La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/01/2016 | FRANCE | N°13/02722

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 19 janvier 2016, 13/02722


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N
aj/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 02722
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 03 Septembre 2013, enregistrée sous le no 12/ 1042

ARRÊT DU 19 Janvier 2016

APPELANTE :
LA SAS TOPY 39 avenue du Général Leclerc 92100 BOULOGNE BILLANCOURT
représentée par Maître Anne-Cécile FAURE, avocat au barreau de PARIS r>
INTIME :
Monsieur Loïc X... ... 49120 LA CHAPELLE ROUSSELIN
comparant-assisté de Maître CAO, avoca...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N
aj/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 02722
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 03 Septembre 2013, enregistrée sous le no 12/ 1042

ARRÊT DU 19 Janvier 2016

APPELANTE :
LA SAS TOPY 39 avenue du Général Leclerc 92100 BOULOGNE BILLANCOURT
représentée par Maître Anne-Cécile FAURE, avocat au barreau de PARIS

INTIME :
Monsieur Loïc X... ... 49120 LA CHAPELLE ROUSSELIN
comparant-assisté de Maître CAO, avocat de la SCP IN-LEXIS, avocats au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 24 Novembre 2015 à 14H00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, assesseur Madame Isabelle CHARPENTIER, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier : Madame BODIN, greffier
ARRÊT : du 19 Janvier 2016, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, Président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE,
M. Loïc X... a été embauché en qualité de pressiste en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 septembre 1981 par la société Topy.
La société Topy est spécialisée dans la fabrication de plaques, semelles, talons en caoutchouc spécifiquement dédiés à la cordonnerie et des produits d'orthopédie et elle emploie environ 70 salariés.
La relation de travail entre les parties est soumise à la convention collective du caoutchouc.
M. X... est délégué syndical et élu de la délégation unique du personnel depuis plusieurs années. En cette qualité, dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire prévue par l'article L. 2242-1 du code du travail, le 12 janvier 2012 il a régularisé un procès verbal d'accord de négociation annuelle obligatoire prévoyant :-2, 5 % de hausse générale des salaires du taux horaire et des primes,- revalorisation de 60 euros de la prime mensuelle de production des pressistes équipe (celle ci est nette et s'effectue en dehors de l'augmentation générale de 2, 5 %.)
Ayant constaté que la revalorisation de 60 ¿ était portée en brut sur ses bulletins de salaire, le 27 août 2012 M X... a saisi le conseil de prud'hommes de demandes en paiement de rappels de salaire et de dommages et intérêts au titre du non respect de l'accord signé le 12 janvier 2012.
Dans le dernier état de la procédure il demandait également la condamnation de son employeur à lui verser la somme de 2 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour application illégale du travail en relais.
Par jugement en date du 3 septembre 2013 le conseil de prud'hommes d'Angers :- a condamné la société Topy à verser à M. X... les sommes de 201, 92 ¿ à titre du rappel de l'augmentation prévue par le protocole d'accord pour l'année 2012 outre 20, 29 ¿ au titre des congés payés y afférents, 50 ¿ à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, 500 ¿ à titre de dommages et intérêts pour application illégale du travail en relais, 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- a ordonné la délivrance par la société Topy à M. X... des bulletins de salaire afférents,- a rappelé les conditions de l'exécution provisoire de droit et fixé la moyenne de trois derniers mois de salaire à la somme de 1 553, 64 ¿,- a rappelé que les condamnations de nature salariale portaient intérêts à compter du 27 août 2012 et les condamnations indemnitaires à compter du jugement,- a débouté les parties de leurs autres demandes-a condamné la société Topy aux dépens.
Par lettre recommandée reçue au greffe le 8 octobre 2013 la société Topy a relevé appel de ce jugement qui lui a été notifié le 11 septembre précédent, sauf en ses dispositions la condamnant à verser à M. X... les sommes de 201, 92 ¿ à titre du rappel de l'augmentation prévue par le protocole d'accord pour l'année 2012 outre 20, 29 ¿ au titre des congés payés y afférents.

MOYENS ET PRÉTENTIONS,
Dans ses écritures régulièrement communiquées déposées le 17 juin 2015 reprises oralement à l'audience la société Topy demande à la cour :
- de la dire bien fondée en son appel,- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à verser à M. X... les sommes de 50 ¿ à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, 500 ¿ à titre de dommages et intérêts pour application illégale du travail en relais, 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- statuant à nouveau, de débouter M X... de ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 2 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande d'astreinte.
Elle fait essentiellement valoir :- s'agissant de l'application de l'accord : qu'elle était de bonne foi au regard du texte de l'accord (revalorisation non pas de 60 ¿ net mais nette de l'augmentation générale de 2, 5 %), des témoignages de personnes présentes à la négociation qui attestent que les discussions ont toujours portées sur du brut, et de la pratique au sein de la société dans laquelle les augmentations de salaire sont toujours accordées en brut, de sorte que sa résistance n'a pas été abusive et que M X... ne peut prétendre à des dommages et intérêt ;- que travail en relais relève d'un aménagement du temps de travail et non de sa durée ; que la fixation de l'horaire de travail relève d'une prérogative de l'employeur ; que cette organisation du temps de travail n'est interdite ni par le code du travail ni par les textes successifs sur la durée du travail sauf pour les jeunes travailleurs ;- qu'il n'existe pas dans les textes d'obligation générale de conclusion d'un accord collectif pour la mise en place du travail en relais ; que si une entreprise est concernée par une interdiction applicable à son activité il est possible d'y déroger par accord ou convention collective (cf ordonnance du 16 janvier 1982 sur la semaine de 39 heures) ;- qu'il s'ensuit que l'employeur a la possibilité de prévoir unilatéralement un horaire de travail en relais si aucun décret ou convention collective ne l'interdit et s'il n'induit pas une forme d'organisation du temps de travail nécessitant la conclusion d'un accord conventionnel (calcul de heures supplémentaires sur une période de plus de 4 semaines, dépassement des durées maximales de travail, travail de nuit..)- qu'au cas d'espèce le travail en relais de M X... n'induit pas un aménagement de la durée du travail (il travaille 35 h et pas de nuit et la réglementation sur l'amplitude de travail est respectée) ; aucune disposition d'interdiction du travail en relais n'est applicable à la société, M X... ne rapportant pas la preuve que le décret du 2 mars 1937 dont se prévaut et dont il ne produit pas une version consolidée soit applicable à la société ; la convention collective applicable n'interdit pas le travail en relais et y fait même référence ; que la preuve de son allégation incombe à M X... qui ne la rapporte pas par les documents qu'il produit, l'inspection du travail n'ayant jamais sanctionné l'entreprise à laquelle le doute doit profiter ;- enfin que les salariés qui ont été consultés dans le cadre de négociations ouvertes sur ce sujet se sont majoritairement prononcé par deux fois sur le maintien de l'organisation actuelle de travail ;- qu'en toute hypothèse M. X... ne justifie d'aucune de ses demandes indemnitaire ; qu'aucun texte ne prévoit que l'interdiction d'une telle organisation de travail puisse être prononcée.
Dans ses écritures régulièrement communiquées déposées le 15 octobre 2015 reprises oralement à l'audience, M X... demande à la cour :- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Topy à lui verser les sommes de 201, 92 ¿ à titre du rappel de l'augmentation prévue par le protocole d'accord d'augmentation pour l'année 2012 outre 20, 29 ¿ au titre des congés payés y afférents et de 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- de le réformer partiellement pour le surplus et de condamner la société Topy à lui verser les sommes de 2 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, 2 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour application illégale du travail en relais,- d'ordonner à la société Topy de cesser l'application illégale du travail par relais sous astreinte de 100 ¿ par jour de retard en se réservant la liquidation de l'astreinte,- de condamner la société Topy à lui verser la somme de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Il a précisé à l'audience que sa demande de cessation de travail en relais ne concernait que lui.
Il soutient :- que la société Topy est de mauvaise foi en prétendant que l'accord pouvait prêter à discussion de sorte qu'en refusant de l'exécuter elle a commis une faute justifiant qu'il lui soit allouée la somme demandée ;- que la mise en place d'un travail en relais-plusieurs équipes qui travaillent à des heures différentes dans la journée ; équipes alternantes ou chevauchantes-n'est possible que si elle est prévue par un décret ou un accord de branche ; qu'au cas d'espèce le décret du 2 mars 1937 concernant les industries chimiques prévoit cette condition en son article 2 ; que la société Topy rentre dans le champ d'application de ce décret (sous groupe 4D fabrication de caoutchouc et succédanés) dès lors qu'elle travaille à partir de succédané de caoutchouc qu'elle fabrique ; que ce décret n'a jamais été abrogé ; que la convention collective n'autorise pas le travail en relais mais fait seulement référence au travail en équipe posté alternante ; que dès lors l'employeur agit en totale illégalité.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties il convient de se reporter à leurs écritures ci dessus visées figurant au dossier de la procédure et aux débats à l'audience du 27 octobre 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION,
Il doit être constaté en préalable que le jugement dont appel n'est pas contesté en ce qu'il a condamné la société Topy à verser à M. X... la somme de 201, 92 ¿ à titre du rappel de l'augmentation prévue par le protocole d'accord d'augmentation pour l'année 2012 outre celle de 20, 29 ¿ au titre des congés payés y afférents.
Sur dommages et intérêts pour résistance abusive,
Le protocole d'accord du 12 janvier 2012 prévoit : "-2, 5 % de hausse générale des salaires du taux horaire et des primes,- revalorisation de 60 euros de la prime mensuelle de production des pressistes équipe (celle ci est nette et s'effectue en dehors de l'augmentation générale de 2, 5 %.) " Le libellé même de ce protocole ne permet pas, contrairement à ce que soutient M. X..., de considérer qu'à l'évidence la somme de 60 ¿- qui correspondait au demeurant à la proposition faite par l'employeur-devait être considérée comme nette ; il n'y est pas indiqué " 60 ¿ net " mais seulement entre parenthèses et alors que deux valorisations de salaire étaient accordées aux salariés, une mention qui pouvait signifier que la seconde était nette parce qu'elle s'ajoutait à la première.
Par ailleurs l'employeur justifie par les documents qu'il produit-accords antérieurs et attestations de personnes ayant assisté aux négociations et notamment de l'expert comptable M. A...- qui ne sont pas utilement contredits, que les discussions ont portées sur des sommes brutes. Il justifie par ailleurs par des attestations-notamment de l'expert comptable M. A... qui évoque la pratique des années antérieures-et qui, là encore, ne sont pas utilement contredites, que toutes les revalorisations de salaire ont toujours été exprimées en valeurs brutes.
Il s'en déduit que, s'agissant de la mauvaise foi, celle de la société Topy n'est pas établie et que, par voie d'infirmation du jugement, M. X... doit être débouté de sa demande en dommages et intérêts fondée sur l'article 1382 du code civil.
Sur le travail en équipe,
Le travail en relais est un mode d'organisation de la durée du travail adapté aux organisations ayant une activité discontinue ou connaissant des variations d'activité en cours de journée. Plusieurs équipes travaillent à des heures différentes dans la journée soit en équipes alternantes soit en équipes chevauchantes.
Le travail par relais constitue dans la société Topy une forme particulière de l'horaire collectif de travail.
Cette organisation collective de travail par relais ne peut être mis en place que sur la base d'un décret ou d'un accord de branche étendu ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement.
Il appartient à l'employeur qui l'a mise en place de justifier soit de l'existence d'un texte réglementaire l'autorisant à pratiquer un tel système, soit d'un accord collectif instituant celui-ci dans la branche ou l'entreprise, un telle pratique impliquant par ailleurs une consultation des représentants du personnel et une information de l'Inspecteur du Travail.
En effet en raison des difficultés de contrôle qu'entraîne cette organisation de travail, le travail par relais a été interdit par la plupart des décrets de 1936 pris en application de la loi du 12 juin 1936 sur la semaine de 40 heures, à l'exception de certaines professions pour lesquelles il a été expressément autorisé par des décrets (cinéma, commerce de détail, établissements hospitaliers). L'ordonnance 82-41 du 16 janvier 1982 sur la semaine à 39 heures n'a pas entraîné de modification sur ce point sauf à ce que des dispositions réglementaires sont intervenues pour l'autoriser expressément dans des secteurs autres que ceux autorisés par des décrets faisant suite à la loi de 1936 (transports routiers, agriculture, établissements de banque, finance, crédit, épargne et change).
La société Topy, dont l'activité est la fabrication d'objet à partir de caoutchouc synthétique qu'elle produit, ne justifie d'aucun décret ni d'aucun autre texte l'autorisant à pratiquer le travail en relais.
Il résulte par ailleurs du décret du 2 mars 1937 concernant les industries chimiques et notamment les industries du caoutchouc et pris pour application de la loi 1936 que, s'agissant en son article 2 du choix du mode de répartition du temps de travail à mettre en place, " le travail par relais ou par roulement pourra être autorisé par arrêté ministériel pris après consultation des organisations syndicales ; en attendant qu'il soit statué par un arrêté ministériel, dans chaque cas particulier, ce régime pourra temporairement et à titre précaire être autorisé par l'inspecteur du travail ".
La convention collective du caoutchouc en date du 6 mars 1953, étendue par arrêté du 29 mai 1969- qui est applicable à la relation de travail entre les parties-et ses annexes ne contiennent aucune disposition sur le travail par relais, qui n'est pas d'avantage évoqué dans l'accord d'actualisation du 19 décembre 2013.
Il n'est pas allégué de l'existence d'un accord de branche, d'entreprise et d'établissement qui permette l'application de ce mode d'exécution de travail et l'organise, notamment par la mise en place de contrôle.
Il suit de là que, si la cour ne saurait, faute de pouvoir le faire, interdire à la société Topy de continuer à pratiquer ce système d'organisation du travail, son application injustifiée a nécessairement causé un préjudice à M. X... qui a été justement réparé par le premier juge à hauteur de la somme de 500 ¿.
L'équité commande la condamnation de la société Topy à verser à M X... la somme de 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement en matière sociale par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Topy à verser à M. X... : la somme de 50 ¿ à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive dans l'application de l'accord signé le 12 janvier 2012.
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant.
DÉBOUTE M. X... de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive dans l'application de l'accord signé le 2012.
CONFIRME le jugement entrepris en ses autres dispositions.
CONDAMNE la société Topy à verser à M. X... la somme de 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
CONDAMNE la société Topy aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/02722
Date de la décision : 19/01/2016
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2016-01-19;13.02722 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award