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16/02/2016 | FRANCE | N°13/01506

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 16 février 2016, 13/01506


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N clm/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 01506.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 24 Mai 2013, enregistrée sous le no 12/ 368

ARRÊT DU 16 Février 2016

APPELANT :
Monsieur Daniel X...... 79290 CERSAY
comparant-assisté de Maître Romuald PALAO, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEE :
LA SAS FAURE HERMAN Route de Bonnétable BP 20154 72406 LA FERTE BERNARD CEDEX
représentée par Maître Cécile BER

AUD DUFOUR, avocat au barreau de PARIS en présence de Madame Z..., directrice des ressources humaines de l...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N clm/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 01506.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 24 Mai 2013, enregistrée sous le no 12/ 368

ARRÊT DU 16 Février 2016

APPELANT :
Monsieur Daniel X...... 79290 CERSAY
comparant-assisté de Maître Romuald PALAO, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEE :
LA SAS FAURE HERMAN Route de Bonnétable BP 20154 72406 LA FERTE BERNARD CEDEX
représentée par Maître Cécile BERAUD DUFOUR, avocat au barreau de PARIS en présence de Madame Z..., directrice des ressources humaines de la SAS FAURE HERMAN

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Décembre 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 16 Février 2016, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :
Evoluant dans le secteur industriel, aéronautique et de l'énergie, la société Faure Herman a pour activité la fabrication de compteurs de haute précision pour la mesure de liquides et de gaz intégrant les technologies par turbines et ultrasons.
Suivant contrat de travail à durée indéterminée conclu le 13 novembre 2001 à effet au 3 décembre suivant, elle a embauché M. Daniel X... en tant que directeur qualité, statut cadre position III B de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, moyennant une rémunération forfaitaire mensuelle d'un montant de 27 000 ¿ pour 217 jours de travail par an outre une prime sur objectifs ou bonus qui a donné lieu à un avenant signé le 26 juillet 2011. Dans le dernier état de la relation de travail, le salaire mensuel brut forfaitaire de M. Daniel X... s'élevait à la somme de 5 538, 02 ¿. La rémunération perçue au cours des douze derniers mois ayant précédé le licenciement s'est élevée à la somme de 66 245, 79 ¿ outre une prime sur objectifs d'un montant de 9 104 ¿, soit une rémunération brute moyenne mensuelle de 6 279, 15 ¿.
Après avoir été convoqué à un entretien préalable fixé au 31 janvier 2012, par lettre recommandée du 3 février suivant, M. Daniel X... s'est vue notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse pour insuffisance professionnelle. Il a été dispensé d'exécuter son préavis.
Par lettre recommandée postée le 21 juin 2012, il a saisi le conseil de prud'hommes pour contester cette mesure. Dans le dernier état de la procédure de première instance, il sollicitait le paiement de la somme de 150 000 ¿ de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de celle de 17 060 ¿ à titre de rappel de bonus.
Par jugement du 24 mai 2013 auquel le présent renvoie pour plus ample exposé, le conseil de prud'hommes du Mans l'a débouté de toutes ses prétentions et condamné à payer à la société Faure Herman une indemnité de procédure de 500 ¿ et à supporter les dépens.
M. Daniel X... a régulièrement relevé appel de cette décision par lettre recommandée postée le 4 juin 2013.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 8 décembre 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;
Vu les conclusions dites " No 3 " enregistrées au greffe le 9 novembre 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles M. Daniel X... demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris ;- de déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société Faure Herman à lui payer de ce chef la somme de 150 000 ¿ ;- de condamner la société Faure Herman à lui payer les sommes suivantes : ¿ 18 672, 73 ¿ (4 352, 18 ¿ + 14 320, 55 ¿) de rappel de salaire pour heures supplémentaires au titre de la période écoulée du 22 juin au 31 décembre 2007 outre 1 867, 27 ¿ de congés payés afférents ; ¿ 8 739, 67 ¿ (1 655, 09 ¿ + 7 084, 58 ¿) à titre de repos compensateurs pour la période écoulée du 22 juin au 31 décembre 2007 outre 873, 96 ¿ de congés payés afférents ;
¿ 33 870, 02 ¿ de rappel de salaire pour heures supplémentaires au titre de l'année 2008 outre 3 387 ¿ de congés payés afférents ; ¿ 16 858, 69 ¿ à titre de repos compensateurs pour l'année 2008 outre 1 685, 86 ¿ de congés payés afférents ; ¿ 33 574, 83 ¿ de rappel de salaire pour heures supplémentaires au titre de l'année 2009 outre 3 357, 48 ¿ de congés payés afférents ; ¿ 16 692, 17 ¿ à titre de repos compensateurs pour l'année 2009 outre 1 669, 21 ¿ de congés payés afférents ; ¿ 34 314, 06 ¿ de rappel de salaire pour heures supplémentaires au titre de l'année 2010 outre 3 431, 40 ¿ de congés payés afférents ; ¿ 17 464, 20 ¿ de repos compensateurs pour l'année 2010 outre 1 746, 42 ¿ de congés payés afférents ; ¿ 36 554, 48 ¿ de rappel de salaire pour heures supplémentaires du chef de l'année 2011 outre 3 655, 44 ¿ de congés payés afférents ; ¿ 18 458, 27 ¿ de repos compensateurs pour l'année 2011 outre 1 845, 82 ¿ de congés payés afférents ; ¿ 4 210, 89 ¿ de rappel de salaire pour heures supplémentaires au titre de la période du 1er janvier 2012 au 3 février 2012 outre 421, 08 ¿ de congés payés afférents ; ¿ 1 168, 15 ¿ de repos compensateurs pour la période du 1er janvier au 3 février 2012 outre 116, 81 ¿ de congés payés afférents ;
- à titre subsidiaire, de condamner la société Faure Herman à lui payer la somme de 77 127, 05 ¿ à titre de dommages et intérêts pour dépassement du forfait annuel en jours ;
- de dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jour de la saisine du conseil de prud'hommes ;
- de condamner la société Faure Herman à lui payer la somme de 5 000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Le salarié fait valoir en substance que :
sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et sur les repos compensateurs :
- ce sont les règles du droit commun qui doivent s'appliquer à son égard s'agissant du décompte du temps de travail et, par voie de conséquence, des heures supplémentaires et des heures complémentaires, au motif qu'aucune convention de forfait ne peut lui être valablement opposée ;- la convention de forfait n'est pas régulière dans la mesure où ni la clause du contrat de travail, ni l'avenant relatifs à la convention de forfait ne précisent les modalités de décompte des journées ou demi-journées travaillées, ni les modalités de prise de journées ou demi-journées de repos ;- la convention de forfait doit être privée d'effet dans la mesure où a uniquement été fixée une rémunération forfaitaire sans que soit déterminé le nombre d'heures supplémentaires inclus dans cette rémunération ;- contrairement aux exigences de l'article L. 3121-43 du code du travail, il n'a jamais bénéficié d'entretiens individuels ayant pour objet de faire le point sur sa charge de travail, sur son amplitude horaire, sur l'organisation du travail au sein de l'entreprise ou encore sur l'articulation entre ses activités professionnelles et sa vie personnelle et familiale ainsi que sur sa rémunération ;
- ses demandes chiffrées sont justifiées par les plannings qu'il produit au titre des années 2007 à 2012, qu'il a établis à partir de ses agendas, et par le témoignage de M. Stéphane A..., représentant du personnel ; le badgeage n'était imposé qu'une fois par jour, sans horaire précis, uniquement pour attester de sa présence au travail le jour en cause ; il ne pouvait pas badger quand il était en déplacement ; ainsi, ces badgeages ne peuvent pas rendre compte de la réalité de son activité étant observé qu'il était contraint de travailler certains samedis ; il a néanmoins repris l'intégralité des relevés de badgeages produits par l'employeur pour affiner sa demande et il a bien déduit les jours non travaillés, les jours de RTT, les jours fériés et de récupération ; il n'y a pas lieu de déduire les jours de RTT des heures supplémentaires réalisées ; l'employeur était parfaitement informé des heures supplémentaires et complémentaires qu'il devait accomplir pour exécuter les tâches qui lui étaient confiées ;
sur la prime de bonus :
- cette prime lui était en fait versée au mois de mars de chaque année ; le montant que l'employeur lui a versé en mars 2012 au titre de l'année 2011 correspond au minimum prévu au contrat de travail ; or, son rendement 2011 ayant été semblable à celui des années précédentes, il peut prétendre pour les années 2011 et 2012 à un bonus équivalent à la moyenne des bonus versés au cours des quatre années précédentes ;
sur le licenciement :
- son licenciement s'inscrit dans une longue liste de ruptures de contrats de travail initiée en mai 2011 avant l'arrivée du nouveau directeur général, M. B..., dans le but d'améliorer les résultats financiers de l'entreprise par une réduction des coûts (20 % de l'effectif supprimé dont 3 licenciements pour fautes prononcés en moins de deux mois), au même titre qu'avaient été supprimés des postes de directeurs généraux d'autres filiales du groupe afin de répondre à la demande des actionnaires ;- il conteste l'ensemble des faits qui lui sont reprochés : soit la matérialité n'en est pas établie, soit ils ne lui sont pas imputables ; les griefs ne sont pas fondés.

Vu les conclusions dites " récapitulatives " enregistrées au greffe le 20 novembre 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles la société Faure Herman demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a : ¿ déclaré le licenciement justifié et débouté M. Daniel X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; ¿ débouté ce dernier de sa demande de rappel de bonus au titre des années 2011 et 2012 ;
- de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre congés payés afférents et les demandes formées au titre des repos compensateurs du chef des périodes antérieures au 25 juin 2007 ;
- de débouter M. Daniel X... de ses prétentions au motif que les stipulations de l'accord collectif ont été respectées et que le forfait en jours mis en place est valable ;
- à titre subsidiaire, d'écarter les éléments produits par M. Daniel X... à l'appui de sa demande compte tenu de leur caractère manifestement faux et mensonger et de le débouter de ses prétentions ;
- de condamner M. Daniel X... à lui payer la somme de 5 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
L'employeur fait valoir en substance que :
sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et sur les repos compensateurs :
- les demandes de rappel de salaire relatives aux périodes antérieures au 25 juin 2007 (5 ans à compter de la date de la saisine du conseil de prud'hommes) sont prescrites ;- en application du principe de l'estoppel selon lequel une partie ne pas se contredire au détriment d'une autre, la cour devra rejeter les demandes formées, d'une part, à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, d'autre part, à titre indemnitaire pour dépassement du forfait en jours ;
- les demandes de rappel de salaire et au titre des repos compensateurs sont mal fondées dans la mesure où M. Daniel X... était soumis à un forfait en jours mis en place conformément aux dispositions de l'accord du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail dans la métallurgie et parfaitement valable ; en effet, l'entreprise a mis en place un suivi des jours travaillés ; le salarié a bénéficié chaque année d'entretiens annuels au cours desquels était évoquée sa charge de travail ; compte tenu de ses fonctions et de son statut, il était cadre autonome, totalement libre de son organisation ;
- si la cour considérait que le forfait en jours n'est pas valable, le débouté s'impose car la réalité des heures supplémentaires n'est pas établie, le salarié n'hésitant pas à produire des documents mensongers qui s'apparentent à une escroquerie au jugement ; l'agenda produit a été établi a posteriori, pour les besoins de la cause et il n'est corroboré par aucun élément ; il devra en conséquence être rejeté ; les décomptes établis sont inexacts ; les horaires allégués sont faux ; les demandes chiffrées sont très évolutives ;
- si le forfait jours était écarté, il conviendrait de considérer que M. Daniel X... a bénéficié de jours de RTT pour compenser les heures réalisées au-delà de la 35 ème, et de déduire ces jours de RTT des heures supplémentaires dont le paiement est réclamé ;
- les éléments produits par l'appelant ne permettent donc pas d'étayer sa demande ;
- le salarié n'ayant jamais travaillé plus de 217 jours par an, sa demande de dommages et intérêts pour dépassement du forfait annuel en jours doit être écartée ;
sur les bonus 2011 et 2012 :
- compte tenu de l'avenant qu'il a signé le 26 juillet 2011, le salarié ne peut plus prétendre au minimum garanti d'un treizième mois de salaire ;
- le paiement de ce bonus était soumis à la présence du salarié au sein de l'entreprise au 31 décembre de l'année considérée ; M. Daniel X... ne peut donc prétendre à aucun bonus pour l'année 2012 ; s'agissant de l'année 2011, il a été parfaitement rempli de ses droits ;
sur le licenciement :
- contrairement à ce que soutient le salarié, son licenciement ne s'inscrit pas dans une longue liste de ruptures de contrats de travail ; M. Daniel X... a été remplacé par M. Yann C... ;
- l'insuffisance professionnelle qui fonde le licenciement est caractérisée par des faits objectifs, précis et vérifiables qui sont imputables à M. Daniel X... dont le licenciement est dès lors parfaitement justifié.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I) sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et sur les repos compensateurs :
1o) Sur la prescription :
Si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent le même contrat de travail (CCASS sociale 22/ 09/ 2015 p no 14-17. 895), ce qui est le cas en l'espèce.

La prescription de l'action en paiement des heures supplémentaires a donc été interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes intervenue le 21 juin 2012. Le délai de prescription applicable à la présente action est le délai de cinq ans prévu par l'article L. 3245-1 du code du travail dans sa version antérieure au 16 juin 2013, date d'entrée en vigueur de la loi no 2013-504 du 14 juin 2013 qui a ramené le délai de prescription à trois ans.
Si le salarié forme une demande au titre de " l'année 2007 ", il résulte de ses décomptes qu'en réalité, sa demande chiffrée commence à courir à compter du lundi 25 juin 2007. Ses demandes sont donc bien enfermées dans le délai de la prescription quinquennale. La fin de non-recevoir tirée de la prescription doit être rejetée.

2o) Sur la fin de non-recevoir tirée de l'estoppel :
La circonstance que M. Daniel X... forme, à titre principal, une demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires au motif que le forfait en jours lui serait inopposable pour être irrégulier et, à titre subsidiaire, si le forfait en jours était déclaré valable, une demande de dommages et intérêts au motif que, chaque année, il a dépassé son forfait en jours en travaillant entre 260 et 268 jours par an, ne permet pas de caractériser une contradiction de nature à rendre ses prétentions irrecevables en ce que ce comportement procédural n'est pas constitutif d'un changement de position, en droit, de nature à induire la société Faure Herman en erreur sur ses intentions.
Cette fin de non-recevoir sera également rejetée.
Au fond :
1o) Sur la demande d'inopposabilité de la convention de forfait en jours :
L'article L. 212-15-3 I du code du travail, devenu l'article L. 3121-38 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi no 2008-789 du 20 août 2008 applicable à l'espèce prévoit que la durée de travail des salariés ayant la qualité de cadre, notamment au sens de la convention collective de branche, et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés peut être fixée par des conventions individuelles de forfait.
La conclusion de ces conventions individuelles de forfait n'est possible qu'à la condition d'être prévue par un accord collectif. Aux termes de l'article L. 3121-45 du code du travail dans sa version antérieure à la loi no 2008-789 du 20 août 2008 applicable à l'espèce, pour les cadres mentionnés à l'article L. 3121-38 susvisé, la convention collective ou l'accord collectif qui prévoit la conclusion de conventions de forfait en jours fixe le nombre de jours travaillés dont le plafond ne peut pas être supérieur à 218 et il doit prévoir les catégories de cadres concernés, les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos, les conditions de contrôle de son application, les modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte.
Il en ressort que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
Au cas d'espèce, c'est l'accord national sur l'organisation du travail dans la métallurgie du 28 juillet 1998 dont le respect est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours qui, en son article 14, prévoit la possibilité de conclure des conventions de forfait en jours, notamment avec les cadres dont la classification est supérieure au coefficient 76.
Selon cet article 14, pour accompagner les forfaits en jours, l'employeur est tenu de :
- mettre en place un système de contrôle du nombre de jours travaillés, afin de décompter le nombre de journées ou de demi-journées travaillées, ainsi que celui des journées ou demi-journées de repos prises ;- établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail ; ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur ;- faire assurer par le supérieur hiérarchique du salarié soumis à une convention de forfait en jours le suivi régulier de l'organisation du travail de l'intéressé et de sa charge de travail ; faire bénéficier le salarié, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées son organisation et sa charge de travail ainsi que l'amplitude de ses journées d'activité, cette amplitude et cette charge de travail devant rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé.
Au sein de la société Faure Herman, pour l'établissement de la Ferté Bernard où travaillait M. Daniel X..., a été conclu, le 6 novembre 2000, un accord d'établissement sur la réduction du temps de travail. Cet accord déclare " s'appuyer " sur l'accord national de la métallurgie du 28 juillet 1998 et sur les dispositions des lois Aubry. Il traite des forfaits en jours sur l'année en son article 2-2-3 qui fixe le nombre maximum de jours travaillés à 217. Il prévoit que le suivi du nombre de jours travaillés sera fait par un relevé effectué à la fin de chaque mois par le salarié concerné.
M. Daniel X... qui, aux termes de son contrat de travail du 13 novembre 2001, était soumis à un forfait annuel de 217 jours, était bien éligible au forfait en jours en ce qu'il était à la position III B du statut de cadre, soit à un niveau supérieur au coefficient 76 prévu par l'accord du 28 juillet 1998 comme celui à partir duquel une convention de forfait en jours pouvait être mise en place. Il n'était pas soumis à un contrôle de ses horaires de travail mais devait badger seulement une fois par jour dans le cadre du système de contrôle du nombre de jours travaillés mis en oeuvre par l'employeur. Le salarié ne conteste pas qu'il jouissait d'une totale liberté d'organisation de son travail et d'une autonomie dans l'exercice de ses fonctions et dans l'organisation journalière de son emploi du temps.
Le moyen d'inopposabilité de la convention de forfait en jours tiré du fait que le contrat de travail initial et les avenants ne précisent ni les modalités de décompte des journées ou demi-journées travaillées ni celles de prise des journées ou demi-journées de repos n'est pas fondé dans la mesure où aucun texte ne prévoit que ces stipulations doivent figurer au contrat de travail. Selon l'article L. 3121-45 du code du travail dans sa version applicable, elles doivent figurer dans l'accord collectif, ce qui est bien le cas en l'espèce puisque l'article 14 de l'accord du 28 juillet 1998 prévoit que l'employeur doit établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail auxquels le salarié n'a pas renoncé, en précisant que ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur. Et l'accord d'établissement prévoit que le suivi du nombre de jours travaillés sera fait au moyen d'un relevé effectué à la fin de chaque mois par le salarié concerné.
La société Faure Herman justifie de ce qu'elle a bien procédé à ce contrôle des jours ou demi-journées travaillées ainsi qu'au positionnement et à la qualification des différents jours de repos en versant aux débats la note de service du 4 avril 2003 (pièce no 16) rappelant l'obligation pour chaque cadre en forfait jours de badger au moins une fois par jour pour " attester de sa présence " ainsi que les relevés de " badgeage " de M.

Daniel X... (pièces no 17 à 20) aux termes desquels ont été enregistrés les jours travaillés, les jours de formation, les jours non travaillés en distinguant les jours de congés payés, les jours de récupération, les jours de RTT, les jours d'arrêt de maladie.
Le grief tiré de la seule fixation d'une rémunération forfaitaire sans détermination du nombre d'heures supplémentaires inclus dans le forfait n'est pas non plus fondé. En effet, une telle mention concerne les conventions de " forfait salaire ", par lesquelles les parties conviennent d'une rémunération forfaitaire incluant dans la rémunération mensuelle un nombre déterminé d'heures supplémentaires régulièrement accomplies (seules les heures supplémentaires effectuées au-delà de ce nombre étant rémunérées en plus du forfait) et qui constituent un outil de calcul de la rémunération. Elle ne s'applique pas aux conventions de forfait en heures, au mois ou à l'année qui constituent un mode de décompte du temps de travail par fixation d'un cadre d'appréciation de la durée du travail (semaine, mois, année) et de l'unité de mesure utilisable (heure ou jour). En application de l'accord collectif du 28 juillet 1998, la société Faure Herman se devait, d'une part, de faire assurer par le supérieur hiérarchique de M. Daniel X... le suivi régulier de l'organisation de son travail et de sa charge de travail, d'autre part, de lui assurer chaque année un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel devaient être évoquées son organisation et sa charge de travail ainsi que l'amplitude de ses journées d'activité, cette amplitude et cette charge de travail devant rester raisonnables et assurer une bonne répartition de son travail dans le temps. Or, l'employeur ne justifie pas avoir mis en oeuvre un suivi régulier de l'organisation du travail et de la charge de travail du salarié et il n'explique même pas en quoi il aurait consisté. Il ne verse aux débats aucun compte rendu d'entretien individuel annuel et ne justifie pas que M. Daniel X... en ait bénéficier. Ce dernier verse aux débats une fiche intitulée " Support d'entretien-procédure d'organisation entretien individuel annuel " (pièce no 36) qui récapitule tous les points à aborder au cours de cet entretien. Il n'y est nullement prévu d'aborder les questions relatives à l'organisation et à la charge de travail du salarié ainsi qu'à l'amplitude de ses journées d'activité.
Il suit de là que la société Faure Herman n'a pas observé les stipulations de l'accord collectif du 28 juillet 1998 dont le respect est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours. En conséquence, la convention de forfait en jours doit être déclarée privée d'effet à l'égard de M. Daniel X... qui peut prétendre à l'application des règles du droit commun en matière de décompte du temps de travail et au paiement d'heures supplémentaires dont la cour doit vérifier l'existence et le nombre à compter de la 36ème heure.

2o) Sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires :
S'il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail accomplies il appartient toutefois au salarié d'étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.
M. Daniel X... verse aux débats pour la période du 1er janvier 2007 au 22 décembre 2011, des plannings (sa pièce no 32) mentionnant semaine par semaine et, à l'intérieur de chaque semaine, jour par jour, ses horaires de travail du matin et de l'après-midi (l'heure de début et l'heure de fin de travail le matin, l'heure de début et l'heure de fin de travail l'après-midi) avec l'indication littérale des principales activités et tâches accomplies au cours de chacune des journées travaillées. Selon ces plannings, hormis les périodes de congés, M. Daniel X... travaillait le samedi matin de 8 h à 12h30.
Il verse aux débats des courriels professionnels adressés le samedi 18 novembre 2006 à 11h55, le samedi 12 mai 2007 à 11h26, le samedi 6 janvier 2008 à 9h13 et à 11h53, le samedi 14 février 2009 à 15h31, le dimanche 22 février 2009 à 20h18, le samedi 23 novembre 2010 à 11h55, le samedi 17 octobre 2010 à 16h57, le samedi 12 mars 2011 à 18h26. Il justifie également de courriels professionnels adressés entre le 5 et le 10 mars 2009, période au cours de laquelle il était en arrêt de travail pour maladie suite à un accident.
Ses plannings mentionnent également les jours de congés et les jours d'arrêt de maladie pour accident. A partir de ces plannings, il a établi, pour la période du 25 juin 2007 au 22 décembre 2011, des relevés mentionnant semaine par semaine, le nombre total d'heures de travail accomplies par semaine, le nombre total d'heures supplémentaires accomplies par semaine en détaillant celles devant être majorées à 25 % et celles devant l'être à 50 % et en indiquant les rappel de salaire correspondant.
La circonstance que l'appelant ait pu, au fil de la procédure et des productions de pièces faites par la société Faure Herman, adapter ses plannings en reprenant notamment des heures précises de badgeage enregistrées grâce au système de contrôle des jours travaillés mis en place par l'employeur est sans incidence sur la solution du présent litige et n'est pas de nature à justifier un rejet de ces relevés plannings dont il appartient à la cour d'apprécier la valeur probante.
L'appelant produit également le témoignage de M. Stéphane A..., étalonneur travaillant en 2 x 8 au sein de la société dans un bâtiment situé à hauteur du parking où les cadres, dont M. Daniel X..., stationnaient leurs véhicules et qui était parfois chargé de fermer le site. Il atteste de ce que le directeur qualité stationnait son véhicule sur le parking inférieur, arrivait tous les jours au travail au plus tard à 8 h et en repartait tous les jours tardivement lors de la fermeture du site vers 22 heures, heure à laquelle il saluait le personnel encore en poste lors de son départ, et qu'il prenait moins d'une heure pour sa pause déjeuner.
Par ces éléments suffisamment précis auxquels l'employeur peut répondre, M. Daniel X... étaye sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires.
La société Faure Herman verse quant à elle aux débats les relevés de " badgeage " de M. Daniel X... du 1er janvier 2008 au 30 novembre 2011 qui ne comportent qu'un enregistrement par jour effectué le plus souvent le matin entre 8 h et 9 h (parfois avant 8h- exemples : à 7h09 le 18/ 06/ 2008, à 7h 45 le 24/ 03/ 2010, à 7h57 le 01/ 07/ 2010, 7h51 le 28/ 03/ 2011), parfois en cours d'après-midi voire le soir (entre 21h et 21h45 exemples : les 25 et 27 mai 2010, les 6 et 7 juillet 2010).
L'appelant indique sans être utilement contredit qu'il badgeait le plus souvent après être passé au banc d'étalonnage et avoir effectué le point qualité du matin en ateliers avec les membres du service contrôle et après les éventuels autres urgences, rendez-vous et priorités matinales et lors du premier passage effectué devant la badgeuse située dans le bâtiment administratif qui était géographiquement située à l'opposé de son bureau. Il ajoute qu'il ne badgeait pas lorsqu'il était en déplacement à l'extérieur et qu'il omettait souvent de badger lorsqu'il avait des visites de clients, d'autorités et d'organismes de tous ordres. L'analyse de ses bulletins de salaire fait ressortir que, pour autant, il s'agissait bien de jours travaillés.
Compte tenu de ces éléments, mais aussi des jours de RTT accordés chaque année au salarié, la société Faure Herman ne peut pas utilement soutenir qu'elle ne lui aurait pas demandé d'accomplir des heures supplémentaires, en tout cas qu'elles n'auraient pas été accomplies avec son accord implicite. Ces éléments laissent apparaître qu'elle ne pouvait pas ignorer que, pour accomplir la charge de travail qui lui était dévolue, le salarié était nécessairement amené à accomplir des heures supplémentaires de façon régulière. Ces heures supplémentaires ont donc, à tout le moins, été effectuées avec l'accord implicite de l'employeur.
M. Daniel X... a tenu compte des jours d'absence pour congés payés et pour congés de maladie mais c'est à juste titre que l'employeur oppose qu'il aurait dû déduire de sa réclamation formée au titre des heures supplémentaires les heures récupérées sous forme de jours de RTT. D'autre part, s'il établi qu'il pouvait être amené à travailler durant les fins de semaine, les éléments produits ne permettent pas de considérer que c'était systématique à raison de 4, 5 heures par fin de semaine comme il l'avance.
En l'état des éléments soumis à l'appréciation de la cour quant aux horaires accomplis, aux taux horaires successivement applicables, en considération de ces retranchements à opérer, et au vu des tableaux de calcul de sa créance inclus aux conclusions de l'appelant, la créance de rappel de salaire pour heures supplémentaires s'établit comme suit étant précisé que l'examen des bulletins de salaire fait apparaître l'absence de paiement d'une quelconque somme pour heures supplémentaires :
- du 25/ 06 au 31/ 12/ 2007 : 7 864, 17 ¿ outre 786, 42 ¿ de congés payés afférents pour 272, 50 heures supplémentaires dont 76, 50 heures supplémentaires majorées à 25 % et 196 heures supplémentaires majorées à 50 % ;
- année 2008 : 15 016, 85 ¿ outre 1 501, 68 ¿ de congés payés afférents pour 636 heures supplémentaires dont 141 majorées à 25 % et 495 heures supplémentaires majorées à 50 % ;

- année 2009 : 12 794, 58 ¿ outre 1 279, 46 ¿ de congés payés afférents pour 475, 75 heures supplémentaires dont 128 heures supplémentaires majorées à 25 % et 347, 75 heures supplémentaires majorées à 50 % ;
- année 2010 : 16 496, 59 ¿ outre 1 649, 66 ¿ de congés payés afférents pour 582, 25 heures supplémentaires dont 168 heures supplémentaires majorées à 25 % et 414, 25 heures supplémentaires majorées à 50 % ;
- année 2011 : 16 340, 15 ¿ outre 1634, 01 ¿ de congés payés afférents pour 565, 75 heures supplémentaires dont 156, 25 heures supplémentaires majorées à 25 % et 409, 50 heures supplémentaires majorées à 50 % ;
- du 2/ 01 au 3/ 02/ 2012 : 2 384, 23 ¿ outre 238, 42 ¿ de congés payés afférents pour 82, 75 heures supplémentaires dont 24 heures supplémentaires majorées à 25 % et 58, 75 heures supplémentaires majorées à 50 %.
Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires a été formée pour la première fois, soit à compter du 8 décembre 2015, date de l'audience devant la cour.

3o) Sur les repos compensateurs :
Pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel de 220 heures, le salarié a droit à une contrepartie en repos obligatoire fixée à 100 % pour les entreprises de plus de vingt salariés comme tel est le cas en l'espèce.
Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l'indemnisation du préjudice subi. Celle-ci comporte le montant d'une indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos, auquel s'ajoute le montant de l'indemnité de congés payés afférente.

La société Faure Herman ne conteste pas que M. Daniel X... a droit à un repos compensateur au titre des heures supplémentaires effectuées au-delà de la 41ème heure et en-deçà du contingent.
En considération des heures supplémentaires accomplies, la créance indemnitaire pour repos compensateurs non pris s'établit comme suit :
- année 2007 : 2 664, 28 ¿ outre 266, 42 ¿ de congés payés afférents,- année 2008 : 6 100, 63 ¿ outre 610, 06 ¿ de congés payés afférents,- année 2009 : 5 641, 44 ¿ outre 564, 14 ¿ de congés payés afférents,- année 2010 : 7 604, 35 ¿ outre 760, 43 ¿ de congés payés afférents,- année 2011 : 7 745, 62 ¿ outre 774, 56 ¿ de congés payés afférents,- année 2012 : 653, 45 ¿ outre 65, 34 ¿ de congés payés afférents, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2015.
La demande principale liée à l'inopposabilité du forfait en jours étant accueillie, il n'y a pas lieu à examen de la demande subsidiaire.

II) Sur les bonus 2011 et 2012 :
Le mode de détermination du bonus ou part variable de la rémunération ayant donné lieu à la signature d'un avenant le 26 juillet 2011, s'agissant de son bonus 2011, M. Daniel X... ne peut pas se prévaloir des dispositions de son contrat de travail.
La formule applicable est la suivante : bonus = bonus cible x facteur financier de la société Faure Herman x % d'atteinte d'objectifs personnels x facteur personnel.
Il résulte des pièces versées aux débats que, pour l'année 2011, le bonus cible de M. Daniel X... était fixé à 15 300 ¿, que le facteur financier était de 0, 69 et le facteur personnel du salarié de 0, 70. Le 7 mars 2012, il a signé le document fixant son taux d'atteinte d'objectifs personnels à 30 %.
Le montant du bonus 2011 s'établit donc à la somme de : 15 300 ¿ x 0, 69 x 0, 30x 0, 70 = 2 216, 97 ¿. M. Daniel X... a bien été rempli de ses droits puisqu'il a perçu la somme de 2 217 ¿.
Aux termes de l'avenant signé le 26 juillet 2011, le droit au bonus au titre d'une année N est soumis à ce que le salarié soit toujours salarié de l'entreprise au 31 décembre de ladite année et qu'il n'aie pas démissionné à cette date. Dans la mesure où M. Daniel X... n'était plus présent au sein de l'entreprise au 31 décembre 2012, il ne peut pas prétendre au versement d'un bonus au titre de cette année là.
Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté M. Daniel X... de ses demandes au titre des bonus 2011 et 2012.

III) Sur le licenciement :
1o) Sur la demande de l'employeur tendant à voir écarter certaines pièces des débats :
En cause d'appel, M. Daniel X... verse aux débats un courrier (sa pièce no 35) que lui a adressé M. Yannick E..., " qualiticien expert ", le 20 mai 2015, qui a pour objet de donner un avis sur les reproches qui lui sont faits à l'appui du licenciement et ce, en considération du rôle et des responsabilités qui incombent usuellement à un directeur qualité. La société Faure Herman demande à la cour d'écarter cette pièce des débats au motif qu'elle ne répond pas aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile.

Toutefois, il ne s'agit pas d'un témoignage mais d'un avis technique qui n'a donc pas à satisfaire aux exigences du texte susvisé, lesquelles ne sont d'ailleurs pas prescrites à peine de nullité. La cour appréciera l'intérêt de cette pièce pour la solution du litige et il n'y a pas lieu de l'écarter des débats.
L'appelant produit également, d'une part, un " courrier " (sa pièce no 40) que lui a adressé M. Alexandre F..., ancien technico-commercial export de la société Faure Herman, le 14 septembre 2015, pièce qui constitue en réalité un témoignage, d'autre part, une attestation établie le 3 septembre 2015 par M. Jean-Christophe L..., ancien chargé d'affaires et acheteur au sein de la société Faure Herman d'octobre 2005 à mars 2011. L'employeur demande que ces pièces soient écartées des débats au motif qu'elles ne remplissent pas les conditions exigées par l'article 202 du code de procédure civile. Ces dispositions ne sont pas prescrites à peine de nullité. Chacune de ces deux attestations est bien assortie de la pièce d'identité de son auteur et signée de sa main. Nonobstant l'absence de formuIe sacramentelle à cet égard, il en ressort suffisamment que les deux auteurs savaient que ces attestations étaient destinées à être produites dans le cadre de la présente instance. Le fait qu'elles soient dactylographiées et non manuscrites ne constitue pas l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à l'employeur. Il n'y a donc pas lieu d'écarter ces pièces des débats. La cour en appréciera le caractère probant.
2o) Au fond :
M. Daniel X... a été licencié pour insuffisance professionnelle, laquelle, sans présenter un caractère fautif, traduit l'inaptitude du salarié à exercer de façon satisfaisante, conformément aux prévisions contractuelles, les fonctions qui lui ont été confiées. Si l'employeur est juge des aptitudes professionnelles de son salarié et de son adaptation à l'emploi, et si l'insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables.
La société Faure Herman lui reproche tout d'abord d'avoir, lors de la réunion dite " MBR " du 16 novembre 2011, fait état d'un indicateur " réclamations clients " extrêmement faible " puisqu'au lieu de 1 réclamation client en octobre 2011, il y en avait au moins 7 qui n'étaient pas répertoriées et déjà identifiées au soir du 16 novembre. " et que 21 réclamations clients ont été identifiées en novembre 2011 pour un objectif de 6 réclamations clients par mois. L'employeur fait grief au salarié de ne pas s'être enquis de ces informations auprès des " différents responsables de la société ". Selon l'appelant, il ne lui incombait pas d'aller quérir ces informations mais il appartenait aux différents chefs des services destinataires de réclamations de les communiquer au service " qualité " en temps réel. Il précise que ce sont en l'occurrence MM. G... et H..., chefs de services directement rattachés au directeur général, qui ont omis de lui transmettre les réclamations litigieuses. L'employeur ne produit aucun élément à l'appui de sa position selon laquelle il incombait au directeur qualité d'interroger les chefs de services pour collecter auprès d'eux les réclamations dont ils avaient pu être destinataires. Au contraire, M. Yannick E... indique que tel n'est pas le rôle d'un responsable qualité lequel se contente d'enregistrer les réclamations que lui font remonter les chefs de service. M. Alexandre F..., qui indique avoir transmis à M. Daniel X... diverses réclamations clients, confirme qu'il lui incombait d'enregistrer les réclamations que les services lui faisaient remonter. Il n'est donc pas établi que l'erreur relative au nombre de réclamations clients enregistrées en octobre et novembre 2011 soit imputable au salarié.

En deuxième lieu, il est reproché à M. Daniel X... de ne pas avoir assuré le traitement des réclamations clients " dans des délais acceptables pour les clients et l'entreprise ".

L'employeur argue de ce que le compte rendu de réunion mensuelle de la commission " réclamations clients " du 15 décembre 2011 fait état de ce que des réclamations clients des 19 mars et 11 décembre 2008 n'étaient toujours pas résolues en décembre 2011 mais étaient toujours en cours de traitement. Il ajoute que ce défaut de résolution des problèmes entraînait la répétition des mêmes difficultés chez d'autres clients.
Ce compte rendu est établi sous la forme d'un tableau qui, pour chaque réclamation, mentionne le numéro d'enregistrement de la réclamation, le nom du client et le matériel concerné, le numéro de la commande chez Faure Herman, la date de la réclamation, sa nature, la cause, les " actions de correction et actions correctives ", le suivi des actions et la situation du dossier : " en cours " ou " soldé ". La colonne " suivi des actions " mentionne de façon détaillée les actions réalisées et leurs dates ainsi que divers commentaires. Au sein de cette commission siégeaient notamment des responsables de production et de l'amélioration continue. L'employeur indique lui-même qu'il incombait à M. Daniel X... " d'animer les résolutions des réclamations clients " mais il ne lui incombait pas de les résoudre sur le plan technique. Il n'est pas établi qu'il ait disposé d'un quelconque pouvoir de coercition ou hiérarchique envers les responsables des services techniques. S'agissant des deux dossiers visés dans la lettre de licenciement parmi les 40 réclamations examinées au cours de la réunion du 15 décembre 2011, il apparaît que des " causes racines " de deux ordres avaient été identifiées, que de longues investigations avaient été nécessaires depuis 2008, que des actions correctives et préventives avaient été décidées qui impliquaient une dizaine de personnes, que des actions avaient été menées en mai et juin 2011, qu'une procédure de test de bon fonctionnement final des compteurs turbines était en cours dont les pilotes étaient MM. I... et M.... A supposer établi que la durée de traitement de ces deux réclamations n'ait pas été " acceptable ", étant observé qu'il n'est justifié ni même allégué d'aucune réclamation des clients concernés, aucun élément objectif ne permet de l'imputer à M. Daniel X.... Ce reproche n'est donc pas justifié.
En troisième lieu, l'employeur fait grief au salarié d'avoir, " Lors de la revue mensuelle dite " MBR " du 21 décembre 2011, ostensiblement refusé la demande de la Direction Générale de suivre mensuellement les actions correctives suite aux réclamations clients avec un indicateur " KPI " et de rendre compte de leur résolution. ". Il ajoute qu'il n'est pas acceptable que M. Daniel X... s'oppose à une directive de sa hiérarchie et que cette position empêche d'avoir une vision précise du niveau de qualités des produits et des actions correctives à entreprendre. L'employeur reproche au salarié d'avoir refusé d'ajouter un quatrième indicateur qualité, le " KPI " aux trois qui existaient déjà. M. Daniel X... indique avoir été consulté pour avis au sujet de la mise en oeuvre de ce nouvel indicateur et avoir émis un avis négatif au motif qu'il estimait cet indicateur difficilement interprétable et de faible poids compte tenu des autres facteurs importants influant sur la durée de traitement des réclamations. La société Faure Herman ne produit aucune pièce à l'appui du refus qu'elle invoque. Elle n'e rapporte donc pas la preuve. Ce reproche ne peut dès lors qu'être écarté.
Le quatrième reproche est ainsi libellé : " Nous ne pouvons également que déplorez un manque total de collaboration, voire des attitudes de défiance s'agissant du recrutement d'un nouveau collaborateur. En effet, à la suite de la mutation d'un de vos collaborateurs au mois de juillet 2011, l'entreprise avait immédiatement engagé une démarche de recrutement pour son remplacement. Des curriculums vitae vous ont été présentés, des entretiens avec des candidats ont été menés. Vous avez constamment proposé des candidats sous qualifiés par rapport aux responsabilités du postes alors que d'autres candidats avec un profil plus pertinent vous ont été présentés. Vous vous êtes alors plaint d'une prétendue surcharge de travail, laquelle vous serait en tout état de cause totalement imputable compte tenu des freins que vous n'avez cessé de mettre dans le cadre du processus de recrutement. ".

Il s'agissait de recruter un ingénieur qualité. Par les échanges de courriels qu'il verse aux débats (sa pièce no 21 : une petite quarantaine de courriels échangés entre le 4 juillet et le 9 novembre 2011) intervenus entre lui, Mme Aude J... " HR manager " et M. Michel B..., directeur général de l'entreprise, au sujet du recrutement d'un ingénieur qualité, l'appelant établit qu'il s'est investi dans ce recrutement dont il a expliqué qu'il était important pour son service compte tenu de la charge de travail à assurer, qu'il a émis des avis très circonstanciés quant au profil (" profil opérationnel "), au niveau de diplôme et aux qualités du collaborateur qu'il estimait adapté aux besoins et il a demandé à être tenu informé des décisions prises. Aucun élément ne permet de caractériser de sa part une défiance, une attitude tendant à proposer des candidats sous qualifiés et inadaptés au poste. Ce reproche n'est pas non plus justifié.
Il est ensuite reproché à M. Daniel X... d'avoir eu " une attitude totalement déplacée et inappropriée " lors de la réunion de l'équipe de management du 18 janvier 2012, plus précisément d'avoir dit devant tous les cadres de direction " c'est n'importe quoi " lorsque le directeur financier a annoncé les chiffres de quantités de matières mise au rebut pendant l'année 2011. Seul M. Olivier K..., le directeur financier concerné, atteste de ces propos en indiquant que lors de la réunion de direction du 18 janvier 2012, un " vif désaccord " est apparu au sujet du niveau des mises au rebut de l'exercice 2011. Si M. Daniel X... reconnaît ce désaccord en expliquant que le montant annoncé était le fruit d'une affectation comptable, décidée par le comité de direction en janvier 2012, consistant en une dévalorisation des stocks anciens dans le compte des " rebuts des non qualités " placés sous sa responsabilité, sans qu'il ait été informé ni consulté, il conteste tout propos déplacé et s'être manifesté dans les termes qui lui sont imputés. Le témoignage du directeur financier ne permet pas, à lui seul, de faire la preuve de ce qui serait un fait fautif et non une simple insuffisance professionnelle.
En dernier lieu, il est reproché à M. Daniel X... d'avoir omis de faire connaître à la direction qu'un opérateur qui effectuait seul des étalonnages de compteurs n'avait en fait pas, au bout de 21 mois, acquis le niveau 2, dit " autonome ", requis pour réaliser de telles opérations et de n'avoir pas soumis ce collaborateur à un plan de formation ou d'actualisation de ses connaissances. Ce défaut d'acquisition du niveau requis avait été révélé à la faveur d'un audit réalisé les 12 et 13 janvier 2012. La société Faure Herman n'établit pas qu'il entrait dans les missions de M. Daniel X... de s'assurer de la compétence du salarié concerné pour réaliser seul des étalonnages de compteurs et d'assurer la mise en oeuvre de sa formation. Lors de l'entretien préalable, le directeur qualité a contesté que ces responsabilités et tâches aient pu lui incomber, expliquant que le salarié concerné était placé sous l'autorité du responsable des bancs d'étalonnage auquel il incombait de s'assurer de la qualification et des compétences acquises par ses collaborateurs pour accomplir seuls certaines tâches et de les faire bénéficier d'actions de formation et de qualification. Il a précisé que le responsable des bancs d'étalonnage était lui-même placé sous l'autorité du responsable production et non sous son autorité. Ces indications ont été confirmées par M. Stéphane A..., opérateur d'étalonnage, qui assistait M. Daniel X... lors de l'entretien préalable. Le grief allégué n'est donc pas établi.
Il ressort de ces développements que la société Faure Herman ne produit pas d'éléments objectifs et matériellement vérifiables propres à caractériser l'insuffisance professionnelle invoquée à l'appui du licenciement de M. Daniel X....
Par voie d'infirmation du jugement déféré, le licenciement de M. Daniel X... sera en conséquence déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse.
M. Daniel X... justifiant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, il peut prétendre à l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, selon lequel l'indemnité à la charge de l'employeur ne peut pas être inférieure aux salaires des six derniers mois, lesquels se sont élevés en l'espèce à la somme de 33 788, 77 ¿.
En considération de la situation particulière de M. Daniel X..., notamment de son âge (55 ans) et de son ancienneté (10 ans et 2, 5 mois) au moment de la rupture, du fait qu'il n'a pas retrouvé d'emploi stable (il perçoit une allocation de chômage d'un montant mensuel de 3 259 ¿ et n'a bénéficié que de quelques postes en CDD) en dépit de recherches importantes (il a notamment postulé à 214 offres d'emploi) de sorte qu'il justifie d'une perte de revenu mensuel de l'ordre de 3 000 ¿ par rapport aux salaires perçus au cours des douze derniers mois de la relation de travail avec la société Faure Herman, des circonstances de la rupture, la cour dispose des éléments nécessaires pour lui allouer la somme de 100 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cette créance de nature indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par la société Faure Herman au Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. Daniel X... du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, en matière sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Rejette la demande de la société Faure Herman tendant à voir écarter des débats les pièces no 35, 40 et 41 de M. Daniel X... ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Daniel X... de ses demandes formées au titre du bonus pour les années 2011 et 2012 ;
L'infirme en ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Rejette les fins de non-recevoir tirées de la prescription s'agissant de la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et de l'estoppel ;
Déclare le licenciement de M. Daniel X... dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne la société Faure Herman à lui payer de ce chef la somme de 100000 ¿ à titre de dommages et intérêts outre les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Ordonne le remboursement par la société Faure Herman au Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. Daniel X... du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
Condamne la société Faure Herman à payer les sommes suivantes à M. Daniel X... :
à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires :
- du 25/ 06 au 31/ 12/ 2007 : 7 864, 17 ¿ outre 786, 42 ¿ de congés payés afférents ;- année 2008 : 15 016, 85 ¿ outre 1 501, 68 ¿ de congés payés afférents,- année 2009 : 12 794, 58 ¿ outre 1 279, 46 ¿ de congés payés afférents,- année 2010 : 16 496, 59 ¿ outre 1 649, 66 ¿ de congés payés afférents,- année 2011 : 16 340, 15 ¿ outre 1634, 01 ¿ de congés payés afférents,- du 2/ 01 au 3/ 02/ 2012 : 2 384, 23 ¿ outre 238, 42 ¿ de congés payés afférents, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2015 ;

à titre d'indemnités pour repos compensateurs non pris :
- année 2007 : 2 664, 28 ¿ outre 266, 42 ¿ de congés payés afférents,- année 2008 : 6 100, 63 ¿ outre 610, 06 ¿ de congés payés afférents,- année 2009 : 5 641, 44 ¿ outre 564, 14 ¿ de congés payés afférents,- année 2010 : 7 604, 35 ¿ outre 760, 43 ¿ de congés payés afférents,- année 2011 : 7 745, 62 ¿ outre 774, 56 ¿ de congés payés afférents,- année 2012 : 653, 45 ¿ outre 65, 34 ¿ de congés payés afférents, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2015 ;
Condamne la société Faure Herman à payer à M. Daniel X... la somme de 3 500 ¿ au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel et la déboute elle-même de ce chef de prétention tant en première instance qu'en cause d'appel ;
Condamne la société Faure Herman aux dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/01506
Date de la décision : 16/02/2016
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2016-02-16;13.01506 ?
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