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19/01/2016 | FRANCE | N°13/02794

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 19 janvier 2016, 13/02794


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N al/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 02794.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 19 Septembre 2013, enregistrée sous le no F12/ 00608

ARRÊT DU 19 Janvier 2016

APPELANTE :
LA SAS MT2A Route de Touraine 72190 SAINT PAVACE
représentée par Maître Valérie MOINE, avocat au barreau du MANS

INTIMEE :
Madame Nathalie X... épouse Y... ... 72530 YVRE L EVEQUE
comparante-assistée de Maître Yves PETIT,

avocat au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 ...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N al/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 02794.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 19 Septembre 2013, enregistrée sous le no F12/ 00608

ARRÊT DU 19 Janvier 2016

APPELANTE :
LA SAS MT2A Route de Touraine 72190 SAINT PAVACE
représentée par Maître Valérie MOINE, avocat au barreau du MANS

INTIMEE :
Madame Nathalie X... épouse Y... ... 72530 YVRE L EVEQUE
comparante-assistée de Maître Yves PETIT, avocat au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Novembre 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne LEPRIEUR, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 19 Janvier 2016, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE
Madame Nathalie X... épouse Y... a été engagée par la société MT2A, laquelle a pour activité " l'agencement et l'aménagement tous corps d'états ", en qualité d'assistante administrative selon contrat à durée indéterminée du 21 février 2008. La convention collective applicable aux relations entre les parties était la convention des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment.
Mme Y... s'est trouvée en arrêt de travail sans discontinuer pour cause de maladie à compter du 6 avril 2012 (le dernier arrêt de travail produit, délivré le 8 octobre 2012, fait état d'une " mauvaise vision dans les suites d'une chirurgie oculaire de greffe de cornée " et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 9 novembre 2012).
Par lettre du 21 août 2012, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique fixé au 3 septembre 2012. Elle a été licenciée par lettre du 11 septembre 2012 ainsi libellée : " (...) La situation économique générale a des conséquences sur la situation économique particulière de la société MT2A. Outre le fait que le chiffre d'affaires de la société M2TA et ses résultats sont en baisse, nos résultats annuels d'exploitation ne permettent pas de financer nos charges brutes d'exploitation. La situation devient donc plus que délicate alors que dans le même temps, la visibilité se restreint. En effet, les marchés sont de plus en plus difficiles à obtenir dans un marché de plus en plus concurrentiel et le sont avec de moins en moins de marge. Il n'est pas possible de continuer ainsi. Une réorganisation de l'entreprise est devenue nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité mais aussi plus largement à sa sauvegarde. Pour assurer la pérennité de la société M2TA et des emplois qu'elle offre aujourd'hui, il devient inévitable de prendre des décisions difficiles et en particulier d'envisager la suppression de certains postes. Tel est le cas de votre poste de travail, chacune des tâches que vous effectuez pouvant et devant dorénavant être prises en charge par les autres salariés de votre service. Bien entendu, avant de ce faire, nous avons recherché à vous reclasser sur un emploi relevant de la catégorie auquel appartient celui que vous occupez aujourd'hui ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. Nous avons même essayé de voir s'il n'était pas possible de vous reclasser, sous réserve de votre accord exprès, sur un emploi d'une catégorie inférieure. Malheureusement, aucune solution de reclassement n'a pu être trouvée que ce soit au sein de la société MT2A ou bien au sein du Groupe dont elle fait partie. Je n'ai donc pas d'autre solution que de prononcer votre licenciement du fait de la suppression de votre poste pour des raisons économiques. (...) "
La salariée ayant souscrit un contrat de sécurisation professionnelle, son contrat a été rompu le 25 septembre 2012.
La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 17 octobre 2012 de demandes en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Par jugement du 19 septembre 2013, le conseil de prud'hommes du Mans a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, faute pour l'employeur de justifier qu'il avait satisfait à son obligation de reclassement, condamné celui-ci au paiement d'une indemnité de 15 000 ¿ à ce titre, outre la somme de 450 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Les premiers juges ont en outre débouté la société de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, ordonné l'exécution provisoire par application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile et condamné l'employeur aux entiers dépens, incluant la contribution à l'aide juridique.
La société a régulièrement interjeté un appel général.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société, par conclusions régulièrement communiquées et parvenues au greffe le 17 juillet 2015, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, conclut à l'infirmation du jugement, au débouté de la salariée de toutes ses demandes et à sa condamnation à lui verser une indemnité de procédure de 2 000 ¿ outre au paiement des dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir qu'eu égard à un ralentissement important d'activité, il n'a pas été nécessaire de remplacer la salariée pendant ses absences, les deux autres salariés du service prenant en charge les tâches anciennement assumées par Mme Y.... C'est ainsi que, confrontée aux conséquences de la crise économique, la société s'est aperçue de ce que le service sous-traitance et achats auquel appartenait l'intéressée était en sureffectif. Le licenciement de celle-ci n'a donc rien d'inhérent à sa personne. Les états comptables arrêtés à mi-exercice révèlent que les raisons économiques invoquées étaient réelles et sérieuses et appelaient une réponse pour sauvegarder l'entreprise. Depuis lors, la société a été contrainte de supprimer d'autres postes, ce dont il résulte que les difficultés économiques ont perduré. Les mesures de réorganisation de l'entreprise étaient nécessaires pour sauvegarder sa compétitivité. Enfin, la suppression d'emploi peut être réalisée sans suppression des tâches. En conséquence, le motif économique du licenciement est réel et sérieux.
Par ailleurs, la société affirme avoir satisfait à son obligation de reclassement, n'ayant pu reclasser la salariée en interne et ayant sollicité, mais en vain, toutes les sociétés du groupe auquel elle appartient.
La salariée, par conclusions régulièrement communiquées et parvenues au greffe le 2 novembre 2015, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, conclut à :- la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du non respect par la société de son obligation de reclassement ;- ce qu'il soit jugé en outre que le licenciement était inhérent à sa personne et dépourvu de toute réalité économique, ce qui le rend également sans cause réelle et sérieuse ;- ce que la société soit condamnée à lui payer à ce titre une somme de 25 000 ¿ de dommages-intérêts outre celle de 2 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle prétend que son licenciement était inhérent à sa personne, c'est à dire lié à son état de santé dès lors qu'un emploi administratif de même nature avait été pourvu dans la même période, d'autant que la société a continué, malgré ses soi-disant difficultés économiques, à embaucher des salariés dans d'autres postes.
La société doit justifier que la réorganisation de l'entreprise nécessitait, pour la sauvegarde de sa compétitivité, la suppression du poste dont il s'agit, ce qui est impossible puisqu'il s'agissait d'un seul et unique poste supprimé sur 49 et que des embauches ont été faites concomitamment. En outre, les bilans comptables permettent de constater que le chiffre d'affaires de 2012 est quasiment équivalent à celui de 2011 tandis que le bénéfice est sensiblement plus important.
La salariée, lorsqu'elle a été convoquée à l'entretien préalable, n'a pas eu connaissance des réponses de certaines sociétés du groupe concernant son éventuel reclassement. Du fait de ce non respect flagrant par la société de son obligation de reclassement, le licenciement est également pour cette raison dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La salariée forme appel incident en ce qui concerne son indemnisation car elle n'a pas depuis son licenciement et compte tenu de son âge, retrouvé un emploi.

MOTIFS DE LA DECISION
-Sur le motif économique de licenciement :
Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, une réorganisation ne peut constituer un motif économique que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.
En l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, invoque la suppression de l'emploi de la salariée ainsi qu'une réorganisation de l'entreprise rendue nécessaire d'une part, par des difficultés économiques et, d'autre part, par la sauvegarde de sa compétitivité.
L'effectivité de la suppression du poste de la salariée, qui ne fait pas débat, est établie notamment par les attestations des deux autres salariés du service auquel appartenait Mme Y....
La société n'explicite aucunement son organisation ni en quoi a consisté la réorganisation opérée.
S'agissant des difficultés économiques invoquées, les états comptables et fiscaux arrêtés au 31 mai 2012 mentionnent un résultat d'exploitation de-484 350 ¿ et une perte de-485 708 ¿. Il n'est pas fourni d'éléments sur la situation comptable arrêtée au 31 mai de l'année précédente et donc d'éléments de comparaison permettant notamment d'apprécier le niveau d'activité antérieur de la société durant les 5 premiers mois de l'année. Les comptes arrêtés au 31 décembre 2012 révèlent un résultat d'exploitation de 642161 ¿ (contre 827 219 ¿ au 31 décembre 2011), un chiffre d'affaires de 9 422 512 ¿ (contre 9097 595 ¿ au 31 décembre 2011) et un bénéfice de 348 196 ¿ (contre 268 713 ¿ au 31 décembre 2011). Ainsi, le chiffre d'affaires et le bénéfice ont augmenté en 2012 par rapport à 2011. Le fait que deux autres licenciements aient été effectués pour des motifs présentés comme économiques en mars 2013 n'est pas de nature à établir la réalité des difficultés économiques alléguées au soutien du licenciement de Mme Y.... Et ce d'autant que la société a procédé à des embauches pendant une période proche du licenciement (soit deux postes de chargé d'affaires en septembre 2012 et janvier 2013 ainsi qu'un poste de menuisier agenceur en octobre 2012). Dans ces conditions, il ne ressort pas des éléments soumis à l'appréciation de la cour l'existence, au moment du licenciement, de difficultés économiques persistantes.
Par ailleurs, il n'est justifié par aucun document l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise, celle-ci se bornant dans la lettre de licenciement et dans ses conclusions à invoquer des considérations générales sur la crise économique.
De même, et surabondamment, on peut observer qu'il n'est fourni aucune indication étayée sur l'état du secteur d'activité, sachant que l'entreprise indique appartenir au groupe Solution (cf. la lettre de licenciement, les lettres de recherche de reclassement auprès de diverses sociétés du groupe ainsi que l'organigramme de celui-ci).
En cet état, le motif économique du licenciement étant insuffisamment justifié, la rupture du contrat de travail sera jugée sans cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens tendant à la même fin. Le jugement sera donc confirmé à cet égard..
- Sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme Y... (1 670 ¿), de son âge (47 ans), de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de confirmer la somme allouée par les premiers juges par application de l'article L. 1235-3 du code du travail.
- Sur le remboursement des indemnités de chômage :
Selon l'article L. 1235-4 du code du travail, " dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé ". Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
En l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à la salariée, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69- 1o du code du travail dans sa version en vigueur au moment de la rupture du contrat de travail et dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant en matière sociale, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Ordonne le remboursement par la société MT2A à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme Nathalie X... épouse Y... à compter du jour de son licenciement, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69- 1o du code du travail dans sa version en vigueur au moment de la rupture du contrat de travail et dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
Condamne la société MT2A à payer à Mme Nathalie X... épouse Y... la somme de 2 000 ¿ au titre de ses frais irrépétibles d'appel et déboute la société MT2A de sa demande formée sur le même fondement ;
Condamne la société MT2A au paiement des dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/02794
Date de la décision : 19/01/2016
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2016-01-19;13.02794 ?
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