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08/12/2015 | FRANCE | N°13/02665

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 08 décembre 2015, 13/02665


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N ic/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 02665.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 25 Septembre 2013, enregistrée sous le no F 12/ 00421

ARRÊT DU 08 Décembre 2015

APPELANT :
Monsieur Rabah X...... 38080 L ISLE D'ABEAU (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/ 008878 du 15/ 11/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)
représenté par Maître Isabelle ANDRIVON, avocat au b

arreau du MANS

INTIMEE :
LA SARL BIP BIP COURSES 10 Boulevard Estienne d'Orves 72000 LE MAN...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N ic/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 02665.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 25 Septembre 2013, enregistrée sous le no F 12/ 00421

ARRÊT DU 08 Décembre 2015

APPELANT :
Monsieur Rabah X...... 38080 L ISLE D'ABEAU (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/ 008878 du 15/ 11/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)
représenté par Maître Isabelle ANDRIVON, avocat au barreau du MANS

INTIMEE :
LA SARL BIP BIP COURSES 10 Boulevard Estienne d'Orves 72000 LE MANS
représentée par Maître BEAUVERGER, avocat substituant Maître Laetitia MINICI, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Octobre 2015 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 08 Décembre 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCÉDURE,
La SARL Bip Bip Courses dont le siège social est situé au Mans, a pour activité principale la logistique, le stockage et le transport urgent de tout type de courriers et colis. Elle emploie un effectif de plus de 10 salariés et applique la convention collective nationale des Transports Routiers.
Le 7 mai 2007, M. X... a été recruté par la société Bip Bip Courses en qualité de chauffeur dans le cadre d'un contrat d'insertion d'une durée de six mois. Ce contrat a été suivi le 6 novembre 2007 d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet de 35 heures hebdomadaires. En dernier lieu, il occupait ce poste moyennant un salaire brut de 1 440. 35 euros par mois.
L'employeur, se plaignant du comportement et d'un manque d'implication de son salarié depuis plus d'un an, a proposé le 3 novembre 2011 une rupture conventionnelle à son salarié qui l'a refusée.
Il lui a adressé plusieurs avertissements :- le 25 novembre 2011, pour abandon de poste le 28 octobre 2011,- le 15 décembre 2011 à la suite d'un accident le 14 décembre 2011,- le 19 janvier 2012 pour non respect des directives de l'employeur en matière de gestion du planning. Le salarié a contesté le bien fondé de chacun des avertissements et a formulé une demande de rappel d'heures supplémentaires en décembre 2011.
Le 19 mars 2012, M. X... a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au 29 mars. Par courrier du 3 avril 2012, M. X... a reçu notification de son licenciement pourcause réelle et sérieuse selon les termes suivants : " Le 14 mars 2012, après avoir livré la société W41 à Parçay Meslay pour notre client Heppner, nous vous avons demandé de nous fournir le bon émargé de confirmation de livraison avant 13h30 afin de le transmettre à ce dernier. Cependant alors que la livraison est prévue pour 12h ce qui vous laisse le temps de repasser à l'entreprise avant votre pause déjeuner prévue à 13h30, vous vous êtes rendu directement chez vous sans nous remettre le bon. Vous avez refusé de nous apporter le bon émargé et ce n'est qu'à 15h30 après votre pause déjeuner que vous êtes repassé à l'entreprise pour nous ramener ce document. Nous nous étions engagés auprès de notre client pour lui fournir ce bon pour 13h30 et cela n'a pu être fait qu'à 15h30. Notre client nous a fait part de son fort mécontentement par écrit du 16 mars 2012 et menace aujourd'hui de ne plus travailler avec nous. Nous vous rappelons que notre client Heppner représente presque 10 % de notre CA. En cette période économique tendue nous nous devons de fournir une prestation irréprochable. Il n'est absolument pas envisageable de perdre un client pour ce type de comportement. Nous ne pouvons que constater une fois de plus que vous n'avez aucun respect des instructions données. Le 28 mai 2010, vous avez été sanctionné d'une mise à pied disciplinaire de 3 jours suite à un refus de travail chez notre client Office Dépôt. Le 17 novembre 2010, nous vous avons adressé un avertissement suite à un accident dont vous avez été reconnu en tort. Le 25 novembre 2011, nous vous avons adressé un avertissement suite à un abandon de poste en cours de journée. Le 19 janvier 2012, nous avons dû vous adresser un avertissement. En effet, une fois de plus, vous n'étiez pas joignable sur votre portable alors que vous deviez nous téléphoner à la sortie de votre visite médicale obligatoire et sans nous consulter vous avez voulu effectuer une mission qui ne vous était pas destinée.
Il ressort de tous ces faits que vous méprisez les ordres de missions telles qu'ils vous sont donnés, vous refusez d'exécuter les services aux horaires qui vous sont demandés, vous êtes constamment injoignable sur votre téléphone professionnel, vous ne tenez pas compte des règles en vigueur dans l'entreprise. Si certaines erreurs, rares et sans conséquence, peuvent être tolérées, la réitération de fautes professionnelles sur une courte période est intolérable et démonte que vous faites fi des règles de notre entreprise. Votre désinvolture met en péril les relations commerciales que nous entretenons avec nos clients et porte atteinte au bon déroulement d'une exploitation. Cette conduite met en cause la bonne marche de notre entreprise et les explications recueillies auprès de vous ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet. Votre licenciement prend effet à compter de votre préavis de deux mois. "
M. X... a répondu le 16 avril 2012 en contestant les griefs. L'employeur a maintenu les griefs par courrier du 23 avril 2013.
Par requête reçue le 25 juillet 2012, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes du Mans en indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une irrégularité de procédure, en paiement d'heures supplémentaires en décembre 2011 et d'une journée de congés payés, en remboursement de frais de route.
Par jugement en date du 25 septembre 2013, le conseil de prud'hommes du Mans :- a débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes,- l'a condamné aux dépens.
Les parties ont reçu notification de ce jugement le 30 septembre 2013. M. X... en a régulièrement relevé appel général par courrier de son conseil posté le 1er octobre 2013.

PRÉTENTIONS et MOYENS des PARTIES,
Vu les conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 4 août 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles M. X... demande à la cour de :- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,- dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,- condamner l'employeur à lui verser les sommes suivantes :-1 398 euros au titre de l'indemnité pour irrégularité de la procédure,-16 800 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-138 euros au titre du rappel de salaires pour les heures supplémentaires de décembre 2011 et 13. 80 euros pour les congés payés,-55. 48 euros au titre du rappel de salaire (journée congés payés 2012/ 2013),-24. 60 euros au titre de l'indemnité de repas,-60 euros de remboursement des frais de route.
Il fait valoir en substance que :- sur le licenciement-sur les derniers faits du 14 mars 2012 :- il a apporté au siège social le bon de livraison émargé à 13h15 dans le délai imparti et conteste les accusations de son employeur ;- il a justifié de ce qu'il était en service au volant de sa camionnette à 15 h30, au regard de son feuillet quotidien de route, contrairement aux allégations de son employeur et d'un témoin ;- ce grief n'est en conséquence ni réel ni sérieux ;
- sur les précédents disciplinaires :- les autres griefs visés dans la lettre de licenciement relatifs à des faits survenus en mai 2010, en novembre 2010, en novembre 2011 et en janvier 2012, ont déjà été sanctionnés par l'employeur et ne peuvent pas motiver le licenciement ;- les doléances de ses anciens collègues constituent des appréciations subjectives émanant de salariés sous la subordination de l'employeur et ne sont pas reprises dans la lettre de licenciement ;- ses qualités professionnelles sont confirmées par un responsable de la Poste, client de la société Bip Bip Courses ;
- sur la procédure de licenciement :- la lettre de convocation comporte des irrégularités s'agissant de l'adresse erronée de l'inspection du travail et de l'erreur de dénomination du Préfet ;- ces erreurs sont assimilables à une omission d'adresse et entraînent nécessairement un préjudice pour le salarié ;
- sur les heures supplémentaires :- il étaye sa demande de rappel d'heures supplémentaires (12 heures) au regard des relevés des horaires de travail figurant sur son carnet personnel ;- l'employeur ne fournit aucun décompte des heures de travail de son salarié ;
- sur les demandes d'indemnités repas, congés payés et de frais de route :- il est fondé à réclamer des indemnités de repas (24. 60 euros) pour les journées des 21 avril 2011 et 8 mars 2012 en application de l'avenant no56 du 4 avril 2011 sur les frais de déplacement ;- un jour de congés payés au titre de l'année 2012/ 2013 ne lui a pas été payé (55. 48 euros) ;- des frais de gasoil (60 euros) ne lui ont pas été remboursés en mars 2012.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 8 octobre 2015 régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience selon lesquelles la société Bip Bip Courses demande à la cour de :- confirmer le jugement en ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- débouter M. X... de toutes ses demandes et le condamner au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il soutient essentiellement que :
- sur le licenciement :- le salarié a fait preuve depuis l'année 2009 d'un comportement désinvolte dans l'exercice de ses fonctions sans tenir compte des avertissements de son employeur ;- sur les faits du 14 mars 2012 :- le salarié aurait dû déposer au siège social un bon de livraison émargé avant sa pause déjeuner de13h30 mais il ne l'a fait qu'à 15h30 en présence de son supérieur hiérarchique et d'un client ;- M. X..., pour justifier ses dénégations, a " fabriqué " pour les besoins de la cause un feuillet quotidien de route daté du 14 mars 2012 alors que ce livret individuel de contrôle n'est pas utilisé par le salarié travaillant en horaires individualisés ;- le client de l'entreprise, la société Heppner, a manifesté son mécontentement en adressant un courriel de reproche à l'employeur ;- sur les précédents disciplinaires : M. X... n'a pas tenu compte des rappels à l'ordre de son employeur pour :- avoir refusé brutalement d'effectuer une livraison pour un client habituel le 28 mai 2010 ;- être à l'origine d'un nouvel accident matériel (avertissement du 17 novembre 2010) ;- avoir abandonné son poste, en se rendant aux urgences voir sa fille sans en informer son employeur et en étant injoignable par téléphone (avertissement du 25 novembre 2011) ;- avoir effectué une livraison sans avoir pris les instructions de son responsable d'exploitation (avertissement du 19 janvier 2012) ;- ses collègues confirment qu'il ne respectait pas les horaires de travail ni les recommandations de l'employeur et qu'il avait de mauvaises relations avec eux ;
- sur les heures supplémentaires :- le décompte des heures de travail est effectué sur une durée mensuelle en application des dispositions conventionnelles qui dérogent à la loi (article L 3122-2 du code du travail) prévoyant un décompte supérieur à la semaine ;- M. X... n'étaye pas sa demande de 12 heures supplémentaires effectuées au mois de décembre 2011,
- sur les indemnités :- les demandes d'indemnité de repas à hauteur de 24. 60 euros sont basées sur des documents écrits de la main de M. X... sans référence à l'année ;- la demande d'un jour de congés payés n'est pas justifiée ;- les frais de route ont été remboursés en mai 2012.

MOTIFS DE LA DÉCISION,
Sur le licenciement,
L'article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse. Selon l'article L 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement datée du 3 avril 2012 fait référence aux faits du 14 mars 2012 et aux précédents disciplinaires de M. X.... Elle fixe les limites du litige.
S'agissant des faits du 14 mars 2012, il ne fait pas débat que M. X... avait reçu ce jour-là des instructions de son supérieur hiérarchique M. Y..., sur demande de la société cliente HEPPNER, de rapporter le bon de livraison émargé avant 13h30 au siège social. Le salarié le reconnaît dans son courrier du 16 avril 2012 (pièce 23 appelant).
L'employeur, pour établir que M. X... lui a remis le bon litigieux à 15h30, au retour de sa pause déjeuner, verse aux débats :- l'attestation de Mme Z..., cliente de l'entreprise ayant assisté vers 15h30 aux " remontrances " du salarié par le chef d'agence M. A... et décrivant M. X... comme " un chauffeur qui ne dit jamais bonjour et a une attitude désinvolte envers son employeur " (pièce 4 intimée).- l'attestation de M. Y... supérieur hiérarchique du salarié confirmant que M. X... n'a ramené le bon qu'à 15h30 ce qui mettait la société " en situation très délicate auprès du client Heppner ", que le responsable de l'agence, M. A... a exprimé son mécontentement à l'égard du salarié " qui n'écoutait pas et n'en faisait qu'à sa tête " ¿ (pièce 5 intimée),- le courrier recommandé de M. A... adressé le 23 avril 2012 au salarié " le 14 mars 2012, malgré vos dires, je vous confirme bien que vous n'êtes revenu qu'à 15h30 au bureau et non à 13h15, de plus vous l'avez fait en présence d'un chauffeur extérieur Mme Z... témoin de mes remontrances. "
M. X... persistant dans ses dénégations, produit un feuillet quotidien de son livret daté du 14 mars 2012 faisant apparaître qu'il roulait entre 14h50 et 17h50 (pièce 25 appelant) et tente de démontrer qu'il ne s'est pas arrêté vers 15 h30 au siège social. Toutefois, ce feuillet établi de la main du salarié est dépourvu de force probante et ne permet pas de remettre en cause la fiabilité des témoignages circonstanciés notamment celui de Mme Z..., étrangère au présent litige.
Le salarié, dûment informé des exigences de la société cliente, ne justifie pas de son impossibilité de respecter les consignes précises de son employeur en matière de délais de livraison. Le retard dans l'exécution de la mission confiée par l'employeur au profit d'un client important représentant 10 % du chiffre d'affaires, dans un secteur d'activités particulièrement concurrentiel, doit s'analyser comme un acte d'insubordination de M. X... de nature à porter préjudice à l'entreprise, comme le confirme le courriel de reproche adressé par la société Heppner (pièce 15 intimée).
Cet acte d'insubordination doit aussi s'apprécier au regard des antécédents disciplinaires de M. X.... En effet, la poursuite d'un comportement fautif de la part d'un salarié autorise l'employeur à se prévaloir de faits similaires y compris ceux ayant déjà été sanctionnés pour justifier un licenciement pour faute. En l'espèce, le salarié s'était vu notifier antérieurement des sanctions pour des faits de même nature :- mise à pied disciplinaire de 3 jours le 28 mai 2010 pour refus de travail chez un client Office dépôt,- avertissement délivré le 25 novembre 2011 pour un abandon de poste en cours de journée,- avertissement notifié le 19 janvier 202 pour abandon de poste et non respect des consignes. Il n'est pas tenu compte de l'avertissement délivré le 17 novembre 2010 faisant suite à un accident matériel imputable au salarié et ne correspondant pas à un acte d'insubordination. Même si M. X... a contesté la matérialité ou la gravité des griefs visés, force est de constater qu'à aucun moment, il n'a sollicité l'annulation des sanctions notifiées.
Les pièces produites révèlent que M. X... a refusé à plusieurs reprises d'accomplir certaines tâches qui lui étaient confiées par son supérieur hiérarchique :- le 28 mai 2010, en refusant de procéder à une livraison supplémentaire au profit d'une société cliente, en dépit de l'instruction de son employeur,- le 25 novembre 2011, en étant injoignable au cours de la journée du 28 octobre, sur son téléphone professionnel durant plusieurs heures (9h30- 11h30) pour des motifs familiaux,- le 19 janvier 2012, en n'avertissant pas son employeur de sa disponibilité à l'issue d'une visite médicale obligatoire et en se rendant chez un client sans respecter les tournées et les directives du service d'exploitation (faits du 18 janvier 2012).
Si M. X... justifie de son indisponibilité à son poste en raison de l'état de santé de son enfant mineur hospitalisé depuis le 27 octobre 2011, il lui appartenait d'en aviser immédiatement son employeur au regard des contraintes de l'organisation des livraisons, ce qu'il n'a pas fait. Il n'a pas davantage répondu à son employeur qui tentait de l'appeler sur son téléphone professionnel. Un tel comportement, source de désorganisation du service des livraisons, constitue un manquement du salarié à ses obligations professionnelles. Le fait que M. X... n'ait pas contacté à l'issue de la visite médicale du 18 janvier 2012 son supérieur hiérarchique pour connaître son planning et qu'il ait pris l'initiative d'aller chez un client à l'insu de l'entreprise, constitue une faute du salarié qui ne peut pas décider de l'organisation de ses tournées. S'agissant des faits du 28 mai 2010, M. X..., sans contester la matérialité des faits, tente d'expliquer son refus d'une livraison supplémentaire au profit de la société Office Dépôt le 28 mai 2010 par le fait qu'il n'avait pas d'ordre à recevoir d'une société cliente.
L'employeur, confronté au refus de son salarié de se plier à ses instructions, a fait valoir sans être démenti qu'il a dû confier la tournée habituelle à la demande de la société Office Dépôt à un autre chauffeur. Il a affecté M. X... sur une autre tournée " Fiducial " mais le client a manifesté à son tour le refus de collaborer avec ce chauffeur.
Au regard des incidents survenus sur une courte période (2 ans), le comportement d'insubordination caractérisé, public et réitéré, de M. X... à l'égard de son employeur constitue bien une faute réelle et sérieuse de nature à justifier un licenciement comme l'a jugé le conseil de prud'hommes.
Le salarié doit être débouté de sa demande indemnitaire de ce chef, par voie de confirmation du jugement.
Sur la demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,
L'article L 1235-2 du code du travail met à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut pas être supérieure à un mois de salaire lorsque le licenciement du salarié est intervenu pour une cause réelle et sérieuse sans que la procédure prévue ait été respectée. Selon l'article L 1232-4 alinéa 3 du code du travail, la lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition. En l'espèce, la lettre de convocation du 19 mars 2012 adressée à M. X... précise à la fois l'adresse de la section de l'Inspection du travail compétente au Mans et celle du lieu de domicile du salarié au Mans auprès desquelles il a la possibilité de consulter la liste des conseillers. Les conditions légales sont en conséquence remplies. La mention, certes erronée, figurant dans le courrier selon laquelle la liste des conseillers a été dressée par le " préfet de l'Eure ", n'a aucune portée et ne constitue pas une irrégularité de procédure au sens de l'article L 1232-2 du code du travail.
M. X... n'est donc pas fondé à réclamer l'indemnité pour irrégularité de procédure. Le jugement sera également confirmé de ce chef.
Sur les heures supplémentaires,
M. X... demande le paiement de la somme de 138 euros outre les congés payés représentant 12 heures supplémentaires effectuées au cours du mois de décembre 2011. Il fait valoir que le décompte des heures supplémentaires s'effectue par semaine et non par mois.
Si aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, la preuve des heures effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salariés, il appartient toutefois au salarié, en cas de litige, d'étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments.
Le salarié verse aux débats :- un extrait de son carnet personnel sur lequel figurent ses horaires de travail au mois de décembre 2011 :-16 heures les 1er et 2 décembre 2011, soit 2 heures supplémentaires,-39 heures du 5 au 9 décembre 2011, soit 4 heures supplémentaires-38 heures du 12 au 16 décembre 2011, soit 3 heures supplémentaires-35 heures du 19 au 23 décembre 2011,-38 heures du 26 au 30 décembre 2011, soit 3 heures supplémentaires.- les feuillets quotidiens de couleur verte pour la période considérée établis par le salarié,- son courrier du 10 janvier 2012 réclamant le paiement des heures supplémentaires,- ses courriers du 19 janvier 2012 et du 7 mars 2012 précisant sa demande relative à la majoration des heures supplémentaires.
En l'espèce, M. X... fournit des éléments suffisamment précis quant aux horaires réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre.
La société Bip Bip Courses, sans contester ce décompte, se borne à soutenir que le calcul des heures supplémentaires s'effectue au mois et que le salarié n'a pas travaillé au-delà de l'horaire de 151. 67 heures en décembre 2011.
L'article L 3121-20 du code du travail dispose que les heures supplémentaires se décomptent par semaine civile. L'employeur ne justifiant pas de l'existence au sein de l'entreprise d'une répartition des horaires de travail excédant la semaine dans le cadre de la convention collective des transports routiers du 21 décembre 1950, M. X... est bien fondé à se prévaloir des dispositions légales. Dans ces conditions, il y a lieu d'accueillir la demande de M. X... au titre du rappel de salaire pour 12 heures supplémentaires majorées (11. 50 euros) et par voie de réformation du jugement, de lui allouer la somme de 138 euros outre 13. 80 euros pour les congés payés.
Sur les autres demandes,
M. X... ne justifie pas sa demande de paiement d'indemnité pour un jour de congé payé alors que le bulletin de salaire du mois de juin 2012 révèle que ce jour de congé a bien été pris par le salarié. Il sera débouté de la demande d'indemnité de congé. Selon l'article 3 du protocole du 30 avril 1974 relatif aux frais de déplacement des ouvriers, une indemnité est prévue pour chacun des repas pour le personnel obligé de prendre un ou plusieurs repas hors du lieu de travail, lorsqu'il effectue un service dont l'amplitude couvre entièrement les périodes comprises soit entre 11h45 et 14h15 soit entre 18h45 et 21h15.
En l'espèce, au regard des mentions figurant sur son carnet personnel, M. X... a travaillé le 21 avril 2011 entre 10h30 et 14 h et le 8 mars 2012 entre 9h30 et 13h30. Toutefois, les éléments sont insuffisants pour faire droit à sa demande alors que le salarié a perçu des indemnités repas (3) au cours du mois d'avril 2011 sans préciser les dates correspondantes et qu'il ne justifie pas des conditions, sur le plan de son éloignement géographique, pour pouvoir prétendre à une indemnité de repas. La demande d'indemnité repas sera rejetée par voie de confirmation du jugement.
S'agissant des frais de gas-oil, l'employeur a remboursé la somme de 60. 71 euros au titre de frais engagés par le salarié. M. X... prétend que ce remboursement correspond à d'autres frais mais ne justifie pas en avoir fait l'avance. Il maintient sa demande en paiement à hauteur de 60 euros pour laquelle il fournit aucun justificatif. Faute d'établir sa créance, le salarié sera débouté de sa demande, par voie de confirmation du jugement.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l'employeur les frais non compris dans les dépens. La société Bip Bip Courses sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en appel, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile
M. X... sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant, publiquement et contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires effectuées en décembre 2011.
Statuant de nouveau du chef infirmé et y ajoutant :
CONDAMNE la société Bip Bip Courses à payer à M. X... la somme de 138 euros au titre du rappel de salaires pour des heures supplémentaires effectuées en décembre 2011, outre la somme de 13. 80 euros de congés payés y afférents.
CONFIRME le surplus des dispositions du jugement entrepris,
DIT que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter du 27 juillet 2012 pour les créances salariales.
DÉBOUTE la société Bip Bip Courses de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE M. X... aux dépens de l'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/02665
Date de la décision : 08/12/2015
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-12-08;13.02665 ?
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