La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/02/2016 | FRANCE | N°13/03060

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 16 février 2016, 13/03060


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N ic/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 03060.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 13 Novembre 2013, enregistrée sous le no F 12/ 00387

ARRÊT DU 16 Février 2016

APPELANT :
Monsieur Gilles X...... 72120 SAINT CALAIS
représenté par Maître Yves PETIT, avocat au barreau du MANS

INTIMEE :
LA CAISSE D'EPARGNE 2, Place Graslin 44000 NANTES
représentée par Maître Catherine LE MANCHEC, avocat au barre

au de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de pro...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N ic/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 03060.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 13 Novembre 2013, enregistrée sous le no F 12/ 00387

ARRÊT DU 16 Février 2016

APPELANT :
Monsieur Gilles X...... 72120 SAINT CALAIS
représenté par Maître Yves PETIT, avocat au barreau du MANS

INTIMEE :
LA CAISSE D'EPARGNE 2, Place Graslin 44000 NANTES
représentée par Maître Catherine LE MANCHEC, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Décembre 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 16 Février 2016, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCÉDURE,
M. Gilles X... a été recruté le 1er avril 1980 par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Bretagne-Pays de Loire dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet. La relation de travail était régie par les accords collectifs nationaux propres à la banque Caisse d'Epargne. En dernier lieu, le salarié occupait le poste de gestionnaire de clientèle de particuliers auprès de l'agence de Saint-Calais (Sarthe) et percevait une rémunération moyenne de 2 758. 98 euros brut par mois.
La relation contractuelle a été émaillée de plusieurs incidents en raison du comportement de M. X... à l'égard de ses collègues et de ses supérieurs hiérarchiques.
Le 5 janvier 2008, M. X... a été placé en arrêt de travail pour maladie jusqu'au 7 septembre 2010. Lors de la visite de reprise du 8 septembre 2010, le médecin du travail a déclaré le salarié apte à la reprise de son poste dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, sans déplacement routier et si possible le matin. Il a retrouvé ses fonctions au sein de l'agence de Saint-Calais avec aménagement de ses horaires en matinée. Il était en sur-effectif au niveau de l'agence.
Le 17 février 2011, le médecin a considéré que M. X... était apte à reprendre un travail à temps complet, à compter du 1er mars 2011, mais sans déplacement routier professionnel. A la suite des doléances de plusieurs collègues, M. Y... responsable de l'agence de Saint-Calais a adressé le 21 juin 2011 un rappel à l'ordre à M. X... lui faisant grief depuis le 1er mars 2011 " ne pas décrocher le téléphone, mettre 15 à 25 min pour servir un client au guichet d'où des files d'attente de 25 min, ne fixer que 3 à 4 rendez-vous par semaine, compléter rarement les DRC, ne pas participer aux activités collectives de l'agence (ajustement de la caisse, de réception des espèces, de délestage des fonds, d'ouverture de la salle forte, d'acheminement du courrier) ".
Le 23 juin, M. X... a été placé en arrêt maladie jusqu'au 23 juillet 2011. Lors de la visite de reprise le 28 juillet 2011, le médecin du travail a établi un avis d'aptitude avec les mêmes réserves que l'avis du 17 février 2011. Le salarié, en congés du 2 août jusqu'au 25 septembre 2011, a réintégré l'agence de Saint Calais à l'issue de son arrêt de travail.
Alerté par des plaintes des clients et des collaborateurs à propos du comportement déplacé et agressif de M. X..., la Caisse d'Epargne a décidé d'engager le 30 novembre 2011 une procédure disciplinaire et de lui remettre en main propre une convocation à un entretien préalable. Compte tenu du refus du salarié de recevoir le courrier et de ses menaces suicidaires au sein de l'agence, l'employeur a indiqué par courrier du 2 décembre 2011 qu'il interrompait la procédure mais invitait M. X... à rencontrer le médecin du travail. Le salarié, dispensé d'activité avec maintien de sa rémunération dans l'attente de la visite médicale de reprise, est resté en arrêt de travail jusqu'au 3 janvier 2012. Lors de la visite de reprise le 11 janvier 2012, le médecin de travail l'a déclaré apte à la reprise de son travail avec la réserve " pas de conduite automobile à titre professionnel ".
Le 12 janvier 2012, plusieurs collaborateurs de l'agence de Saint-Calais ont informé l'employeur qu'ils entendaient exercer leur droit de retrait à compter du 13 janvier 2012 en raison du retour de M. X.... Le 19 janvier 2012, le CHSCT a désigné une commission d'enquête dont les conclusions ont été approuvées le 16 février 2012 en faveur d'une mutation géographique de M. X... sur des agences situées au Mans. Le médecin du travail a validé par courriel du 17 février et par courrier du 22 février 2012 les propositions du CHSCT.
Le 23 février 2012, la Caisse d'Epargne a transmis à M. X... une proposition de mutation conforme dans une agence du centre ville du Mans. Le 1er mars 2012, le salarié refusé la mutation en arguant d'une fatigue excessive prévisible liée la durée du déplacement domicile/ travail.
Par courrier en date du 5 mars 2012, M. X... a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au 15 mars 2012. Le conseil de discipline national, saisi pour avis sur le projet de licenciement, a rendu le 26 avril 2012 un avis favorable à la demande de l'employeur.
Par courrier du 9 mai 2012, M. X... a reçu notification de son licenciement pour faute ainsi motivé : " Les attestations des collaborateurs de l'agence de Saint-Calais ainsi que l'enquête conjointe menée avec le CHSCT ont démontré des fautes importantes, principalement de nature comportementale, à l'égard des collaborateurs de l'agence qui ont des répercussions importantes sur leur santé comme en atteste le médecin du travail. L'ensemble des faits reprochés justifie votre licenciement compte tenu de leur gravité et des conséquences qu'ils génèrent dans un contexte où vous avez refusé toute remise en question ou recherche de solution et avez persisté à adopter un comportement ou à tenir des propos déplacés, disproportionnés, injurieux voire menaçants.
1- Votre comportement à l'origine de tensions très fortes au sein de l'agence de Saint Calais : ces graves difficultés sont nées de votre incapacité à exercer les tâches les plus simples de l'agence ayant pour effet d'augmenter indûment la charge de travail du reste de l'équipe mais aussi et surtout de votre comportement inadmissible tant à l'égard des clients, de l'entreprise que des autres collaborateurs de l'agence
*Une incapacité à exercer les tâches en agence : Les collaborateurs et le manager de Saint Calais ont apporté leur soutien au moment de votre reprise d'activité pour vous expliquer à de multiples reprises les process au sein de l'agence. Bien que les produits bancaires, les process même les plus simples vous soient régulièrement présentés, vous ne semblez pas retenir et partez de surcroît avant la fin des explications. Vous sollicitez votre manager, les autres collaborateurs de l'agence ou l'assistance réseau de très nombreuses fois par jour (jusqu'à 30 fois). A titre d'exemples : malgré les explications, vous indiquez ne pas savoir faire le scan des chèques. Pour scanner les documents au photocopieur, tout le monde était présent pour la formation. Après, tous les collaborateurs vous ont montré au moins une fois comment procéder. Pourtant au final, vous indiquez toujours ne pas savoir scanner. Vous demandez régulièrement aussi les horaires de l'agence jusqu'à plusieurs fois par semaine. Une autre fois, dans le cadre d'un rangement de documents, vous avez indiqué ne pas connaître non plus votre alphabet. L'équipe a fini par se lasser de vous donner des explications simples devant l'absence de retour ou de reconnaissance de votre part suite à cette aide. Cette incapacité de faire est d'autant moins acceptée que vous indiquez autour de vous que vous faites tout dans l'agence. Cette situation se double d'un comportement et/ ou de propos déplacés, vexatoires et injurieux, de manière récurrente sans aucune remise en question.
* un comportement inadmissible à l'égard des clients-Vous avez des propos familiers avec les clients, les embrassez pour certains, interrompez un rendez-vous avec un client pour aller saluer un autre client. A l'accueil, en rendez-vous ou au cours de séances de phoning, vous parlez aux clients y compris ceux que vous ne connaissez pas, de votre maladie ou avez montré à plusieurs reprises des radiographies de votre crâne suite à votre opération. A une cliente suite à son accouchement, vous avez dit devant tout le monde à l'accueil " Tiens, t'as mis bas, toi ! ". Ces éléments ont eu pour conséquence selon les collaborateurs des demandes des clients de ne plus être servis par vous même. Les collaborateurs pensent que vous êtes la cause d'une baisse de fréquentation à l'agence. *un comportement inadmissible à l'égard des collaborateurs de l'agence Les tensions entre les collaborateurs de l'agence et vous même sont principalement nées du fait de votre comportement agressif et irrespectueux. Vous avez eu par le passé une altercation verbale et physique avec votre précédent directeur d'agence, M. Z.... Vous vous targuez de votre salaire auprès des autres collaborateurs de l'agence ; ceci est d'autant mal perçu que vous ne faites rien. A une collaboratrice de l'agence devant les clients, un jour d'affluence et par temps de neige, vous avez tenu les propos suivants " Avec la neige, tu ne vas pas pouvoir rester chez toi nénette. C'est pas grave, tu vas dormir à la maison dans la chambre d'amis. J'espère que tu as prévu ta petite culotte et ton soutien-gorge ". La collaboratrice considère que c'était une démarche volontaire de votre part pour la déstabiliser. Quelquefois, lorsque vous répondez au téléphone à un client vous dites que le conseiller ou le gestionnaire de clientèle ne veut pas répondre au client alors que le GC est simplement occupé. Ceci a été interprété par les collaborateurs comme une volonté de leur nuire. Vous êtes également content de dire à une collaboratrice qu'un client veut prendre rendez-vous avec elle pour fermer un compte. Vous avez encore dit que " ce n'était pas une bande de petits cons qui allait vous faire chier " à l'encontre des autres collaborateurs de l'agence, en présence d'un client au guichet alors que vous étiez en train de le servir. Vous essayez également de récupérer des clients du portefeuille d'un autre collaborateur. Une autre fois, vous avez fumé devant le panneau d'interdiction de fumer. Les collaborateurs ont le sentiment que vous vous prenez " de temps à autre pour le chef ". Vous avez souhaité à l'ensemble des collaborateurs de l'agence d'avoir un cancer. Ce fait a été à l'origine d'un accroissement des tensions au sein de l'agence : les collaborateurs ont décidé de ne plus vous dire bonjour à partir de cet événement. Enfin, le 16 novembre 2011, vous êtes au guichet et discutez avec un client depuis 17h40. Le directeur d'agence finit par indiquer au client qu'il doit sortir et vous demande de faire la caisse. Vous dites ne pas avoir le code et donc ne pouvez pas faire cette opération d'arrêté. Une collaboratrice de l'agence sort alors de son bureau pour vous dire que vous n'avez pas besoin de codes pour faire la caisse et qu'on vous a déjà montré. A ce moment vous osez employer ces mots " Oh toi ! Ta gueule toi ! Ta gueule ! " Lors de cette dispute, vous dites à l'équipe " Vous devriez avoir peur ! ". Cet événement a profondément choqué l'équipe, les collaborateurs ont craint un affrontement physique.
* un comportement inadmissible à l'égard de la Caisse d'Epargne Les collaborateurs sont persuadés de par les échos de clients ou de connaissance que vous dénigrez l'entreprise et les collaborateurs auprès des habitants de Saint Calais. Vous répandez la rumeur selon laquelle vos collègues ne vous aident pas et vous volent vos clients tout en vous victimisant sans vous remettre en question. Cette situation crée au sein de l'équipe un sentiment de mal être vis à vis des clients et plus généralement des habitants de Saint Calais et génère des difficultés de sommeil notamment.
* appréciation générale Il ressort de tous ces témoignages une vision unanime sur leur situation et votre comportement qui a pour effet de déstabiliser fortement et gravement les collaborateurs de l'agence. Ces dernier expriment à la fois un sentiment de peur et un sentiment de mal être vis à vis des habitants de Saint Calais. (..) Ceux qui vous connaissent depuis longtemps estiment qu'avant même votre arrêt maladie de 2008 à 2010, vous avez toujours eu ce comportement et que vous avez toujours eu des lacunes professionnelles.
2- L'exercice du droit de retrait du 12 janvier 2012 Ayant le sentiment que rien n'évolue tant du côté de la direction que de la médecine du travail, trois collaborateurs sur 5 de l'agence de Saint Calais exercent leur droit de retrait. Un des deux collaborateurs qui ne l'exerce pas est en formation. Le droit de retrait est une décision commune de l'équipe face à votre retour avec lequel le fonctionnement de l'agence est jugé comme devenu impossible.
3- Faits postérieurs au droit de retrait Le 12 janvier 2012, dans l'attente de l'étude des solutions, vous êtes dispensé de toute activité et votre rémunération est maintenue. Mme A... directeur du groupe Sarthe Nord assistée d'un huissier tente de vous remettre un courrier en mains propres contre récépissé. Vous quittez l'agence sans avoir accepté de recevoir le courrier. Le 19 janvier 2012, le CHSCT exerce son droit d'alerte et demande une enquête conjointe. Le médecin du travail a fait connaître par mail sa position :- j'ai été amené à consulter en décembre dernier quatre salariés de l'agence de Saint Calais, dont trois présentaient des manifestations et signes cliniques attestant d'une souffrance mentale au travail avérée justifiant pour certains une prise en charge médicale appropriée de façon rapide voire urgente. Le principal facteur est rapporté au comportement ressenti et décrit comme anormal, de façon quotidienne, d'un de leurs collègues de travail.- il n'y a pas de contre indication a priori à une mutation (de M. X...) sous réserve que cette mutation n'implique pas de conduite automobile et n'induise pas une fatigue excessive liée au temps de déplacement domicile travail. Les conclusions de la commission d'enquête sont les suivantes :- s'agissant de la situation directement liée au droit de retrait, les membres de la commission d'enquête suggèrent que la Caisse d'Epargne propose à M. X... une mutation qui ne nécessite pas de conduite automobile au regard des avis d'aptitude du médecin du travail. L'agence proposée ne devra pas être dans un des points de vente rattachées à l'agence de Saint Calais, et devra être accessible par les moyens de transports collectifs et localisée proche d'un arrêt de bus (à 600 mètres maximum).
Le 22 février 2012, le médecin du travail indique qu'il n'a pas a priori d'objections redhibitoires aux mutations envisagées sur la ville du Mans. Le 23 février 2012, la Direction propose une mutation à l'agence Aristide Briand à compter du 1er avril 2012 mais M. X... l'a refusée le 1er mars 2012. Lors de l'entretien préalable le 15 mars 2012, vous vous considérez victime de pressions de la part des collaborateurs de l'agence pour vous faire quitter Saint Calais contre votre gré, vous avez nié les effets de vos propos ou tenté de les justifier en invoquant votre maladie et le complot.
* Conclusion : A la suite du droit de retrait des collaborateurs, la direction a réalisé une proposition de mutation qui correspondant aux recommandations formulées par la médecine du travail et la commission d'enquête. Vous avez refusé purement et simplement cette propositions au motif de votre état de santé. Tout ce qui précède a contraint à la direction à engager une procédure de licenciement pour faute notamment pour satisfaire à son obligation de sécurité de résultat à l'égard des collaborateurs de l'agence de Saint Calais. Faisant suite à l'avis du conseil de discipline national du 24 avril dernier, et considérant les faits précités, nous vous notifions votre licenciement pour faute et vous dispensons d'activité pendant le préavis de deux mois, qui sera rémunéré. "
Par requête reçue le 4 juillet 2012, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes du Mans en annulation de son licenciement en raison d'un harcèlement moral et en indemnisation de son préjudice.
Par jugement en date du 13 novembre 2013, le conseil de prud'hommes du Mans a :- dit que M. X... n'a pas été victime de harcèlement moral,- dit que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,- débouté le salarié de ses demandes,- rejeté la demande de la Caisse d'Epargne au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- mis les dépens à la charge de M. X....

Les parties ont reçu notification de ce jugement le 14 novembre 2013. M. X... en a régulièrement relevé appel général par courrier de son conseil posté le 22 novembre 2013.

PRÉTENTIONS et MOYENS des PARTIES
Vu les conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 17 juillet 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles M. X... demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris,- dire que son licenciement a pour cause le harcèlement moral dont il a fait l'objet,- prononcer l'annulation dudit licenciement et en tout état de de cause, dire qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse,- condamner la Caisse d'Epargne à lui verser :- la somme de 150 000 euros à titre de dommages-intérêts-la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,- ordonner l'exécution provisoire.
Il fait valoir en substance que :
- sur le harcèlement moral-à l'issue d'une absence de plus de deux années, il était atteint de troubles importants à la suite de la chirurgie tumorale dont il a fait l'objet, avec limitation de son champ visuel gauche ;- le personnel de l'agence de Saint-Calais et la direction ont décidé de ne pas prendre en compte ses difficultés comportementales et physiologiques en refusant de lui fournir la formation et la remise à niveau indispensables ;- à son retour, il n'avait plus de bureau ni de portefeuille clientèle ;- lors de la formation (une demi-journée), les documents lui étaient systématiquement présentés du côté gauche où son champ visuel est nul ;- il a essuyé de manière répétée des rebuffades de ses collègues à chaque fois qu'il demandait des renseignements ;- ses collègues ne lui adressaient plus la parole et ne lui disaient plus bonjour depuis le mois d'octobre 2011 ;- tout était prétexte pour lui faire de reproches dérisoires, sans rapport avec ses fonctions, comme le fait de fumer sous un panneau d'interdiction de fumer ce qui est faux ou sur le fait qu'il faisait la bise à des clientes qu'il connaissait depuis 30 ans ;- il conteste tout harcèlement sur ses collègues considérant que ces derniers ont pratiqué un harcèlement constant à son égard ;- la Direction tenue à une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé des salariés, n'a pas joué son rôle en incitant les collègues à exercer un droit de retrait alors que dans le même temps, le directeur et les collègues de l'agence exerçaient un harcèlement moral à son égard depuis son retour de maladie ;- le médecin du travail a constaté une dégradation de ses conditions de travail ;- les faits de harcèlement moral justifient l'annulation de son licenciement,- en tout état de cause, sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,
1- sur son comportement à la reprise de son emploi :- la maladie a généré pour lui un certain handicap éprouvant des problèmes de mémorisation et de concentration importants reconnus par le médecin du travail,- il n'a bénéficié d'aucune remise à niveau à l'exception d'une demie-journée de formation ni de l'aide de ses collègues de sorte qu'il n'a jamais pu surmonter les difficultés engendrées par sa maladie et sa longue absence : le premier grief invoqué par l'employeur n'est pas établi,

2- sur son comportement " inadmissible " : * à l'égard des clients : les propos tenus par lui aux clients et son comportement (bises aux clientes) ne relèvent pas d'une plaisanterie déplacée mais des bonnes relations entretenues par lui avec la clientèle : ce grief n'est pas établi. * à l'égard des collaborateurs de l'agence ; confronté aux mutisme et aux rebuffades de ses collègues, il a ressenti un mal-être compréhensible, il lui arrivait de pleurer ; il réfute les propos qui lui ont été prêtés ou qui sont déformés par ses collègues, il n'a pas fumé devant le panneau d'interdiction de fumer, il avait peut-être une cigarette mais elle n'était pas allumée ; s'il a pu tenir des propos un peu agressifs ou déplacés envers ses collègues, " ces derniers l'avaient poussé à bout " : la preuve de ce grief n'est pas rapportée. * à l'égard de la Caisse d'Epargne : il n'a pas dénigré son entreprise ; s'il a pu dire à des clients qu'on ne l'aidait pas à la suite de son retour de maladie grave, cela correspondait à la vérité et non pas à un dénigrement de son employeur ;
3- sur les faits postérieurs à l'exercice du droit de retrait : il lui est fait grief d'avoir menacé de se suicider alors qu'il était choqué par l'attitude de ses collègues et des procédés employés par l'employeur lors de la remise par huissier du courrier du 12 janvier 2012.
- sur son préjudice :- il est reconnu invalide à 80 % à cause d'une maladie distincte de celle ayant provoqué son arrêt de travail pour laquelle il n'a pas bénéficié de la protection sociale de la Caisse d'Epargne en raison de son licenciement injustifié. Il a été privé d'un emploi qu'il occupait depuis 33 ans et n'en retrouvera pas d'autre maintenant.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 12 novembre 2015 régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience selon lesquelles la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Bretagne Pays de la Loire demande à la cour de :- confirmer le jugement,- dire que le licenciement de M. X... est fondé sur une cause réelle et sérieuse,- débouter le salarié de toutes ses demandes et le condamner au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La Caisse d'Epargne soutient essentiellement que :
1- sur le licenciement *l'employeur a tiré les conséquences d'une situation créée et alimentée par M. X... :- les fortes tensions ressenties au sein de l'agence,- le salarié s'est vu reprocher dès avant son absence pour maladie un comportement irrespectueux et menaçant et a reçu des courriers de rappel à l'ordre de son employeur,- à son retour à mi-temps thérapeutique de septembre 2010 à février 2011, il a exercé des tâches aménagées relevant de ses fonctions et a reçu une adaptation avec remise à niveau progressive et de formations spécifiques sur place, le salarié refusant de se déplacer,- lors du passage à temps complet, en mars 2011, des missions lui ont été confiées relevant de sa qualification, des objectifs aménagés ne générant aucun stress ou suractivité.- dès le 4 mars 2011, les collaborateurs se sont plaint du comportement de M. X... et ont rapporté le mécontentement des clients,- en novembre 2011, le salarié dénigrait ouvertement sa société en présence des clients, insultait ses collègues, leur tenait des propos déplacés et/ ou menaçants,- M. X... a bénéficié d'une période d'adaptation de plus de 13 mois et ne peut pas se retrancher derrière sa prétendue inaptitude pour tenter de justifier :

* ses demandes récurrentes 20 à 30 fois par jour sur les horaires de l'agence, l'utilisation du photocopieur, l'ouverture de compte, la commande de carte bancaire, les sacoches à utiliser, les coffre-forts alors qu'il avait plus de 30 ans d'ancienneté * son refus de prendre en charge les tâches simples et essentielles de l'agence (courrier téléphone, distributeur, arrêté de caisse)- ses conseils erronés auprès de la clientèle,- son comportement déplacé auprès de ses collègues et des clients,- il a été régulièrement sensibilisé par sa hiérarchie sur son attitude inacceptable mais il a refusé de l'entendre, persévérant dans son comportement adoptant une conduite familière avec les clients
-l'employeur a toujours pris le soin d'alerter ou d'informer le médecin du travail des difficultés rencontrées avec M. X...,- à la suite de l'exercice du droit de retrait de trois salariés dans l'agence de Saint-Calais, la Caisse d'Epargne a alerté le CHSCT sur les tensions existantes,- elle a proposé une mutation validée par le médecin du travail et conforme aux préconisations de la commission du CHSCT,- l'employeur n'avait pas d'autre alternative, après le refus de mutation de M. X..., que d'engager la procédure de licenciement pour satisfaire à son obligation de sécurité de résultat à l'égard des trois salariés de l'agence qui entendaient maintenir leur droit de retrait en cas de réintégration de M. X...,
2- sur le harcèlement moral,- M. X... ne démontre pas l'existence des faits constitutifs d'un harcèlement moral à son égard ce dont il ne s'était jamais plaint auprès du médecin du travail, de la directrice des ressources humaines, devant la commission d'enquête du CHSCT ou du Conseil de Discipline National ;- il présente sciemment, dans l'objectif de tromper la cour, les séquelles de la pathologie ayant entraîné son arrêt de travail comme de prétendues conséquences du harcèlement moral qu'il aurait subi ;- il ne craint pas de se contredire au gré de ses intérêts, soutenant qu'il n'était pas totalement apte à la reprise de ses fonctions compte tenu de son état de santé et ensuite que l'employeur ne lui a pas redonné l'ensemble de ses missions, responsabilités et charge de travail, alors que les restrictions médicales ne concernaient que la conduite automobile.
- sur les demandes indemnitaires :- il n'est pas fondé dans sa demande de dommages-intérêts, le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse,- il a perçu les sommes qui lui étaient dues au titre de l'indemnité de préavis de deux mois, de l'indemnité conventionnelle de licenciement (28 228. 45 euros), de l'indemnité de congés payés.

MOTIFS DE LA DÉCISION,
Sur la demande de nullité du licenciement pour harcèlement moral,
Selon l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. L'article L 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, M. X... invoque les faits suivants : Fait no1- à la reprise de son poste le 8 septembre 2010 à mi-temps et le 1er mars 2011 à temps complet, il n'a pas retrouvé son bureau, Fait no 2- il n'a pas récupéré son portefeuille clientèle, Fait no3- il n'a reçu aucune remise à niveau à l'exception d'une demie-journée avec une animatrice commerciale de Tours qui ne faisait pas partie du personnel de l'agence de Saint-Calais, Fait no4- il s'est heurté aux rebuffades et réflexions blessantes de la part de ses collègues.
Pour étayer sa demande, il produit :- l'avis du médecin du travail en date du 8 septembre 2010 au terme duquel il a été déclaré " apte à une reprise à mi-temps thérapeutique, aucun déplacement routier. Si possible temps de travail organisé le matin " ;- les avis des 17 février, 28 juillet, 14 octobre 2011 et 11 janvier 2012 le déclarant " apte à la reprise à temps plein de son poste sans déplacement routier professionnel.. "- le courrier du 11 juillet 2011 du médecin du travail selon lequel " l'état de santé de M. X... qui a repris son travail à temps plein depuis le 1er mars dernier, se dégrade en grande partie semble-t'il en raison des conditions de travail qu'il ressent de façon très négative. "- la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé du 1er novembre 2011 au 31 octobre 2016,- le certificat du neurologue du 30 janvier 2012 selon lequel l'état neurologique de M. X... lui permet d'exercer sa profession de gestionnaire de clientèle mais son atteinte séquellaire du champ visuel lui interdit la conduite automobile ce qui implique que ses activités professionnelles doivent se situer à Saint Calais où il réside.- le certificat de l'ophtalmologiste du 22 octobre 2012 mentionnant que son acuité visuelle est de 10/ 10ème à droite et à gauche avec correction.
Sur les griefs no1, 2 et 3 :
M. X... soutient que le 8 septembre 2010, à l'issue de son arrêt de travail pour maladie, il n'avait plus de bureau, qu'il a été installé à l'étage à la seule place restante, qu'il n'a pas retrouvé son portefeuille client, qu'il était " perdu et déboussolé " après deux ans et demi d'absence et n'a bénéficié d'aucune aide ni de remise à niveau. Il verse aux débats :- deux courriels de sa part des 30 mars et 19 avril 2011 sollicitant auprès de son directeur d'agence l'accès à son portefeuille de clients,- l'attestation d'une cliente Mme B... " j'ai ressenti à deux ou trois fois pendant le premier semestre 2012 de la part du personnel du guichet vis à vis de M. X... dès que je prononçais son nom ", d'une cliente Mme C... " j'ai eu l'impression qu'il était délégué à des tâches subalternes dans la pièce de la photocopieuse ".
Il résulte toutefois des pièces produites que :- M. X... a été remplacé durant son absence de plus de 30 mois par un autre conseiller qui s'est occupé du portefeuille de clientèle,- son bureau ayant été réaffecté pour assurer l'accueil des clients, M. X..., revenu en sur-nombre dans l'agence, a été installé dans un autre bureau à l'étage avant de récupérer un bureau le 4 octobre 2011 rendu libre à la suite de la mutation d'une collaboratrice,- en dépit d'une reprise progressive de son activité, à mi-temps thérapeutique (septembre 2010- février 2011) puis à temps complet, en mars 2011, le salarié s'est révélé dans l'incapacité malgré l'aide de ses collègues, de respecter les procédures au sein de l'agence,- il a reçu, outre l'assistance de ses directeur et de ses collègues au quotidien, une formation spécifique an matière commerciale,

- un rappel à l'ordre lui a été adressé le 21 juin 2011 par son directeur d'agence compte tenu de son attitude " contraire aux procédures de l'entreprise " depuis le 1er mars 2011 (refus de décrocher téléphone, file attente pour servir en moyenne 15 à 25 minutes par client, retrait au guichet sur tout compte..).
L'employeur rapporte ainsi la preuve que :- le poste de M. X... a été spécialement aménagé pour une reprise progressive de son activité durant la période de mi-temps thérapeutique afin de tenir compte des restrictions médicales et de l'interdiction d'utiliser un véhicule ce qui impliquait des tâches administratives et d'accueil au sein de l'agence,- il était en sur-effectif au niveau de l'agence jusqu'au 2 octobre 2011,- le salarié n'a pas repris l'intégralité de son portefeuille clientèle dans un secteur rural nécessitant des déplacements qu'il ne pouvait effectuer compte tenu de son état de santé mais a renoué les contacts avec ses clients par phoning et par rendez-vous à l'agence,- le nombre de bureaux était restreint au sein de l'agence locale de Saint Calais, ce dont M. X... a convenu en s'installant dans " le dernier bureau resté vacant " en septembre 2010,- il ne conteste pas avoir récupéré un bureau (fermé) libéré le 4 octobre 2011 à la suite de la mutation d'une collaboratrice,- il a bénéficié d'une période de reprise progressive de son activité durant six mois à mi-temps et d'une réadaptation aux méthodes de travail, au travers de l'aide de son directeur d'agence et de ses collègues,- plus de 13 mois après la reprise de son activité, M. X... manifestait son refus de répondre au téléphone, de prendre en charge les opérations simples et essentielles de l'agence et donnait des conseils erronés à la clientèle.
M. X... qui produit de multiples attestations de ses anciens clients ayant apprécié ses conseils en matière de placements financiers, ne fournit aucun témoignage à propos des " difficultés " rencontrées avec ses collègues de nature à caractériser une situation de maltraitance. Le fait qu'une cliente (Mme B...) ne puisse pas obtenir un rendez-vous avec M. X... à la mi-janvier 2012 et soit réorientée vers une autre conseillère ne permet pas de conforter les allégations de M. X... sur sa mise à l'écart puisqu'il était en arrêt de travail depuis fin novembre 2011. Cette cliente a perçu une tension au sein de l'agence au cours du premier semestre 2012, à l'évocation du nom de M. X..., qui a quitté l'agence après l'exercice du droit de retrait du 12 janvier 2012. Dans un contexte de rareté des bureaux disponibles, l'appelant ne peut pas reprocher sérieusement à son employeur d'affecter en priorité les bureaux " fermés " au personnel chargé de l'accueil des clients. Il s'ensuit que le salarié ne rapporte pas la preuve d'un manquement imputable à son employeur et d'un traitement défavorable à son égard.
- Sur le grief no4 :.
M. X... se plaint des réticences et des " rebuffades " de ses collègues qui ont arrêté de lui dire bonjour à partir du 12 octobre 2011. Il ne verse aucune attestation de témoins à l'appui de ses doléances. Les attestations de ses anciens clients évoquent " la courtoisie et les bons conseils de M. X... en matière de placements financiers ", certains se plaignent de ce que ses remplaçants sont " formatés " mais à aucun moment ne décrivent une situation de harcèlement moral vécue par M. X....
L'employeur explique la mésentente régnant au sein de l'agence notamment par le refus de M. X... de participer aux tâches collectives de l'agence, de son comportement irrespectueux, agressif voire menaçant à l'égard de ses collègues. Cette situation s'est exacerbée lorsque les salariés de l'agence ont alerté la direction de leur mal-être aux côtés de M. X... et qu'ils ont été entendus par M. K... Directeur de développement des ressources humaines le 12 octobre 2011.

La Caisse d'Epargne rapporte, à l'inverse, que les graves tensions étaient imputables au comportement agressif de M. X... au travers des attestations des salariés :- le 16 novembre 2011, il a refusé à nouveau en fin de service de procéder aux tâches liées à la fermeture de l'agence et aux arrêtés comptables, malgré l'ordre du directeur d'agence, au motif qu'il ne connaissait pas les codes pour ranger les espèces, ce qui a provoqué la réaction agacée d'une salariée Mme D... " Ça suffit Gilles, tu mens ! Le travail t'a déjà été montré, on en a marre de tout devoir faire à ta place ! on n'en peut plus ! ". M. X... lui a alors rétorqué " Toi ta gueule, ta gueule ! " et s'est adressé en riant aux autres salariés " Vous devriez avoir peur de ce qui va vous arriver pour la suite.. "- le médecin du travail a rencontré au mois de décembre 2011 quatre salariés sur cinq de l'agence se plaignant du comportement agressif et anormal de M. X... : " trois présentaient des signes cliniques de souffrance mentale au travail avérée justifiant une prise en charge médicale de façon rapide et urgente " (pièces 16, 19 intimée), se sentant menacées, exprimant un sentiment d'abandon et l'absence de considération de leur mal-être.- à l'inverse, M. X... évoque devant le médecin du travail sa volonté de rester à Saint-Calais, indiquant qu'après " avoir combattu son cancer, il avait la force nécessaire pour continuer à supporter l'ambiance au sein de l'agence ".
La matérialité du grief no4 n'est donc pas établie.
Dans ces conditions, M. X... échoue à établir l'existence de faits précis et concordants permettant de présumer un harcèlement moral à son encontre. Sa demande doit être rejetée par voie de confirmation du jugement.
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement,
L'article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse. Selon l'article L 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement datée du 9 mai 2012 fixe les limites du litige et elle contient les griefs suivants :- un comportement à l'origine de tensions très fortes au sein de l'agence de saint Calais * une incapacité à exercer les tâches en agence, *un comportement inadmissible à l'égard des clients, des collaborateurs et de la Caisse d'Epargne,- des conséquences sur la santé des collaborateurs de l'agence.
La grave mésentente entre un salarié et ses collègues peut constituer une cause de licenciement si elle repose objectivement sur des faits imputables au salarié concerné et si elle est de nature à nuire à la bonne marche de l'entreprise ou du service.
Il résulte des attestations produites que :- M. X... ne remplissait pas, depuis le 1er mars 2011, date de sa reprise à temps complet, les tâches liées à ses fonctions au sein de l'agence composé d'un directeur et de cinq salariés. Mme E... atteste " j'avais le temps de servir quatre clients au guichet quant M. X... en servait un tellement il passe de temps à discuter de sa vie personnelle, il quittait le guichet lorsqu'il y avait une longue file d'attente pour aller saluer et discuter avec des clients qu'il connaissait plutôt que de les servir ",- il faisait des réflexions désobligeantes à propos de la Caisse d'Epargne : Mme E... atteste : " A plusieurs reprises, je l'ai entendu dire " c'est inacceptable que vous ayez des commission d'intervention alors qu'il y a de l'argent sur les autres comptes, les prix des forfaits auraient dû diminuer puisque vous recevez vos relevés par mail, ils sont trop chers ", lors des réclamations, M. X... ne cherche pas à arranger la situation, il va toujours dans le sens du client et en rajoute. "- " Il a mis plusieurs mois avant d'accepter de répondre au téléphone, lorsqu'il a commencé à le faire, il y mettait de la mauvaise volonté " en répondant au client que la conseillère ne voulait pas lui parler sans prendre son message alors que la conseillère était simplement indisponible " (Mme E...)- il entrait (sans frapper) dans les bureaux des conseillers en plein entretien avec des clients,- il manifestait de manière ostensible son refus d'exécuter les consignes et de respecter les procédures de travail :- Mme L... " avant un arrêt maladie, il est venu regarder son agenda sur mon poste en me disant " il faut que je regarde mon agenda pour savoir quand est-ce que j'ai le plus de rendez-vous pour me mettre en arrêt ",- à plusieurs reprises, " j'ai tenté de lui montrer comment charger le distributeur mais il s'en allait dès l'ouverture des coffres " sans rien voir (Mme E..., Mme F...),- très souvent, plusieurs fois par jour " il demandait à quelle heure on terminait le soir, alors qu'il avait repris son poste depuis un an " (Mme E..., Mme F..., M. Y...)- " nous avons tous eu la formation pour apprendre à scanner des documents avec le photocopieur, il y a une fiche d'aide à côté de la photocopieuse et nous lui avons tous montré au moins une fois " mais malgré tout, M. X... répétait qu'il ne savait pas scanner les documents.
L'employeur rapporte ainsi la preuve du manquement du salarié à ses obligations contractuelles au regard de son refus délibéré de participer aux tâches simples et habituelles au sein d'une agence. Contrairement à ses allégations, le salarié n'établit pas que ces manquements soient en relation avec des difficultés de mémorisation ou de concentration. En effet, il n'a subi aucune restriction médicale à l'exercice de ses fonctions de conseiller clientèle par le médecin du travail ou le médecin traitant à l'exception de la conduite d'un véhicule. Alors que le salarié, en sur-nombre dans l'agence, a pu bénéficier, avec une ancienneté de plus de 30 ans, d'une période de réadaptation de plus de 12 mois, rien ne justifie son refus persistant de prendre en charge les tâches simples inhérentes à ses fonctions et de se plier aux instructions du directeur d'agence.
S'agissant de son comportement désobligeant et injurieux à l'égard de ses collègues, les attestations précises et circonstanciées du directeur d'agence et des collaborateurs de l'agence établissent la réalité du grief visé dans la lettre de licenciement au travers :- des insultes par M. X... à l'égard de ses collègues en présence de la clientèle " Ce n'est pas une bande de petits cons qui va me faire chier " (Mme E..., Mme D...)- injures de M. X... " Toi, ta gueule, ta gueule " à Mme D... en présence des collègues,- des propos déplacés et grossiers tenus à sa collègue Mme E..., un jour d'affluence au guichet " Avec la neige, ce soir, tu ne vas pas pouvoir rentrer chez toi nénette, c'est pas grave, tu vas venir dormir à la maison dans la chambre d'amis. J'espère que tu as prévu ta petite culotte et ton soutien-gorge ! " (Mme E..., Mme D...)- une attitude provocatrice, en fumant dans le hall de l'agence tout en regardant l'affiche d'interdiction de fumer (Mme E...),- des récriminations sur l'absence de formation tout en quittant les lieux lorsque les collègues répondent à ces interrogations sur les process de travail-des menaces de suicide en cas de désaccord portant sur le travail alors que le médecin du travail a exclu le risque suicidaire (page 13 rapport CHSCT pièce 19).

Le comportement de M. X... était également inadapté et discourtois à l'égard de la clientèle comme le confirment les témoignages sur :
- son manque de délicatesse en s'adressant à une jeune cliente venant d'accoucher " Tiens, tu as mis bas ! " même si cette dernière indique ne pas avoir été choquée (Mme G...), à une cliente Mme H... " Tiens, les papillons sont de sortie, c'est qu'il fait beau ! Vous allez batifoler ", à une nouvelle cliente (Mme I...) en l'appelant " chérie " (M. Y... pièce 13, Mme E...),- son excès de familiarité en faisant " la bise " aux clients dans la salle d'attente (Mme F..., Mme J...), en leur parlant de sa maladie et leur montrant une radiographie de son crâne,- une prise à partie des clients en se plaignant du comportement de ses collègues au retour de son congé maladie.
Si des anciens clients (une quinzaine) ont pu décrire la gentillesse et le professionnalisme de l'appelant, ou relever des pointes d'humour, il convient cependant de constater que le salarié a manqué de manière répétée dans un contexte professionnel à une obligation générale de courtoisie et de réserve à l'égard de la clientèle, indépendamment d'un lien amical ou de proximité.
Le comportement de M. X... s'apprécie aussi au regard de ses antécédents disciplinaires. En effet, le salarié s'était déjà vu notifier des rappels à l'ordre pour une attitude agressive à l'égard de ses chefs d'agence successifs (2006, 2008) et le dernier rappel à l'ordre le 7 octobre 2009 (pièce 6. 1 intimé) pour " être intervenu auprès de ses collègues pour ordonner de procéder à certaines opérations pour des clients proches, être entré dans le bureau d'un gestionnaire de clientèle durant un entretien avec un client, pour lui ordonner le remboursement de frais non encore prélevés pour un client et en le menaçant d'appeler d'autres clients pour qu'ils clôturent leurs comptes " je vais leur dire que vous faites n'importe quoi pour qu'ils aillent ouvrir des comptes ailleurs ".
L'employeur démontre notamment au travers du rapport d'enquête de la commission du CHSCT en date du 20 janvier 2012, les conséquences préjudiciables du comportement de M. X... à l'égard de ses collègues qui ont exercé leur droit de retrait de l'agence le 12 janvier 2012. Il s'ensuit que M. X... a créé, de par son comportement, des situations intolérables au sein de l'agence locale de la Caisse d'Epargne, de nature à perturber gravement le travail de ses collègues et le fonctionnement du service.
En conséquence, comme l'a jugé le conseil de prud'hommes, son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse. Il sera en conséquence débouté de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur les autres demandes,
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la Caisse d'Epargne les frais non compris dans les dépens. M. X... sera condamné à lui payer la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile Il sera condamné aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant, publiquement et contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Et y ajoutant :
CONDAMNE M. X... à payer à la Caisse d'Epargne la somme de 500 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DEBOUTE la Caisse d'Epargne du surplus de ses demandes.
CONDAMNE M. X... aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/03060
Date de la décision : 16/02/2016
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2016-02-16;13.03060 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award