La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/01/2016 | FRANCE | N°13/03095

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 05 janvier 2016, 13/03095


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N aj/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 03095.
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du MANS, décision attaquée en date du 23 Octobre 2013, enregistrée sous le no 22 433

ARRÊT DU 05 Janvier 2016

APPELANT :
Monsieur Joël X...... 72310 LA CHAPELLE GAUGAIN
représenté par Maître DROUET, avocat substituant Maître PAVET de la SCP PAVET-BENOIST-DUPUY-RENOU-LECORNUE, avocats au barreau du MANS-No du dossier 20121159

INTIMEE :
LA CAISSE PRIMAIRE

D'ASSURANCE MALADIE DE LA SARTHE 178 Avenue Bollée 72033 LE MANS CEDEX 9
représentée par Madame C......

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N aj/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 03095.
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du MANS, décision attaquée en date du 23 Octobre 2013, enregistrée sous le no 22 433

ARRÊT DU 05 Janvier 2016

APPELANT :
Monsieur Joël X...... 72310 LA CHAPELLE GAUGAIN
représenté par Maître DROUET, avocat substituant Maître PAVET de la SCP PAVET-BENOIST-DUPUY-RENOU-LECORNUE, avocats au barreau du MANS-No du dossier 20121159

INTIMEE :
LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SARTHE 178 Avenue Bollée 72033 LE MANS CEDEX 9
représentée par Madame C..., munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Novembre 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne JOUANARD, président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 05 Janvier 2016, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE,

M. Joel X..., ouvrier mécanicien au sein d'un garage automobile a été victime d'un accident de travail le 31 août 1971, la chute d'un bloc moteur qu'il transportait lui ayant occasionné des plaies par écrasements de trois doigts de la main droite.
Cet accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre des risques professionnels et il a été déclaré consolidé le 10 septembre 1971 avec un taux d'IPP de 10 %.
Le 11 janvier 2012 M. X... a transmis à la caisse primaire d'assurance maladie un certificat médical de " rechute " de cet accident du travail établi par le docteur Y... constatant qu'il présentait des " douleurs du poignet et de l'index droit avec impotence fonctionnelle du poignet avec arthrose sévère scaphoïdienne consécutive à lésion ligamentaire liée à l'accident du travail de 1971 "
La caisse primaire d'assurance maladie a instruit sa demande et le médecin-conseil a émis un avis défavorable à la prise en charge des arrêts de travail et de leurs conséquences au titre d'une rechute au motif qu'il n'y avait pas d'aggravation de l'état de la victime en lien avec l'accident originel.
Le 26 mars 2012 elle a notifié à l'assuré une décision de refus et, ensuite de la contestation de M. X..., a mis en oeuvre l'expertise médicale prévue par l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale.
Le docteur Z... expert désigné a estimé qu'il était impossible d'établir un lien direct et certain entre l'arthrose sévère du poignet droit et l'accident du 30 août 1971 et a conclu : " l'état de santé de l'assuré est en rapport avec un état pathologique indépendant de l'AT (évoluant pour son propre compte) ".
Le 23 mai 2012 la caisse primaire d'assurance maladie a notifié à M. X... une décision de refus de prise en charge au titre de la rechute au motif qu'" il n'existe pas de relation directe et certaine entre les lésions décrites sur le certificat médical de rechute du 11 janvier 2012 et celles décrites sur le certificat médical initial du 31 août 1971 de l'accident de travail du 30 août 1971. "
M. X... a saisi la commission de recours amiable qui, dans sa séance du 30 août 2012, a confirmé la décision de la caisse.
M. X... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une contestation de la décision de la commission de recours amiable et a sollicité l'organisation d'une nouvelle expertise, son état de santé justifiant selon lui la prise en charge de ses lésions actuelles au titre d'une rechute de son accident du travail.
Par jugement du 3 avril 2013 ce tribunal a ordonné une nouvelle expertise technique confiée au docteur A... qui a déposé son rapport le 17 juin 2013, puis par jugement en date du 23 octobre 2013, a, au visa de ce rapport :- rejeté le recours de M. X...,- dit et jugé que les lésions décrites dans le certificat médical du 11 janvier 2012 ne pouvaient être prises en charge au titre d'une rechute de l'accident du travail du 30 août 1971.
Par courrier électronique reçu au greffe le 27 novembre 2013 M. X... a régulièrement relevé appel de ce jugement.

MOYENS ET PRÉTENTIONS,
Dans ses écritures régulièrement communiqués déposées le 10 juin 2015 et à l'audience, M. X... demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris,- de dire que " la réouverture déclarée le 11 janvier 2012 de son dossier médical devra être prise en charge dans le cadre de la législation sur les accidents du travail en relation avec l'accident initial du 31 août 1971 " ;- de condamner la caisse primaire d'assurance maladie à lui verser la somme de 1000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Il fait essentiellement valoir :- qu'il résulte de tous les documents médicaux produits que les lésions consécutives à son accident du travail ont entraîné des prises manuelles modifiées qui ont conduit à une détérioration progressive des moyens de stabilisation du poignet ;- que l'on voit mal alors comment l'expert, le docteur A..., a pu considérer qu'il n'y avait pas de lien direct entre l'accident du travail et l'atteinte dégénérative du poignet tout en précisant que le caractère professionnel était indiscutable ;- que la relation entre l'accident du travail et les efforts physiques générés sur le poignet est indiscutablement directe puisque sans l'accident initial ces efforts ne seraient pas intervenus ;- qu'ainsi son affection du poignet doit être prise en charge au titre d'une rechute.
Dans ses écritures régulièrement communiquées déposées le 5 novembre 2015 et à l'audience la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe demande à la cour de débouter l'appelant de toutes ses demandes et de confirmer le jugement entrepris et le bien fondé de sa décision de refus de reconnaître l'existence d'une rechute au 11 janvier 2012 de l'accident du travail du 30 août 1971.
Elle fait essentiellement valoir :- qu'il résulte clairement du rapport de l'expert qu'il n'existe qu'un lien de causalité indirect entre la pathologie déclarée au titre d'une rechute et l'accident du travail ;- que la qualification de rechute nécessite un lien de causalité exclusif avec le sinistre initial ;- que la présence d'arthrose chez une personne de 60 ans n'a rien d'exceptionnel et constitue même un phénomène fréquent chez les personnes qui ont exercé une profession manuelle comme M. X..., le docteur A... expliquant que ce phénomène s'est accentué du fait de la façon dont celui ci a été amené à utiliser sa main mais n'indiquant pas que le lien est exclusif ;- qu'il s'est écoulé un délai de 40 ans depuis l'accident sans que l'assuré ne fasse aucune demande de rechute alors qu'il a été victime d'un autre accident du travail consistant à nouveau en un écrasement des 3ème et 4ème doigts de la main droite le 6 novembre 2001 qui a donné lieu à une guérison le 29 novembre 2001 ;- enfin que M. X... n'est plus en activité.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties il convient se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure et aux débats à l'audience du 20 janvier 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION,
L'article L. 443-1 du code de la sécurité sociale prescrit que toute modification dans l'état de la victime, dont la première constatation médicale est postérieure à la date de guérison apparente ou de consolidation de la blessure, peut donner lieu à une nouvelle fixation des réparations.
L'article L. 443-2 du code de la sécurité sociale dispose que si l'aggravation de la lésion entraîne pour la victime la nécessité d'un traitement médical, qu'il y ait ou non nouvelle incapacité temporaire, la caisse primaire d'assurance maladie statue sur la prise en charge de la rechute.
L'aggravation de la lésion initiale ou l'apparition d'une nouvelle lésion dans le cadre d'une demande de rechute doivent présenter un lien de causalité direct et exclusif avec l'accident du travail, sans intervention d'une cause extérieure. Il doit exister une relation directe et unique entre le traumatisme initial et cette aggravation de la lésion initiale ou l'apparition d'une nouvelle lésion après guérison. La rechute doit constituer une conséquence exclusive de l'accident du travail antérieur.
Dans la mesure où la rechute ne bénéficie d'aucune présomption d'imputabilité, il appartient à la victime d'établir le lien de causalité direct et exclusif entre l'accident initial et la rechute.
Or au cas d'espèce il est établi :
- qu'ensuite de son accident du travail du 30 août 1971 M X... a présenté un écrasement des 2ème, 3ème et 4ème doigts de la main droite qui ont été suturées et il a repris son poste de travail le 11 septembre 1971 avec des soins pendant 8 jours et une consolidation au 10 septembre1971 ;
- que le certificat de rechute du docteur Y... indique " douleurs du poignet et de l'index droit avec impotence fonctionnelle du poignet en rapport avec une arthrose très sévère scaphoïdienne consécutive à des lésions ligamentaires liées à l'accident ".
Le médecin conseil interrogé, après enquête, a émis un avis défavorable à la prise en charge de la pathologie déclarée en 2012 par M. X... au titre d'une rechute de son accident du travail survenu en 1971.
Le docteur Z... médecin expert désigné dans le cadre des prescriptions de l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale, après avoir relaté les blessures subies par M. X... le 30 août 1971- écrasement des 2ème, 3ème et 4ème doigts de la main droite qui ont été suturées et Nb) une rupture du tendon fléchisseur de l'index-, la reprise de travail sans problème jusqu'en 2008, la consultation du docteur B... spécialiste de la main fin 2007 pour des douleurs au poignet avec découverte d'une arthrose sévère et avoir examiné l'assuré et constaté ses douleurs, a conclu que " la demande de rechute concerne la prise en charge d'une arthrose sévère du poignet droit pour laquelle il est impossible d'établir un lien certain et direct avec l'accident du 30/ 08/ 71 ". Il conclut que " l'état de santé de l'assuré est en rapport avec un état pathologique indépendant de l'AT (évoluant pour son propre compte) ".
Le docteur A..., expert, après avoir repris dans son rapport la situation de santé et de travail de M. X... depuis 1971 et notamment l'apparition de douleurs au niveau du poignet depuis environ 10 ans et l'apparition progressive de lésions dégénératives au niveau de l'articulation radiocarpienne droite qui se traduisent aujourd'hui par une arthrose évoluée de la 1ère rangée des os du carpe,- a indiqué que " l'accident du travail de 1971 ne créé aucune lésion dans la zone géographique du poignet " ;- a estimé que " l'accident du travail de 1971, responsable d'une séquelle (raideur du 2ème doigt de la main droite), entraîne des prises manuelles modifiées et des contraintes inhabituelles sur la mécanique du poignet ; cela a conduit à une détérioration progressive des moyens de stabilisation du poignet en charge et à une arthrose du poignet ; il existe une relation certaine entre la séquelle de l'accident et l'arthrose du poignet constatée aujourd'hui ;- cependant cette relation n'est pas directe ; elle conserve un caractère professionnel dans la mesure où c'est la nécessité de poursuivre des efforts physiques qui ont conduit à l'atteinte dégénérative progressive de l'articulation du poignet ; si l'activité professionnelle de M. X... avait été différente après l'accident, moins physique, l'évolution du poignet aurait été toute différente ; dans une prise en charge idéale le handicap aurait mérité un reclassement professionnel ;- nous pensons qu'il y a une relation certaine entre l'accident du travail de 1971 et l'atteinte dégénérative actuelle du poignet droit ; on ne peut par contre pas faire le lien entre l'atteinte dégénérative et les lésions initiales ; le caractère professionnel de la dégradation de fonction du poignet est cependant indéniable ;
- en conclusion il existe une relation certaine entre les lésions décrites sur le certificat médical de rechute du 11 janvier 2012 et celles décrites sur le certificat médical initial du 31 août 1971. La relation entre l'atteinte dégénérative du poignet actuellement constatée et l'accident du travail est par contre indirecte avec un caractère professionnel indiscutable ".
Or il doit être constaté par la cour :- que docteur Y... médecin traitant a clairement relié l'impotence fonctionnelle du poignet de M. X..., présentant une arthrose très sévère scaphoïdienne, aux lésions ligamentaires liées à l'accident ;- que le docteur B... chirurgien spécialiste de la main atteste le 14 mars 2012 avoir constaté une dégradation fonctionnelle de la main et du poignet droit très arthrosique de M. X... entre 2007 et 2012 et affirme qu'il est certain que la dégradation de son poignet est en relation avec cette mauvaise utilisation de la main avec notamment un index droit qui est tout à fait raide ;- que le docteur Z... premier médecin expert technique a constaté la raideur de l'index droit en la reliant à une rupture (passée inaperçue ?) du tendon fléchisseur de l'index tout en concluant que " l'état de santé de l'assuré est en rapport avec un état pathologique indépendant de l'AT (évoluant pour son propre compte) ", sans expliquer ni préciser d'une quelconque façon de quel " état pathologique indépendant " il s'agit ; qu'à supposer que cet état pathologique ¿ indépendant " soit lié à l'apparition d'arthrose, force est de constater que le docteur Z... ne précise pas avoir constaté que M X..., certes âgé de 60 ans, présentait de l'arthrose ailleurs que sur son poignet droit ; qu'ainsi il ne justifie pas sa conclusion-qui est purement affirmative-par des constatations et/ ou explications médicales de sorte que ses conclusions péremptoires et non corrélées à ses constatations ne sont pas signifiantes ;- que les conclusions du docteur A... sont contradictoires avec ses constatations ; qu'en effet il lui appartenait de déterminer si la nouvelle lésion que constitue l'arthrose du poignet droit constatée chez M. X... était en lien direct et certain avec les séquelles de son accident du travail de 1971 et, dans ce cadre là, il résulte indiscutablement de son rapport dont la cour a repris ci dessus l'analyse, que ce lien est avéré ; il indique notamment que l'accident du travail de 1971, responsable d'une séquelle (raideur du 2ème doigt de la main droite) a entraîné des prises manuelles modifiées et des contraintes inhabituelles sur la mécanique du poignet " ce qui a conduit " à une détérioration progressive des moyens de stabilisation du poignet en charge " et " à une arthrose du poignet, " qu'il y a une relation certaine entre l'accident du travail de 1971 et l'atteinte dégénérative actuelle du poignet droit " et que " le caractère professionnel de la dégradation de fonction du poignet est cependant indéniable " de sorte qu'il s'en déduit que la pathologie déclarée par l'assuré le est bien la conséquence directe et certaine de l'accident du travail dont il a été victime en 1971.
Il se déduit ainsi de ces constatations qu'aucun de ces médecins n'ayant identifié une phénomène autre que les séquelles de l'accident du travail de 1971 qui puisse être-et a fortiori soit-en lien même partiel avec l'arthrose présentée, fut ce 40 ans plus tard, par M. X..., cette pathologie arthrosique déclarée doit être considérée comme étant la conséquence certaine, directe et exclusive du dit accident du travail justifiant sa prise en charge au titre d'une rechute.
Le jugement entrepris doit donc être infirmé en toutes ses dispositions et il y a lieu de faire droit à la demande de M. X....
L'équité commande le rejet de la demande de l'appelant fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement en matière sociale par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Dit et juge que la pathologie déclarée par M. X... le 11 janvier 2012 devra être prise en charge dans le cadre de la législation sur les accidents du travail au titre d'une rechute en relation avec l'accident du travail dont il a été victime le 31 août 1971.
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/03095
Date de la décision : 05/01/2016
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2016-01-05;13.03095 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award