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05/01/2016 | FRANCE | N°13/02128

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 05 janvier 2016, 13/02128


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N aj/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 02128.
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du MANS, décision attaquée en date du 03 Juillet 2013, enregistrée sous le no 22 439 Assurée : Angélique X...

ARRÊT DU 05 Janvier 2016

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU LOIRET Place de Gaulle 45000 ORLEANS

représentée par Monsieur D..., muni d'un pouvoir
INTIMEE :
Société AUCHAN FRANCE 200 rue de la Recherche 59650 VILLENEUVE D

'ASCQ

représentée par Maître SCETBON, avocat substituant Maître MOREAU, avocat au barreau de PARIS
COMPOSI...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N aj/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 02128.
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du MANS, décision attaquée en date du 03 Juillet 2013, enregistrée sous le no 22 439 Assurée : Angélique X...

ARRÊT DU 05 Janvier 2016

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU LOIRET Place de Gaulle 45000 ORLEANS

représentée par Monsieur D..., muni d'un pouvoir
INTIMEE :
Société AUCHAN FRANCE 200 rue de la Recherche 59650 VILLENEUVE D'ASCQ

représentée par Maître SCETBON, avocat substituant Maître MOREAU, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Novembre 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne JOUANARD, président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 05 Janvier 2016, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE,

Le 4 janvier 2008 Mme X... salariée de la société Auchan en qualité de coordinatrice d'équipe a indiqué à son employeur avoir été victime d'un accident du travail la veille jeudi 3 janvier 2008 à 12h30.
La société Auchan a alors établi une déclaration d'accident du travail en relatant ainsi les faits : " en déplaçant un gros plasma, la victime a ressenti une violente douleur au niveau de l'épaule et du bras droit. Siège des lésions : épaule et bras droit ; nature des lésions : douleur ".
Un certificat médical a été établi le 4 janvier 2008 constatant un traumatisme de l'épaule droite avec prescription d'un arrêt de travail jusqu'au 18 janvier 2008 qui s'est poursuivi par des arrêts de travail successifs. La salariée a été déclaré consolidée le 30 avril 2009 avec un taux d'IPP de 8 %.
Cet accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la législation professionnelle.
Ayant constaté que sur son compte employeur figuraient les sommes de :-21 176, 34 ¿ au titre indemnités temporaires 361 jours d'arrêts de travail-11 032, 22 ¿ au titre indemnités temporaires159 jours d'arrêts de travail et 2 011, 56 ¿ au titre indemnités capital correspondant à IPP 8 %, le 12 octobre 2011 la société Auchan France a saisi la commission de recours amiable d'une contestation de l'opposabilité de la décision de prise en charge de la caisse primaire d'assurance maladie qui, par décision du 19 juillet 2012, a rejeté son recours.

La société Auchan France a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans qui, par jugement en date du 3 juillet 2013 :- a fait droit au recours de la société Auchan France,- a dit que la matérialité du fait accidentel du 3 janvier 2008 n'était pas établie,- a déclaré inopposable à la société Auchan France la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident survenu le 3 janvier 2008 à Mme X...,- a débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par lettre recommandée reçue au greffe le 29 juillet 2013 la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret a régulièrement relevé appel de ce jugement.

MOYENS ET PRÉTENTIONS,

Dans ses écritures régulièrement communiquées déposées le 26 août 2015 et à l'audience la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret demande à la cour :- d'infirmer le jugement entrepris,- de dire que la matérialité du fait accidentel du 3 janvier 2008 est établie,- de déclarer opposable à la société Auchan France le caractère professionnel des lésions, soins et arrêts prescrits au titre de cet accident, de condamner la société Auchan France à lui verser la somme de 600 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait essentiellement valoir :- que si la preuve de la matérialité de l'accident lui incombe, il existe au cas d'espèce des indices graves, précis et concordants qu'elle détaille plus avant et qui permettent de l'établir ;- qu'une fois établie la matérialité de l'accident, au regard de la présomption de l'imputabilité des lésions à l'accident, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve que ces lésions ont une cause étrangère à l'accident ce qu'il ne fait pas alors que. tous les arrêts et soins dont a bénéficié Mme X... sont expressément rattachés à l'accident tant par le médecin traitant que par le médecin conseil.

Dans ses écritures régulièrement communiquées déposées le 21 septembre 2015 et à l'audience la société Auchan France demande à la cour :- de confirmer le jugement entrepris,- à titre principal, au visa de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, après avoir constaté que la caisse primaire d'assurance maladie ne rapporte pas la preuve d'un fait accidentel survenu au temps et au lieu de travail le 3 janvier 2008 à Mme X..., de dire et juger que la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de cet accident déclaré par la salariée lui est inopposable ainsi que l'ensemble de ses conséquences,- à titre subsidiaire, après avoir constaté que les prestations versées à la salariée lui font grief au travers de l'augmentation de ses taux de cotisations et qu'elle rapporte la preuve de l'absence d'imputabilité à la lésion initiale des soins et arrêts de travail postérieurs au 24 juin 2008, de lui déclarer inopposables les soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de l'accident du travail du 3 janvier 2008 déclaré par la salariée postérieurement à cette date,- infiniment subsidiairement, après avoir constaté qu'il existe un litige d'ordre médical sur la réelle imputabilité des lésions, prestations, soins et arrêts de travail indemnisés au titre de l'accident du 3 janvier 2008, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale.

Elle soutient en résumé :- que la preuve de la matérialité de l'accident en temps et lieu de travail incombe à caisse primaire d'assurance maladie ; que la déclaration de la victime est insuffisante pour ce faire ;- qu'au cas d'espèce il n'existe pas d'indices suffisants pour ce faire ainsi qu'elle le développe plus avant dans ses écritures ;- subsidiairement et si la matérialité de l'accident était reconnue, qu'elle est fondée à contester le lien entre l'accident et les arrêts travail, soins et prestations dont à bénéficié sa salariée au regard des éléments médicaux et de littérature médicale qu'elle produit.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties il convient de se reporter à leurs écritures ci dessus visées figurant au dossier de la procédure et aux débats à l'audience du 16 novembre 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

Sur la matérialité de l'accident du travail,
Aux termes de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale qui instaure une présomption d'imputabilité de l'accident au travail, " Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ".
Constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.
Dans ses rapports avec l'employeur il appartient à la caisse primaire d'assurance maladie de rapporter la preuve de la matérialité de l'accident du travail.
Au cas d'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que :- dans la déclaration d'accident du travail faite par l'employeur et qui est en date du 4 janvier 2008, les circonstances de cet accident sont précisément décrites " en déplaçant un gros plasma, la victime a ressenti une violente douleur au niveau de l'épaule et du bras droit ", le fait s'étant produit à 12h30 le 3 janvier, soit la veille, alors que la salariée, qui était employée dans l'entreprise depuis le 15 juillet 1991 en qualité de coordinatrice d'équipe, travaillait de 10h40 à 19 h ;

- que les lésions caractérisées par des douleurs " épaule et bras droit " persistantes le lendemain sont compatibles avec les circonstances de leur apparition telles que relatées ; elles ont été inscrites au registre d'infirmerie le 4 janvier et ont donné lieu, à cette date, à un certificat médical du docteur Z... prescrivant à la salariée un arrêt de travail " accident du travail " de 14 jours pour un traumatisme de l'épaule droite ;- l'employeur n'a fait aucune observation ni émis aucune réserve dans la déclaration qu'il a fait parvenir à la caisse primaire d'assurance maladie et n'a contesté cette prise en charge qu'en octobre 2011, de sorte que la personne indiquée comme ayant été témoin Mme A... n'a effectivement pas été interrogée ;- le fait que la salariée ait pu terminer sa journée de travail sans signaler sa douleur n'est pas dirimant alors qu'en effet, s'agissant d'une douleur, elle a pu penser qu'elle passerait après une nuit de repos.

Il suit de là que, par ces indices graves, précis et concordants, la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret rapporte bien la preuve, d'une part, d'un événement, à savoir le déplacement par Mme X... d'un gros téléviseur plasma, survenu le 3 janvier 2008 au temps et au lieu du travail, d'autre part, celle d'une lésion médicalement constatée dès le lendemain, parfaitement cohérente et concordante avec l'opération de transport d'un objet lourd et encombrant qu'elle a effectuée la veille.
La matérialité d'un fait accidentel survenu au temps et au lieu du travail le 3 janvier 2008 et le lien entre cet événement et les lésions médicalement constatées le lendemain sur la personne de Mme X... étant établis, la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret rapporte la preuve de l'accident du travail litigieux et est bien fondée à soutenir que la présomption d'imputabilité instituée par l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale doit jouer en l'espèce.
Il appartient alors à l'employeur d'établir que les lésions et soins qui s'en sont suivis avaient une cause étrangère au travail.
Il doit être constaté qu'ensuite d'un arrêt de travail originel de 14 jours, la salariée a été en arrêt de travail sans interruption jusqu'au 30 avril 2009 en vertu des certificats suivants :- les 8 janvier, 8 février, 28 mars et 12 mai 2008 délivrés par le docteur Z... pour périarthrite scapulo-humérale droite post-traumatique ;- le 25 juin 2008 par le docteur Bernard B..., chirurgien orthopédiste " Epaule droite : Tendinopathie chronique, non rompue, de la coiffe humérale- + Arthroscopie de principe + acromioplastie par bursoscopie " ;- le 22 juillet 2008 et le 2 septembre 2008 par le docteur Z... pour " périarthrite scapulo-humérale droite post traumatique ; cromioplastie le 25/ 06/ 08 ; " périarthrite scapulo-humérale droite post traumatique ; rupture ligamentaire ; acromioplastie ; douleur et blocage persistant " ;- le 16 septembre 2008 par le docteur Bernard B..., qui indique : « épaule droite : tendinopathie chronique, non rompue, coiffe humérale sur acromion agressif-arthroscopie de principe ; acromioplastie par bursoscopie le 25/ 06/ 08 " ;- à partir du 12 novembre 2008 par le docteur Z... qui indique : " périarthrite scapulo-humérale droite post traumatique ; échec chirurgie ; dépression réactionnelle " ; " douleurs persistantes ; dépression réactionnelle nécessitant horaires libres ".

Le certificat médical final, rédigé le 30 avril 2009 établi par le docteur Z... mentionne " Périarthrite scapulo-humérale droite post traumatique opérée. Douleur et limitation de l'amplitude épaule persistantes ». La consolidation avec séquelles indemnisables a été fixée par le médecin conseil au 30 avril 2009. Le taux d'incapacité permanente a été évalué à 8 % pour lésion traumatique des tendons de la coiffe des rotateurs de l ¿ épaule droite.

Il résulte de tous ces éléments que les arrêts de travail et soins ininterrompus sont présumés imputables à l'accident avec lesquels d'ailleurs ils apparaissent en lien direct au regard de ses circonstances, s'agissant d'une tendinopathie de l'épaule droite.

Le rapport du docteur C... médecin généraliste auquel la société Auchan a eu recours et qui reprend dans son rapport tous ces arrêts de travail dont il a donc eu connaissance, qui rappelle qu'à la suite du choc indirect au niveau de l'épaule droite il a été diagnostiqué une périarthrite post traumatique et qui s'interroge sur le bien fondé du geste opératoire qui " semble avoir plus traité un état antérieur que les conséquences directes de l'accident " et qui indique " si tant est que l'intervention chirurgicale ait bien été réalisée pour traiter les conséquences directes de l'accident, ce qui n'est pas prouvé pour le moment en l'absence des comptes rendus plus explicites, la dépression dite réactionnelle mentionnée à partir du 12 novembre 2008 n'est, de façon certaine, plus en relation avec les conséquences évolutives des lésions initialement prises en charge ", ne permet pas d'établir que ses soins et arrêts de travail, même ceux liés à une dépression précisément indiquée comme réactionnelle, ont une cause totalement étrangère à l'accident.

Même conforté par la littérature médicale qui fixe à 90 jours la durée de l'arrêt de travail ensuite d'une tendinopathie de la coiffe des rotateurs, le seul fait pour ce médecin d'affirmer sans autre justification ou explication que la consolidation doit être fixée au 24 juin 2008 veille de l'intervention visant à traiter exclusivement " l'état antérieur " qui ne résulte d'aucun des documents produits et dont il n'indique pas même en quoi il aurait consisté, et que les soins et arrêts de travail ultérieurs concernent une pathologie sans rapport avec les lésions initiales, est insuffisant pour justifier l'expertise médicale sollicitée.
Il s'ensuit que le jugement entrepris doit être infirmé en toutes ses dispositions et la société Auchan France déboutée de toutes ses demandes.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement en matière sociale par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau et y ajoutant
DÉBOUTE la société Auchan France de sa demande d'expertise médicale.
REJETTE le recours de la société Auchan France à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret du 19 juillet 2012 qui a refusé de lui rendre inopposable la prise en charge au titre de la législation professionnelle des conséquences-soins et arrêts de travail jusqu'au 30 avril 2009- de l'accident du travail survenu le 3 janvier 2008 à Mme X....
DIT n'y avoir lieu à application de l'article R144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/02128
Date de la décision : 05/01/2016
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2016-01-05;13.02128 ?
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