COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N ic/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 00195.
Jugement Au fond, origine Conseil de prud'hommes-Formation de départage d'ANGERS, décision attaquée en date du 17 Décembre 2012, enregistrée sous le no F 11/ 00248
ARRÊT DU 12 Janvier 2016
APPELANTE :
Madame Charline X... ... 49120 LA TOURLANDRY
comparante-assistée de Maître Philippe PAPIN, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
LA SAS PRODUCTIONS SICAMUS 40 boulevard Robert d'Arbrissel 49000 ANGERS
représentée par Maître ROPARS de la SCP ACR, avocats au barreau d'ANGERS
en présence de Monsieur Y..., Directeur Général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Octobre 2015 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 12 Janvier 2016, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS et PROCÉDURE,
La société Productions SICAMUS fait partie du groupe SICAMUS, spécialisé dans la production de végétaux et dans la distribution de fleurs, plantes, compositions florales, fournitures et décorations destinées aux fleuristes et détaillants.
Le groupe SICAMUS est composé de :
- deux sociétés de production horticole :- Productions SICAMUS,- HORTENSIAS d'Anjou,
- quatre sociétés de négoce exploitant chacune un magasin dédié aux professionnels :- CASH ANJOU à Angers,- Société de Distribution Le Mans,- SD Nantes,- SD Bordeaux,
- une société holding ARTIS.
La société Productions SICAMUS applique la convention collective nationale des Exploitations Horticoles et Pépinières du Maine-et-Loire et employait au 31 décembre 2009 un effectif de plus de 10 salariés.
Mme Charline X... a été recrutée le 20 février 2006 par la société Productions SICAMUS en qualité de Chef de site-Responsable R et D, niveau 6, échelon 2, statut cadre, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel sur la base d'un forfait de 127 jours par an et d'un salaire lissé de 1 255 euros brut par mois.
Dans un dernier avenant du 24 octobre 2008, elle a obtenu une augmentation du forfait passé à 182 jours par an moyennant une rémunération de 2 150 euros brut par mois.
Par courrier du 25 janvier 2010, l'employeur a informé Mme X... que les résultats déficitaires de l'entreprise nécessitaient une réorganisation pour sauvegarder sa compétitivité et sa pérennité se traduisant par une baisse des charges. Il a proposé à la salariée, afin d'éviter la suppression de son poste, une réduction de la durée annuelle de son travail de 94 jours avec un salaire lissé de 1 110. 44 euros brut par mois. La salariée a refusé la modification de son contrat de travail dans un courrier reçu le 22 février 2010, estimant " qu'il n'était pas envisageable de mener à bien ses missions au sein du laboratoire en deux jours par semaine et que ce poste à mi-temps limiterait fortement sa carrière professionnelle et ses capacités financières. " Par courrier en date du 2 mars 2010, elle a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique fixé au 11 mars 2010.
Parallèlement, l'employeur la société Productions SICAMUS l'a informée par courrier du 10 mars 2010, en exécution de son obligation de reclassement, qu'il allait procéder au recrutement de travailleurs saisonniers pour la période du 15 mars au 13 août 2010 sur la base de 35 heures hebdomadaires et d'un salaire de 1 343. 80 euros par mois. L'intéressée a décliné les offres selon courrier du 11 mars 2010 et a rappelé qu'elle possédait également des compétences en qualité-sécurité-environnement.
Le 30 mars 2010, la salariée a reçu notification de son licenciement pour motif économique dans un courrier libellé comme suit " Depuis plusieurs mois, notre société connaît des difficultés économiques qui se traduisent pas un ralentissement de nos ventes et donc une baisse de notre chiffre d'affaires. Beaucoup de plantes sont à l'heure actuelle invendues et devront être jetées. L'exercice clos au 31 juillet 2009 avait enregistré un résultat d'exploitation déficitaire et un résultat courant en perte de 46 518 euros. L'exercice en cours ne permet pas d'envisager des perspectives optimistes. Pour le second exercice consécutif, le chiffres d'affaires va être en baisse et le résultat d'exploitation risque d'être à nouveau en déficit puisque malgré des efforts les charges de l'entreprise ne cessent d'augmenter (salaires, énergie, engrais, etc..). Cela fragilise notre secteur production d'autant que la société HORTENSIAS d'ANJOU a pour sa part un résultat tout juste équilibré au cours du dernier exercice et connaît également un ralentissement d'activité. Nous avons déjà pris un certain nombre de mesures pour réduire les charges de structure mais cela n'est pas suffisant. C'est pourquoi nous avons décidé de réduire l'activité et les coûts de notre service recherche et développement dont vous avez la responsabilité. Afin d'éviter dans un premier temps la suppression de votre poste, nous vous avons proposé une diminution de votre temps de travail par courrier du 25 janvier dernier. Vous avez décidé de refuser cette proposition. Dans ce contexte, afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et de notre secteur de production (Productions SICAMUS et HORTENSIAS d'ANJOU), nous avons décidé de supprimer votre poste de responsable recherche et développement. Nous avons recherché toutes les solutions pouvant permettre votre reclassement au sein des différentes sociétés du groupe. Nous n'envisageons pas de créer un poste dédié à la qualité, à la sécurité et à l'environnement tel que vous l'évoquez. Nous avons seulement pu identifier des postes de travailleurs saisonniers pour lesquels une proposition écrite et précise vous a été faite, le 11 mars 2010. Nous déduisons de votre silence que vous refusez cette offre de reclassement. A ce jour, aucune autre offre de reclassement n'a pu être identifiée au sein du groupe (..).. Dans l'hypothèse où vous adhéreriez à la convention de reclassement personnalisé, votre contrat sera rompu d'un commun accord le 1er avril 2010 et le préavis ne sera pas effectué. Vous percevrez alors une indemnité compensatrice de préavis égale à 4 mois de salaire bruts (..). "
Mme X... ayant adhéré à la convention de reclassement personnalisé le 31 mars 2010, le contrat de travail a été rompu d'un commun accord le 1er avril 2010.
Par courrier du 6 avril 2010, elle a demandé à l'employeur de lui communiquer les critères d'ordre des licenciements et a indiqué qu'elle entendait bénéficier de la priorité de réembauchage.
Par requête du 21 mars 2011 2010, Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers en contestation du bien fondé de son licenciement et en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour inexécution fautive du contrat de travail, pour non-respect de la priorité de réembauchage.
Par jugement de départage en date du 17 décembre 2012, le conseil de prud'hommes d'Angers a :
- dit que le licenciement de Mme X... reposait sur une cause réelle et sérieuse,- dit que la société Productions SICAMUS n'a pas respecté la priorité de réembauchage,- condamné la société Productions SICAMUS à payer à la salariée :- la somme de 4 473. 30 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage,- la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement-condamné la société Productions SICAMUS aux dépens.
Les parties ont reçu notification de ce jugement le 20 décembre 2012.
Mme X... en a régulièrement relevé appel général par courrier de son conseil posté le 19 janvier 2013
PRÉTENTIONS et MOYENS des PARTIES,
Vu les conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 29 septembre 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles Mme X... demande à la cour de :- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il lui a alloué la somme de 4 473. 30 euros de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage et la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- infirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,- dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,- condamner la société Productions SICAMUS au paiement de la somme de 21000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Elle fait valoir en substance que :
- sur l'absence de motif économique du licenciement :- l'employeur ne justifie pas de la persistance de ses difficultés économiques alors qu'il a dégagé un bénéfice de 478 130 euros en juillet 2009, soit moins d'un an plus tôt, qu'il a faussement indiqué dans la lettre de licenciement que le chiffre d'affaires était en baisse pour la seconde année ;- il ne fournit aucun élément sur l'usage réel de l'indemnité d'expropriation perçue en 2009 ;- l'ensemble des sociétés du groupe SICAMUS fait partie d'un seul secteur d'activité, celui de l'horticulture, contrairement à l'interprétation restrictive proposée par l'employeur et entérinée par le jugement ; les difficultés économiques pour apprécier la cause du licenciement doivent être s'apprécier en conséquence au regard des résultats de toutes les sociétés du Groupe SICAMUS et non pas aux seules sociétés du pôle " production " ;- l'employeur s'est abstenu de produire les comptes de résultat des sociétés du prétendu pôle " négoce " ;- la société holding du groupe SICAMUS, la société ARTIS, a réalisé des bénéfices substantiels au 31 juillet 2010 de 1 313 737 euros et au 31 juillet 2011 de 353 885 euros ;- le secteur production, incluant la société Productions SICAMUS et la société Hortensias d'Anjou, est loin d'être déficitaire pour l'exercice clos au 31 juillet 2010 ;- l'employeur a fait construire un nouveau bâtiment moderne et imposant, ce qui remet en cause ses allégations à propos de ses difficultés financières ;
- la réorganisation nécessaire de l'entreprise pour la sauvegarde de sa compétitivité n'est pas davantage justifiée alors que :- elle participe depuis 2010 à un nouveau projet R et D, intitulé BRIO, particulièrement prometteur dans le cadre d'un regroupement d'entreprises VEGEPOLYS ;- elle n'a pas interrompu son activité d'hybridation, partie essentielle de l'activité du laboratoire R et D, confiée à la salariée ;- les tâches de la salariée ont été confiées à Mme Z..., employée qu'elle avait formée et qui, après son départ, a assuré la gestion du laboratoire après des formations complémentaires ;- son poste de travail n'a donc pas été supprimé ;
- sur le manquement à l'obligation de reclassement :- l'employeur n'a pas produit les registres du personnel de l'ensemble des sociétés du groupe SICAMUS recouvrant la période du 2 mars 2010 au 30 septembre 2010, date de la fin du préavis de six mois ;- la Société SD Le Mans a procédé à des embauches entre le 15 et le 29 mars 2010 alors que ces postes auraient pu être proposés à la salariée en cours de licenciement ;- l'employeur a limité ses recherches en interne et ne lui a offert qu'un poste de saisonnier sans commune mesure avec son emploi de responsable R et D ;- il se contente de produire une simple lettre circulaire du 25 janvier 2010 pour justifier ses recherches de reclassement au sein des sociétés du groupe dont il n'a pas attendu les réponses négatives ;
- sur les conséquences du licenciement :- elle est en droit d'obtenir une indemnité équivalente à 6 mois de salaire au minimum en application de l'article L 1235-3 du code du travail ;- sans emploi stable, elle est fondée à réclamer une indemnité de 21 000 euros ;
- sur la priorité de réembauchage :- elle a demandé par courrier du 6 avril 2010 à bénéficier d'une priorité de réembauchage prévue par les articles L 1233-16 et L 1233-45 du code du travail, pendant une période d'un an à compter de la date de fin du préavis, soit jusqu'au 30 septembre 2011 ;- un poste d'ouvrier horticole en CDI disponible à compter du 1er août 2011, compatible avec la qualification de la salariée, ne lui a pas été proposé, de sorte que l'employeur n'a pas respecté la priorité de réembauchage.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 22 septembre 2015 régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience selon lesquelles la société Productions SICAMUS demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 4 473. 30 euros de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage,- dire que le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse,- débouter Mme X... de toutes ses demandes et la condamner au paiement de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'employeur soutient essentiellement que :
- sur la rupture du contrat :- le motif économique du licenciement repose à la fois sur des difficultés économiques et sur la réorganisation de l'entreprise nécessitée par la sauvegarde du secteur du Groupe ;- il existe dans le groupe SICAMUS deux secteurs d'activités identifiables par un faisceau d'indices relatifs à la nature des produits, à la clientèle et au mode de distribution mis en oeuvre : le secteur Production vise la monoculture d'hortensias, produits semi-finis, vendus à des horticulteurs dont les salariés sont soumis à la convention collective de l'horticulture et rattachés à la MSA et le secteur Négoce qui concerne la commercialisation de produits finis, plantes et articles de décoration vendus à des fleuristes professionnels ou jardineries et qui est régi par la convention collective du commerce de Gros, les salariés bénéficiant d'un rattachement social au régime général ;
- sur les difficultés économiques-la réduction importante du résultat de l'entreprise, s'agissant du résultat d'exploitation (415 %) et de la perte comptable entre 2009 et 2010, et de celui des autres sociétés du même secteur (résultat exploitation-104 %) constitue un motif économique parfaitement valable ;- les prévisions pessimistes du secteur d'activités pour les années suivantes se sont révélées exactes en juillet 2012 pour la société Productions SICAMUS et les sociétés filiales ;- il a procédé à la diminution de son activité d'hybridation du service R et D et n'a pas remplacé le poste de cadre : le contrat à durée déterminée d'employé de laboratoire de niveau 1 au sein du service R et D ne nécessitait pas le niveau de formation du poste de Mme X... ;- il reste maître de ses choix économiques, sans immixtion du juge, même s'il ne choisit pas l'option la plus favorable au maintien de l'emploi ;- le bénéfice de la société Productions SICAMUS au 31 juillet 2009 est exclusivement lié à l'encaissement d'une indemnité d'expropriation, sans lien avec l'activité de l'entreprise ;- les sommes ainsi encaissées ont été réinvesties dans l'achat et l'aménagement de nouveaux terrains ;- la société HYDRANOVA, qui ne fait pas partie du groupe SICAMUS, a été créée dans le cadre d'un programme de recherche de plusieurs d'entreprises productrices d'hortensias dont les résultats ne sont pas immédiats en terme de création d'emplois et sont distincts des travaux de recherche appliquée d'hybridation confiés à Mme X... ;- la construction récente d'un bâtiment réfrigéré, indispensable à la conservation des plantes avant leur expédition, participe au maintien de la compétitivité de l'entreprise et a été réalisé grâce à des prêts ;- le motif économique du licenciement de la salariée est donc parfaitement établi ;- subsidiairement au niveau du groupe SICAMUS, la situation comptable des sociétés du groupe révèle, après une année bénéficiaire en 2009 (315 216 euros), des pertes successives des comptes consolidés de-106 626 euros en 2010 et de-253 920 euros en 2011 ;- l'ensemble du Pôle Production du groupe a connu les mêmes difficultés que la société Productions SICAMUS au 31 juillet 2010 sur le plan du résultat d'exploitation et du résultat net comptable ;- l'activité Négoce du groupe s'est dégradée au cours des exercices 2009 à 2011 en raison de la crise économique, d'une météo défavorable, de la baisse des prix des plantes en raison d'une forte concurrence et d'une dé-régulation du marché ;- ce Pôle a fait l'objet d'une mesure de réorganisation au travers d'une réduction du temps de travail proposée aux salariés à titre préventif ;- le poste de Mme X... a bien été supprimé et n'a pas été repris par Mme Z..., ouvrière horticole sans compétence universitaire ou professionnelle dans le domaine de l'hybridation ;- l'activité résiduelle (multiplication in vitro) au sein de la R et D a été proposée à Mme X... le 25 janvier 2010 dans le cadre du CDD à temps partiel d'employé de laboratoire,
- sur l'obligation de reclassement :- elle justifie avoir procédé en vain à des recherches de reclassement au sein des entités du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent une permutation du personnel,- les sociétés des deux Pôles du groupe production et négoce n'ont aucune identité et communauté de travail en commun permettant d'effectuer entre elles la permutation de leurs personnels ;- les registres du personnel démontrent qu'aucun poste disponible avec la qualification de la salariée n'était disponible et ne pouvait lui être proposé ;- les possibilités de reclassement de Mme X... doivent être appréciées au moment où la salarié a reçu la lettre de convocation (2 mars 2010) à un entretien préalable et la date de notification du licenciement (30 mars 2010) ;
- l'employeur a pris soin de transmettre les registres du personnel couvrant une période plus longue au-delà du 30 mars 2010 afin de prévenir toute critique ;- les lettres d'embauche pour les six salariés du magasin du Mans recrutés en mars 2010 ont été adressées en janvier 2010 avant le début de la procédure de licenciement de Mme X... ;- la société Productions SICAMUS dont le gérant également président du Groupe SICAMUS a une parfaite connaissance des emplois disponibles, a respecté son obligation de reclassement en adressant une lettre circulaire aux autres sociétés du groupe et en proposant à Mme X... un poste de travailleur saisonnier après son refus de réduire son temps de travail ;
- sur le respect de la priorité de réembauchage :- le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de rééembauchage durant un an à compter de la date de rupture de son contrat de travail s'il manifeste le désir d'user de cette priorité,- ce délai a couru à compter du 1er avril 2010, date de la rupture du contrat de travail de Mme X... à la suite de son adhésion à la CRP,- l'employeur n'a pas méconnu son obligation en matière de priorité de réémbauchage alors que cette obligation a expiré en avril 2011, que le poste d'ouvrier horticole était disponible en août 2011, que la salariée a ignoré une première proposition du 1er octobre 2010 pour un poste de CDD saisonnier d'employée de laboratoire niveau 1.
MOTIFS DE LA DÉCISION,
Sur le licenciement pour motif économique,
Aux termes de l'article L 1233-3 du code du travail constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué pour un ou plusieurs motifs, non inhérents à la personne du salarié, qui repose sur une cause économique (notamment des difficultés économiques ou des mutations technologiques mais aussi la réorganisation de l'entreprise, la cessation non fautive d'activité de l'entreprise), laquelle cause économique doit avoir une incidence sur l'emploi du salarié concerné ou sur son contrat de travail, en l'occurrence, emporter la suppression de son poste.
En application de l'article L 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés à son égard et que son reclassement sur un emploi de même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou à défaut, et sous réserve de l'accord exprès de l'intéressé, sur un emploi de catégorie inférieure, ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel elle appartient.
Pour satisfaire aux exigences de ces textes et à celle de motivation de la lettre de licenciement, cette dernière doit énoncer à la fois l'une des causes économiques admises pour justifier le licenciement pour motif économique mais aussi l'incidence de cette cause économique sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié.
La réorganisation de l'entreprise constituant un motif économique de licenciement, il suffit que la lettre de rupture fasse état de cette réorganisation et de son incidence sur le contrat de travail. L'employeur peut ensuite invoquer que cette réorganisation était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ou qu'elle était liée à des difficultés économiques ou à une mutation technologique. Il appartient au juge de le vérifier étant précisé que si l'entreprise appartient à un groupe, les difficultés économiques ou la menace sur la compétitivité s'apprécient au niveau du secteur.
En l'espèce, la société Production SICAMUS a motivé, dans la lettre de licenciement du 30 mars 2010, la suppression du poste de Mme X... " afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et de notre secteur production (Productions SICAMUS et Hortensias d'Anjou " et a évoqué des difficultés économiques contemporaines au licenciement et de nature à commander sa réorganisation.
Il résulte des documents produits et des débats que :- les sociétés du groupe SICAMUS comprennent un pôle " Production " axé sur la production d'hortensias et un second pôle " Négoce " sur la vente de tous types de plantes et articles de décoration achetés à des fournisseurs,- les clients des sociétés de production du groupe sont des horticulteurs tandis que ceux des sociétés de négoce sont des jardineries ou des fleuristes,- les salariés du pôle Négoce dépendent de la convention collective Commerce de Gros, les salariés du Pôle Production étant soumis à la convention collective de l'Horticulture du Maine et Loire,- ils sont rattachés au régime général des salariés de la sécurité sociale et non pas à la MSA comme les salariés du Pôle Production.- les biens produits par le Pôle Production sont des hortensias semi-finis, alors que le Pôle Négoce commercialise des produits divers " finis ".
L'employeur fait valoir à juste titre que deux secteurs d'activités doivent être distingués au sein du groupe SICAMUS, le premier groupe de sociétés concernant la production d'hortensias et le second groupe la vente de produits finis divers, que le secteur d'activités Production est composé uniquement de la société Productions SICAMUS et de la société Hortensias d'Anjou. Dans ces conditions, il convient d'apprécier la menace sur la compétitivité des deux seules sociétés du même secteur d'activité Production du groupe SICAMUS et les difficultés économiques de nature à commander une réorganisation de l'entreprise en cause.
La société Productions SICAMUS justifie que :- son chiffre d'affaires est passé de 4 013 531 euros en juillet 2009 à 3 942 786 euros (-1. 76 %) en juillet 2010,- son résultat d'exploitation a chuté de-15 147 euros en juillet 2009 à -78 063 euros (-415 %),- le bénéfice net enregistré en juillet 2009 de 478 130 euros s'explique essentiellement grâce au produit exceptionnel perçu (571 300 euros) à la suite d'une procédure d'expropriation à sans lequel le résultat de l'activité de l'entreprise aurait été déficitaire (-93 170 euros),- pour l'exercice suivant (2010), les pertes se sont élevées à -35 320 euros.
S'agissant de la société HORTENSIAS d'ANJOU, dépendant du même secteur d'activité Production, elle a affiché en juillet 2010 un résultat d'exploitation de 18 220 euros (+ 2. 53 %) et un bénéfice modeste de 13 987 euros au regard du chiffre d'affaires de 902 465 euros.
Les prévisions défavorables de la société Production SICAMUS à la période contemporaine de la rupture du contrat de travail au 30 mars 2010, ont été confirmées quelques mois plus tard lors de la clôture de l'exercice en juillet 2010 dans un secteur d'activités fortement concurrentiel et de crise économique : le résultat d'exploitation du pôle Production s'est élevé à -62 466 euros et a affiché une perte de-20 159 euros en juillet 2010.
Le projet de recherche fondamentale dénommé BRIO auquel la société Production SICAMUS a participé dans le cadre du pôle de compétitivité GEOPOLYS n'a démarré qu'en mai 2011, soit plus d'un an après le licenciement de Mme X.... Les résultats de ce projet étaient attendus à long terme, au minimum à partir de l'année 2016.
Les résultats comptables ainsi enregistrées par les sociétés du secteur Production du groupe SICAMUS, et les déficits successifs des exercices 2009 et 2010 de la société Production SICAMUS, permettent de mettre en évidence une réelle menace sur la compétitivité de l'entreprise et de son secteur d'activité.
Le fait pour l'employeur de supprimer la recherche appliquée hybridation de son laboratoire Recherche et Développement, tout comme l'achat de nouveaux locaux réfrigérés reposent sur des choix de stratégie incombant au seul employeur. Les contestations de la salariée ne sont pas fondées sur ce point.
La société Production SICAMUS établit ainsi qu'elle rencontrait des difficultés économiques réelles et que sa compétitivité était effectivement menacée lors de la notification du licenciement. Elle établit également que son organisation existante était impuissante à y pallier et que cette menace nécessitait une mesure de sauvegarde passant par la réduction de l'activité et des coûts du service Recherche et Développement et par la suppression du poste de responsable de ce service. Elle justifie avoir dans un premier temps, le 25 janvier 2010, proposé à Mme X... de réduire son temps de travail ce que cette dernière a refusé.
Par ailleurs, au vu du registre du personnel, l'emploi de la salariée, seul cadre du service R et D, a bien été supprimé même si certaines tâches simples ont été reprises par une autre salariée ouvrière horticole au sein du laboratoire R et D.
Au vu de ces éléments, le motif économique du licenciement de Mme X... étant établi, le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur l'obligation de reclassement,
L'article L 1233-4 du code du travail dispose que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés à son égard et que son reclassement sur un emploi de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent et à défaut, sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi de catégorie inférieure, ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel elle appartient. Les possibilités de reclassement doivent être recherchées à l'intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. L'employeur a l'obligation de rechercher des possibilités de reclassement parmi les postes vacants à durée indéterminée de même catégorie que l'emploi antérieur. Il doit examiner le cas échéant des emplois temporaires. Toutefois, il ne peut lui être reproché de ne pas proposer des emplois temporaires s'il a déjà proposé des emplois à durée indéterminée de même catégorie. L'employeur a la charge de la preuve qu'il a satisfait de manière loyale et sérieuse à son obligation de reclassement dans l'entreprise ou à l'intérieur du groupe auquel appartient l'entreprise avant la notification du licenciement.
En l'espèce, il résulte des pièces produites que :
- Mme X... a refusé le 25 janvier 2010 la modification de son contrat de travail liée à la réduction de la durée annuelle de travail de 182 jours à 94 jours par an pour une rémunération de 1 110. 40 euros par mois,- M. A..., gérant de la société Production SICAMUS, justifie avoir adressé le 25 janvier 2010 aux " Directeurs des magasins " du groupe et au Directeur de Production un courrier libellé comme suit : " Comme vous le savez, nous nous engageons actuellement afin de sauvegarder la compétitivité du groupe dans un projet de réorganisation globale qui vient impacter notamment dans un premier temps le service R et D dont Mme X... a la charge. Dans ce contexte, nous lui avons proposé une modification de son contrat de travail passant de 184 jours l'an à 92 jours. Nous vous rappelons que Mme X... occupe un poste de responsable R et D niveau 6 échelon 2 statut cadre. S'agissant d'une modification de son contrat de travail, il ne peut être exclu un refus de sa part et il convient par conséquent de lui rechercher d'éventuelles possibilités de reclassement. Dans le cadre de cette obligation de recherche de reclassement inhérente à tout licenciement pour motif économique, je vous remercie de me contacter afin de m'indiquer les éventuels besoins identifiés et les postes à pourvoir sur l'entité dont vous avez la charge afin que je sois en mesure de formuler le cas échéant des propositions de reclassement la concernant, y compris s'agissant de postes de catégorie inférieure. A défaut de réponse de votre part sous quinzaine, nous déduirons de votre silence qu'aucun poste n'est disponible. "- l'employeur a présenté, à Mme X..., par courrier remis en mains propres le 10 mars 2010, une offre de reclassement en interne sur un poste de travailleur saisonnier sur une période de 5 mois défini comme suit : il s'agit d'un poste d'exécution classé niveau 1, avec un salaire de 1 343. 80 euros par mois pour 35 heures de travail hebdomadaires.- la salariée n'a pas répondu à cette offre de reclassement sur un emploi temporaire de catégorie inférieure.
La société Production SICAMUS produit son registre du personnel établissant qu'à la date de notification du licenciement le 30 mars 2010, aucun poste n'était disponible et susceptible d'être offert à la salariée dans le cadre de son obligation de reclassement, à l'exception de ceux de travailleur saisonnier refusés par cette dernière.
Même si l'employeur ne justifie pas des réponses écrites négatives des autres sociétés du groupe à la lettre circulaire du 25 janvier 2010, les registres du personnel desdites sociétés confirment qu'aucun poste de reclassement n'était disponible à la date où le licenciement a été envisagé et la procédure engagée le 2 mars 2010.
S'agissant des recrutements opérés dans le magasin ouvert au Mans (SARL SD LE MANS) les 15 et 29 mars 2010, l'employeur justifie avoir adressé les lettres d'embauche des employés les 19 et 22 janvier 2010 de sorte que ces postes n'étaient pas vacants à une période concomitante à celle où la procédure de licenciement de Mme X... a été initiée le 2 mars 2010. S'agissant de la société HYDRANOVA dont la société Production SICAMUS et des entreprises concurrentielles sont actionnaires, il est établi que l'activité de recherche a démarré en mai 2011, soit plus de 13 mois plus trad, et que le premier salarié a été recruté le 2 mai 2011 en qualité de chercheur.
L'ensemble de ces éléments permet de conclure que l'employeur a satisfait à son obligation de manière loyale et sérieuse de reclassement de Mme X.... En conséquence, le jugemenjt sera confirmé en ce qu'il a considéré que l'obligation de reclassement avait été respecté et que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse. Les demandes indemnitaires et salariales de Mme X... pour licenciement sans cause réelle et sérieuse seront donc rejetées par voie de confirmation du jugement.
Sur la priorité de réembauche,
Selon l'article L 1233-45 du code du travail, le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat de travail, s'il en fait la demande au cours de ce même délai.
Il ne fait pas débat que :- Mme X... a demandé par courrier du 6 avril 2010, à faire usage de son droit de réembauche,- l'employeur lui a adressé le 1er octobre 2010 une offre d'embauche pour un poste en CDD d'employée de laboratoire niveau 1, sur une durée de 5 mois et demi, avec un salaire de 1 343. 80 euros par mois à temps complet (pièce 8 intimée)- la salariée n'a pas répondu à cette offre dans le délai imparti (8 octobre 2010).
La convention de reclassement personnalisé à laquelle Mme X... a adhéré le 31 mars 2010 est soumise aux dispositions alors en vigueur des anciens articles L 1233-65 et suivants du code du travail. Selon ces textes, le contrat de travail à la suite de l'adhésion de la salariée à la CRP, est réputé rompu du commun accord des parties. Cette rupture ne comporte ni préavis ni indemnité de préavis. Le point de départ de la priorité de réembauche court à partir du 1er avril 2010, date de la rupture du contrat de travail de la salariée, et se termine le 1er avril 2011 sans qu'il soit utile de se référer à la période de préavis devenue sans objet à la suite de l'adhésion de Mme X... à la CRP. Dans ces conditions, la salariée est mal fondée à se prévaloir du non-respect de la priorité de réembauche prévues à l'article L 1233-45 au regard du poste d'ouvrier horticole en contrat à durée indéterminée disponible à compter du 1er août 2011. Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé sur ce point.
Sur les autres demandes,
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens. Les parties seront en conséquence déboutées de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement déféré étant infirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile
Mme X... sera condamnée aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant, publiquement et contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit que la société Productions SICAMUS n'a pas respecté la priorité de réembauchage,- condamné la société Productions SICAMUS à payer à la salariée la somme de 4 473. 30 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage et la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
DIT que la société Productions SICAMUS a respecté la priorité de réembauche,
DÉBOUTE Mme X... de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche et de sa demande d'indemnité de procédure au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CONFIRME le surplus des dispositions du jugement,
DÉBOUTE Mme X... de ses demandes,
REJETTE la demande de la société Productions SICAMUS en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE Mme X... aux dépens d'appel.