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08/09/2015 | FRANCE | N°13/01448

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 08 septembre 2015, 13/01448


COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
ic/

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 01448.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 14 Mai 2013, enregistrée sous le no F 11/ 01190

ARRÊT DU 08 Septembre 2015

APPELANTE :

Madame Geneviève X...
...
49280 LA TESSOUALLE

représentée par Maître LEVEQUE, avocat substituant Maître Claudine THOMAS de la SA SOFIRAL, avocats au barreau d'ANGERS-No du dossier 11. 37

INTIMEE :
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5, avenue du Maréchal Leclerc
49280 LA TESSOUALLE

représentée par Maître Laurence SCETBON DIDI, avocat au b...

COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
ic/

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 01448.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 14 Mai 2013, enregistrée sous le no F 11/ 01190

ARRÊT DU 08 Septembre 2015

APPELANTE :

Madame Geneviève X...
...
49280 LA TESSOUALLE

représentée par Maître LEVEQUE, avocat substituant Maître Claudine THOMAS de la SA SOFIRAL, avocats au barreau d'ANGERS-No du dossier 11. 37

INTIMEE :

L'EURL MATIPIER
5, avenue du Maréchal Leclerc
49280 LA TESSOUALLE

représentée par Maître Laurence SCETBON DIDI, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
en présence de Monsieur Y..., gérant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Juin 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller
Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.

ARRÊT :
prononcé le 08 Septembre 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS et PROCÉDURE,

La société Matipier dont le siège social est situé à La Tessouale (49), est spécialisée dans la sous-traitance de maroquinerie de luxe et emploie un effectif de plus de 11 salariés (13). Elle applique la convention collective nationale de la chaussure et articles chaussants : industrie.

Mme Geneviève X... a été recrutée par la société Matipier en qualité de préparatrice ouvrière à temps complet sans contrat de travail écrit alors que son mari, M. X..., était co-gérant de la société. Elle a bénéficié du coefficient 145 de la convention applicable.
Par " avenant " au contrat de travail en date du 1er octobre 1994, Mme X... a été promue au poste d'agent de maîtrise avec une rémunération brute de 11 000 francs par mois.
Un second avenant du 1er juillet 1999 a fixé la durée de travail à 35 heures hebdomadaires avec maintien du salaire de 12 000 francs brut par mois.

Le 1er juillet 2007, M. Y...a acquis la totalité des parts sociales de la société et en est devenu le gérant.
Le nouvel employeur n'ayant pas d'expérience dans le domaine de la maroquinerie a repris l'ensemble des salariés dont Mme X... qui a continué à exercer les fonctions de responsable d'atelier.

Au début de l'année 2011, M. Y...a fait l'acquisition d'un autre fonds de commerce (garage automobiles) ; il a par suite limité son temps de présence dans l'entreprise Matipier au traitement de la partie gestion administrative et a maintenu des contacts journaliers avec Mme X..., chef d'atelier.

Le 24 février 2011, Mme X... a adressé un courrier recommandé à son employeur libellé ainsi :
" Je me vois contrainte de poser par écrit diverses réclamations ou contestations portant sur les conditions d'exécution de mon contrat de travail au sein de votre entreprise :
1- Classification et coefficient hiérarchique :
A la mention " Agent de maîtrise " est accolé le coefficient 170 catégorie V ce qui ne correspond à rien à ce qui est prévu par la convention collective.
Si l'on se reporte à l'annexe II " classification des agents de maîtrise ", il me semble que mon travail ressort de la catégorie " Chef d'atelier " avec un coefficient 290.
Vous voudrez bien me donner votre position sur ce point.
2- Heures supplémentaires :
Comme vous le savez, je tiens à jour le décompte des heures supplémentaires réalisées depuis 2009. Il me reste à ce jour 129. 50 heures qu'il m'est impossible de récupérer compte tenu de l'importance du volume de travail que j'effectue.
Je vous mets par conséquence en demeure de les payer avec la majoration de 25 %, soit 129. 50 X 14. 9741 X 1. 25 X 1. 1 = 2 666. 32 euros incluant l'incidence congés payés.
Je souhaite également être payée des congés au titre de l'ancienneté que je n'ai jamais été à même de poser.
3- Réorganisation du site :
Enfin, vous avez prévu de me laisser l'entière responsabilité du site à compter du 1er avril 2011 puisque vous avez acquis une autre unité de production à laquelle vous allez vous consacrer.
Vous m'avez annoncé que sans modification de mon statut et de ma rémunération, je serai désormais seule, sauf vos passages ponctuels une demie-journée par semaine.
Cette nouvelle charge me paraît démesurée d'autant que je n'ai jamais bénéficié de formation particulière ni au titre du DIF ni dans le cadre d'action de promotion, d'acquisition ou de perfectionnement des connaissances.
Je vous confirme que je refuse la modification substantielle que vous souhaitez m'imposer et qu'en dépit de vos propos très insistants, je ne démissionnerai pas. "

L'employeur a adressé à la salariée un projet d'avenant daté du 25 mars 2011 selon lequel :
- ce contrat vient formaliser l'engagement de Mme X... au poste de chef d'atelier, ses fonctions actuelles,
- la salariée conserve l'ancienneté acquise depuis le 14 juin 1991,
- elle exercera les fonctions de chef d'atelier-échelon 1, coefficient 290.
- elle percevra une rémunération de 2 276. 06 euros pour 35 heures hebdomadaires soit un taux horaire brut de 14. 974 euros.

Il a procédé, en mars et en avril 2011, au paiement des heures supplémentaires (50 h + 35 h) à concurrence de la somme de 1 591 euros et a porté sur les bulletins de salaire la mention de la classification de " Chef d'atelier-coefficient 290 " à partir du mois d'avril 2011.

Mme X... a refusé de signer l'avenant du 25 mars 2011 selon les termes d'un courrier du 11 avril 2011 :
" J'ai été contrainte de vous écrire le 24 février pour contester les conditions d'exécution de mon contrat de travail et pour exprimer mon inquiétude quant à la nouvelle organisation du site.
Vous n'avez pas cru devoir répondre par écrit à ce courrier.
Vous avez toutefois soumis à ma signature un projet de contrat de travail intégrant partie de mes demandes puisqu'il s'agit de me reconnaître le statut de chef d'atelier coefficient 290.
Néanmoins, je ne peux pas signer ce contrat qui m'oblige au remplacement systématique de mes collègues en cas de surcroît de travail ou d'indisponibilité de l'une d'elles avec pour voie de conséquence l'obligation de réaliser des heures supplémentaires.
Vous savez fort bien qu'il m'est impossible de récupérer les heures supplémentaires réalisées alors même que vous ne les payez pas. C'est à force de réclamer que vous avez rémunéré 50 heures sur le bulletin de salaire de mars sachant qu'il m'en reste encore 79. 5 heures.
Au surplus comme vous me l'aviez laissé entendre, j'assume depuis le 5 avril l'entière responsabilité du site depuis que vous avez fait l'acquisition d'un nouvel outil de production.
Vous m'avez mise devant le fait accompli, sans précision aucune sur la manière de fonctionner et à l'exception de votre présence lundi 4 avril et le vendredi 8 avril, je ne vous ai pas revu depuis et vous me laissez gérer seule l'intégralité de l'usine.
J'assume désormais les tâches et les fonctions qui étaient les vôtres avec les fournisseurs ou les clients.
Cela ne correspond nullement aux attributions de chef d'atelier et je ne vois pas comment je pourrais dégager du temps pour les assurer dans des conditions satisfaisantes alors que j'effectue régulièrement des dépassements d'horaires.
Je vous remercie de me tenir informée des dispositions que vous souhaitez prendre sachant que je refuse la modification que vous m'avez imposée. "
Je refuse également la clause de mobilité que vous avez intégrée dans le projet de contrat de travail. "

Se plaignant de cette situation, par requête du 10 mai 2011, Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers pour voir résilier son contrat de travail aux torts de son employeur et obtenir diverses indemnités de licenciement et de rupture.

Le 17 octobre 2011, M. Y...a alors procédé à l'embauche de Mme Hélène Z...en qualité d'agent de maîtrise au poste " d'assistance administrative et production ".

Le 31 octobre 2011, Mme X..., invoquant la perte de ses fonctions et sa rétrogradation depuis l'arrivée de Mme Z..., a adressé à son employeur un courrier prenant acte de la rupture de son contrat de travail :
" J'ai contesté en saisissant les conseil de prud'hommes, la modification de mon contrat de travail que vous m'imposiez se traduisant par un accroissement de mes tâches et responsabilités de responsable d'atelier que jusqu'à présent j'assumais sous votre autorité de chef d'entreprise depuis votre rachat de Matipier en 2007.
Depuis que vous avez repris une autre entreprise en avril 2011, et mis à part vos passages une à deux fois par semaine, j'assume seule la responsabilité de l'équipe de 12 ouvriers, le bon fonctionnement de l'atelier, le contrôle de la fabrication et les relations avec les clients et les fournisseurs. A cela s'ajoute le remplacement d'une ouvrière qui a été en arrêt maladie pendant deux mois.
Bien qu'il me soit pénible chaque jour d'ouvrir l'atelier, d'assumer tout ce travail sans aucun répit et sans aucune reconnaissance, j'ai tenu ce poste, allant au-delà de celui de chef d'atelier, et vous n'avez jamais eu à me prendre en défaut alors même que vous avez toujours refusés que je prenne mes 9 jours de congés d'ancienneté sous prétexte qu'il n'était pas possible que je m'absente lorsque le personnel était présent.
Lors de la tentative de conciliation devant le conseil de prud'hommes, vous avez contesté l'accroissement de mes tâches tout en considérant que l'atelier ne pouvait pas tourner sans moi et qu'il en allait de la pérennité de l'entreprise et du maintien de l'emploi des autres salariés.
Cela visait à mettre la pression avec un fond de chantage et je me suis accrochée sans jamais un propos encourageant de votre part ni un geste financier.
Ce lundi 17 octobre 2011, vous avez présenté à tout le personnel " Hélène " la nouvelle responsable que j'ai eu la mission d'accompagner toute la semaine pour assurer la transition et je lui ai remis les clés de l'entreprise.
Je me retrouve donc ouvrière préparatrice à faire de l'encollage toute la journée ce qui du coup correspond à une disqualification de mon emploi, puisque je perds toutes les tâches d'agent de maîtrise que j'ai assumées depuis 1994 liées à la distribution et au contrôle du travail.
La disqualification de mon emploi, la rétrogradation à un poste d'exécution caractérisent une modification fautive de mon contrat de travail que je ne peux accepter.
Cela justifie la présente prise d'acte de rupture à vos torts qui sera effective à compter de la première présentation de ce courrier ".

Dans un courrier du 4 novembre 2011, l'employeur a contesté toute rétrogradation ou disqualification de l'emploi occupé par Mme X..., expliquant avoir pris l'initiative de recruter une salariée pour épauler et remplacer en cas d'absence la chef d'atelier qui ne cessait de se plaindre depuis le printemps dernier d'avoir trop de travail, de faire trop d'heures, d'avoir trop de responsabilités.

Par jugement en date du 14 mai 2013, le conseil de prud'hommes d'Angers a :
- dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme X... aux torts de son employeur n'était pas fondée,
- dit que cette rupture incombait à la salariée et s'analysait comme une démission,
- débouté Mme X... de toutes ses demandes,
- rejeté la demande de la société Matipier au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la salariée aux dépens.

Les parties ont reçu notification de ce jugement les 17 et 21 mai 2013..
Mme X... en a régulièrement relevé appel général par courrier électronique du 31 mai 2013 de son conseil.

PRÉTENTIONS et MOYENS des PARTIES

Vu les conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 11 juillet 2013, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles Mme X... demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- dire que la prise d'acte de rupture par Mme X... produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société Matipier à lui payer les sommes de :
-6 665 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 666 euros pour les congés payés y afférents,
-19 933. 50 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
-40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
- condamner l'employeur à lui remettre sous astreinte de 30 euros par jour de retard l'attestation Pôle Emploi rectifiée.

Elle fait valoir en substance que :

- sur la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur :
- sa prise d'acte est justifiée par des manquements suffisamment graves de la société Matipier en ce qu'elle a perdu toutes les attributions d'un agent de maîtrise et d'un chef d'atelier lors du recrutement de Mme Z...le 17 octobre 2011 et qu'elle a été affectée de manière permanente au poste d'ouvrière de production ;
- les explications de l'employeur selon lesquelles le recrutement de Mme Z...visait à alléger la charge de travail de sa chef d'atelier ne sont pas cohérentes alors qu'il lui appartenait d'embaucher une ouvrière de production ;
- il lui a imposé sa remplaçante dans l'espoir qu'épuisée par un poste trop lourd depuis la réorganisation de l'entreprise du 1er avril 2011, elle démissionnerait ;
- confrontée à une surcharge de travail, à une grande fatigue et un manque de reconnaissance depuis de nombreux mois, elle n'a pas supporté en octobre 2011 la nouvelle de sa déclassification et a préféré quitter son emploi le 31 octobre 2011 ;

- sur ses demandes indemnitaires :
- l'indemnité compensatrice de préavis (6 665 euros) est calculée sur la base de deux mois et demi de salaire (2 666 euros brut en moyenne sur 12 mois) selon la convention collective ;
- l'indemnité conventionnelle de licenciement (19 9 33. 50 euros) correspond, avec une ancienneté de plus de 20 ans, au maximum prévu de 7. 5 mois du salaire moyen des trois derniers mois, heures supplémentaires incluses (2 657. 80 euros) ;
- son préjudice lié au comportement fautif de l'employeur est important (40 000 euros) puisqu'elle n'a pas retrouvé d'emploi stable malgré ses efforts de reclassement (stages) et qu'elle n'était pas indemnisée par Pôle Emploi.

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 19 mai 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience selon lesquelles la société Matipier demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter Mme X... de toutes ses demandes et la condamner au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient essentiellement que :

- sur la modification des fonctions de la salariée avec rétrogradation :
- Mme X... a continué à exercer les fonctions de chef d'atelier conformément à celles définies par la convention collective à savoir la responsabilité de la fabrication sous la direction effective du chef d'entreprise ou éventuellement par délégation de celui-ci ;
- elle ne rapporte pas la preuve de la perte de ses attributions d'agent de maîtrise et de son remplacement par Mme Z...puisque celle-ci, en qualité de responsable de site a été recrutée, pour remplacer le gérant M. Y...;
- elle a décidé logiquement de réintégrer l'équipe de production, ce qui correspondait à sa qualification de responsable de production et de l'atelier tandis que Mme Z...s'occupait de la partie administrative ;
- elle n'est restée " en contact " que dix jours ouvrés avec la nouvelle salariée Mme Z...dans l'entreprise ;

- sur la violation de l'obligation de sécurité :
- Mme X... ne justifie pas de la dégradation de son état de santé en raison de la surcharge de travail et de la non-récupération des heures supplémentaires ;
- la salariée a toujours connu des difficultés relationnelles au sein de l'entreprise et a même exprimé devant le médecin du travail en mars 2011 son souhait d'être licenciée ;
- occupant le même poste depuis de nombreuses années, elle ne s'est pas plainte auprès du médecin du travail à l'époque où son mari était gérant de l'entreprise ;
- elle ne justifie pas sa prise d'acte par des manquements suffisamment graves de la société Matipier empêchant la poursuite du contrat de travail, cherchant à obtenir une indemnité de départ après que son employeur lui ait refusé une rupture conventionnelle ;

- subsidiairement, sur les demandes indemnitaires :
- l'indemnité de licenciement est calculée sur la base du salaire moyen des trois derniers mois correspondant à 2 466. 62 euros par mois sans qu'il y ait lieu d'intégrer les heures supplémentaires réglées à cette période au titre des années précédentes 2009-2010 et elle ne peut pas excéder 18 499. 65 euros,
- la salariée doit justifier la réalité de son préjudice au-delà de six mois de salaires à l'appui de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L 1235-5 du code du travail.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

Sur la demande de résiliation judiciaire,

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et que le licenciement ou la rupture du contrat intervient ultérieurement en cours de procédure, le juge doit rechercher au préalable si la demande de résiliation était justifiée en raison de manquements suffisamment graves de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

Mme X..., qui a présenté dans sa requête initiale du 10 mai 2011 une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur, n'a articulé aucun moyen pour fonder sa demande devant la juridiction prud'homale et n'en articule toujours aucun ni en cause d'appel.

Elle ne produit strictement aucune pièce de nature à établir les manquements graves reprochés à son employeur pour la période antérieure ou contemporaine au 10 mai 2011, à l'exception de ses doléances exprimées dans son courrier daté du 24 février 2011 dont les revendications ont été majoritairement satisfaites au mois d'avril 2011 par son employeur.

Dans ses conditions, la demande non étayée de résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur doit être rejetée.

Sur la prise d'acte,

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.
La charge de la preuve incombe au salarié.

Il n'est pas contesté que Mme X... exerçait les fonctions de chef d'atelier depuis de nombreuses années au sein de la société Matipier, que l'employeur a régularisé la situation au mois d'avril 2011 en mentionnant la classification " Chef d'atelier " et le coefficient 290 sur le bulletin de salaire avec maintien de la rémunération

La convention collective applicable définit l'emploi d'un chef d'atelier, 1er échelon, coefficient 290 comme " un agent de maîtrise ayant des connaissances techniques étendues, assurant dans les établissements de petite importance la responsabilité de la fabrication sous la direction effective du chef d'entreprise ou éventuellement par délégation de celui-ci. "

Mme X..., invoquant une disqualification de son emploi de chef d'atelier et une rétrogradation au poste de simple ouvrière, a expliqué lors de sa comparution personnelle le 8 mars 2013 :
" J'étais responsable de l'atelier, responsable de la production.
A l'arrivée de Mme Z...le 17 octobre 2011, je n'étais plus responsable de l'atelier, je suis restée ouvrière en chaussures à faire de l'encollage. Je ne faisais pas de travail administratif, c'était M. Y....
.. Mme Z...a été embauchée pour me remplacer. Je n'avais plus les fonctions que j'avais auparavant. Mme Z...me donnait le travail que j'avais à faire.
Avant l'arrivée de Mme Z..., j'effectuais la partie administrative et la partie production moitié-moitié. "

Arguant ainsi d'une modification unilatérale de ses fonctions par l'employeur, elle ne précise pas pour autant les tâches d'encadrement de l'atelier qu'elle assurait et qui auraient été transférées à Mme Z...dès le 17 octobre 2011.

Elle verse aux débats les attestations de deux salariés de l'entreprise Matipier selon lesquels :
- M. A...: " le lundi 17 octobre 2011, M. Y...nous a présenté Mme Z...qui a pris de suite la responsabilité de l'atelier. Mme X... lui a donné les informations pour le déroulement du service.
De ce fait, Mme X... a été à la production jusqu'à son départ définitif ;
Le soir du 17 octobre 2011, M. Y...rappelle Mme X... qui sortait de l'entreprise en même temps que moi pour lui demander si elle avait bien rendu les clefs de l'atelier. Mme X... lui a répondu qu'elle les avait données à Mme Z.... "
- Mme B...: " M. Y...nous a informé lors d'une réunion du remplacement imminent de Mme X... par Mme Z...en tant que responsable de site et nous a demandé de lui réserver le meilleur accueil et de l'aider dans ses fonctions autant que possible.
Mme Z...a pu apprendre les nécessités du poste à pourvoir et les compétences de chacune d'entre nous puisque Mme X... lui a montré les tâches de son futur emploi pendant quelques jours avant d'intégrer elle-même le travail en production avec le reste de l'effectif. "

Or ces attestations établissent que Mme X... a continuer à assurer des taches de production mais a rendu les clefs de l'atelier, elles sont insuffisantes à justifier la rétrogradation alléguée étant noté que les fonctions attribuées à Mme Z...étaient des fonctions de " responsable de site ", fonctions dont il convient de rappeler que Mme X... avait refusé de les assumer, fondant sa demande de résiliation judiciaire sur le fait que son employeur aurait tenté de les lui imposer.

Mme Z...atteste d'ailleurs : " J'ai été embauchée en qualité de responsable de site, M. Y...étant très peu présent, il voulait une personne chargée de la partie administrative et de la coordination avec les sous-traitants et la production " (audition du 29 janvier 2013)
- " A mon arrivée, j'ai fait la connaissance de Mme X... avec laquelle je n'ai pas eu le temps de m'organiser pour la répartition des tâches respectives puisque celle-ci est parti le 2 novembre 2011. Pendant cette période, Mme X... a de ce fait et volontairement participer un peu plus à la production. En aucun cas, M. Y...ne m'a embauchée pour remplacer Mme X... et ne m'a présentée comme telle aux autres salariés avant le départ définitif de Mme X.... " (attestation no 4)
" Je n'avais pas de lien hiérarchique avec Mme X.... Je coordonnais la production avec Mme X... qui gardait la fonction qu'elle avait avant. Je n'ai pas remplacé Mme X.... "

M. Y..., gérant explique : " Mme X... m'ayant dit qu'elle avait trop de travail, j'ai accédé à sa demande en embauchant Mme Z.... En 8 jours, Mme X... ne pouvait pas dire que Mme Z...avait été embauchée pour la remplacer.... Mme Z...et Mme X... étaient en production toutes les deux. Mme Z...a été embauchée pour me remplacer quand je n'étais pas là et pour épauler Mme X... en production. Mme X... n'a pas été remplacée. Il n'y a pas eu de discussion avec Mme X.... "

Le seul fait que Mme Z...ait été présente en production aux côtés de Mme X... au cours des deux premières semaines de son installation ne permet pas d'en déduire que la nouvelle responsable de site, dont les fonctions étaient différentes de celles d'un chef d'atelier, a assuré aux lieu et place de Mme X... les fonctions d'encadrement au sein de l'atelier.
Si Mme X... a transmis à Mme Z...des informations nécessaires sur la production de l'entreprise et lui a remis les clés de l'atelier, ces éléments ne suffisent pas à démontrer que, du fait de l'employeur, Mme X... a perdu ses fonctions d'encadrement et qu'elle est redevenue ouvrière.

Dans ces conditions et prenant en compte le bref délai écoulé entre l'arrivée de la responsable de site (17 octobre 2011) et la prise d'acte de Mme X... (31 octobre 2011), il doit être considéré que Mme Z...ne rapporte pas les éléments probants permettant de caractériser une réduction de ses responsabilités et une modification unilatérale de son contrat de travail par l'employeur.

Faute de justifier du manquement suffisamment grave de son employeur de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la salariée n'était pas fondée à une prise d'acte de rupture du contrat aux torts de son employeur.

Mme X... doit être déboutée de sa demande tendant à voir dire que sa prise d'acte de rupture du contrat de travail produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de ses demandes financières.
Le jugement entrepris doit être confirmé de ces chefs.

Sur les autres demandes,

La demande de remise d'une attestation Pôle Emploi rectifiée sous astreinte n'étant pas fondée en l'espèce, il n'y a pas lieu d'y faire droit par voie de confirmation du jugement.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société Matipier les frais non compris dans les dépens. Mme X... sera condamnée à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme X... sera condamnée aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement et contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris du 14 mai 2013 en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant :

CONDAMNE Mme X... à payer à la société Matipier la somme de 1 000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

DÉBOUTE Mme X... de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE Mme X... aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

V. BODINAnne JOUANARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/01448
Date de la décision : 08/09/2015
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-09-08;13.01448 ?
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