l'UNEDIC-C. G. E. A de Rennes, par conclusions régulièrement communiquées et parvenues au greffe le 14 décembre 2015, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, conclut à ce qu'il lui soit donné acte de son intervention, que le salarié soit débouté de ses demandes et condamné aux dépens. A titre subsidiaire, pour le cas où une créance serait fixée au passif de la liquidation judiciaire, elle rappelle les limites de sa garantie.
Elle rejoint l'argumentation développée par la liquidation judiciaire, indiquant que le contrat est venu normalement à son terme le 31 août 2011 en l'absence de rupture anticipée, d'une part, et que les éléments communiqués par M. X... ne peuvent suffire à caractériser l'existence du harcèlement, d'autre part.

MOTIFS DE LA DECISION
-Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat :
La rupture du contrat d'apprentissage, intervenue par le fait d'une décision administrative ultérieurement annulée, est réputée n'avoir jamais existé. Par ailleurs, les parties, qui sont en désaccord sur l'existence de cette rupture, n'ont pas manifesté la volonté de mettre fin au contrat d'apprentissage. Il n'est présenté à la cour aucune demande de résiliation ou de résolution dudit contrat.
Dans ces conditions, il convient de constater que le contrat n'a pas été rompu mais est arrivé à son terme sans recevoir exécution dans les derniers mois. M. X... sera par conséquent débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts fondée sur une rupture abusive du contrat et ce, par voie d'infirmation du jugement.

- Sur la demande de restitution de la somme de 1 392, 30 ¿ :
Me A..., en sa qualité de liquidateur de la société L. A. C, demande la restitution de la somme dont le salarié a bénéficié à la suite du jugement.
Cependant, le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande.

- Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral :
La décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi en date du 28 avril 2011 ayant été annulée, est réputée n'avoir jamais existé.
L'apprenti produit, au soutien de sa demande en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi :- un procès-verbal d'audition du 15 décembre 2011 auprès de la brigade de gendarmerie de Pellouailles Les Vignes par lequel il a déposé plainte contre M. Y... et son épouse pour harcèlement moral ; il fait état de comportement agressifs verbalement des époux lesquels dénigraient son travail et lui avaient demandé de venir travailler au salon les 22 et 23 février 2011, alors que cette semaine était une semaine de cours, Mme Y... s'emportant devant son refus ;- une attestation de Mme Z... en date du 9 juin 2011 faisant état de ce qu'elle avait été le témoin d'agressions verbales commises par M. et Mme Y... sur la personne du jeune Damien X.... C'est ainsi que le témoin relate notamment les dires de Mme Y... selon lesquels le jeune X... était un pion dans le salon, ne servait à rien, n'était bon qu'à passer le balai ainsi que ses menaces de lui faire payer une tondeuse dont le bris ne lui était pas imputable, sous peine de délivrance d'un avertissement. Elle précise que l'apprenti ne passait que le balai puisqu'il n'avait pas le droit de coiffer des clients du salon.
En cet état, le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, et ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Par ailleurs, l'employeur ne fournit pas d'éléments de nature à justifier objectivement les faits ainsi établis puisqu'il ne produit aucune pièce.
Dans ces conditions, l'employeur échoue à démontrer que les faits matériellement établis par M. X... sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le harcèlement moral est établi.
En outre, il est établi par les pièces précitées la preuve des manquements de l'employeur compromettant la formation de l'apprenti.
Ces manquements justifient l'infirmation du jugement de ce chef et l'allocation de la somme de 2 500 ¿ de dommages-intérêts, au regard notamment du jeune âge de l'apprenti et des conséquences des faits à son égard.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant en matière sociale, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement, sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ;
Fixe la créance de M. Damien X... dans la liquidation judiciaire de la société L. A. C à la somme de 2 500 ¿ de dommages-intérêts ;
Déboute M. Damien X... de ses demandes en paiement de dommages-intérêts plus amples ou contraires ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré à la cour ;
Condamne Maître A..., en sa qualité de liquidateur de la société L. A. C, à verser à M. Damien X... la somme de 1 000 ¿ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et le déboute de sa propre demande formée sur le même fondement ;
Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS intervenant par l'UNEDIC-C. G. E. A de Rennes et dit qu'elle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à M. Damien X... que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail ;
Condamne Maître A..., en sa qualité de liquidateur de la société L. A. C, aux entiers dépens de l'instance d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/01272
Date de la décision : 01/03/2016
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2016-03-01;13.01272 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award