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20/10/2015 | FRANCE | N°12/02818

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 20 octobre 2015, 12/02818


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 20 Octobre 2015
ARRÊT N 15/ clm/
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02818.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 29 Novembre 2012, enregistrée sous le no 12/ 00012

APPELANT :
Monsieur Thierry X... ... 72300 PRECIGNÉ
représenté par Me DE LOGIVIERE de la SCP SULTAN-PEDRON-LUCAS-DE LOGIVIERE, avocats au barreau d'ANGERS

INTIMEE :
SAS CHARAL (CHARAL SABLE) 1 Avenue Jean Monnet 72300 SABLE SUR SARTHE
En pré

sence de Monsieur Y..., Directeur des ressources humaines de l'entreprise CHARAL
représentée par M...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 20 Octobre 2015
ARRÊT N 15/ clm/
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02818.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 29 Novembre 2012, enregistrée sous le no 12/ 00012

APPELANT :
Monsieur Thierry X... ... 72300 PRECIGNÉ
représenté par Me DE LOGIVIERE de la SCP SULTAN-PEDRON-LUCAS-DE LOGIVIERE, avocats au barreau d'ANGERS

INTIMEE :
SAS CHARAL (CHARAL SABLE) 1 Avenue Jean Monnet 72300 SABLE SUR SARTHE
En présence de Monsieur Y..., Directeur des ressources humaines de l'entreprise CHARAL
représentée par Maître Denis LAUNAY-MASSE, avocat au barreau de QUIMPER

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Septembre 2015 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 20 Octobre 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant contrat de travail à durée déterminée du 24 janvier au 31 mars 1983, la société SABIM Sablé a engagé M. Thierry X... en qualité d'ouvrier OS2 coefficient 145 pour occuper un poste de boucher désosseur pareur au sein du service découpe boeuf en remplacement d'un salarié absent. La relation de travail s'est poursuivie sous forme d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 1983, M. Thierry X... étant embauché en qualité d'ouvrier spécialisé, coefficient 145 de la convention collective de la fédération nationale de l'industrie et des commerces en gros de viandes.
A compter du 1er novembre 1996, il est devenu responsable d'équipe du service découpe boeuf, étant précisé que ce poste fut ensuite dénommé " chef d'équipe découpe boeuf " puis « chef d'équipe découpe boeuf boucherie ».
Le 1er mars 2004, la société SABIM Sablé a été rachetée par la société CHARAL laquelle a été rachetée par le groupe BIGARD en janvier 2008.
A compter du 1er mars 2008, M. Thierry X... est devenu « chef d'équipe mise en quartiers » coefficient 220. Cette affectation était assortie d'une période d'adaptation d'une durée de quatre mois aux termes de laquelle, si l'adaptation était concluante, le salarié devait être confirmé à son poste ce qui fut le cas.
Suivant avenant du 29 octobre 2009, M. Thierry X... a été affecté à un nouveau poste ne comportant pas de management, à savoir, à un poste d'ouvrier d'abattoir-contrôle label porc coefficient 200 au sein du service " abattoir porc ". Suite au rachat de la société CHARAL par le groupe Bigard, et à une harmonisation de classification, M. Thierry X... a été confirmé à son poste de classificateur au sein du service coupe bretonne niveau III échelon 1.
À l'occasion de l'entretien professionnel de progrès du 3 octobre 2011, le supérieur hiérarchique de M. Thierry X... a mentionné des réserves relatives à l'adaptation de ce dernier, un comportement " brouillon ", le fait que certains collègues ne voulaient plus travailler avec lui ainsi que des compétences acquises ou en cours d'acquisition. Le salarié a refusé de signer le compte rendu de cet entretien.
Par lettre remise en main propre le 10 octobre 2011, emportant mise à pied à titre conservatoire, M. Thierry X... a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 19 octobre suivant.
Par lettre recommandée du 25 octobre 2011, la société CHARAL lui a notifié son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :
« Le 7 octobre dernier, vous avez, vers 13 h10, empêché M. Z... de sortir de sa place de parking et tenu des propos menaçants et insultants envers M. Z... du genre « je vais te pourrir la vie ainsi qu'à ta famille ». M. A..., présent, a mis fin à cette grave altercation en déplaçant son véhicule pour permettre à M. Z... de rentrer chez lui, vous l'avez même suivi jusqu'à son domicile. Le 10 octobre dernier, vers 10 h 00, vous avez également eu des propos menaçants au moment de la pause envers M. Z... et les salariés de la coupe bretonne. Un tel comportement agressif et insultant menace la sécurité des salariés concernés. Cette attitude anormale et grave perturbe le travail et l'activité de l'établissement en générant des peurs et des interrogations à propos de l'intégrité physique des salariés qui doivent venir travailler dans l'établissement en toute sérénité ».
Le 13 janvier 2012, M. Thierry X... a saisi le conseil des prud'hommes pour contester cette mesure.
Dans le dernier état de la procédure de première instance, il demandait au conseil de déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner l'employeur à lui payer un rappel de salaire du chef de la mise à pied conservatoire, les indemnités de rupture et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 29 novembre 2012 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes du Mans a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- jugé que le licenciement de M. Thierry X... n'était pas justifié par une faute grave mais par une cause réelle et sérieuse ;- condamné la société CHARAL à lui payer les sommes suivantes : ¿ 1006, 32 euros à titre de rappel de salaire du chef de la mise à pied conservatoire outre 100, 63 euros de congés payés afférents, ¿ 3634 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 363, 40 euros de congés payés afférents, ¿ 16 717 ¿ à titre d'indemnité de licenciement, ¿ 1500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;- rappelé que les sommes accordées porteraient intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation (16 janvier 2012) s'agissant des créances salariales, et à compter du prononcé du jugement s'agissant des créances indemnitaires ;- ordonné à la société CHARAL de remettre à M. Thierry X... les documents suivants : ¿ une attestation pôle emploi dûment remplie ¿ un certificat de travail rectifié le tout, dans les deux mois de la notification du jugement sous peine d'une astreinte de 10 ¿ par jour de retard que le conseil s'est réservé le droit de liquider ;- débouté M. Thierry X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;- débouté la société CHARAL de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;- condamné la société CHARAL aux dépens la contribution à l'aide juridique de 35 ¿.
M. Thierry X... a régulièrement relevé appel de ce jugement par lettre recommandée postée le 20 décembre 2012.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 8 septembre 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 2 décembre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles M. Thierry X... demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris s'agissant des sommes allouées à titre de rappel de salaire du chef de la mise à pied conservatoire ;- de l'infirmer en ses autres dispositions ;- de déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;- en conséquence, de condamner la société CHARAL à lui payer les sommes suivantes :
¿ 5269, 58 euros à titre indemnité compensatrice de préavis outre 526, 96 euros de congés payés afférents, ¿ 21 883, 35 euros d'indemnité de licenciement, ¿ 90 000 ¿ de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ¿ 1098 ¿ à titre de dommages-intérêts pour impossibilité d'utiliser les heures acquises au titre du DIF ; ¿ 4000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;- d'ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ;- d'ordonner à la société Charal de lui délivrer les documents suivants dûment rectifiés dans les 10 jours de la notification du présent arrêt sous peine d'une astreinte de 100 ¿ par jour de retard : ¿ les bulletins de paie correspondant aux deux mois de préavis et portant mention de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis outre l'incidence de congés payés, du rappel de salaire du chef de la période de mise à pied conservatoire du 10 au 25 octobre 2011 ; ¿ un certificat de travail portant mention d'une présence dans la société jusqu'au 25 décembre 2011 ; ¿ l'attestation destinée à pôle emploi comportant les mêmes mentions ;- de se réserver la faculté de liquider l'astreinte ;- de condamner la société CHARAL aux entiers dépens.
Le salarié conteste la matérialité des griefs invoqués à l'appui du licenciement et soutient qu'en réalité, cette mesure s'inscrit dans un plan de réduction des effectifs, la société CHARAL voulant se débarrasser à moindres frais d'un salarié présentant une ancienneté importante
En tout cas, une telle sanction est manifestement disproportionnée compte tenu de son ancienneté
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 30 juin 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles, formant appel incident, la société CHARAL demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris ;- de juger que le licenciement de M. Thierry X... repose bien sur une faute grave et, par conséquent, de débouter ce dernier de toutes ses prétentions ;- de le condamner à lui payer la somme de 2 500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
L'employeur fait valoir en substance que :
- M. Thierry X... n'était pas victime de la part de ses collègues d'insultes, d'injures ou d'agressions verbales, mais il était à l'origine d'un climat délétère, de nombreux collègues se plaignant de son comportement injurieux ;- il a pensé à tort que M. Z... était à l'origine de sa mauvaise évaluation du 3 octobre 2011 ce qui explique son comportement des 7 et 10 octobre 2011 à l'égard de ce collègue ;- la matérialité des faits mentionnés dans la lettre de licenciement est établie par les témoignages produits ;- ces faits justifient un licenciement pour faute grave, à tout le moins pour cause réelle et sérieuse ;- la demande indemnitaire au titre du DIF est mal fondée en ce que le salarié a été informé de ses droits en la matière par la lettre de licenciement.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1o) Sur le licenciement :
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.
Aux termes de la lettre de licenciement, il est tout d'abord reproché à M. Thierry X... d'avoir, le 7 octobre 2011, empêché M. Eric Z... de sortir de sa place de parking et d'avoir tenu des propos menaçants et insultants à son égard, par exemple : " je vais te pourrir la vie ainsi qu'à ta famille ".
Il ressort des pièces du dossier et des explications fournies par les parties que M. Thierry X... a été très affecté par les mentions négatives portées sur son entretien professionnel de progrès du 3 octobre 2011, notamment par les énonciations selon lesquelles certains collègues ne voulaient plus travailler avec lui, ces observations négatives en 2011 n'ayant jamais été formulées dans le cadre des entretiens précédents, ce que la lecture des comptes-rendus des deux années antérieures confirme. Il indique lui-même dans ses écritures (page 7) avoir alors interrogé divers collègues qui lui ont déclaré n'avoir pas de grief à émettre au sujet de son comportement ou de ses " prestations " et il précise que, dans ce contexte, le 7 octobre 2011 lors de la pause, il a interrogé ses collègue MM. Z... et B... sur le point de savoir s'il avait eu un comportement irrespectueux à leur égard ; que M. Z... lui a alors fait le reproche de l'avoir traité de " bon à rien " sans être en mesure de dater ces faits qu'il conteste. En page 8 de ses écritures, M. Thierry X... indique que, " restant dans l'incompréhension totale des accusations de M. Eric Z..., à la sortie du travail, il est allé le voir afin " d'essayer de comprendre son attitude " et de lui expliquer les conséquences que ses fausses accusations pouvaient avoir sur sa présence au sein de l'entreprise. Il conteste avoir bloqué le véhicule de son collègue de travail et proféré de quelconques menaces et précise que M. Jacques A... est bien arrivé " au cours de cet échange ".
Il ressort du compte-rendu de l'entretien préalable du 19 octobre 2010 (non signé du salarié et du conseiller qui l'assistait) que M. Thierry X... avait alors fourni ces mêmes explications en indiquant qu'après son travail, il était allé dans sa voiture et avant attendu M. Z... afin de lui " demander pourquoi il mentait ".
Dans le cadre de la relation des faits dont il a déclaré avoir été victime, M. Eric Z... a indiqué que, lors de la pause du 7 octobre 2011, M. Thierry X... l'avait agressé en lui disant que les salariés de la " coupe bretonne " avaient " dit des choses sur lui ", qu'ils étaient tous des menteurs et qu'il allait leur pourrir la vie. S'agissant des faits survenus sur le parking à la sortie du travail, M. Eric Z..., dont le véhicule était stationné devant celui de M. Jacques A..., a relaté que M. Thierry X... avait bloqué sa voiture, qu'ayant compris qu'il voulait venir vers lui, il s'était enfermé dans son véhicule et avait ouvert la vitre pour l'écouter ; qu'il lui a alors dit qu'il voulait lui prendre sa place " au label " et qu'il allait lui " pourrir la vie " à lui et à sa famille. La victime indique que M. Jacques A... est alors arrivé, a entendu M. Thierry X... l'agresser verbalement et a dégagé son véhicule afin de lui permettre de partir.
Aux termes de l'attestation qu'il a établie, M. Jacques A... relate que le véhicule de M. Thierry X... " bouchait le passage " pour empêcher M. Eric Z... de quitter son stationnement et il confirme avoir entendu l'appelant, qui était très énervé, s'adresser de façon agressive à ce dernier en lui reprochant de vouloir lui prendre sa place et en le menaçant de lui " pourrir la vie à lui et à sa famille ".
M. Sylvain C..., responsable abattoir porc et auteur de l'entretien professionnel de progrès du 3 octobre 2011, atteste avoir été informé des faits survenus sur le parking par M. Jacques A... et indique avoir été en relation téléphonique avec M. Eric Z... dans l'après-midi, ce qui corrobore exactement le récit fait par la victime de la suite de la journée.

M. Dominique D..., responsable des ateliers, atteste avoir été informé dès 13 h 45 par écrit par M. Sylvain C... de ce que M. Thierry X... avait bloqué le véhicule de M. Eric Z... sur le parking et l'avait insulté en présence de M. Jacques A....
Ces témoignages concordants établissent la matérialité des faits reprochés au salarié s'agissant de la journée du 7 octobre 2011 et leur lien avec les observations négatives contenues dans l'EPP de M. Thierry X... du 3 octobre 2011. Le fait de dire à un collègue de travail : " je vais te pourrir la vie à toi et à ta famille " constitue bien des propos menaçants et insultants. M. Eric Z... relate l'émotion importante que ces faits ont suscitée chez lui et M. Sylvain C... indique qu'il était " paniqué " au téléphone.
S'agissant des faits du 10 octobre 2011, M. Eric Z... relate que, " le lundi matin " pendant la pause, assis à une table plus loin que lui, M. Thierry X... a dit en le regardant que " la coupe bretonne était des putes ". M. Dominique E..., qui a témoigné en faveur de ce dernier, relate que, lors de la pause du 10 octobre 2011, M. Thierry X... n'a " jamais insulté " MM. F... et Z... mais a seulement dit : " Il y en a qui vont payer la facture suite à une EPP. ". L'appelant confirme en page 14 de ses écritures avoir tenu ces propos. M. Patrick G..., responsable RH, atteste de ce que M. Dominique E... lui a rapporté cette scène et ces propos. Enfin, Mme Micheline H... atteste de ce qu'au cours de la semaine du 10 octobre 2011, M. Thierry X... lui a dit qu'" on était tous très mal à la coupe bretonne ".

Contrairement à ce que soutient l'appelant, les propos tendant à dire à certains salariés du service " la coupe bretonne ", notamment à M. Eric Z... que des collègues de ce service allaient " payer la facture " suite à son EPP caractérisent des propos menaçants. Les faits qui lui sont reprochés aux termes de la lettre de licenciement au titre de la journée du 10 octobre 2011 sont donc matériellement établis.
Le fait d'empêcher un collègue de travail de quitter sa place de stationnement qui caractérise une attitude physiquement menaçante et une atteinte à la liberté d'aller et venir, et les propos menaçants établis de la part de M. Thierry X..., étant observé que ces comportements sont de façon certaine en lien avec les observations négatives contenues dans son EPP du 3 octobre 2011, constituent des attitudes fautives qui justifient pleinement une mesure de licenciement. La sanction retenue n'est pas disproportionnée. Compte tenu de l'atmosphère de travail délétère et difficile qui régnait au sein du service concerné, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le licenciement de M. Thierry X... était justifié par une cause réelle et sérieuse mais non par une faute grave.
Etant observé que les manquements invoqués à l'appui du licenciement sont matériellement établis, aucun élément ne vient en outre corroborer la thèse du salarié selon laquelle le véritable motif de son licenciement serait d'ordre économique ou reposerait sur la volonté de l'employeur de " se débarrasser " de salariés ayant une ancienneté importante. En effet, aux termes des attestations qu'ils ont établies, M. Alain I..., délégué syndical Force Ouvrière, M. Christophe J..., membre du CHSCT et M. Christophe K..., délégué syndical CGT, procèdent par affirmation et en termes généraux pour indiquer que " la politique du groupe est de baisser les effectifs par tous les moyens possibles " sans caractériser en quoi, ni même d'ailleurs simplement énoncer, que le licenciement de M. Thierry X... pourrait être en lien avec ces réductions d'effectifs. La coupure de presse du 22 mai 2012 est bien postérieure au licenciement et dénie que les rumeurs de licenciements soient fondées. Le procès-verbal du bilan social des membres du comité d'entreprise date du 12/ 07/ 2013 et l'unique feuillet produit porte seulement une liste de noms des personnes ayant assisté à la réunion de cette date sans faire état d'un quelconque licenciement. Le document établi par la délégation de la CGT relativement aux questions de ce syndicat après étude du bilan social 2012 est en date du 18 juin 2013. Ces éléments sont sans intérêt pour tenter d'accréditer la thèse développée par le salarié.
Le jugement sera confirmé en ses dispositions, non critiquées, relatives au rappel de salaire du chef de la mise à pied conservatoire.
S'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis due pour un délai congé de deux mois, les premiers juges ont alloué à M. Thierry X... la somme de 3 634 ¿ sur la base d'un revenu brut mensuel de 1 817 ¿. Au vu des bulletins de paie produits, c'est à juste titre que ce dernier revendique la prise en considération d'un revenu brut moyen mensuel de 2 634, 79 ¿. Par voie d'infirmation du jugement déféré, il convient en conséquence de lui allouer, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, la somme, non discutée, de 5 269, 58 ¿ outre 526, 96 ¿ de congés payés afférents. En considération de ce revenu, par voie d'infirmation du jugement entrepris, l'indemnité conventionnelle de licenciement sera portée à la somme de 21 883, 35 ¿.

2o) Sur le DIF :
L'article L. 6323-19 du code du travail fait obligation à l'employeur de mentionner dans la lettre de licenciement, s'il y a lieu, les droits acquis en matière de droit individuel à la formation. Cette information doit comprendre les droits visés à l'article L. 6323-17, soit la somme correspondant au solde du nombre d'heures acquises au titre du droit individuel à la formation et non utilisées, multiplié par le montant forfaitaire visé au deuxième alinéa de l'article L. 6332-14 permettant de financer tout ou partie d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation.
En l'espèce, la lettre de licenciement comporte seulement l'indication selon laquelle M. Thierry X... bénéficiait de 120 heures au titre du droit individuel à la formation mais elle ne l'informait pas de la possibilité dont il disposait, pendant le préavis, de bénéficier d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation.
Il en est résulté pour le salarié un préjudice qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 500 ¿.
3o) Sur la capitalisation des intérêts :
Les conditions de l'article 1154 du code civil étant remplies, il convient de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts.

4o) Sur la délivrance de divers documents :
Il convient d'ordonner à la société CHARAL de délivrer à M. Thierry X... les documents suivants :- un bulletin de paie correspondant aux deux mois de préavis et portant mention de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis incidence de congés payés incluse ainsi que du rappel de salaire relatif à la mise à pied conservatoire ;- un certificat de travail conforme aux dispositions de l'article D. 1234-6 du code du travail portant mention de la présence du salarié dans la société jusqu'au 25 décembre 2011. Aucune circonstance ne justifie d'assortir ces dispositions d'une mesure d'astreinte pour en garantir l'exécution.

PAR CES MOTIFS ;
La cour statuant publiquement, en matière sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme le jugement entrepris :- en ce qu'il a dit que le licenciement de M. Thierry X... était justifié par une cause réelle et sérieuse et non par une faute grave et débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;- en ses dispositions relatives au rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoires, aux intérêts de retard, aux frais irrépétibles et aux dépens ;
L'infirme en ses autres dispositions, notamment s'agissant du montant des sommes allouées à titre d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de licenciement ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant ;
Condamne la société CHARAL à payer à M. Thierry X... les sommes suivantes :-5 269, 58 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 526, 96 ¿ de congés payés afférents ;-21 883, 35 ¿ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;-500 ¿ pour défaut d'information au titre du droit individuel à la formation ;
Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;
Ordonne à la société CHARAL de délivrer à M. Thierry X... les documents suivants :- un bulletin de paie correspondant aux deux mois de préavis et portant mention de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis incidence de congés payés incluse ainsi que du rappel de salaire relatif à la mise à pied conservatoire ;- un certificat de travail conforme aux dispositions de l'article D. 1234-6 du code du travail portant mention de la présence du salarié dans la société jusqu'au 25 décembre 2011 ;
Dit n'y avoir lieu à mesure d'astreinte ;
Condamne la société CHARAL à payer à M. Thierry X... la somme de 1 000 ¿ au titre de ses frais irrépétibles d'appel et la déboute elle-même de ce chef de prétention ;
La condamne aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/02818
Date de la décision : 20/10/2015
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-10-20;12.02818 ?
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