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19/01/2016 | FRANCE | N°13/02127

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 19 janvier 2016, 13/02127


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N
clm/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 02127
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ANGERS, décision attaquée en date du 14 Janvier 2013, enregistrée sous le no 1. 11. 102

ARRÊT DU 19 Janvier 2016

APPELANT :
Monsieur Patrice X...... 49000 ANGERS
comparant-assisté de Maître Guillaume ROLLAND, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEES :
LA CAIS

SE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE DE L'ANJOU ET DU MAINE 52 Boulevard Pierre de Coubertin 49000 ANGERS
repré...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N
clm/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 02127
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ANGERS, décision attaquée en date du 14 Janvier 2013, enregistrée sous le no 1. 11. 102

ARRÊT DU 19 Janvier 2016

APPELANT :
Monsieur Patrice X...... 49000 ANGERS
comparant-assisté de Maître Guillaume ROLLAND, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEES :
LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE DE L'ANJOU ET DU MAINE 52 Boulevard Pierre de Coubertin 49000 ANGERS
représentée par Maître SULTAN de la SCP SULTAN-PEDRON-LUCAS-DE LOGIVIERE, avocats au barreau d'ANGERS

LA CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE MAINE ET LOIRE 3 rue Charles Lacretelle BEAUCOUZE 49938 ANGERS CEDEX 9
représentée par Monsieur S..., muni d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 24 Novembre 2015 à 14H00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, assesseur Madame Isabelle CHARPENTIER, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier : Madame BODIN, greffier
ARRÊT : du 19 Janvier 2016, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Signé par madame LECAPLAIN MOREL, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :
M. Patrice X... a été embauché par la caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine en qualité de conseiller à compter du 1er février 1973. En novembre 1981, il a été nommé directeur d'agence adjoint, puis directeur d'agence en 1987 et directeur d'agence centrale en 1989.
Au mois de janvier 2001, il a été nommé directeur de l'agence centrale Coubertin située à Angers, poste au niveau duquel il avait sous sa responsabilité cinq agences, quatre points de vente, et près de 100 collaborateurs. Le 1er avril 2003, il a été nommé directeur de la région nord-est Maine-et-Loire et sud Sarthe, poste au niveau duquel il avait sous sa responsabilité 14 agences, plus de 20 points de vente et 200 collaborateurs.
À compter du 1er mars 2006, il a été nommé sur un poste de Responsable du développement immobilier pour les départements du Maine-et-Loire, de la Mayenne et de la Sarthe.
Le 2 mars 2007, alors que, dans le cadre du travail, il conduisait son véhicule sur le secteur du Mans accompagné d'un collaborateur, M. Patrice X... a victime d'un malaise et a perdu connaissance. Les sapeurs pompiers sont intervenus pour lui porter secours et, le jour même, son médecin traitant lui a prescrit un arrêt de travail jusqu'au 23 mars 2007 pour " pathologie du travail-malaises à répétition " en mentionnant qu'il prenait contact avec le médecin du travail. Cet arrêt de travail a été régulièrement prolongé.
Le 25 juillet 2007, à l'issue d'une consultation au sein du service de médecine de pathologie professionnelle du CHU d'Angers, le docteur A... a conclu que, compte tenu de l'état psychique de M. Patrice X..., " le retour au sein de l'entreprise constituerait un risque réel et sérieux pour sa santé mentale ".
À l'issue de la visite de reprise du 3 septembre 2007, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude dans les termes suivants : « Inapte au poste de travail-inaptitude constatée à l'issue d'un seul examen médical en raison d'un danger grave, immédiat pour la santé conformément à la procédure prévue par l'article R. 717-18 du code rural-pas de proposition de poste dans l'entreprise. ».
Le 20 septembre 2007, M. Patrice X... a saisi la Caisse de mutualité sociale agricole de Maine et Loire d'une demande de reconnaissance du caractère professionnel du syndrome anxieux dépressif dont il souffrait.
Par courrier recommandé du 1er octobre 2007, la caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine lui a notifié son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
Le 28 janvier 2008, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles a considéré qu'il existait une relation directe et essentielle entre la maladie présentée par M. Patrice X... et son activité professionnelle. Le 2 avril 2008, la Caisse de mutualité sociale agricole de Maine et Loire a décidé de prendre en charge cette maladie au titre de la législation professionnelle. L'état de santé de M. Patrice X... a été considéré comme consolidé au 29 juin 2008 avec reconnaissance d'un taux d'incapacité permanente partiel de 45 % porté ensuite à 60 % par décision de la commission des rentes du 22 avril 2011. Par jugement du 8 mars 2010, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers a déclaré la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de M. Patrice X... inopposable à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine.
M. Patrice X... avait, quant à lui, saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir une indemnité compensatrice en application de l'article L. 1226-14 du code du travail, ainsi que des dommages et intérêts pour perte de l'emploi, pour harcèlement moral et en réparation d'un préjudice économique consécutif à une « mise au placard ». Par jugement du 30 septembre 2009, le conseil de prud'hommes d'Angers a condamné la caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine à lui payer la somme de 12 641, 56 ¿ à titre d'indemnité compensatrice en application de l'article L. 1226-14 du code du travail, celle de 32 657, 36 ¿ à titre de complément d'indemnité de licenciement et celle de 122 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour perte de l'emploi. Il a débouté le salarié de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral au titre du harcèlement moral et pour préjudice économique consécutif à une « mise au placard ».
Par arrêt du 26 octobre 2010, sauf à confirmer l'indemnité de procédure allouée en première instance, la cour d'appel d'Angers a finalement rejeté toutes les prétentions du salarié. Le pourvoi formé par M. Patrice X... sur cet arrêt a été rejeté par arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 14 décembre 2011.
Après tentative de conciliation qui a donné lieu à un procès-verbal de non-conciliation le 20 juin 2011, par lettre recommandée réceptionnée le 7 juillet 2011, M. Patrice X... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et il a sollicité la réparation des souffrances morales endurées, de son préjudice d'agrément, de son préjudice sexuel et de la perte de ses possibilités de promotion professionnelle.
Par jugement du 14 janvier 2013 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers section agricole a :
- dit que la maladie professionnelle dont est atteint M. Patrice X... n'est pas due à la faute inexcusable de la caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine et l'a débouté de toutes ses demandes ;- déclaré le jugement commun et opposable à la Caisse de mutualité sociale agricole de Maine et Loire ;- condamné M. Patrice X... à payer à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine la somme de 3 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;- rejeté les autres prétentions des parties et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.
M. Patrice X... a reçu notification de ce jugement le 13 juillet 2013 et il en a régulièrement relevé appel par lettre recommandée postée le 30 juillet suivant.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 16 décembre 2014, date à laquelle l'affaire a été renvoyée contradictoirement au 29 septembre 2015 pour permettre à l'appelant de répondre aux écritures tardives de l'intimé. A cette date, l'affaire a été renvoyée contradictoirement au 24 novembre 2015 au motif que le juge, président du tribunal des affaires de sécurité sociale ayant rendu le jugement déféré, faisait partie de la composition de la cour.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 24 novembre 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 4 septembre 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles M. Patrice X... demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris ;- de juger que la maladie professionnelle dont il est atteint est imputable à la faute inexcusable de son employeur, la caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine ;- en conséquence, à titre principal, d'ordonner la majoration de la rente qui lui a été allouée au taux maximum et de fixer l'indemnisation de ses préjudices ainsi qu'il suit : ¿ 25 000 ¿ en réparation des souffrances morales endurées, ¿ 25 000 ¿ en réparation de son préjudice d'agrément, ¿ 15 000 ¿ en réparation de son préjudice sexuel, ¿ 25 000 ¿ au titre de la perte de ses possibilités de promotion professionnelle ;- de dire que ces sommes lui seront avancées par la Caisse de mutualité sociale agricole de Maine et Loire ;
- à titre subsidiaire, si la cour s'estimait insuffisamment éclairée, d'ordonner une mesure d'expertise judiciaire médicale avec la mission précisée au dispositif de ses écritures ;
- en tout état de cause, de condamner la caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine à lui payer la somme de 6 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa demande formée de ce chef ;- de la condamner aux entiers dépens.
L'appelant fait valoir en substance que :
- il est établi que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine connaissait la situation de danger à laquelle il se trouvait exposé, caractérisée par une situation professionnelle difficile et anormale mise en place selon un véritable processus de déstabilisation qui s'est déroulé du 5 septembre 2005 au 2 mars 2007, qui a conduit à sa rétrogradation, à sa mise au placard par son affectation au poste de Responsable du développement immobilier, en réalité dépourvu de réel contenu et de pouvoir d'action, entraînant une baisse de revenus, processus qui est constitutif d'un harcèlement moral qu'il avait dénoncé tout d'abord verbalement puis par courrier recommandé ; elle avait connaissance de l'enquête diligentée par les services de la médecine du travail suite à sa déclaration de maladie professionnelle et par l'inspection du travail ; de façon générale, l'employeur n'ignorait pas les méthodes délétères de gestion des ressources humaines, consistant, dans un souci de rentabilité, à soumettre les salariés à de fortes pressions et à un stress intense, mises en oeuvre à l'initiative de la direction ; il avait été alerté sur ce point et sur la dégradation des conditions de travail en résultant par le médecin du travail et par le syndicat majoritaire chez les cadres ;
- il n'a rien fait pour le préserver de cette situation de danger, ne répondant même pas à son courrier et il a même aggravé cette situation en tentant de passer sous silence les nombreux incidents créés par son supérieur hiérarchique, M. B... ; si les risques psycho-sociaux ont été constatés et identifiés au sein de l'entreprise, l'employeur n'a pris aucune mesure pour y remédier ;
- cette attitude de déstabilisation constitutive d'un harcèlement moral est à l'origine des troubles psychologiques, du syndrome dépressif qui ont été pris en charge au titre de la législation professionnelle.

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 1er décembre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles la caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine demande à la cour de
-confirmer le jugement entrepris ;- de condamner M. Patrice X... à lui payer la somme de 10 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 5 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- en tout état de cause, vu le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers du 8 mars 2010 lui ayant déclaré inopposable la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée par M. Patrice X..., de juger que les conséquences indemnitaires d'une éventuelle faute inexcusable seront assumées exclusivement et définitivement par la Caisse de mutualité sociale agricole de Maine et Loire.
L'employeur fait valoir en substance que :
1) la maladie déclarée par M. Patrice X... n'étant pas d'origine professionnelle, aucune faute inexcusable ne peut être retenue :
- dans la mesure où la décision de prise en charge de cette maladie lui a été déclarée inopposable, il est recevable, dans le cadre de sa défense à la demande de reconnaissance de la faute inexcusable, à contester ce caractère professionnel ;- sur ce point, le conseil de prud'hommes d'Angers aux termes de son jugement du 30 septembre 2009, puis la cour d'appel, aux termes de son arrêt du 26 octobre 2010 ont définitivement écarté le harcèlement moral, la cour ayant exclu tout lien de causalité entre l'état de santé du salarié et son travail ; ces décisions prud'homales ont acquis l'autorité de la chose jugée et s'imposent à la juridiction de sécurité sociale ;
- M. Patrice X... est défaillant à rapporter la preuve du caractère professionnel de sa maladie ;- il apparaît que tous les éléments médicaux produits ont été établis sur la base de ses seules déclarations non vérifiées par les médecins ; le médecin du travail n'a procédé à aucune étude de poste ; ces éléments médicaux sont dès lors radicalement impropres à établir un lien entre la maladie et le travail ;
2) la faute inexcusable n'est pas démontrée :
- tout d'abord, le harcèlement moral et la mise au placard ont été définitivement écartés par la juridiction prud'homale qui a débouté M. Patrice X... de ses demandes indemnitaires de ces chefs ; ce dernier ne peut pas remettre en cause l'autorité de chose jugée attachée à la décision prud'homale ;
- en tout état de cause, M. Patrice X... ne rapporte pas la preuve d'un manquement de son employeur à son obligation de sécurité de résultat ;- pas une seule de ses accusations n'est étayée par un élément objectif ; il s'agit d'affirmations mensongères qui sont démenties par les éléments et témoignages que lui-même produit ; le salarié n'établit donc pas la matérialité des faits de harcèlement moral qu'il invoque mais au contraire déforme la réalité ; M. B..., supérieur hiérarchique de l'appelant, dénie les accusations avancées contre lui et ses dénégations sont confortées par divers témoignages ;- la recherche d'un nouveau poste pour M. Patrice X... à la fin de l'année 2005 a, en réalité, été rendue nécessaire par des informations inquiétantes et convergentes émanant de collaborateurs placés sous son autorité qui dénonçaient un management empreint d'autoritarisme, de pressions et d'agressivité et demandaient à ne plus travailler sous ses ordres ; le salarié n'a jamais contesté ces carences de management ;- après un long délai de réflexion et des négociations matérielles et financières, le 31 mai 2006, il a accepté sa nouvelle affectation au poste de Responsable développement immobilier de façon rétroactive au 1er mars 2006 ; il n'a nullement été placardisé mais, au contraire, pleinement mis à même d'exercer ses fonctions ; sa nomination au poste de Responsable de développement immobilier s'inscrit dans le cadre de la nouvelle organisation des directions de la Caisse régionale ; il n'a pas été rétrogradé ; la baisse de rémunération qu'il a connue entre 2005 et 2006 a concerné de façon générale les cadres de son niveau ; en 2006, sa rémunération est restée, en moyenne, supérieure de 5 % à la moyenne des rémunérations de l'ensemble des directeurs de région ; la dimension stratégique du poste de Responsable de développement immobilier était supérieur à celle de directeur de région ; ce poste n'a pas été supprimé après le départ de M. Patrice X....
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 21 novembre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles la Caisse de mutualité sociale agricole de Maine et Loire demande à la cour de « la recevoir en ses conclusions et de prendre acte de ce qu'elle n'intervient pas aux débats ».
Elle admet que si la faute inexcusable de la Caisse régionale agricole mutuelle de l'Anjou et du Maine était retenue, en raison de la décision d'inopposabilité intervenue le 8 mars 2010, elle ne pourrait pas recouvrer contre cette dernière les indemnités allouées au salarié.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur :
1) sur l'origine professionnelle de la maladie :
Dès lors que la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par M. Patrice X... lui a été déclarée inopposable et nonobstant le fait que cette décision demeure définitivement acquise au salarié dans ses rapports avec la Caisse de mutualité sociale agricole de Maine et Loire, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine est bien fondée à soutenir qu'en défense à la demande de reconnaissance de la faute inexcusable, elle est bien fondée à discuter le caractère professionnel de la maladie.
L'employeur se prévaut tout d'abord de l'autorité de chose jugée, en réalité, de la force de chose jugée qui serait attachée aux décisions prud'homales en ce que, aux termes de son arrêt du 26 octobre 2010, la chambre sociale de la présente cour aurait consacré l'absence de lien entre l'état de santé de M. Patrice X... et ses conditions de travail. Il invoque les motifs suivants contenus en page 13 de l'arrêt en conclusion du paragraphe traitant du harcèlement moral : " M. Patrice X... a, certes, été affecté de problèmes de santé graves mais ils ne sont pas en relation avec un quelconque harcèlement moral, affectant ses conditions de travail au point de ressentir retentir sur sa santé ".
Outre que les motifs d'une décision de justice ne sont pas décisoires de sorte qu'on ne peut pas en tirer de conséquence sur la chose jugée, la juridiction prud'homale s'est prononcée là sur la question du lien entre le syndrome anxio-dépressif de M. Patrice X... et des faits de harcèlement moral dénoncés, mais non pas sur la question d'un lien entre cette pathologie et le travail lui-même seul nécessaire pour caractériser l'origine professionnelle de la maladie. Le moyen tiré de la force jugée n'est donc pas fondé.
La preuve de l'origine professionnelle du syndrome anxio-dépressif déclaré par le salarié le 20 septembre 2007 est suffisamment établie par la décision du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Nantes en date du 28 janvier 2008 qui a retenu que, par les éléments constitutifs du dossier soumis, notamment l'avis fourni par le médecin du travail et celui du médecin du service de consultation de pathologie professionnelle du CHU d'Angers qui " objectivent une relation directe et essentielle entre la pathologie " du patient et son activité professionnelle, il était mis en mesure de considérer qu'il existait bien un rapport de causalité direct et essentiel entre la maladie en cause et le travail. Ce moyen sera dès lors également écarté.
2) sur la preuve de la faute inexcusable :
Comme l'ont exactement retenu les premiers juges, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine n'est pas fondée à invoquer l'autorité de chose jugée, plus exactement, la force de chose jugée attachée au jugement du conseil de prud'hommes d'Angers et à l'arrêt du 26 octobre 2010 en ce qu'ils ont débouté M. Patrice X... de ses demandes formées au titre du harcèlement moral et de la " mise au placard ".
En effet, en vertu de l'article 1351 du code civil, l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, qu'elle soit entre les mêmes parties et formées par elles et contre elles en la même qualité. Or, au cas d'espèce, la chose demandée est différente en ce que la chose demandée à la juridiction prud'homale tenait en des dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice résultant du harcèlement moral allégué, alors que la chose demandée à la juridiction de sécurité sociale vise à consacrer la faute inexcusable de l'employeur à l'origine de la maladie en cause et dont il est soutenu qu'elle serait caractérisée par des faits de harcèlement moral et à obtenir la réparation des préjudices personnels résultant pour le salarié de cette faute inexcusable. Le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée doit donc être écarté.
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Il appartient au salarié qui invoque la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve de ce que celui-ci avait, ou aurait dû avoir, conscience du danger auquel il était exposé et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié, il suffit qu'elle soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.
Au cas d'espèce, M. Patrice X... soutient que le danger auquel il aurait été exposé était caractérisé par des faits de harcèlement moral essentiellement commis, tout d'abord, par son supérieur hiérarchique direct, M. B..., nommé directeur de réseau au sein de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine à compter du mois d'avril 2003, fonction qui plaçait sous son autorité six directeurs de région, ensuite par la direction dans le cadre d'une opération de déstabilisation et de " placardisation ".
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
M. Patrice X... ne produit aucune pièce pour tenter d'établir la matérialité des faits suivants qu'il dénonce au titre du harcèlement moral allégué :
- agressivité de M. B... dès leur premier entretien (qu'il ne date pas mais qui doit se situer au printemps 2003 compte tenu de la date de nomination de M. B... au poste de directeur de réseau) avec menaces de revenir sur les engagements de son prédécesseur relatifs à la possibilité qu'il lui avait donnée, à titre dérogatoire, de conserver son logement à Angers, menaces de ne pas le maintenir dans ses fonctions de directeur de région " s'il ne pliait pas " étant observé que M. Patrice X... n'a pas changé de logement, a continué de percevoir l'indemnité de logement et a été confirmé dans ses fonctions de directeur de la région Nord-Est Maine-et-Loire et Sud Sarthe ; attaques personnelles de la part de M. B... dès qu'ils étaient en entretien ; stratagèmes utilisés par ce dernier pour dénigrer ses collaborateurs ;- convocation le 5 septembre 2005 à son retour de vacances par M. B... qui se serait alors déclaré insatisfait de son travail dans la région nord-est Maine-et-Loire et lui aurait annoncé que le directeur général de la Caisse, M. C..., et lui-même avaient décidé de le faire " changer de métier " ;- annonce publique le 15 septembre 2005 du fait qu'il était " démis de ses fonctions " ; nombreuses demandes de rendez-vous adressées à la direction non honorées ; " termes dévalorisants " accompagnant le refus à sa candidature au poste de directeur de région Angers étant observé que le courrier recommandé adressé par M. Patrice X... au directeur des ressources humaines, M. Jean D..., le 25 mars 2006 pour se plaindre du harcèlement moral dont il s'estimait victime et du fait que sa nouvelle nomination en qualité de Responsable développement immobilier lui était imposée et constituait une rétrogradation, ne mentionne pas ces faits ;- dénonciation verbale à sa hiérarchie des faits de harcèlement moral avant le courrier du 25 mars 2006.
Au soutien de ses allégations relatives aux attitudes agressives, menaçantes de M. B..., des pressions qu'il exerçait à son égard, M. Patrice X... verse aux débats les attestations de M. Benoît E... et de M. Bernard F... qui ont connu M. B... alors que celui-ci était directeur des ressources humaines de la Caisse régionale de crédit agricole de Lorraine, de M. Stéphane G..., ancien salarié de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine en qualité d'adjoint et directeur d'agence. Aucun de ces témoignages ne rapporte le moindre fait commis, le moindre propos tenu de la part de M. B... envers M. Patrice X... personnellement. M. E... indique en termes généraux, sans citer de faits précis, avoir été victime d'une attitude de discrimination syndicale, d'un avertissement dont il a poursuivi l'annulation, de refus de paiement de frais kilométriques et d'heures supplémentaires. M. F... indique que M. Guy B... avait décidé de le " casser " en tant que cadre et délégué syndical CGC. Il ajoute avoir été victime d'un déclassement au niveau de technicien et dénonce, sans citer de faits précis, une attitude de harcèlement moral, de noyautage syndical, d'incitation de collègues à se livrer à des délations mensongères. M. Stéphane G... soutient, sans illustrer son propos de quelconques faits que, lors des réunions commerciales, M. B... manifestait un niveau d'exigence très élevé, une autorité pressante qui soumettait la plupart des directeurs au silence et ce, afin de réaliser ses ambitions personnelles, qu'il était devenu " la terreur ", que les pressions verbales subies par ses collaborateurs au cours des entretiens étaient tellement fortes qu'elles aboutissaient à des " déstabilisations " voire à des " dépressions ", que M. B... " exprimait une véritable jouissance à l'idée de pouvoir sanctionner des salariés du Crédit agricole lors d'entretiens individuels d'une violence verbale particulièrement élevée. ".
Outre que ces témoignages ne permettent pas d'établir de faits de harcèlement moral commis par M. B... envers M. Patrice X... en ce qu'ils ne citent aucun comportement ni aucun propos de la part du premier à l'égard de ce dernier, ils sont démentis par les témoignages circonstanciés de six directeurs de région, MM. H..., I..., U..., J..., K... et M... et par celui de M. L..., qui fut quant à lui responsable du fonctionnement réseau à compter d'avril 2005 et qui tous ont travaillé sous l'autorité de M. B... De façon concordante, ils indiquent avoir entretenu avec ce dernier de très bonnes relations ; ils le décrivent comme très respectueux de ses collaborateurs, très humain, cordial, pondéré, disponible, à l'écoute, favorisant les échanges et une ambiance de travail conviviale, soucieux d'être juste et comme un supérieur hiérarchique très compétent sur lequel ils pouvaient compter ; ils ajoutent n'avoir jamais subi de pressions de sa part et dénient qu'il leur ait jamais demandé de " couper des têtes ". La réalité de la courtoisie de M. B... ressort des termes du courrier électronique qu'il a adressé le 8 décembre 2015 à M. Patrice X... (pièce no 18 de ce dernier) pour lui indiquer que sa candidature sur le poste de directeur régional Angers n'était pas retenue du fait de l'absence de vacance de ce poste, en raison de son absence de mobilité et de " ses prestations très contestables en matière de management ".
M. L... relate avoir été personnellement témoin de la bienveillance manifestée par M. B... envers M. Patrice X... lors d'entretiens. Il précise que, devant des prises de position " rapides et discutables " de ce dernier, M. B... se montrait compréhensif et à l'écoute, favorisant le dialogue pour rapprocher les points de vue " ; que M. Patrice X... entretenait des relations courtoises avec M. B... et qu'à l'occasion d'un retour de réunion, ils ont partagé leur satisfaction de travailler avec lui. M. K... et M. M... déclarent n'avoir jamais constaté, de la part de M. B... envers M. Patrice X..., de comportement permettant de laisser penser à une attitude harcèlement moral. M. M... a personnellement assisté à l'entretien au cours duquel M. B... a annoncé à M. Patrice X... qu'il exercerait comme nouvelles fonctions celles de responsable du département immobilier et il précise que cet entretien a été cordial et s'est inscrit dans le respect et l'écoute.
Aux termes du compte rendu d'entretien individuel d'appréciation établi le 5 avril 2005, M. B... a émis des appréciations tout à fait élogieuses à l'égard de M. Patrice X... sauf des réserves relatives aux relations humaines en indiquant qu'il devait en travailler le style et la qualité.
S'agissant du logement du salarié, comme l'ont exactement relevé les premiers juges, MM. H..., I..., U..., K... et M... confirment tous que les directeurs de région avaient pour obligation de résider dans le ressort de leur région. Quoique directeur de la région nord-est Maine-et-Loire et sud-Sarthe, M. Patrice X... a conservé son logement à Angers ainsi que son indemnité de logement. Loin de subir une brimade au titre du logement, il a bénéficié d'une situation dérogatoire plus favorable.
Contrairement à ce que soutient M. Patrice X..., les pièces versées aux débats ne permettent pas de considérer que son affectation au poste de Responsable développement immobilier aurait correspondu à une rétrogradation et à une " mise au placard ". Il en ressort en effet que cette affectation s'est inscrite dans le cadre du projet de nouvelle organisation des directions de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine emportant, entre autres évolutions et créations, la création d'un pôle " immobilier " au sein de la direction des entreprises. L'organigramme produit par l'appelant révèle que le responsable du développement immobilier, poste créé, était ainsi placé sous l'autorité directe du directeur des Marchés Entreprises et Immobilier, M. Thierry N.... Il lui revenait de coordonner l'action de l'agence " promotion immobilière et collectivités publiques " et d'animer en direct les antennes " Habitat conseil ". Il résulte des témoignages de M. Thierry N... et de M. Daniel O..., cadre dirigeant, supérieur hiérarchique de M. Thierry N..., que la fonction de Responsable du développement immobilier était stratégique en ce qu'elle visait à assurer une diversification majeure de la banque de détail vers la filière immobilière. Pour réaliser cette diversification " métier ", l'entreprise avait consacré des investissements importants au rachat d'agences immobilières. Cette nouvelle fonction nécessitait une grande expérience du marché des particuliers, du dynamisme et une capacité affirmée à prendre des contacts externes. Le poste confié à l'appelant était donc au coeur des axes de développement désignés comme prioritaires par le groupe Crédit Agricole et par les caisses régionales. Le Responsable du développement immobilier devait animer tous les métiers de l'immobilier hors Uni Invest (transaction/ gestion immobilière) et assurer la coordination des synergies entre tous ces métiers, depuis la promotion en passant par le financement des acquéreurs jusqu'aux agences de proximité pour la prescription des crédits. C'est en raison de son expérience passée de directeur d'agence puis de directeur de région que M. Patrice X... a été choisi pour se voir confier cette nouvelle responsabilité. Il avait sous son autorité 4 agences " Habitat conseil " (Angers, Cholet, Le Mans et Laval) au sein desquelles travaillaient 20 personnes et, dans le cadre de sa mission de " coordination des synergies... ", ses responsabilités étaient étendues à l'agence " Promotion immobilière et collectivités locales " employant 12 personnes, et auparavant rattachée au directeur des Marchés Entreprises et Immobilier.
Il est établi que, le 2 février 2006, M. N... a reçu M. Patrice X... pour lui présenter le poste qui lui était proposé. A cette même date, ce dernier a établi à l'intention du directeur des entreprises et de l'immobilier une note intitulée " Synthèse premières visites agences ", sur laquelle est déjà mentionné le numéro de son poste téléphonique professionnel au sein de la direction des entreprises et de l'immobilier, et qui traite de façon schématique des points suivants : " organisation " en détaillant chacune des agences de Cholet, Le Mans, Laval et Angers, " activités ", " concurrence ", " nos clients ", " à augmenter ", " communication (Pub + supports techniques) ", " formation/ information ", " REC " et " procédures (à regarder, cuisine locale) ". Le 3 février 2006, M. N... a établi à l'intention de M. Patrice X... un document intitulé " Projet de définition du cadre de votre fonction " comportant sur deux pages la description très détaillée de ses missions et de ses " actions immédiates ". Le 24 février 2006, M. Patrice X... a adressé un courrier électronique à M. N... au sujet de la classification à retenir pour le métier des responsables Habitat Conseil.
M. N... atteste de ce que, pendant plus d'un an, en pleine responsabilité et autonomie, M. Patrice X... a piloté les équipes qui lui étaient confiées et exercé le suivi hiérarchique, qu'il a conduit les priorités dont ils avaient convenu ensemble ainsi que d'autres projets qu'il cite précisément, qu'il a participé à toutes les réunions de la direction regroupant mensuellement les cadres ce que le salarié ne conteste pas.
Comme l'ont relevé les premiers juges, la photographie versée aux débats par le salarié de ce qu'il indique avoir été son bureau de Responsable du développement immobilier fait apparaître qu'il avait la charge de nombreux dossiers. L'appelant ne produit aucun élément à l'appui de ses indications selon lesquelles sa nouvelle fonction aurait été dépourvue de tout contenu et pouvoir d'action et selon laquelle son activité aurait été limitée à l'animation de prescriptions de crédit à l'habitat.
La nomination de M. Patrice X... au poste de Responsable du développement immobilier a été annoncée en interne par notes de M. Thierry N... des 24 février et 1er mars 2006. Ces notes concernaient quatre autres salariés nommés aux postes de Responsable du contrôle périodique, Responsable du contrôle des risques, Responsable contentieux, Responsable développement des compétences. L'appelant n'a donc pas fait l'objet d'un traitement particulier dans cette annonce, parfaitement courtoise, de ses nouvelles fonctions. Il est exact que, par courrier électronique du 4 janvier 2006, M. Guy B... a informé les collaborateurs placés sous son autorité de ce que M. Patrice X... était " appelé à assumer d'autres fonctions " sans autres précisions, ce courriel informant également ses destinataires des fonctions attribuées à cinq autres salariés. Cette information était parfaitement neutre et exempte de tout propos déplaisant. M. Patrice X... fait grief à M. B... du fait que cette information de son départ du poste de responsable régional nord-est Maine-et-Loire et Sud Sarthe ne comportait aucune indication relative à son sort futur. Toutefois, d'une part, à supposer qu'il en ait été informé, il n'appartenait pas à M. B... de livrer cette information, d'autre part, il ressort des développements ci-dessus que la nouvelle organisation des directions de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine n'a été finalisée que plus tard, courant février 2006.
La Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine établit en outre que le changement de fonctions de M. Patrice X... était rendu nécessaire en raison des méthodes de management contestables voire déstabilisantes qu'il employait à l'égard de ses collaborateurs. Son entretien individuel du 5 avril 2005 mentionnait la nécessité de travailler " le style et la qualité de la relation ". Aux termes de son courrier électronique du 8 décembre 2005, M. B... lui a indiqué que le directeur général, M. de C..., avait écarté sa candidature au poste de responsable régional Angers notamment en raison de " ses prestations très contestables en matière de management " et il ajoutait : " Enfin, et même si nous conduisons actuellement des réflexions, principalement, je vous le rappelle, pour régler votre situation assez délicate au sein de la région Est au mieux de vos intérêts, le poste sur Angers n'est pas vacant à ce jour. ".
Comme l'ont exactement rappelé les premiers juges, l'employeur établit par la production de plusieurs témoignages circonstanciés la réalité des méthodes de management pressantes et déstabilisantes dont M. Patrice X... a pu faire preuve en tant que directeur d'agence ou de directeur régional envers certains de ses collaborateurs. Ainsi, M. Philippe P..., qui a été son adjoint, relate le désaccord qui l'a opposé à l'appelant en raison de ses méthodes de management dont il dit qu'elles étaient " principalement basées sur la crainte qu'il imposait au personnel de l'agence " et qu'elles l'ont conduit à formuler une demande de mutation laquelle n'a pas eu de suite car un modus vivendi a été arrêté. Il indique avoir lui-même subi, courant juin 2002, un entretien d'évaluation que M. Patrice X... a étalé sur dix jours afin de le déstabiliser. Mme Q... témoigne de la souffrance personnelle que lui a livrée M. P... en raison de sa collaboration avec M. Patrice X... et d'un vif emportement qu'il a eu à son propre égard. Le 22 avril 2006, M. Claude R... a adressé à M. Patrice X..., avec copie à M. B..., un courriel aux termes duquel il déclarait refuser un nouvel entretien avec lui en raison de ses " agressions à répétition ", de son " management par la terreur " à son égard, de sa " capacité à promouvoir l'entretien négatif ". Mme Christiane V..., placée sous la responsabilité de M. Patrice X... en sa qualité de responsable régional, témoigne de propos agressifs et dévalorisants dont elle a été victime au cours d'un entretien du 27 avril 2006 au point de devoir solliciter une suspension et de sortir en larmes, entretien qu'elle indique avoir pu surmonter grâce à sa force personnelle et car elle savait que son interlocuteur quittait son poste. M. J..., qui a succédé à M. Patrice X... au poste de directeur de la région nord-est Maine-et-Loire et sud Sarthe, atteste de ce que, lors de ses visites de présentation, certains directeurs d'agence de sa nouvelle région lui ont fait part sans réserves de fortes tensions et de relations difficiles avec son prédécesseur. M. O..., directeur général adjoint à la retraite, énonce que la quasi-totalité des directeurs adjoints de la région nord-est Maine-et-Loire et sud Sarthe ont fait part à la direction de leur vif mécontentement au sujet du management de M. Patrice X..., qu'il n'y a pas eu de difficultés avec son successeur et que les cinq autres régions ne connaissaient pas de telles difficultés.
Il ressort du témoignage de M. Pierrick T... que M. Patrice X... a manifesté des méthodes semblables dans le cadre de ses nouvelles fonctions. Au sein de la direction de l'entreprise et de l'immobilier, M. T... occupait, depuis le 1er avril 2006, le poste de directeur de " l'agence promotion immobilière collectivités publiques ". M. Patrice X... était son supérieur hiérarchique et validait ses congés. Le témoin relate qu'alors que leur collaboration était exempte de difficultés, à l'occasion d'un entretien intermédiaire d'appréciation fixé au mois de septembre 2006 et auquel il s'est présenté serein, M. Patrice X... l'a désigné, " sur un ton caustique " qu'il employait parfois, comme son unique " problème ". Le témoin explique avoir d'abord cru à une " boutade " mais son interlocuteur lui a confirmé qu'il était son seul " problème ", lui a reproché d'être trop centré sur son activité et de ne pas faire assez de développement, a remis en cause son intégration dans son équipe. S'estimant victime d'une injustice, M. T... a refusé de signer le compte rendu d'entretien, sur quoi, M. Patrice X... a proposé de faire intervenir M. N..., lequel a jugé les appréciations très sévères ce qui a conduit l'appelant à nuancer certains points.
Aux termes du courrier qu'il a adressé au directeur des ressources humaines le 25 mars 2006 pour se plaindre du fait que sa nouvelle nomination était une rétrogradation, se déclarer " consterné par la méthode " et invoquer un harcèlement moral, M. Patrice X... confirmait, comme il l'avait " indiqué à plusieurs reprises " être " prêt, dans le cadre d'une démarche constructive et positive à accepter un changement d'affectation bien que ses fonctions de directeur de région " lui donnent pleinement satisfaction. Rapproché du courriel de M. B... en date du 8 décembre 2005, ce courrier laisse apparaître que le salarié était lui-même conscient de la nécessité pour lui de quitter son poste de directeur régional.
Comme l'ont souligné les premiers juges, aux termes de ce courrier du 25 mars 2006, la rétrogradation invoquée par M. Patrice X... tenait essentiellement à la baisse de rémunération attachée à ses nouvelles fonctions telle qu'elle résultait d'un courrier de l'employeur en date du 1er mars 2006. Par courrier du 24 avril 2006, le directeur général de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine lui a écrit qu'il compensait à 100 % la perte de l'indemnité de logement par une augmentation équivalente de son salaire de base. L'employeur établit qu'entre 2002 et 2006, la rémunération annuelle de M. Patrice X... a augmenté de 5, 96 % quand celle des cadres appartenant à la même classe que lui a augmenté en moyenne de 2, 17 % ; qu'à son nouveau poste, en 2006, sa rémunération a été supérieure à celle des directeurs de région ; que la baisse de rémunération entre 2005 et 2006 a été générale en raison de la baisse des résultats commerciaux obtenus. L'atteinte à la rémunération n'est donc pas avérée.
S'il n'apparaît pas douteux que, compte tenu de son niveau de responsabilités, M. Patrice X... avait une charge de travail importante, il ne produit aucune pièce qui permette de l'évaluer objectivement et de considérer qu'elle aurait été " extrêmement lourde " et sans rapport avec celle des cadres de son niveau. Il est d'ailleurs contradictoire de sa part d'invoquer à la fois une charge de travail extrêmement lourde et un poste qui aurait été une coquille vide.
Aux termes d'un courrier du 21 mars 2008 adressé à M. Patrice X..., l'inspectrice du travail affirme qu'au vu des informations et des témoignages qu'elle a recueillis dans le cadre de l'enquête qu'elle a menée, informations qu'elle ne relate pas, pas plus qu'elle ne cite ses sources, il lui apparaît que son changement de poste en janvier 2006 " est intervenu dans des circonstances telles qu'elles ont porté atteinte à sa santé. ", aucune précision n'étant fournie sur lesdites circonstances. Elle estime pouvoir " accréditer la version " du salarié au motif que les " méthodes employées à son encontre sont les mêmes que celles lui ayant été rapportées par plusieurs salariés et anciens salariés de la Caisse Anjou Maine et de celle de Lorraine ", méthodes qui ne sont pas plus citées étant observé que l'appelant ne produit pas les conclusions annoncées comme pièce jointe au courrier dont s'agit qui est conclu ainsi : " Si votre management a pu donner lieu à des critiques ou des plaintes de la part de certains de vos collaborateurs, il ne justifiait pas, si même les faits étaient avérés, le traitement dont vous avez fait l'objet. ". Le courrier adressé le 9 septembre 2008 par l'inspectrice du travail à la secrétaire du C. H. S. C. T est rédigé en termes tout aussi généraux et vides d'une quelconque relation de faits concrets.
Sur le plan médical, outre les arrêts de travail et prescriptions médicamenteuses, M. Patrice X... verse aux débats le compte-rendu de consultation établi le 25 juillet 2007 par le docteur A..., du service de pathologie professionnelle du CHU d'Angers, qui diagnostique un état dépressif d'intensité sévère justifiant un traitement anti-dépresseur, anxiolytique et hypnotique et note des symptômes de stress post-traumatique à type de ruminations incessantes, de rêves et de réactions émotionnelles intenses liés au travail. Sans citer de faits précis mais en termes généraux, le médecin se contente de reprendre les déclarations de M. Patrice X... quand il relie ces maux, d'une part, à l'évolution de sa situation professionnelle depuis 2003 marquée selon lui par un supérieur hiérarchique employant des méthodes de management empreintes de violence verbale, de disqualification, de " malmenage psychologique " avec messages ambigus, d'ordres d'évincer certains collaborateurs, d'autre part, à la " placardisation " subséquente.
De même, aux termes de son courrier adressé le 12 novembre 2007 à la Caisse de mutualité sociale agricole de Maine et Loire, le médecin du travail mentionne un tableau dépressif sévère justifiant un traitement et un arrêt de travail et il affirme, sans illustrer son propos de quelconques faits, que M. Patrice X... a subi une modification de ses attributions et de ses fonctions allant progressivement vers sa " placardisation ". De la même façon, il affirme que, par ses conditions de travail et la nature de sa mission, le salarié est exposé au risque professionnel de souffrance morale et que ce risque est présent dans l'entreprise.
Il ressort de ces développements que M. Patrice X... n'établit pas la matérialité de faits permettant de laisser penser à son égard, de la part de l'employeur, à une rétrogradation, une placardisation, une déstabilisation, des faits de harcèlement moral tels qu'il les dénonce et à l'origine d'une dégradation de sa santé et/ ou de ses conditions de travail.
Il ne démontre qu'il aurait été exposé à une situation de danger dont son employeur ne pouvait pas ne pas avoir conscience, qui serait une cause nécessaire de l'état dépressif médicalement constaté en mars 2007 et que l'employeur n'aurait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté M. Patrice X... de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine et de toutes les demandes subséquentes.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive :
Outre que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine ne démontre, ni ne caractérise d'ailleurs le préjudice qu'elle allègue, elle ne rapporte pas la preuve de ce que M. Patrice X... aurait manifesté un quelconque comportement fautif, et encore moins abusif, que ce soit dans l'usage même du droit d'agir en justice et d'exercer un recours, que dans la conduite des procédures de première instance et d'appel. Par voie de confirmation du jugement déféré, elle sera dès lors déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, en matière sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné M. Patrice X... à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine la somme de 3 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
statuant à nouveau du chef infirmé et ajoutant,
Condamne M. Patrice X... à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine la somme de 1 000 ¿ au titre de ses frais irrépétibles de première instance et celle de 1 500 ¿ en cause d'appel ;
Le condamne au paiement du droit prévu par l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale liquidé à la somme de 321, 80 ¿.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/02127
Date de la décision : 19/01/2016
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2016-01-19;13.02127 ?
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