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08/09/2015 | FRANCE | N°13/00477

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 08 septembre 2015, 13/00477


COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
aj/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 00477.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 14 Janvier 2013, enregistrée sous le no 12/ 00113

ARRÊT DU 08 Septembre 2015

APPELANTE :

Madame Dolores X...
...
72600 ST PIERRE DES ORMES

représentée par Maître Catherine POIRIER, avocat au barreau du MANS

INTIMEE :

SCP François F...-ELISABETH Y...(anciennement dénommée SCP G.

..-F...-Y...)
...
72000 LE MANS

représentée par Maître Gérard LE MAITRE, avocat au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR :

...

COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
aj/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 00477.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 14 Janvier 2013, enregistrée sous le no 12/ 00113

ARRÊT DU 08 Septembre 2015

APPELANTE :

Madame Dolores X...
...
72600 ST PIERRE DES ORMES

représentée par Maître Catherine POIRIER, avocat au barreau du MANS

INTIMEE :

SCP François F...-ELISABETH Y...(anciennement dénommée SCP G...-F...-Y...)
...
72000 LE MANS

représentée par Maître Gérard LE MAITRE, avocat au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Juin 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne JOUANARD, président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller
Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.

ARRÊT :
prononcé le 08 Septembre 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCEDURE,

Mme Dolores X... a été embauchée le 1er janvier 1995 par la SCP G...-F...en qualité de négociatrice en contrat de travail à durée indéterminée.

Cette société G...-F...-Y...est une société de notaires qui emploie moins de dix salariés et la relation de travail entre les parties était soumise à la convention collective du notariat.

Elle a été en arrêt de travail à compter du 3 juin 2009 et a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 16 décembre 2009.

Soutenant que son inaptitude ayant entraînée son licenciement a eu pour origine un harcèlement moral de la part de son employeur et arguant de ce qu'il lui était dû des heures supplémentaires, le 19 mars 2011 Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de rappel de salaire et en nullité du licenciement avec indemnisations subséquentes.

Par jugement en date du 14 janvier 2013 le conseil de prud'hommes du Mans :

- a dit que l'inaptitude de Mme X... constatée par la médecine du travail ne résultait pas d'un harcèlement moral et l'a débouté en conséquence de ses demandes,
- a donné acte à la SCP G...-F...-Y...de son accord pour verser à Mme X...la somme de 843, 18 ¿ demandée au titre du paiement d'heures supplémentaires,
- a condamné Mme X... aux dépens.

Par lettre recommandée reçue au greffe le 14 février 2013 Mme X... a relevé appel de ce jugement qui lui a été notifié le 17 janvier précédent.

MOYENS ET PRETENTIONS,

Dans ses dernières conclusions régulièrement communiquées déposées le 20 mai 2015 Mme X... demande à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qui concerne les heures supplémentaires,
- de l'infirmer pour le surplus et :
- de dire et juger que son inaptitude provient des agissements de harcèlement moral de la SCP F...-Y...et de prononcer la nullité de son licenciement,
- de condamner la SCP F...-Y...à lui verser les sommes de 77 200 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, 9 650 ¿ à titre d'indemnité de préavis et de 965 ¿ au titre des congés payés y afférents, 20 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- de débouter la SCP F...-Y...de toutes ses demandes et de la condamner à lui verser sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 2 500 ¿ en 1ère instance et de 3 000 ¿ en appel ainsi qu'aux dépens.

Elle fait essentiellement valoir qu'embauchée en janvier 1995 alors que le service de négociation de l'étude était quasiment inexistant, elle a en rapidement doublé le chiffre d'affaires ; que très vite son salaire lié au pourcentage de ce chiffre d'affaires lui a été reproché et qu'ensuite d'une décision unilatérale de le réduire, il a été convenu que le barème de ses rémunérations serait lissé sur la base de 20 % pour toutes ses participations aux ventes qu'elle ferait ; que depuis lors le comportement de ses employeurs a changé à son égard et qu'elle a fait l'objet de reproches injustifiés, de brimades vexantes voire humiliantes devant les autres salariés et les clients, d'accusations de tous les dysfonctionnements de l'étude même ceux commis par autres clercs de sorte qu'elle a fini par aller consulter son médecin ; qu'elle a ainsi été en arrêt de travail à compter 3 juin 2009 pour dépression, arrêt prolongé plusieurs fois jusqu'en novembre 2009 ; que le médecin du travail a été contraint de prononcer son inaptitude en une seule visite pour danger immédiat, ce médecin l'ayant déclaré inapte à son poste au sein de la SCP G...-F...mais apte à travailler dans un autre contexte organisationnelle et relationnel ce qui a conduit à son licenciement ;

Elle développe dans ses écritures les divers agissements qu'elle impute à son employeur : reproches injustifiés, brimades vexantes voire humiliantes devant les autres salariés et les clients, accusations de tous les dysfonctionnements de l'étude et y ajoute une communication par écrits désobligeants et vexatoires, des heures supplémentaires non rémunérées et des repos injustement refusés, un avertissement non fondé et le défaut de déclaration en accident du travail d'une chute qu'elle a faite le 12 avril 2006.

Elle estime ainsi que toutes ses demandes d'indemnisations sont justifiées à hauteur des sommes qu'elle sollicite.

Dans ses dernières conclusions régulièrement communiquées déposées le 17 juin 2015 et à l'audience la SCP G...-F...-Y...devenue F...-Y...demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter Mme X... de toutes ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Elle soutient en résumé que les éléments invoqués par Mme X... sont insuffisants à établir la situation de harcèlement moral dont elle se prévaut ; que ses affirmations ne sont étayées par aucun document, qu'elle ne s'en est jamais plainte alors que, contrairement à ce qu'elle soutient, elle n'avait pas connaissance de ce que son absence pour maladie ait eu une origine professionnelle, le rapport établi par le docteur A...le 22 octobre 2009 suite à sa visite au sein de l'étude le 17 septembre 2009 n'en faisant pas état, ce rapport étant en contradiction avec le certificat du 6 octobre 2009 produit par Mme X... dans lequel le médecin du travail affirme avoir mis au courant la scp de la souffrance au travail de sa salariée.

Elle conteste au surplus dans le détail la matérialité des diverses allégations de mise à l'écart et de stigmatisation qui lui sont imputées et les prétendus refus de congés et discriminations dont elle aurait été victime, la seule attestation produite et émanant de Mme B...qui a démissionnée pour trouver un autre emploi sans jamais évoqué avoir été victime de brimades étant sans portée ; elle explique que la communication par post-it ¿ dont elle ne fournit la justification que pour 7 fois en 14 années-était justifiée en ce qu'elle s'expliquait pas les contraintes professionnelles des uns et des autres et qu'elle concernait tous les salariés, les observations y figurant étant justifiées par les carences de la salariée dans la gestion de certains dossiers et les réflexions ne dépassant pas le cadre du pouvoir reconnu à l'employeur d'adresser au salarié les observations relatives à ce type de carence et n'étant nullement vexatoires ; que si Mme X... avait demandé paiement au cours de la relation de travail des quelques heures supplémentaires effectuées et qui lui ont d'ailleurs été payées sans contestation, elles lui auraient été rémunérées si elles avaient été justifiées ; qu'il ne peut lui être reproché comme relevant d'un acte de harcèlement moral le fait de ne pas avoir déclaré la chute que Mme X... avait indiqué avoir faite en avril 2006 en allant prendre son repas dans une galerie commerciale, après avis réservé de la caisse primaire d'assurance maladie quant à la caractérisation de l'accident de trajet, alors qu'au surplus cette chute n'a entraîné aucun arrêt de travail ni eu de conséquences quelconque pour la salariée ; que l'avertissement qui a été notifié à Mme X...le 12 mars 2009 était justifié ;

Elle ajoute que les documents médicaux produits ne permettent pas de lier l'état de santé de Mme X... à un comportement fautif de l'employeur, sa dégradation pouvant avoir d'autres origines diverses.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure et aux débats à l'audience du 21 juin 2015.

MOTIFS DE LA DECISION,

Sur la nullité du licenciement,

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le licenciement d'un salarié pour inaptitude physique peut en conséquence être annulé si cette inaptitude trouve son origine dans des faits de harcèlement moral imputables à l'employeur.

En application de l'article L. 1154-1 du même code il incombe au salarié qui soutient avoir été victime de harcèlement moral d'établir la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement moral et qui, pris dans leur ensemble, soient de nature à laisser présumer l'existence d'un tel harcèlement et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Au cas d'espèce les faits de harcèlement dont Mme X... prétend avoir été victime sont les suivants :

- des agissements prohibés de la part de l'employeur qui se sont aggravés début 2009 et se sont traduit par une perte de salaire, sa mise à l'écart et un mépris affiché à son égard,
- une communication permanente et systématique par post-it ou écrits souvent désobligeants et vexatoires,
- l'exécution d'heures supplémentaires non rémunérées,
- le refus de son employeur de déclarer en accident de travail la chute qu'elle a faite en 2006,
- le caractère injustifié de l'avertissement qu'elle a reçu le 12 mars 2009,
- les reproches injustifiés qui lui ont été fait dans le cadre de la gestion de la succession C... ;

tous ces agissements de l'employeur l'ayant conduit à consulter son médecin qui lui a prescrit un arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif et sa prolongation jusqu'à la déclaration d'inaptitude totale à son poste.

Sur le premier grief de perte de salaire, mise à l'écart et mépris affiché :

Mme X... produit aux débats ses avis d'imposition 2007 à 2011 ainsi que son contrat de travail et ses avenants.

Il résulte des contrats de travail et avenants que le système de rémunération de ses commissions tel que prévu en 1995 a été modifié une première fois en 2001 puis une seconde fois en 2006 dans les termes suivants :

- commissions prévues en 1995 à hauteur de 10 % jusqu'à 400 000 francs, 15 % de 400 000 francs à 600 000 francs puis 20 % au-delà de 600 000 francs sur les négociations réalisées par elle sur les immeubles anciens et 25 % sur les immeubles neufs suivant le barème des promoteurs ;
- commissions prévues en 2001 : 15 % de 0 à 400 000 francs puis 20 % au-delà de 400 000 francs sur les immeubles anciens et terrains et sur les immeubles neufs commissions de 20 % du total des honoraires de négociation si l'étude perçoit une rémunération hors taxe de 6 % et de 15 % minimum si l'étude perçoit une rémunération hors taxe inférieure à 6 %

- commissions prévues en 2006 : 20 % des honoraires de négociation réalisés par ses soins sur les immeubles anciens et terrains et, sur les immeubles neufs, sur les honoraires perçus par l'étude : 20 % du total des honoraires de négociations réalisés par ses soins.

Or outre que rien ne permet de considérer qu'en elles-mêmes ces modifications soient de nature à impacter à la baisse sa rémunération, Mme X... ne produit aucun justificatif de ses revenus antérieurs à 2006, date du dernier avenant de sorte qu'elle ne permet pas à la cour de vérifier son allégation.

Elle percevait en 2009 un salaire fixe mensuel brut de 1 614 ¿ et elle ne justifie pas ainsi que sa baisse de revenus entre 2007 et 2009 (42 085 ¿ en 2007, 38 399 ¿ en 2008 et 30 241 ¿ en 2009) soit d'une quelconque façon imputable à la modification du mode de calcul de ses commissions.

Elle ne produit pas le moindre document établissant que, comme elle le soutient, tout ce qui était accordé aux autres salariés lui était refusé, qu'il lui était interdit d'apporter des objets personnels sur son bureau alors que les autres le pouvait, qu'il lui était interdit de prendre un café alors que les autres salariés se baladaient avec leur mug au sein de l'étude ni qu'il lui était interdit de recevoir des présents des clients satisfaits contrairement aux clercs de l'étude.

Elle ne justifie pas d'un refus avéré de ses demandes de congés ou de RTT ni que, comme elle le prétend, ceux-ci lui étaient « la plupart du temps refusés et/ ou décalés alors quelle avait fait ses réservations et ce alors qu'elle prenait ses congés dans les périodes calmes d'activité » par la seule production de deux notes d'octobre et décembre 2005 aux termes desquelles : sur une demande de congés du 26 au 30 décembre il lui est indiqué que d'après son décompte il ne lui reste que deux jours à prendre, que la semaine qu'elle demande sera imputée sur son nouveau solde et que la situation devra être redevenue normale pour le 30 avril 2007 et, sur une demande d'absence pour récupération le 30 octobre 2005, qu'il n'y a jamais eu d'accord sur cette récupération et que sur le 14 novembre, elle a largement dépassé le nombre de jours de vacances autorisés.

La seule attestation de Mme B...qui a démissionné de l'étude en 2002 et qui déclare « j'ai souvent été témoin de brimades et de réprimandes vexatoires et injustifiées par les patrons à l'encontre de Mme X... » sans autre précision ne suffit pas à établir la réalité desdites brimades et/ ou réprimandes. Elle est insuffisante a justifier que Mme X... « faisait l'objet en permanence de brimades publiques avec une satisfaction non feinte sur le visage de ses employeurs lorsqu'ils privilégiaient une de ses collègues » ;

Au surplus, les déclarations de Mme B...aux termes desquelles elle prétend avoir dû démissionner du fait des conditions de travail difficiles tant par la charge des dossiers que par les rapports avec les patrons sont là encore aucunement circonstanciées, la société de notaires soulignant qu'elle n'a pas précisé dans sa lettre les motifs de sa démission et qu'elle avait seulement trouvé un autre emploi.

Sur le deuxième grief de communication par écrit au surplus vexatoires :

Mme X... produit des post-it non datés et une note en bas d'un courriel du 27 octobre 2005 à l'étude par un client par lesquels son employeur lui fait des observations sur son travail.

Ces « post-it » sont au nombre total de 8 sur toute la période de son emploi soit 14 ans de sorte qu'ils ne font pas la preuve " d'une communication permanente et systématique " par post-it ou écrits entre elle et les notaires avec lesquels elle travaillait, ce mode de communication ne pouvant au demeurant être considéré en lui-même, et même dans une petite structure permettant le dialogue, comme une méthode de management susceptible de laisser supposer un harcèlement.

Au surplus Mme X... n'a pas été la seule dans l'étude à être concernée par ce mode de communication, deux autres salariées attestant qu'il en était de même avec elles.

Ces post-it ne sont pas datés, sauf la note en bas du courriel du 27 octobre 2005 ;

Si pour la plupart leur teneur générale est neutre et que les observations qui y sont faites stigmatisent des erreurs ou des oublis de la part de la salariée et n'excèdent donc pas le pouvoir de direction de l'employeur, il demeure que deux d'entre eux comportent des propos vexatoires : « c'est nul d'écrire prix sacrifié, est ce que le vendeur va être satisfait de votre insertion », « il serait plus intelligent d'envoyer ce courrier à Meudon ».

Sur le troisième grief tenant à des heures supplémentaires non rémunérées :

Ensuite de la saisine du conseil de prud'hommes, l'employeur a versé à Mme X...la somme de 843, 18 ¿ qu'elle demandait en paiement des 69 heures supplémentaires.

Ce seul fait ne constitue pas en lui-même un acte de nature à laisser présumer un harcèlement moral.

Il doit par ailleurs être constaté par la cour que Mme X... ne produit aucun document établissant qu'elle en avait demandé le paiement antérieurement ni même ensuite de la rupture du contrat de travail pour inaptitude, les courriers qu'elle produit n'évoquant à aucun moment une telle demande.

Elle ne produit pas d'avantage de justification de ce « qu'ayant proposé de venir travailler le samedi quand il y avait trop de travail, toute récupération lui aurait été refusée au prétexte que rien n'avait été accordé par écrit » et rien ne permet d'établir qu'elle ait eu une surcharge de travail.

Les bulletins de salaire qu'elle produit font apparaître qu'elle était effectivement rémunérée de certaines heures supplémentaires.

Les 69 heures supplémentaires concernent une période de 10 mois soit une moyenne de 7 heures supplémentaires par mois et, dans la mesure où Mme X... était négociatrice et faisait donc visiter des immeubles à des clients en fonction de leur disponibilité, son employeur-qui indique, sans être sérieusement contredit, ne pas avoir été très regardant sur les heures d'arrivée de Mme X... à l'étude et sur le temps passé à l'extérieur de l'étude entre deux RV-pouvait parfaitement ne pas avoir connaissance de ses horaires exacts si elle ne les déclarait pas.

Sur le quatrième grief tenant au refus de son employeur de déclarer en accident de travail la chute faite en 2006 :

Ensuite d'une chute qu'elle a faite, Mme X... a envoyé un courrier reçu le 24 avril 2006 par la caisse primaire d'assurance maladie aux termes duquel elle rapporte les circonstances de l'accident-à savoir une chute vers 13 h en allant prendre son repas dans une galerie commerciale-, y joint le certificat médical du docteur D...et précise que, compte tenu du fait qu'elle n'a pas souhaité d'arrêt de travail, ses employeurs lui ont demandé d'effectuer elle-même une déclaration au cas où des séquelles interviendraient suite à cette chute.

Il ne résulte nullement de ce courrier que, même s'il est constant qu'il lui appartenait de le faire, l'employeur ait refusé à Mme X... de faire une déclaration d'accident du travail.

Mme X... ne justifie pas que « peu de temps avant une collègue avait été soutenue dans cette démarche » et qu'il y ait eu « intention de nuire de son employeur » ; elle n'a donné aucune suite à ce « manquement »- qui n'en a d'ailleurs eu aucune d'ordre médicale qui soit avérée-et qui date de plus de trois ans avant son licenciement pour inaptitude.

Sur le cinquième grief tenant à l'avertissement :

Mme X... a reçu un avertissement le 12 mars 2009 ainsi motivé « Vous n'ignorez pas que l'étude a décidé de mettre en place le Portail Immobilier des Notaires puisque vous avez été associée à deux reprises à la préparation de ce projet. Pour réaliser cette mise en place il est indispensable de rentrer les informations concernant les immeubles à vendre et une étroite collaboration avec madame E...vous est demandée. Nous constatons que ces deux points ne sont pas mis en ¿ uvre actuellement. Vous voudrez bien considérer la présente comme valant avertissement lié à votre refus de collaborer avec madame E...et à votre absence d'investissement dans ce projet vital pour le service Négociation ».

L'avertissement est une sanction du salarié pour des fautes commises dans l'exécution de son contrat de travail ; il relève du droit disciplinaire et est indissociable de la notion de faute ; l'exécution défectueuse du contrat de travail ne peut donner lieu à sanction que si elle est due à l'abstention volontaire du salarié ou à sa mauvaise volonté délibérée.

Or au cas d'espèce, l'avertissement reçu par Mme X...- qu'elle a contesté par le courrier du 22 mars 2009 en indiquant qu'elle n'était pas chargée de rentrer les informations concernant les immeubles à vendre, en précisant que « sa collaboration avec mademoiselle E...se limite à l'investissement de celle-ci pour le projet »- ne vise aucun fait précis et objectif vérifiable marquant « le refus de collaborer » et « l'absence d'investissement » et l'employeur ne justifie par aucun document qu'il était justifié.

Sur le sixième grief tenant à des reproches dans le cadre de la gestion de la succession C... :

Mme X... expose que cette succession comprenait un terrain à vendre qui intéressait les deux voisines ; qu'il avait été convenu que la vente se ferait au profit de celle qui ferait une offre la première ; que l'une des voisines ayant fait une offre, Me F...lui a dit alors qu'il téléphonerait à la seconde pour la prévenir de sorte qu'elle ne s'en est pas occupé ; que le notaire ne l'ayant pas fait, l'étude a reçu un courrier d'avocat et Me F...l'a alors accusé, à tort, de ne pas avoir fait son travail et lui a écrit (note sur le relevé de compte d'émoluments de négociation du 28 mai 2009 précisant sa commission) « s'il y a une difficulté dans le dossier C... vous participerez au même titre que l'étude aux frais de procédure et d'avocat si cela tourne mal avec la voisine que vous n'avez jamais voulu prendre au téléphone » ; qu'elle a ensuite trouvé dans le dossier un courrier d'excuses supposé écrit par elle et qui est un faux ;

Mme X... ne conteste pas qu'en sa qualité de négociatrice elle était depuis octobre 2008 en charge du dossier C... et que, comme l'écrit une des intéressées, c'est elle qui avait fait faire la visite des biens à vendre ; elle produit d'ailleurs aux débats un original de l'offre d'une des deux intéressées ;

Pour autant les parties sont en désaccord sur celui auquel incombait la charge de prévenir l'acquéreuse évincée, Mme X... soutenant que Me F...lui avait dit qu'il préviendrait lui-même l'acquéreuse évincée, ce que ce dernier conteste, et il n'est produit aucun document permettant de savoir ce qu'il en a été réellement.

Quoiqu'il ne soit et à supposer même que Mme X... ait eu une responsabilité quelconque cela n'autorisait pas le notaire à lui écrire la note sus visée la menaçant d'une sanction financière interdite.

S'agissant par ailleurs des documents médicaux produits :

Si l'arrêt de travail initial du 2 juin 2009 du docteur D...¿ qui suit immédiatement la note du 28 mai ci-dessus évoquée-n'en précise pas ses motifs, les certificats de prolongation des 9 juin, 6 juillet, 24 juillet jusqu'au 30 septembre mentionnent une asthénie réactionnelle, un syndrome dépressif réactionnel ;

Le compte rendu du docteur A...médecin du travail fait apparaître que :

- lors d'une première visite le 23 juillet 2009 Mme X...lui a relaté un manque de respect et de reconnaissance par l'employeur, l'ambiance délétère de travail, le fait qu'elle serait le souffre douleur, le fait qu'elle se sente laminée et moralement cassée, sa décision de rester en arrêt de travail pour récupérer et de se voir après les vacances discussion sur la possibilité d'inaptitude médicale et de l'intérêt, pour le médecin, qu'elle alerte les employeurs sur sa souffrance au travail lors de son retour éventuel ;
- lors de la visite du 8 septembre : une souffrance d'origine professionnelle, le fait qu'elle ne veut plus voir ses patrons qui sont allés trop loin en la critiquant sévèrement sur un dossier (dossier C...) ;
- lors de la visite du 6 octobre : elle va beaucoup mieux depuis qu'elle sait qu'elle va être déclarée inapte ; l'employeur a été vu et alerté sur la souffrance au travail de cette salariée et mis au courant de l'inaptitude au travail qui va être prononcée ;
- lors de la visite du 10 novembre : elle va beaucoup mieux, a réussi à revoir ses patrons à leur demande pour faire le point ;

Le certificat de ce même docteur A...du 10 novembre 2009 « inapte à son poste inaptitude réalisée en une seule visite selon art R4624-31 avec « danger immédiat » serait apte à travailler sur un poste identique mais dans un autre contexte organisationnel ».

Mme X... rapportent ainsi la preuve de faits précis-propos vexatoires, avertissement injustifié, menace de sanction financière interdite et syndrome dépressif réactionnel ayant entraîné un arrêt de travail immédiat suivi de prolongation puis d'une inaptitude-qui, pris dans leur ensemble, sont de nature à laisser présumer un harcèlement moral.

Ni les propos vexatoires, ni l'avertissement en mars 2009 ni la menace de sanction financière en mai 2009 ne sont justifiables ni justifiés par la SCP par des éléments étrangers à tout harcèlement moral et le fait que le docteur A...ait établi un rapport le 22 octobre 2009 après visite dans l'étude le 17 septembre 2009 aux termes duquel il a constaté que l'ambiance générale était bonne ne suffit pas à mettre en doute l'imputabilité avérée des arrêts de travail et de l'inaptitude aux conditions de travail de la salariée et au harcèlement moral dont elle a été victime.

Le jugement entrepris qui a débouté Mme X... de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement doit donc être infirmé.

Sur les conséquences,

Son licenciement étant annulé, Mme X... peut prétendre à une indemnité de préavis, et ce quand bien même elle s'est trouvée dans l'incapacité de l'effectuer, et à des dommages et intérêts.

Les sommes de 9 650 ¿ à titre d'indemnité de préavis correspondant à 3 mois de salaire et de 965 ¿ au titre des congés payés y afférents qu'elle sollicite ne sont pas discutées par l'employeur dans leur montant de sorte qu'il convient de condamner la SCP au paiement de ces sommes.

Au regard de son ancienneté dans l'entreprise, du salaire qu'elle percevait et de son âge (née le 9 février 1946), le préjudice de Mme X... consécutif à la nullité de son licenciement sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 20 000 ¿.

Par ailleurs son préjudice consécutif au harcèlement moral dont elle a été victime justifie qu'il lui soit alloué la somme de 3 000 ¿.

L'équité commande la condamnation de la SCP G...-F...-Y...à verser à Mme X...la somme de 3 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement en matière sociale par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a donné acte à la SCP G...-F...-Y...de son accord pour verser à Mme X...la somme de 843, 18 ¿ demandée au titre du paiement d'heures supplémentaires.

INFIRME ledit jugement en toutes ses autres dispositions.

STATUANT à nouveau et y AJOUTANT :

ANNULE le licenciement pour inaptitude de Mme X... consécutive à un harcèlement moral.

CONDAMNE la SCP G...-F...-Y...à verser à Mme X...les sommes de :

-9 650 ¿ à titre d'indemnité de préavis et de 965 ¿ au titre des congés payés y afférents,
-20 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement,
-3 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
-3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

CONDAMNE la SCP G...-F...-Y...aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

V. BODINAnne JOUANARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/00477
Date de la décision : 08/09/2015
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-09-08;13.00477 ?
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