COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N al/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 03176.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 20 Novembre 2013, enregistrée sous le no F 12/ 01490
ARRÊT DU 23 Février 2016
APPELANT :
Monsieur Hervé X...... 35150 AMANLIS
comparant-assisté de Maître Géraldine MARION, avocat au barreau de RENNES
INTIMEE :
LA SAS LA RIVIERE 36 Bis rue Delaâge 49004 ANGERS CÉDEX 01
représentée par Maître Emmanuel CAPUS de la SCP FIDAL, avocats au barreau d'ANGERS-No du dossier 87703
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Décembre 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne LEPRIEUR, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 23 Février 2016, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
M. Hervé X... a été engagé à compter du 1er décembre 2002 par la société Larivière en qualité de directeur régional Bretagne selon contrat à durée indéterminée prévoyant un salaire brut mensuel de 5 031 ¿, la mise à disposition d'un véhicule de fonction pouvant être utilisé à des fins professionnelles et personnelles ainsi qu'une clause de non-concurrence. Il a été nommé directeur commercial par avenant en date du 4 décembre 2008 prenant effet au 1er janvier 2009 et prévoyant le paiement d'un salaire brut annuel de 96 000 ¿, une clause de non-concurrence différente de celle initialement prévue et un préavis de licenciement augmenté de 6 mois au-delà du préavis conventionnel. Par un nouvel avenant du 26 octobre 2009, il était convenu que le salarié avait la qualité de cadre dirigeant et la clause de non-concurrence était à nouveau modifiée.
La convention collective applicable est celle du négoce des matériaux de construction.
Après avoir été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 17 octobre 2012, le salarié a été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre du 22 octobre 2012 énonçant :- un manque d'impact sur les axes majeurs de la politique commerciale,- le défaut d'accomplissement des missions et responsabilités clés confiées, à savoir le pilotage commercial, le pilotage en terme de gestion, et le management et organisation,- un mode de fonctionnement sans transparence ni partage. Le salarié a été dispensé d'exécuter le préavis fixé à une durée de 3 mois. Il s'est vu délivrer un certificat de travail et une attestation Assedic mentionnant le 22 janvier 2013 comme dernier jour d'emploi.
M. X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers en référé le 7 novembre 2012 afin de voir juger que son préavis allait jusqu'au 24 juillet 2013 et déclarer la clause de non-concurrence inopposable. Par ordonnance du 4 décembre 2012, le conseil a dit n'y avoir lieu à référé, a renvoyé les parties à se pourvoir et les a déboutées de toutes leurs demandes.
M. X... a saisi la juridiction prud'homale au fond le 14 novembre 2012 de demandes tendant en leur dernier état au paiement, avec exécution provisoire, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, rappel d'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents, dommages-intérêts pour retrait abusif du véhicule de fonction, dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'application d'une clause de non-concurrence illicite, dommages-intérêts pour allongement abusif de la clause de non-concurrence ainsi que d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 20 novembre 2013, le conseil de prud'hommes d'Angers a condamné la société au paiement, avec exécution provisoire de droit, de : * 34 322 ¿ correspondant à un solde de trois mois de préavis outre 3 432, 20 ¿ de congés payés afférents ; * 1 500 ¿ en réparation du préjudice consécutif au retrait du véhicule de fonction ; * 1 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Le conseil a débouté le salarié de ses autres demandes, débouté la société de sa demande en paiement d'une somme au titre des frais irrépétibles et condamné cette dernière aux dépens.
Le salarié a régulièrement interjeté un appel général de ce jugement.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le salarié, dans ses conclusions " responsives et récapitulatives " parvenues au greffe le 14 décembre 2015, soutenues oralement, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, sollicite l'annulation du jugement et en toute hypothèse sa réformation. Il demande que la cour juge le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et la clause de non-concurrence nulle et condamne la société au paiement des sommes suivantes :-250 000 ¿ de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;-68 664 ¿ d'indemnité compensatrice de préavis, outre 6 866, 40 ¿ au titre des congés payés afférents ;-5 000 ¿ de dommages-intérêts pour retrait abusif du véhicule de fonction ;-120 000 ¿ de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'application d'une clause de non-concurrence illicite, sous réserve que soit ordonnée la compensation judiciaire entre les dommages-intérêts alloués et la somme de 21 822, 52 ¿ versée en contrepartie de la clause litigieuse ;- en tout état de cause, 10 400 ¿ en contrepartie de la clause de non-concurrence pour la période du 22 octobre 2012 au 22 janvier 2013 et 3 470 ¿ à titre de contrepartie pour le mois d'octobre 2013 ;-15 000 ¿ de dommages-intérêts pour allongement abusif de la clause de non-concurrence ;-3 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il sollicite en outre la condamnation de la société aux dépens, y compris ceux éventuels d'exécution et que les sommes à caractère salarial portent intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil.
Au soutien de ses prétentions, le salarié fait valoir que le conseil de prud'hommes s'est expressément fondé sur des pièces qui avaient pourtant été écartées des débats compte tenu de la tardiveté de leur communication. Le fait de motiver son jugement par des éléments qui n'ont pas été contradictoirement débattus doit être assimilé à un défaut de motivation entraînant la nullité du jugement intervenu. A tout le moins, le conseil a méconnu une formalité substantielle justifiant l'annulation de sa décision, le principe de la contradiction ayant été érigé au rang de principe général du droit.
Au fond, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse. En effet, durant 10 ans l'employeur n'a jamais émis le moindre reproche sur le travail du salarié. Par ailleurs, il ne lui a pas offert de formation pour l'accompagner dans ses nouvelles fonctions. Enfin, le licenciement intervient dans un contexte particulier, après qu'une rupture conventionnelle de son contrat ait été proposée au salarié dans le courant du mois de juillet 2012 et qu'il l'ait refusée le 30 août 2012. Les différents griefs énoncés dans la lettre de licenciement procèdent soit de simples affirmations, non prouvées, soit de mensonges grossiers.
Le licenciement et la manière dont il s'est déroulé est particulièrement infamant. La société a fait preuve d'une particulière déloyauté en évinçant un salarié âgé et coûteux en terme de salaire, qu'il n'a d'ailleurs pas remplacé. Le salarié a subi un lourd préjudice.
Alors même que le préavis avait été porté à 9 mois de manière contractuelle, la société a arrêté le préavis à 3 mois. Le salarié est donc fondé à réclamer le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis égale à 6 mois. Il ne s'agit pas d'une clause pénale, ladite clause n'ayant pas vocation à sanctionner l'inexécution d'une obligation contractuelle. Même à supposer qu'il s'agisse d'une clause pénale, la clause ne présente pas un caractère manifestement excessif et n'a pas pour effet de priver l'employeur de la possibilité de rompre le contrat de travail au regard des moyens de l'entreprise. Ayant été injustement privé de l'usage de son véhicule de fonction pendant ces 6 mois de préavis non exécutés, il doit être indemnisé en outre à ce titre.
La clause de non-concurrence en son dernier état interdisait au salarié d'exercer son métier dans le seul secteur qu'il connaisse, celui du bâtiment, ce dont il résulte qu'elle est nulle. Le préjudice subi par le salarié est très important au regard de son âge, de sa formation et de son parcours. En contrepartie de la clause de non concurrence, le salarié a perçu 28 801 ¿ bruts, soit 21 822, 52 ¿ nets et non 41 364 ¿ bruts, comme indiqué à tort par l'employeur. Il y aura donc lieu d'ordonner la compensation judiciaire entre les dommages-intérêts mis à la charge de la société et la somme effectivement perçue.
La société a en outre prolongé abusivement la durée de la clause de non-concurrence, puisque la contrepartie de la clause aurait dû être payée dès le 22 octobre 2012, jour du départ effectif de l'entreprise, en vertu d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation et non seulement à compter du 22 janvier 2013. Le salarié a droit à un rappel à ce titre, outre au paiement de la contrepartie pour le mois d'octobre 2013, ainsi qu'à des dommages-intérêts.
La société, dans ses conclusions parvenues au greffe le 14 décembre 2015, soutenues oralement, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, sollicite l'infirmation du jugement, à titre principal, le débouté du salarié de toutes ses demandes, à titre subsidiaire, que soit ordonné le remboursement de la somme de 41 364 ¿ brute versée à titre de contrepartie financière de non-concurrence et, en tout état de cause, la condamnation du salarié au paiement de la somme de 3 500 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle indique, sur la prétendue nullité du jugement entrepris, que l'argumentation du salarié ne présente plus aucun intérêt dès lors que, si le conseil de prud'hommes ne pouvait pas motiver sa décision en se fondant sur des pièces qui avaient été écartées, ces pièces ne sont plus tardives et la cour ne pourra que les examiner.
Sur la rupture, les faits visés dans la lettre de licenciement sont précis, objectifs et vérifiables. M. X... a continué à se comporter, après sa nomination au poste de directeur commercial national comme un simple directeur régional et était en inadaptation avec son poste. Ainsi, il n'a mis en place aucune action dans le domaine de la politique tarifaire, n'a exercé aucun pilotage commercial et n'a pas effectué le suivi des comptes clés nationaux. Il a été défaillant dans l'application de la politique crédit en liaison avec le service crédit clients, comme le démontre l'exemple du client ADHENEO, ainsi que dans le pilotage en termes de gestion, de management et d'organisation. Enfin, son mode de fonctionnement sans transparence ni partage est illustré par l'exemple relatif au traitement de la relation avec le client PIBRHA. Dans ces conditions, l'employeur a été contraint de licencier le salarié compte tenu de son insuffisance qui était préjudiciable aux performances et au développement de la société. Le salarié devra donc être débouté de ses demandes à ce titre. En tout état de cause, il ne justifie pas de son préjudice à hauteur des sommes astronomiques qu'il sollicite.
Sur la demande au titre du préavis, la clause contractuelle accordant un préavis de 6 mois au-delà du préavis conventionnel doit être considérée comme une clause pénale, susceptible de réduction par le juge. En l'espèce, M. X... a touché la somme de 1 081 014 ¿ dans le cadre de la cession de ses droits sociaux le 29 juin 2007. Rien ne justifiait qu'il se voit attribuer également un allongement de la durée de son préavis. Cette sanction forfaitaire est particulièrement excessive. En conséquence, la durée du préavis doit être réduite à la durée d'usage habituelle de 3 mois, dont le salarié a bénéficié.
La clause de non-concurrence était triplement limitée, de façon très courte dans le temps à 12 mois, réduite au territoire national alors même que la société appartient à un groupe international et que le salarié était ouvert à une mobilité internationale, et faisait l'objet d'une contrepartie financière exceptionnelle. Cette clause n'interdisait nullement au salarié de travailler pour une société ayant une activité dans le secteur du bâtiment, les seuls concurrents de la société Larivière étant ceux ayant une activité, principale ou secondaire, dans le domaine de la distribution de produits de couverture. En tout état de cause, le salarié ne justifie pas d'un préjudice à hauteur de la somme qu'il sollicite. A titre subsidiaire, si le cour considérait la clause comme nulle, elle devrait ordonner le remboursement de la contrepartie financière versée.
Sur le prétendu allongement abusif de la clause de non-concurrence, le salarié est d'une particulière mauvaise foi. En effet, la clause prévoyait qu'elle s'appliquait à l'issue du contrat, soit au terme du préavis. En tout état de cause, le salarié ne justifie pas de son préjudice à hauteur de 15 000 ¿ alors même qu'il a repris une activité chez un concurrent au plus tard en octobre 2013, avant le terme des 12 mois. La demande nouvelle en cause d'appel de paiement de la contrepartie de la clause de non-concurrence sur la période de préavis est injustifiée, le salarié ayant été réglé au mois le mois de son indemnité compensatrice de clause de non-concurrence.
MOTIFS DE LA DECISION
-Sur la demande d'annulation du jugement :
L'article 542 du code de procédure civile dispose que l'appel tend à faire réformer ou annuler par la cour d'appel un jugement rendu par une juridiction du premier degré.
En l'espèce, il résulte des notes d'audience produites que lors de l'audience du 10 juillet 2013 du conseil de prud'hommes, le conseil du salarié a demandé le rejet des pièces produites le jour même par la société et que le bureau de jugement a décidé de ne pas retenir " les pièces parvenues tardivement ". Les parties conviennent dans leurs écritures que les pièces ainsi rejetées étaient les pièces no 5 à 18, ce qui est au demeurant confirmé par l'examen du bordereau de communication de pièces de la société en première instance.
Or, force est de constater que le jugement se fonde notamment sur les pièces 15 et 16 lors de son examen de la cause réelle et sérieuse de licenciement. En statuant ainsi, le conseil de prud'hommes a méconnu le principe de la contradiction et les droits de la défense. Le jugement sera par conséquent annulé.
Par ailleurs, il ressort de l'article 562 du code de procédure civile que la cour d'appel est saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif en cas de demande d'annulation de la décision de première instance. La cour statuera donc au fond.
- Sur la cause réelle et sérieuse de licenciement :
Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Pour établir l'existence des nombreux griefs énumérés dans la lettre de licenciement sur 5 pages, la société se borne à produire :- une fiche de poste de directeur commercial en date de janvier 2009, non signée par le salarié ;- une fiche d'objectifs personnels pour l'année 2009 par lequel il était prescrit à M. X... la " mise en place d'un tableau de bord d'analyse et de pilotage de l'activité des ATC (fin 2ème T 09) " ;- la délégation de pouvoirs en matière de gestion du personnel, hygiène, sécurité et environnement signée le 4 mai 2010 par le salarié ;- un courrier émanant d'un cabinet de consultants en date du 12 mai 2010 indiquant, en vue d'une prochaine réunion, les éléments clés de leur diagnostic du projet " Politique tarifaire ", à savoir notamment que " le management ne peut pas/ veut pas/ sait pas piloter les écarts de marge et de tarifs " ;- le compte rendu d'entretien annuel d'évaluation du salarié pour l'année 2011 : ce compte rendu en date du 1er mars 2012 préconise des pistes d'amélioration des compétences, par exemple en matière de management des affaires " Hervé reste dans une approche quotidienne du business avec ses DR et plutôt comme chef des ventes qu'en tant que Directeur commercial. Nécessité de structurer l'approche commerciale de l'ensemble des équipes qui reste à développer, en prenant en compte les évolutions récentes et futures de notre environnement ", ou encore en matière de leadership " Doit adoucir son approche managériale mais exercer une exigence plus forte en terme d'attentes et de niveau de contribution auprès de ses collaborateurs directs ". Le commentaire final du manager N + 1 était ainsi libellé : " Hervé a contribué avec son équipe à la belle performance de Larivière en 2011. Doit situer le poste de Directeur commercial par le haut pour le futur " ;- deux pièces établissant que le client Adhéneo avait un crédit maximum autorisé de 250 000 ¿ de juin au 15 septembre 2012 et que ce crédit a été dépassé au 15 septembre 2012, puisque l'en cours a été porté à 321 000 ¿ alors même que la société présentait un retard de paiement de 150 000 ¿ ;- des extraits L bis établissant la cessation d'activité de deux agences de la société à Chalon sur Saône et Sarreguemines en juillet et août 2012.
Le salarié quant à lui produit pour l'essentiel :- l'attestation Assedic mentionnant le versement le 31 mars 2012 d'une prime sur objectif annuel d'un montant de 31 920 ¿ ;- le compte rendu d'entretien préalable ;- divers messages de membres de la société lui adressant, en réponse à son annonce de son départ de la société, leurs remerciements pour son humanité, la qualité de son leadership ou de sa collaboration ;- une attestation de M. Z..., gérant de la société Adhéneo, louant la qualité de ses échanges avec M. X... et indiquant que celui-ci n'était pas responsable du retard de règlement accusé par sa société au mois de juillet 2012 ;- un exemple de feuille de route agence 2012 pour la région Paca et Sud Ouest, document de 75 pages contenant notamment des orientations en terme de développement commercial, de gestion, de management et de ressources humaines ;- un mail adressé par M. X... le 26 mars 2012 notamment à son supérieur hiérarchique mentionnant une rencontre avec le directeur technique national des maisons France Confort et la perspective d'une prise de rendez vous avec le négociateur national ;- divers documents établissant que le salarié avait donné l'ordre en janvier 2012 de ne plus livrer une société Fourcade dont des règlements étaient revenus impayés ainsi que l'organigramme du service crédit client ;- une note interne datée du 18 juin 2012 annonçant la fermeture des agences de Chalon sur Saône et Sarreguemines dont le développement commercial n'était pas à la hauteur des attentes de la direction de la société pour des " raisons spécifiques (marché très concurrentiel et difficultés d'organisation pour l'un, potentiel de marché pour l'autre) " ;- une présentation d'un projet de pilotage ATC adressé par le salarié à son supérieur hiérarchique direct le 18 juin 2012 en vue de sa présentation le lendemain lors d'une réunion ;- divers documents relatifs à l'évolution du chiffre d'affaires de la société.
Au vu de ces pièces, le grief de manque d'impact sur les axes majeurs de la politique commerciale n'est pas établi. En effet, la fiche d'objectifs personnels pour l'année 2009 n'évoque pas explicitement un projet de refonte de la politique tarifaire, qui en tout état de cause, aurait dû être déployé en 2011. Le compte rendu d'entretien annuel d'évaluation du salarié pour l'année 2011 ne contient aucune observation à cet égard. Il n'est produit aucun compte rendu de réunions de la direction commerciale. La cour n'est ainsi pas mise en mesure de s'assurer qu'une refonte de la politique tarifaire a été décidée par la direction de la société et que le salarié a manqué à ses obligations contractuelles à cet égard en ne proposant aucune action pour corriger les écarts et en contraignant son supérieur hiérarchique à suppléer ses insuffisances, comme indiqué dans la lettre de licenciement. Et si le compte rendu d'entretien annuel d'évaluation du salarié pour l'année 2011 notait que le salarié se comportait plutôt comme chef des ventes qu'en tant que directeur commercial et préconisait une évolution à cet égard, les termes de ce compte rendu sont globalement élogieux.
S'agissant du grief tenant à l'absence d'accomplissement des responsabilités confiées, il est reproché tout d'abord au salarié l'absence de pilotage commercial, consistant en l'absence de directives commerciales données aux équipes. Pourtant aucune pièce n'est produite par l'employeur à cet égard, tandis que le salarié produit un exemple de feuille de route agence 2012 pour la région Paca et Sud Ouest qui comprend 75 pages, et affirme, sans être utilement contredit, qu'il établissait de tels documents pour chacune des régions commerciales placées sous sa responsabilité. En ce qui concerne le suivi des comptes-clés nationaux, il n'est pas justifié de ce que le salarié se serait montré défaillant, la liste de ces comptes n'étant d'ailleurs pas produite ni aucune autre pièce de nature à démontrer, comme allégué dans la lettre de rupture, que certains clients n'avaient eu aucun contact avec M. X... depuis plus d'un an. S'agissant du client MFC, il n'est pas établi que le salarié se soit borné à diffuser à ses collaborateurs une liste des agences locales de la société et ait omis d'exécuter les instructions de son employeur. A ce sujet, l'employeur ne fournit aucune explication sur la suite donnée au mail adressé par M. X... le 26 mars 2012 notamment à son supérieur hiérarchique mentionnant une rencontre avec le directeur technique national des maisons France Confort et la perspective d'une prise de rendez vous avec le négociateur national.
S'agissant du grief relatif au défaut d'application de la politique crédit, lequel est fondé sur le cas du client Adhéneo, il est établi qu'au mois de septembre 2012, l'en cours de cette société a été dépassé. Par contre, il n'est pas justifié de que ce dépassement avait été autorisé par le salarié d'une part, et en méconnaissance de ses obligations et responsabilités, d'autre part.
S'agissant du grief tenant à l'absence de pilotage en terme de gestion, aucun élément ne vient étayer les assertions de la lettre de licenciement selon lesquelles le salarié aurait failli à son obligation de contrôle interne et de mise en place des actions correctrices nécessaires. De même, le lien entre le défaut par le salarié de l'exercice effectif de ces responsabilités et la fermeture de deux agences n'est pas corroboré.
Aucune pièce n'est soumise à l'appréciation de la cour s'agissant du prétendu non-respect des règles en matière d'hygiène et de sécurité.
En ce qui concerne le management et l'organisation, la seule production du compte rendu d'entretien annuel d'évaluation du salarié pour l'année 2011 est parfaitement insuffisante pour établir la réalité et le sérieux du grief.
Enfin, le grief concernant le mode de fonctionnement sans transparence ni partage repose sur les seules assertions de la lettre de rupture. Aucun pièce n'est là encore soumise à l'appréciation de la cour en ce qui concerne le client Pibrha, le défaut de reporting mensuel à la direction générale, le défaut de demande de reporting mensuel à l'équipe de directeurs régionaux.
En conséquence de ces observations, aucun des griefs invoqués dans la lettre de licenciement n'étant établi, le licenciement sera jugé dénué de cause réelle et sérieuse.
- Sur les conséquences financières de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement :
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise (environ 800 salariés), des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (11 444 ¿ par mois), de son âge (56 ans), de son ancienneté (9 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 120 000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Selon l'article L. 1235-4 du code du travail, " dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé ". Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
- Sur le préavis :
Une durée anormalement prolongée du préavis confère à celui-ci le caractère d'une clause pénale tenant en échec la faculté de rupture unilatérale du contrat à durée indéterminée.
En l'espèce, l'avenant en date du 4 décembre 2008 prévoyait en cas de licenciement, sauf cas de faute grave ou lourde, un préavis " de 6 mois au-delà du préavis conventionnel applicable ". Les pièces produites ne permettent pas à la cour de connaître les circonstances exactes de conclusion de cet avenant ; on observera cependant que le signataire en est M. A..., lequel est également le signataire de la lettre de licenciement. La convention collective du négoce des matériaux de construction prévoit pour les cadres un préavis de 3 mois.
En cet état, la clause prévoyant neuf mois de préavis ne revêtait pas un caractère manifestement excessif et n'avait pas pour effet de priver l'employeur de la possibilité de rompre le contrat de travail, au regard des moyens de l'entreprise. Il convient de rappeler à cet égard que l'entreprise Larivière, selon les conclusions du salarié, non contredites ni démenties par les pièces versées, compte plus de 110 agences sur le territoire métropolitain, plus de 800 salariés et a dégagé pour 2011 un chiffre d'affaires de plus de 400 millions d'euros. Par ailleurs, la clause était justifiée au regard de la spécificité de l'emploi du salarié et de la carrière de celui-ci. Il sera dans ces conditions fait application pure et simple de ladite clause contractuelle. La somme réclamée à ce titre n'étant pas contestée et ayant été exactement calculée en l'état des pièces produites, la société sera condamnée de ce chef au paiement de la somme de 68 664 ¿ à titre de solde d'indemnité compensatrice de préavis, outre 6866, 40 ¿ de congés payés afférents.
Par ailleurs, il résulte de l'application combinée des articles L. 1234-5 et L. 1231-4 du code du travail que le salarié dispensé de l'exécution de son préavis ne peut être tenu, même en application d'un engagement pris dans le contrat de travail, de restituer l'avantage en nature constitué par la mise à sa disposition d'un véhicule de fonction pour un usage professionnel et personnel.
Il sera alloué au salarié la somme de 2 500 ¿ en réparation du préjudice consécutif au retrait du véhicule de fonction pendant cette durée de 6 mois, non retenue par l'employeur au titre du préavis, étant observé que l'avantage en nature voiture figurant sur les bulletins de paie du salarié était d'un montant mensuel de 253 ¿.
- Sur la clause de non-concurrence :
Une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.
En l'espèce, le dernier avenant conclu entre les parties le 26 octobre 2009 prévoyait :
" A l'issue du contrat, quel qu'en soit la cause ou l'auteur, il (le salarié) s'interdit formellement de s'intéresser directement ou indirectement, pour son propre compte ou celui d'un tiers, à toute entreprise dont l'une des activités au moins est susceptible de concurrencer la société. Cette clause s'appliquera :- pendant une durée de 12 mois,- sur l'ensemble du territoire national. En contrepartie, le salarié percevra une indemnité compensatrice équivalente à 40 % de sa rémunération annuelle de base brute. "
Cette clause est limitée dans le temps et l'espace et comporte une contrepartie financière significative. Si elle ne précise pas l'étendue de sa limitation professionnelle puisqu'elle ne précise pas le type d'activité susceptible de concurrencer l'employeur, il résulte des pièces produites que l'entreprise exerce une activité de négoce de couverture, et plus généralement une activité de négoce de produits du bâtiment (matériaux, matériel et outillage, bois, décoration, sanitaire-chauffage, quincaillerie). La clause précitée interdisait par conséquent au salarié, compte tenu de la généralité de ses termes, d'entrer au service, en France et pendant un an, d'une entreprise ayant pour activité principale ou secondaire la vente de produits de couverture, et plus généralement la vente de produits du bâtiment. On observera que le salarié a exercé de 1981 à 1998 dans le domaine du bâtiment et des travaux publics (entreprise Frans Bonhomme) puis de 1998 à 2002, année de son embauche dans la société Larivière, au service d'un groupe spécialisé dans l'arrosage et l'irrigation.
Ainsi, cette clause n'empêchait pas le salarié de retrouver un emploi conforme à son expérience professionnelle, compte tenu de ses importantes fonctions commerciales, qu'il pouvait exercer à l'étranger et dans d'autres domaines que le bâtiment. Cette clause était par ailleurs indispensable à la protection des intérêts de l'entreprise, au regard du niveau de responsabilité du salarié et de sa connaissance d'informations stratégiques de nature économique et commerciale ainsi que de ses liens avec les fournisseurs.
Le salarié sera par conséquent débouté de sa demande tendant au prononcé de la nullité de la clause de non-concurrence et au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'application d'une clause de non-concurrence illicite. L'employeur sera quant à lui débouté de sa demande reconventionnelle tendant au remboursement des sommes versées au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.
En cas de licenciement du salarié avec dispense d'exécution de son préavis, la date de départ de l'obligation de non-concurrence et la date d'exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence sont celles du départ effectif de l'entreprise. L'employeur sera par conséquent condamné au paiement des sommes non versées à ce titre. En l'espèce, il ne fait pas débat et il résulte des bulletins de paie produits que le salarié a respecté la clause de non-concurrence jusqu'au 22 octobre 2013 inclus, et que la contrepartie financière, d'un montant mensuel de 3 470 ¿, a été versée seulement à compter du 23 janvier 2013, alors qu'elle aurait dû l'être à compter du 23 octobre 2012, puis que son versement a été interrompu à compter du 30 septembre 2013, alors qu'elle aurait dû être réglée jusqu'au 22 octobre 2013. L'employeur sera condamné au paiement de la somme de 12 944, 66 ¿ à ce titre.
Est passible de dommages-intérêts sur le fondement du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble les articles 1134 et 1147 du code civil, l'employeur qui en faisant courir la clause de non-concurrence à compter de la date d'expiration du préavis au lieu de celle du départ effectif des salariés au début de celui-ci, allonge abusivement la durée de cette clause.
En l'espèce, l'employeur a considéré que la clause de non-concurrence avait commencé à courir à l'issue des 3 mois de préavis, soit à compter du 23 janvier 2013, alors qu'elle aurait dû débuter dès le 23 octobre 2012. Le conseil de prud'hommes, dans les motifs de son ordonnance de référé, a d'ailleurs fait sienne la thèse de l'employeur. Cela étant, il ne fait pas débat que le salarié a repris le 23 octobre 2013 un nouvel emploi dans une entreprise dont l'activité concurrence celle de l'entreprise Larivière et donc qu'il n'a pas respecté la clause au-delà d'une durée de 12 mois courant à compter de la date de son départ effectif de l'entreprise. En cet état, faute d'allongement effectif de la durée de la clause et faute de démonstration d'un quelconque préjudice, le salarié sera débouté de ce chef de demande.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant en matière sociale, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Annule le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers rendu entre les parties le 20 novembre 2013,
Et, statuant à nouveau,
Condamne la société Larivière au paiement à M. Hervé X... des sommes de : * 120 000 ¿ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; * 68 664 ¿ à titre de solde d'indemnité compensatrice de préavis, outre 6 866, 40 ¿ de congés payés afférents ; * 2 500 ¿ de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au retrait du véhicule de fonction pendant le reliquat de préavis ; * 12 944, 66 ¿ au titre du solde de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ; * 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société Larivière de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;
Ordonne le remboursement par la société Larivière à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. Hervé X..., à compter du jour de son licenciement et dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 16 novembre 2012, et à défaut de demande initiale, à la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, et sur les sommes à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt ;
Condamne la société Larivière aux dépens de première instance et d'appel.