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12/01/2016 | FRANCE | N°13/02414

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 12 janvier 2016, 13/02414


COUR D'APPELd'ANGERSChambre Sociale
ARRÊT N clm/jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/02414.
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CHATEAUROUX, décision attaquée en date du 12 Mars 2010, enregistrée sous le no 21 617
ARRÊT DU 12 Janvier 2016

APPELANTE :
L'UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE (URSSAF) DU CENTRE venant aux droits de L'URSSAF de L'INDRE depuis le 1ER janvier 2014 selon arrêté du 15 juillet 201356 Boulevard de la Vrille36010 CHATEAUROUX CEDEX
représentée par Maître COTEREAU

, avocat de la SCP cabinet COTTEREAU MEUNIER BARDON, avocats au barreau de TOURS

INTIM...

COUR D'APPELd'ANGERSChambre Sociale
ARRÊT N clm/jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/02414.
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CHATEAUROUX, décision attaquée en date du 12 Mars 2010, enregistrée sous le no 21 617
ARRÊT DU 12 Janvier 2016

APPELANTE :
L'UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE (URSSAF) DU CENTRE venant aux droits de L'URSSAF de L'INDRE depuis le 1ER janvier 2014 selon arrêté du 15 juillet 201356 Boulevard de la Vrille36010 CHATEAUROUX CEDEX
représentée par Maître COTEREAU, avocat de la SCP cabinet COTTEREAU MEUNIER BARDON, avocats au barreau de TOURS

INTIMEE :
LA CAISSE D'EPARGNE LOIRE CENTRE267 rue Giraudeau37000 TOURS
représentée par Maître Claire DERUBAY, avocat au barreau d'ORLEANS
en présence de Monsieur Gilbert X..., responsable Ressources Humaines
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Novembre 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, présidentMadame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT :prononcé le 12 Janvier 2016, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :
Du mois de juin 2007 au mois de janvier 2008, la caisse d'épargne du Centre Val de Loire (CECVL), aujourd'hui dénommée Caisse d'Épargne Loire Centre (CELC), a fait l'objet d'un contrôle diligenté par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Touraine, devenue l'URSSAF du Centre, pour ses établissements situés respectivement dans les départements de l'Indre, du Loir-et-Cher et d'Indre-et-Loire au titre de la période écoulée du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006. Dans le cadre de délégations de compétence entre organismes de recouvrement, ce contrôle a été effectué au sein de l'établissement de Tours par un seul et même inspecteur du recouvrement pour le compte de l'URSSAF d'Indre-et-Loire, de celle du Loir-et-Cher et de celle de l'Indre.
A la suite de ce contrôle, le 10 janvier 2008, l'URSSAF de Touraine a adressé à la caisse d'épargne du Centre Val de Loire, pour chacun de ses établissements de Châteauroux et des établissements rattachés à ce SIREN, de Blois et des établissements rattachés à ce SIREN et de Tours et des établissements rattachés à ce SIREN, une lettre d'observations emportant des propositions de redressements sur les trois mêmes fondements suivants : les challenges du réseau Caisses d'Epargne, les commissions sur OPCVM et les prêts consentis aux salariés à taux préférentiels.
Les montants redressés étaient les suivants :
- établissements dépendant de Tours :
* 47 500 ¿ (dont 7 964 ¿ au titre des challenges, 1 210 ¿ au titre des commissions sur OPCVM et 46 364 ¿ sur les prêts à taux préférentiels outre 1 020 ¿ du chef de titres restaurant point non contesté dont à déduire 9 058 ¿ de réduction Fillon) ;
- établissements dépendant de Blois :
* 12 370 ¿ (dont 2 358 ¿ au titre des challenges, 342 ¿ au titre des commissions sur OPCVM et 13 104 ¿ sur les prêts à taux préférentiels dont à déduire 3 434 ¿ de réduction Fillon) ;
- établissements dépendant de Châteauroux :
* 12 571 ¿ (dont 2 026 ¿ au titre des challenges, 303 ¿ au titre des commissions sur OPCVM et 11 612 ¿ sur les prêts à taux préférentiels dont à déduire 1 370 ¿ de réduction Fillon).
Ces montants ont été arrêtés au prorata de la masse salariale employée par la caisse d'épargne du Centre Val de Loire dans chacun des trois départements concernés.
Le 25 mars 2008, l'URSSAF de l'Indre a émis à l'égard de la Caisse d'épargne du Centre Val de Loire pour les établissements dépendant de Châteauroux, une mise en demeure pour un montant total de 14 212 ¿ dont 12 570 ¿ de cotisations et 1 642 ¿ de majorations de retard.
Le 10 avril 2008, l'URSSAF d'Indre-et-Loire a émis à l'égard de la Caisse d'épargne du Centre Val de Loire pour son établissement de Tours, une mise en demeure pour un montant total de 53 968 ¿ dont 47 500 ¿ de cotisations et 6 468 ¿ de majorations de retard.
Le 27 juin 2008, l'URSSAF du Loir-et-Cher a émis à l'égard de la Caisse d'épargne du Centre Val de Loire pour son établissement de Blois, une mise en demeure pour un montant total de 13 606 ¿ dont 12 370 ¿ de cotisations et 1 236 ¿ de majorations de retard.
Le 25 avril 2008, la Caisse d'Epargne Loire Centre venant aux droits de la caisse d'épargne du Centre Val de Loire a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF de l'Indre pour contester les trois chefs de redressements.En l'absence de décision de la commission de recours amiable, le 18 juin 2008, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Indre.Par décision du 1er décembre 2008 notifiée par lettre du 6 janvier 2009, la commission de recours amiable a confirmé le redressement opéré.
Par jugement du 12 mars 2010 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Indre a :
- reçu la Caisse d'Epargne Loire Centre en son recours et l'a déclaré bien fondé ;- infirmé la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF de l'Indre du 1er décembre 2008 ; - annulé le redressement opéré par l'URSSAF de Touraine portant sur les établissements de la Caisse d'Epargne Loire Centre du département de l'Indre selon lettre d'observations du 10 janvier 2008 ;- annulé la mise en demeure subséquente délivrée par l'URSSAF de l'Indre le 25 mars 2008 pour un montant de 14 212 ¿ ;- débouté les parties du surplus de leurs demandes et dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.
Le redressement en cause a été annulé au motif que la procédure de contrôle était entachée d'irrégularités procédurales n'ayant pas permis à la caisse d'épargne du Centre Val de Loire de faire valoir utilement ses observations suite à la réception de la lettre d'observations.
La Caisse d'Epargne Loire Centre a pareillement saisi les commissions de recours amiable des URSSAF d'Indre-et-Loire et du Loir-et-Cher lesquelles ont, par décisions respectives des 1er octobre et 29 octobre 2008, confirmé les redressements opérés.
Par jugement du 8 janvier 2010, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Tours a également annulé le redressement opéré et la mise en demeure pour violation des dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale viciant la procédure de contrôle et le redressement subséquent.
Par jugement du 7 septembre 2010, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Blois a, quant à lui, annulé deux chefs de redressement pour vices de la procédure de contrôle et validé l'un des chefs de redressement.
Ces trois jugements ont été frappés d'appel et, motif pris de la connexité, la cour d'appel d'Orléans a finalement été saisie des trois recours.
Par trois arrêts du 22 février 2012, presqu'en tous points identiques, elle a validé les mises en demeure notifiées par les URSSAF de l'Indre, d'Indre-et-Loire et du Loir-et-Cher.
S'agissant de l'instance opposant l'URSSAF de l'Indre à la Caisse d'Epargne Loire Centre, par arrêt no 22 du 22 février 2012 (RG no 11/00407), la cour d'appel d'Orléans a :- infirmé le jugement entrepris ;- statuant à nouveau, rejeté l'exception de nullité de la procédure de contrôle et validé la mise en demeure du 25 mars 2008 pour son montant de 14 212 ¿.
Les trois arrêts rendus par la cour d'appel d'Orléans le 22 février 2012 ont été frappés de pourvois.
Par arrêt du 11 juillet 2013 (pourvoi no X no 12-17 .939),statuant sur le pourvoi formé par la Caisse d'Epargne Loire Centre contre l'arrêt rendu le 22 février 2012 par la cour d'appel d'Orléans, dans le litige l'opposant à l'URSSAF de l'Indre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a :
- au visa des articles 455 et 954 alinéa 5 du code de procédure civile, cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans au motif que «l'arrêt rejette l'exception de nullité de la procédure de contrôle et valide la mise en demeure pour son montant sans répondre au motif du jugement dont la Caisse d'épargne demandait la confirmation, selon lequel l'inspecteur du recouvrement avait utilisé des documents qui lui avaient été transmis par des salariés qui n'avaient pas le pouvoir d'engager l'entreprise» ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les exigences du premier de ces textes ;- remis en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel d'Angers ; - condamné l'URSSAF de l'Indre aux dépens ;- vu l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande de l'URSSAF de l'Indre et l'a condamnée à payer à la Caisse d'Epargne Loire Centre la somme de 1 500 ¿.
Par arrêt du 11 juillet 2013 (pourvoi no Y no 12-17.940),statuant sur le pourvoi formé par la Caisse d'Epargne Loire Centre contre l'arrêt rendu le 22 février 2012 par la cour d'appel d'Orléans, dans le litige l'opposant à l'URSSAF de Touraine, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a également :- au visa des articles 455, 458 et 954 alinéa 5 du code de procédure civile, cassé et annulé dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans au motif que «l'arrêt rejette l'exception de nullité de la procédure de contrôle et valide la mise en demeure pour son montant sans répondre aux motifs du jugement dont la Caisse d'épargne demandait la confirmation, selon lesquels la remise des pièces à l'inspecteur du recouvrement n'avait pas été mentionnée dans un bordereau signé par l'entreprise et versé aux débats, qu'une salariée, Mme Y..., attestait lui avoir remis, à sa demande, un CD-Rom sans autorisation écrite du représentant légal de la société et que cette manière de procéder ne permettait pas de garantir l'accord réel de l'entreprise pour la sortie de documents internes»; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les exigences du premier de ces textes;- remis en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel d'Angers ; - condamné l'URSSAF de Touraine aux dépens ;- vu l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande de l'URSSAF de Touraine et l'a condamnée à payer à la Caisse d'Epargne Loire Centre la somme de 1500 ¿.
Par arrêt du 11 juillet 2013 (pourvoi no W no 12-17 .938),statuant sur le pourvoi formé par la Caisse d'Epargne Loire Centre contre l'arrêt rendu le 22 février 2012 par la cour d'appel d'Orléans, dans le litige l'opposant à l'URSSAF du Loir-et-Cher, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi aux motifs que «l'arrêt retient que, pour les trois chefs de redressement, la lettre d'observations fait apparaître que les chiffrages et les documents utiles ont été présentés par des agents de la caisse d'épargne et débattus avec eux; qu'elle précise la nature des chefs de redressement envisagés, le contenu et les modalités d'application des textes législatifs et réglementaires invoqués, les assiettes et montants de ces redressements par année en les différenciant selon l'établissement concerné, ainsi que les taux de cotisation appliqués ; que l'article R. 243- 59 du code de la sécurité sociale confère à l'inspecteur du recouvrement le pouvoir de demander la présentation de tout document ainsi que l'accès à tout support d'information nécessaires à l'exercice du contrôle ; que, pour le chef de redressement relatif aux prêts consentis aux salariés, l'inspecteur du recouvrement a comparé les taux préférentiels à ceux proposés au public en fonction des informations obtenues lors de son contrôle, sans que soit démontrée l'existence de procédés déloyaux destinés à faire pression sur ses interlocuteurs ;
Que de ces constatations et énonciations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve soumis à son examen, la cour d'appel, qui a fait ressortir que l'inspecteur du recouvrement avait procédé à la vérification des documents nécessaires au contrôle recueilli auprès de salariés de la Caisse d'épargne qui les lui avaient remis librement et avec lesquels il en avait débattu, peu important leur absence de mention dans la liste des documents consultés, a pu déduire que la Caisse d'épargne disposait de toutes les informations lui permettant de contester la lettre d'observations ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; et attendu que les autres griefs du pourvoi ne sont pas de nature à en permettre l'admission.».
Sur l'arrêt rendu le 11 juillet 2013 (pourvoi no X no 12-17 .939) par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, statuant sur le pourvoi formé par la Caisse d'Epargne Loire Centre contre l'arrêt rendu le 22 février 2012 par la cour d'appel d'Orléans, dans le litige l'opposant à l'URSSAF de l'Indre, cette dernière a saisi la présente cour par lettre recommandée postée le 12 septembre 2013, soit dans le délai de quatre mois prévu par l'article 1034 du code de procédure civile.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 17 novembre 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 2 septembre 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles l'URSSAF du Centre venant aux droits de l'URSSAF de l'Indre demande à la cour :
- de déclarer son appel recevable ;- d'infirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Indre en date du 12 mars 2010 ;- de confirmer la décision de la commission de recours amiable du 1er décembre 2008; - de valider en conséquence la mise en demeure du 25 mars 2008 pour le montant de 14 212 ¿ ;- de condamner la Caisse d'Epargne Loire Centre à lui payer la somme de 14 212 ¿ avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2008, jour de la mise en demeure ;- de condamner la Caisse d'Epargne Loire Centre à lui payer la somme de 5 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et celle de 4 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'URSSAF fait valoir en substance que :
sur la régularité de la procédure de contrôle :
- les trois formalités imposées par l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, à savoir, l'envoi d'un avis de contrôle, l'information de l'employeur et le respect de son droit de réponse ont été scrupuleusement observées ;- le contrôleur peut exiger de l'employeur la production de tout document jugé nécessaire au contrôle, notamment des éléments permettant de procéder à l'évaluation;- à l'occasion du contrôle, l'employeur peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements automatisés nécessaires aux opérations ; dès, lors, il n'est ni irrégulier, ni illégal que l'inspecteur ait, en l'espèce, demandé à l'employeur d'établir lui-même des calculs sur la base des éléments détenus par l'entreprise ; la reprise, par l'inspecteur, de la méthode de calcul adoptée par la Caisse d'Epargne Loire Centre dans le tableau produit à sa demande à l'occasion de ses vérifications n'est donc pas de nature à entacher le contrôle de nullité ;- le contradictoire a été parfaitement respecté ;- le directeur des ressources humaines avait naturellement qualité pour fournir des informations et diverses données à l'inspecteur du recouvrement ;
sur le contenu des éléments mentionnés dans la lettre d'observations pour permettre à l'employeur de connaître avec exactitude le fondement et le montant du redressement :
- s'agissant du redressement opéré au titre des challenges, l'inspecteur a cité le texte sur le fondement duquel ce redressement a été opéré, il a rappelé la tolérance sur cadeaux et fait une analyse de la situation constatée, il a récapitulé dans deux tableaux (un par année) les bases précises du redressement, les taux de cotisations et le montant du redressement puis appliqué une clé de répartition en fonction de la masse salariale pour chaque département;- s'agissant du redressement opéré au titre des OPCVM, l'inspecteur a, de même, rappelé les textes et la tolérance applicable, procédé à une analyse de la situation constatée, récapitulé dans deux tableaux les bases du redressement, les taux appliqués et le montant de cotisations par année ;- s'agissant du redressement opéré sur les prêts à taux préférentiels, il a porté sur les prêts aux agents assortis d'un taux affecté d'une réduction supérieure à 30 % du taux actuariel moyen mensuel appliqué à un client "normal" hors crédit promotionnel ; la Caisse d'Epargne Loire Centre lui a communiqué, sous forme de tableau, les données qui lui étaient nécessaires pour chiffrer le montant de l'avantage excédant la réduction de taux admise ;- ainsi, pour tous les chefs de redressement, elle a régulièrement communiqué à la Caisse d'Epargne Loire Centre tous les éléments lui permettant de connaître avec exactitude le fondement du redressement ainsi que son montant et de les discuter ;

sur les supports fournis par la Caisse d'Epargne Loire Centre :
- en application de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, les employeurs sont tenus de présenter aux inspecteurs du recouvrement tous documents qu'ils estiment nécessaires à l'exercice du contrôle et ils doivent permettre l'accès à tous supports d'information qu'ils leur demandent ;- nonobstant le secret bancaire, sous peine de taxation d'office, l'organisme bancaire contrôlé doit présenter à l'inspecteur du recouvrement, sur tout support, la nature et le montant des avantages bancaires consentis à son personnel et ce, de manière individualisée ;- les dispositions de l'article R. 243-59-1 du code de la sécurité sociale ne s'appliquent pas en l'espèce ;- au regard de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au moment du contrôle, la nature informatique du support demandé était sans incidence sur les sollicitations de l'inspecteur ;- c'est la Caisse d'Epargne Loire Centre qui a spontanément proposé à l'inspecteur du recouvrement de procéder au chiffrage des montants des redressements opérés ; elle ne peut donc pas sérieusement soutenir qu'elle n'aurait pas eu les moyens d'en connaître et comprendre le mode de calcul ;- si la Caisse d'Epargne Loire Centre ne lui avait pas produit les documents permettant le chiffrage exact des redressements à opérer, l'inspecteur du recouvrement aurait procédé à une taxation forfaitaire ;- les témoignages produits par la Caisse d'Epargne Loire Centre ne sont pas probants;

sur le fond du redressement opéré au titre des prêts à taux préférentiels :
- la Caisse d'Epargne Loire Centre est mal fondée à soutenir que, pour apprécier l'excès d'avantage en nature, l'inspecteur du recouvrement aurait dû se référer, non pas, au taux moyen mensuel mais au taux le plus bas pratiqué alors que c'est elle-même qui a établi les écarts constatés et fourni le taux moyen mensuel client permettant de comparer au plus près une même situation au même moment entre un client et un salarié bénéficiaire d'un taux préférentiel.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 26 janvier 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles la Caisse d'Epargne Loire Centre demande à la cour :
- de confirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Indre en date du 12 mars 2010 ;- en conséquence, d'annuler le redressement contesté et la mise en demeure subséquente ;- de condamner l'URSSAF du Centre à lui payer la somme de 2 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
L'intimée fait valoir en substance que :
à titre principal, sur la violation des dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, la violation du principe du contradictoire et des droits de la défense qui affectent les opérations de contrôle et rendent en conséquence le redressement nul:
- l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale est d'interprétation stricte ;- en vertu de l'alinéa 3 de ce texte, dans sa version applicable à l'espèce, l'inspecteur du recouvrement ne pouvait pas exiger du cotisant qu'il établisse un ou des documents à seule fin du contrôle ; au cas d'espèce, l'URSSAF du Centre ne pouvait donc pas lui demander de "construire" un fichier spécifique pour le contrôle en lui précisant les données qu'il devait collecter et les calculs qu'il devait paramétrer ;- le tableau sur lequel l'inspecteur du recouvrement s'est appuyé pour établir le contrôle PPA (prêts à taux préférentiels) n'est pas un document existant mais un document qui a été réalisé spécifiquement à sa demande ; le recours à un tel document "fabriqué" n'est pas légalement permis ;- aucune disposition n'autorisait l'URSSAF du Centre à exiger d'elle qu'elle collecte des informations puis procède à leur synthèse informatique et à leur présentation sur tableur afin de calculer les redressements à la place de l'inspecteur du recouvrement qui plus est, sous la menace d'une taxation forfaitaire ;- un tel procédé est contraire aux dispositions de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme qui consacrent le droit à un procès équitable et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination ;- l'inspecteur du recouvrement s'est fait remettre, par certains préposés de la Caisse d'Epargne Loire Centre qui n'avaient d'ailleurs pas qualité pour le faire, divers documents, dont, en l'absence d'inventaire, il est impossible de déterminer précisément la nature et le nombre, mais dont on sait qu'ils comportaient un CD Rom, des courriels et des échanges entre salariés via l'intranet de l'entreprise ; une telle saisie est illicite et rend le redressement nul ; ceci est d'autant plus vrai qu'elle a été opérée de manière "pressante", à savoir, sous la menace d'une taxation forfaitaire ;- contrairement aux dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale qui imposent que la procédure de redressement soit contradictoire, elle a découvert seulement au stade de la procédure devant la commission de recours amiable que l'URSSAF du Centre disposait de courriels échangés entre salariés, d'un ou de plusieurs listings concernant les PPA, d'un descriptif des conditions particulières des prêts des campagnes promotionnelles et, semble-t-il, d'une liste de prêts de 1 000 ¿ à taux zéro; ces documents auraient dû être mentionnés, dans la lettre d'observations, comme faisant partie des documents consultés ; à défaut, elle n'a pas été mise à même d'en débattre contradictoirement au stade pré-contentieux ;- de même, l'URSSAF a eu accès à un document intitulé "accord d'entreprise" portant sur la tarification des services bancaires aux salariés ; or ce document ne figure pas non plus dans la liste des documents consultés devant figurer dans la lettre d'observations;- l'URSSAF du Centre "a abdiqué son devoir d'analyse entre les mains de certains salariés" ; qu'il s'agisse de la question des challenges, des commissions sur OPCVM ou des taux PPA, elle s'est exclusivement appuyée sur le traitement de données spécifiquement réalisé par la caisse d'épargne du Centre Val de Loire ; l'inspecteur du recouvrement n'a donc ni collecté les données chiffrées puisque ce sont les salariés qui ont dû établir des fichiers, ni effectué de calculs de redressements puisqu'elle s'est appuyée sur des fichiers XLS (des tableurs) préparés par les salariés ni vérifié que les données qui lui étaient transmises étaient exactes

à titre subsidiaire, au fond :
- le redressement concernant les PPA repose sur des données inexactes ; en vertu des circulaires et de la jurisprudence applicables, il aurait dû être opéré à partir du taux le plus bas pratiqué dans l'année alors qu'il l'a été par rapport à un taux moyen mensuel; il est inopérant de la part de l'URSSAF du Centre d'opposer que c'est la caisse d'épargne du Centre Val de Loire qui aurait proposé d'appliquer le taux moyen ; en effet, il appartenait à l'inspecteur du recouvrement d'appliquer la circulaire du DSS du 19 août 2005 qui est opposable à l'URSSAF et de remplir son devoir de conseil.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le redressement :
Selon l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction en vigueur antérieurement au décret du 11 avril 2007, applicable à l'espèce, les inspecteurs du recouvrement doivent, à l'issue du contrôle, communiquer à l'employeur un document daté et signé par eux (appelé "lettre d'observations") mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la fin du contrôle. Ce document doit mentionner, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés.
Au cas d'espèce, la lettre d'observations du 10 janvier 2008 mentionne bien l'objet du contrôle, à savoir : "vérification de l'application de la législation de Sécurité sociale concernant le ou les établissement(s) relevant de la compétence de l'URSSAF de Châteauroux", la période vérifiée, à savoir : du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006, la date de fin du contrôle : 10 janvier 2008, les observations faites au cours du contrôle, la nature, le mode de calcul et le montant des redressements envisagés.
Au titre des documents consultés, la lettre d'observations mentionne : "DADS et TR, bulletins de salaire, états des réductions ou allégements de charges, notes de service, procédures, dossiers individuels, contrat d'intéressement, accord de participation, contrats de retraite supplémentaire et/ou de prévoyance, comptes de résultats, Grand livre, notes de frais, statuts, livres de trésorerie du CE".
Dans le corps des développements de la lettre d'observations, l'inspectrice du recouvrement précise que, pour chacun des trois chefs de redressement en cause (challenges commerciaux, prêts à taux préférentiels et commission réduite pour souscription d'OPCVM), "le chiffrage" de la régularisation à opérer lui a été fourni par la caisse d'épargne du Centre Val de Loire, la répartition étant faite sur le compte principal de chaque département concerné au prorata de la masse salariale.
Toutefois, la lettre d'observations ne fait pas état des documents suivants, pièces qui ont été communiquées par l'URSSAF au cours de la procédure pré-contentieuse et contentieuse, dont il s'avère qu'ils ont été remis à l'inspectrice du recouvrement par des salariés de la caisse d'épargne du Centre Val de Loire au cours des opérations de contrôle : un CD-Rom, des listings informatiques concernant, d'une part, les challenges commerciaux de 2004 à 2006, d'autre part, les salariés ayant bénéficié de prêts à taux préférentiels (PPA), ainsi que des échanges de courriers électroniques entre l'inspectrice du recouvrement, Mme Z... et M. Arnaud A..., responsable de la gestion administrative et de la paie, mais aussi des courriels échangés par des salariés de la caisse d'épargne du Centre Val de Loire entre eux en interne dont certains traitent des éléments et méthodes retenus pour les calculs et dont certains apparaissent comporter des fichiers joints.
Il résulte des attestations produites par la Caisse d'Epargne Loire Centre que ces documents ont été remis à l'inspectrice du recouvrement. Ces remises ne sont pas mentionnées dans la lettre d'observations et il n'est pas discuté par l'URSSAF du Centre qu'elles n'ont fait l'objet d'aucun bordereau de remise signé par un représentant de l'entreprise.
Mme Patricia Y..., responsable paie et administration du personnel, atteste avoir remis à l'inspectrice du recouvrement à sa demande, en octobre 2007, un CD-Rom; elle ajoute que cette demande n'a fait l'objet d'aucun écrit et que la remise n'a pas donné lieu à l'établissement d'un bordereau ou d'un accusé de réception. Aux termes de ses écritures (page 12), l'URSSAF du Centre reconnaît la remise de ce CD-Rom. Contrairement à ce qu'elle indique, la lettre d'observations ne précise pas que les données listées en page 4 au sujet des prêts à taux préférentiels auraient été tirées du CD-Rom ainsi remis. Elle indique seulement que ces données ont fait l'objet d'une communication sous forme de tableau.En outre M. Jean-Charles B..., directeur des affaires sociales, atteste de ce que Mme Patricia Y... ne disposait d'aucun pouvoir pour décider d'une telle remise et engager ainsi l'entreprise.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les opérations de contrôle en cause sont entachées d'irrégularités en ce que l'inspectrice du recouvrement a obtenu la remise de documents qui n'ont pas été mentionnés à la lettre d'observations et n'ont fait l'objet d'aucun bordereau de remise signé par un représentant de l'entreprise, que l'un au moins de ces documents lui a été remis par une salariée de l'entreprise qui n'avait pas le pouvoir de l'engager, de sorte que, d'une part, la Caisse d'Epargne Loire Centre n'a pas disposé de toutes les informations lui permettant de contester la lettre d'observations, d'autre part, la manière de procéder n'a pas permis de garantir l'accord réel de l'entreprise pour la remise de documents en interne.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a annulé le redressement en cause opéré selon lettre d'observations du 10 janvier 2008 et annulé la mise en demeure subséquente délivrée le 25 mars 2008 pour un montant de 14 212 ¿.

Sur la demande de dommages et intérêts pour appel abusif :
Dans la mesure où la Caisse d'Epargne Loire Centre prospère en son recours, l'URSSAF du Centre est mal fondée à soutenir que l'appel serait abusif. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée de ce chef.

Sur le droit d'appel et les frais irrépétibles :
L'appelante qui succombe en son recours sera condamnée au paiement du droit prévu par l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, lequel droit ne peut excéder le dixième du montant mensuel prévu à l'article L. 241-3 du même code.Elle sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer de ce chef à la Caisse d'Epargne Loire Centre la somme de 1200¿.

PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, sur renvoi de cassation, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute l'URSSAF du Centre de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif et de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
La condamne à payer à la Caisse d'Epargne Loire Centre la somme de 1 200 ¿ en application de ce texte ;
La condamne au paiement du droit prévu par l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale liquidé à la somme de 321,80 ¿.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/02414
Date de la décision : 12/01/2016
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2016-01-12;13.02414 ?
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