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30/06/2015 | FRANCE | N°13/02576

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 30 juin 2015, 13/02576


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N clm/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 02576.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 16 Septembre 2013, enregistrée sous le no F 13/ 00134
ARRÊT DU 30 Juin 2015
APPELANTE :
Madame Hélène X... épouse Y... ... 49000 ANGERS
non comparante-représentée par Maître Claudine THOMAS de la SA SOFIRAL, avocats au barreau d'ANGERS-No du dossier 12. 41

INTIMEE :
Société CWT VOYAGES 5 Boulevard Pablo Picasso 49000 ANGERS


représentée par Maître DONZEL, avocat substituant Maître Cédric GUILLON, avocat au barreau d...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N clm/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 02576.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 16 Septembre 2013, enregistrée sous le no F 13/ 00134
ARRÊT DU 30 Juin 2015
APPELANTE :
Madame Hélène X... épouse Y... ... 49000 ANGERS
non comparante-représentée par Maître Claudine THOMAS de la SA SOFIRAL, avocats au barreau d'ANGERS-No du dossier 12. 41

INTIMEE :
Société CWT VOYAGES 5 Boulevard Pablo Picasso 49000 ANGERS
représentée par Maître DONZEL, avocat substituant Maître Cédric GUILLON, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mai 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Anne LEPRIEUR, conseiller Madame Clarisse PORTMANN, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 30 Juin 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller faisant fonction de président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :
La société CWT France a pour activité l'organisation de voyages d'affaires. A ce titre, elle gère et coordonne toutes les prestations de service qui composent un voyage d'affaires. Dans ses relations avec ses salariés, elle relève de l'application de la convention collective nationale des agences de voyage et du tourisme.
Suivant contrat de travail à durée déterminée du 27 mars 1991, Mme Hélène Y... épouse X... a été embauchée par la société Wagons-lits Tourisme, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société CWT France, en qualité d'aide confectionneur.
La relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée et Mme Hélène Y... a été affectée à la cellule délégation de Paris à compter du 18 juin 1991. En septembre 1991, elle a été mutée sur le site d'Angers. Par courrier du 12 septembre 1991, elle a été avisée de ce que son temps de travail serait partagé entre le site de l'ETAS à Montreuil Juigné et l'agence Wagons-lits de la rue du Haras. Elle travaillait alors 27 h 30 par semaine sur le premier site et 11 h 30 par semaine sur le second. Par courrier du 10 mars 1993, elle s'est vue confirmer son affectation à temps plein auprès de l'implant ETAS/ ANGERS à effet rétroactif au 8 mars 1993 sans changement de qualification ni de rémunération. Suite à la fermeture du site ETAS/ ANGERS, par courrier du 24 avril 1994, elle a été affectée à l'agence du Ralliement avec effet rétroactif à compter du 1er avril 1994. Par courrier du 26 mars 1998, elle a été promue Technicienne Confirmée Vente avec effet rétroactif au 1er janvier 1998 moyennant un salaire brut mensuel de 1 421, 70 ¿. Selon mission de détachement datée du 30 août 2004, elle a été détachée afin de travailler à concurrence d'un mi-temps à l'agence FRANTOUR de la rue du Haras à Angers. Après la fermeture de ce site, elle a été mutée au Plateau Affaires de la Place du Ralliement situé au 1er étage, le rez-de-chaussée étant réservé au service tourisme. Courant 2009, un plan social a affecté l'effectif du site de la Place du Ralliement qui a été purement et simplement fermé. En novembre 2010, Mme Hélène Y... a donc été mutée sur le site des Justices, au sein du service " affaires ".
Dans le dernier état de la relation de travail, elle exerçait la fonction de conseillère voyages expérimentée au sein de l'établissement d'Angers de la société CWT France et percevait une rémunération brute mensuelle de 1 850 ¿. A ce titre, elle avait pour mission d'accueillir, de conseiller et de vendre/ organiser le voyage de ses clients dans le respect de la stratégie commerciale de CWT Distribution et de la politique voyages de ses clients. Selon lettre du 15 décembre 2010 remise en main propre, Mme Hélène Y... a été convoquée à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire, entretien fixé au 23 décembre 2010. Le 17 décembre 2010, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude temporaire au poste de travail. L'entretien a donc été reporté. Après un arrêt de travail pour état dépressif jusqu'au 28 janvier 2011, la salariée a été déclarée apte à la reprise le 4 février 2011. L'entretien préalable à éventuelle sanction disciplinaire s'est déroulé le 3 mars 2011. Par courrier recommandé du 10 mars 2011, son employeur a déclaré lui " confirmer " les faits évoqués au cours de cet entretien, à savoir, trois erreurs commises les 9 et 14 décembre 2010, le 16 mars 2010 et une erreur affectant des billets émis pour le 22 février 2011, ainsi que les engagements pris. Il relevait une " situation d'insuffisance professionnelle mettant en péril le bon équilibre de travail de toute l'équipe et obérant la relation avec les clients " ainsi qu'un rythme et un volume de travail insuffisants. Un protocole d'" accompagnement " a été mis en place qui a donné lieu à des entretiens de " suivi et d'accompagnement " entre la salariée et sa supérieure hiérarchique directe.
La salariée a sollicité le report d'un stage qu'elle devait effectuer le 13 octobre 2011.
Par lettre recommandée du 26 octobre 2011, la société CWT France a convoqué Mme Hélène Y... à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 8 novembre 2011.
La commission de conciliation de l'entreprise chargée de se prononcer sur les motifs de la mesure envisagée s'est déclarée en partage de voix.
Par courrier du 8 décembre 2011, Mme Hélène Y... s'est vue notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse fondée sur une insuffisance professionnelle et le non respect des consignes. Elle a été dispensée de l'exécution de son préavis.
Le 12 juin 2012, elle a saisi le conseil des prud'hommes pour contester cette mesure et obtenir le paiement de diverses indemnités.
Dans le dernier état de la procédure de première instance, elle sollicitait l'annulation de l'avertissement prononcé à son encontre le 10 mars 2011, de voir déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le paiement de la somme de 40 000 ¿ de dommages et intérêts pour licenciement injustifié et de celle de 20 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Par jugement du 16 septembre 2013 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes d'Angers a débouté Mme Hélène Y... de toutes ses prétentions, a débouté la société CWT France de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et a condamné la salariée aux dépens.
Mme Hélène Y... a régulièrement relevé appel général de cette décision par déclaration d'appel du 4 octobre 2013.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 19 mai 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 9 avril 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles Mme Hélène Y... demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris ;
- de déclarer nul l'avertissement du 10 mars 2011 au motif que les griefs se rapportant aux erreurs des 9 et 15 décembre 2010 sont prescrits en application de l'article L. 1332-4 du code du travail et que l'insuffisance professionnelle n'étant jamais fautive, elle ne peut pas donner lieu à sanction disciplinaire ;
- de condamner la société CWT France à lui payer la somme de 20 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail au motif que, alors qu'à partir de la fermeture du site de la Place du Ralliement, et de son affectation au seul service " affaires ", ses conditions de travail se sont fortement détériorées par une complexité croissante du poste de travail, une charge de travail particulièrement lourde et des tensions de plus en plus importantes avec sa responsable à compter de l'année 2009, l'employeur a failli à son égard, d'une part, à son obligation de sécurité de résultat en ne prenant aucune mesure notamment de réorganisation alors qu'il avait constaté la dégradation de son état de santé, d'autre part, de formation en ne la faisant pas bénéficier des formations nécessaires ;
- de déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société CWT France à lui payer de ce chef une indemnité de 40000 ¿ au motif que l'employeur ne lui a pas assuré la formation nécessaire à l'accomplissement des tâches confiées, que les erreurs reprochées trouvent leur origine dans des conditions de travail stressantes et dégradées et une surcharge de travail, les faits déjà sanctionnés par l'avertissement du 10 mars 2011 ne pouvaient pas être sanctionnés une seconde fois, la demande de report de la formation qu'elle devait suivre le 13 octobre 2011 était tout à fait justifiée, les erreurs et non-respects des consignes qui lui sont reprochés ont toujours été régularisés et peuvent être commis par d'autres salariés, ils sont dus à une surcharge de travail et se régularisent sans frais ;
- de la condamner à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens en ce compris le coût du timbre fiscal de 35 ¿.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 18 mai 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles, la société CWT France demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner Mme Hélène Y... à lui payer la somme de 2 500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
L'employeur fait valoir en substance que :
- la demande d'annulation de " l'avertissement du 10 mars 2011 " n'est pas fondée en ce que le courrier du 10 mars 2011 ne constituait pas un avertissement ni une quelconque sanction ; il avait seulement pour objet de mettre en place un accompagnement et des formations adaptées aux difficultés de Mme Hélène Y... ;
- le licenciement pour insuffisance professionnelle est justifié, d'abord, par l'accumulation d'erreurs commisses par la salariée, notamment par non-respect des consignes de sa supérieure hiérarchique, et la persistance de ces erreurs en dépit des mesures d'accompagnement prises et des moyens mis en oeuvre en faveur de la salariée, en second lieu, par la faiblesse du volume d'affaires enregistré par Mme Hélène Y... ;
- la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail n'est pas fondée car :
1) le manquement à l'obligation de sécurité de résultat n'est pas établi : ¿ l'origine de l'état psychique et physique de la salariée résidait dans l'enchaînement tragique d'événements relevant de sa vie privée et était totalement étranger à l'entreprise ; ¿ Mme Hélène Y... n'était pas surchargée de travail ; ses collègues l'étaient en raison de sa productivité insuffisante ; ¿ une mésentente ou des tensions ne sont pas établies entre la salariée et sa supérieure hiérarchique, Mme Z... laquelle a toujours encouragé la salariée ; ¿ cette dernière ne rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct de celui résultant du prétendu licenciement sans cause réelle et sérieuse.
2) le manquement à l'obligation de formation n'est pas démontré : la salariée a bénéficié de nombreuses formations ; cette dernière a annulé sa formation du 13 octobre 2011 ; l'employeur a répondu positivement à son souhait de réaliser un bilan de compétences.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
1o) Sur la demande d'annulation de " l'avertissement " du 10 mars 2011 :
- Sur la nature de ce courrier :
Selon l'article L. 1331-1 du code de travail " Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié, considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. ".
Au cas d'espèce, aux termes du courrier recommandé qu'il a adressé à la salariée le 10 mars 2011 suite à l'entretien préalable du 3 mars précédent, l'employeur lui reproche d'avoir commis les erreurs suivantes :- le 9 décembre 2010, une erreur relative aux frais appliqués à un client,- le 14 décembre 2010, une erreur d'adresse mail lors de l'envoi d'une confirmation de billets à un client,- le 16 mars 2010 (faits connus le 15 décembre 2010), d'avoir mentionné dans le dossier du client que le billet d'avion était remboursable alors qu'il ne l'était pas,- en février 2011, d'avoir émis des billets de train pour le 22 février 2011 alors que la date demandée était le 23 février 2011. Il y indique que, si de telles erreurs peuvent être commises par tout collaborateur, il a tenu la concernant à diligenter un entretien préalable pour lui rappeler qu'elle avait déjà eu un entretien en juin 2010 avec le directeur régional et la responsable de l'agence en raison de son " manque d'attention et de concentration " et pour souligner que ces erreurs n'étaient plus acceptables en raison de leur récurrence et de leurs conséquences tant financières qu'en termes d'image pour l'entreprise.
Dans ce courrier, l'employeur relève également une production insuffisante équivalente à 75 % du volume d'affaires attendu et retient que ce faible volume s'explique par le comportement de la salariée qui consiste, notamment, à éviter autant que possible de prendre les lignes téléphoniques quand le téléphone sonne dans l'agence et à traiter majoritairement du trafic ferroviaire en invitant de traiter le trafic aérien, positionnement qui déséquilibre à son profit la charge de travail au sein de l'équipe.
L'employeur fait état du stress allégué par la salariée au cours de l'entretien préalable et, soulignant que " son insuffisance professionnelle met en péril le bon équilibre de travail de toute l'équipe et obère la relation avec les clients ", il énonce qu'il " est impérieux qu'elle sorte de cette situation " et il rappelle les mesures décidées pour tenter de remédier aux difficultés ainsi mises en évidence, à savoir :- analyse par la responsable d'agence des process utilisés par la salariée afin de les corriger si nécessaire par " l'observation " de ses travaux mais aussi via les notes qu'elle prendra à chaque difficulté rencontrée ;- réalisation d'un diagnostic début avril 2011 sur la base de cette analyse afin de déterminer un programme de formation (s) ou d'accompagnement adapté, programme qui sera formalisé ;- proposition de rencontrer le médecin du travail et de suivre une formation sur la gestion du stress.
L'employeur conclut ce courrier en déclarant compter sur " l'engagement " de la salariée pour " rétablir la situation en vous impliquant dans cette démarche ".
Cette lettre qui contient l'expression de divers reproches à l'égard de la salariée, en termes d'erreurs commises mais aussi de tri volontaire quant à la nature des tâches réalisées afin d'alléger sa charge de travail au détriment de ses collègues, ce qui relève d'une attitude fautive, qui pointe comme impératif de sortir de cette situation d'insuffisance professionnelle et de sous-production aux effets négatifs sur l'équilibre de travail de l'équipe et sur les relations avec les clients et qui arrête des mesures de contrôle des process mis en oeuvre par la salariée, des étapes de " diagnostic " ainsi que des mesures d'accompagnement pour redresser la situation sanctionnait un comportement fautif et constituait un avertissement.
Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, cette lettre constitue bien une sanction disciplinaire.
- Sur le bien fondé de la mesure :
Il n'est ni établi ni même allégué que les erreurs reprochées à Mme Hélène Y... au début du courrier du 10 mars 2011, commises les 9 et 14 décembre 2010, 16 mars 2010 et courant février 2011, aient présenté un caractère volontaire de sorte qu'elles ne peuvent pas être considérées comme des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire. En tout état de cause, à la date du courrier, les faits des 9 et 14 décembre 2010 étaient prescrits comme anciens de plus de deux mois. Ils ne pouvaient plus donner lieu à sanction disciplinaire. Il en est de même du fait du 16 mars 2010 qui a été connu de l'employeur au plus tard le 15 décembre 2010.
La société CWT France ne produit aucune pièce de nature à établir que la salariée s'organisait pour diminuer sa charge de travail au détriment de ses collègues en évitant sciemment de répondre au téléphone et en privilégiant le traitement du trafic ferroviaire plutôt que le trafic aérien. La matérialité du manquement invoqué n'est donc pas établie.
L'employeur étant défaillant à établir la matérialité d'un fait fautif propre à fonder l'avertissement délivré le 10 mars 2011, celui-ci doit être annulé.
2o) Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté dans l'exécution du contrat de travail :
- Sur le manquement à l'obligation de sécurité de résultat :
En vertu de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu, à l'égard de son personnel, d'une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs. Nonobstant l'absence d'atteinte physique ou morale caractérisée, une simple exposition au risque suffit à engager la responsabilité de l'employeur, lequel ne peut s'en exonérer qu'en cas de force majeure.
Au cas d'espèce, il résulte des pièces versées aux débats, notamment de la fiche d'entreprise établie le 12 juillet 2010 par le médecin du travail et d'un courrier adressé par ce même médecin le 16 novembre 2011 au médecin du service de pathologies professionnelles du CHU d'Angers recevant Mme Hélène Y... en consultation que les conditions de travail au sein de l'agence dans laquelle travaillait cette dernière étaient particulièrement difficiles, le médecin du travail relevant une charge de travail " particulièrement forte " caractérisée par de nombreux appels téléphoniques dont chacun demandait un temps de traitement important, avec des clients de plus en plus exigeants, d'où une accumulation des appels en instance et une obligation pour les salariés de traiter les dossiers sans répit et le plus rapidement possible avec la crainte de commettre des erreurs, le tout s'organisant dans l'ambiance bruyante et fatigante d'un espace ouvert. Il ressort également de cette étude du médecin du travail que, pour achever le traitement des dossiers sans être dérangés au téléphone, les salariés devaient prendre sur leurs temps de pause. Il ajoute qu'à la date de son rapport, un changement récent de locaux et de logiciel comptable avait encore contribué à augmenter la charge de travail. Le médecin du travail a conclu à l'existence d'une situation de travail pathogène par manque de moyens et un défaut d'organisation, situation pourvoyeuse de stress et d'envahissement de la sphère personnelle, présentant un risque d'épuisement professionnel. Il soulignait la nécessité d'un travail de réflexion de fond pour améliorer cette situation et préserver la santé des six salariés de l'agence. Dans sa lettre du 16 novembre 2011, il indique que, pour permettre aux salariés d'achever le traitement de leurs dossiers, il avait conseillé à l'employeur de faire en sorte que chacun d'eux bénéficie, au cours de la journée, d'une plage horaire pendant laquelle il n'aurait à répondre ni au téléphone ni aux courriers électroniques, ce qui n'a pas été fait.
Quoique clairement informée par le médecin du travail sur le caractère pathogène des conditions de travail au sein de l'entreprise, la société CWT France ne justifie d'aucune mesure prise pour améliorer cette situation et ces conditions de travail néfastes à la santé de ses salariés. Elle ne peut pas sérieusement soutenir, comme elle le fait, que ces conditions de travail dégradées et cette situation de stress étaient imputables aux erreurs commises par Mme Hélène Y... et à son manque de productivité. En effet, ce ne sont pas les quelques erreurs relevées à l'encontre de la salariée dans la lettre d'avertissement du 10 mars 2011 et dans le courrier de licenciement et un taux de productivité estimé par l'employeur lui-même à 75 % qui peuvent expliquer les conditions de travail dégradées décrites par le médecin du travail pour l'ensemble de l'effectif oscillant entre six et sept personnes et précisément objectivées par un manque de moyens et des défauts d'organisation, le médecin du travail indiquant que le groupe des salariés fonctionnait en " flux tendu ".
L'employeur était parfaitement informé du stress ressenti par Mme Hélène Y... du fait de ces conditions de travail difficiles et des conséquences négatives qu'elles avaient sur sa santé. En effet, lors de l'entretien annuel du 7 janvier 2009 relatif à l'année 2008, la salariée a fait état d'une année difficile en raison d'une surcharge de travail génératrice de stress et l'employeur a lui-même relevé cet état de stress avec objectif donné à la salariée de le gérer. Aux termes de l'entretien du 18 décembre 2009, l'employeur a relevé les efforts faits par Mme Hélène Y... mais un manque de rapidité persistant et son impression que cette dernière était " à saturation ". Dans sa lettre du 16 novembre 2011, le médecin du travail explique qu'au mois de décembre 2010, l'employeur l'avait alerté sur " les difficultés " de Mme Hélène Y... au travail et que la DRH lui " avait fait part de son inquiétude vis-à-vis de sa santé " car elle avait pleuré à plusieurs reprises sur son lieu de travail. En décembre 2010, estimant que la dépression préexistante de la salariée était aggravée par les conditions de travail, le médecin du travail a fait une déclaration de maladie professionnelle en mentionnant dans sa fiche de signalement 2010 comme agents susceptibles d'être à l'origine de la pathologie : " surcharge de travail-absence de collectif de travail fort pouvant soutenir la salariée, rejet de la part du collectif de la salariée qui retarde le travail du groupe qui fonctionne en flux tendu-critiques incessantes sur le travail ".
Il ressort du compte rendu de consultation établi le 12 décembre 2011 par le médecin du service de pathologies professionnelles du CHU d'Angers qu'après avoir présenté, à compter de juin 2010, un syndrome dépressif léger réactionnel à des difficultés familiales, en février 2011, Mme Hélène Y... présentait un syndrome dépressif moyen en lien avec le travail et qui a nécessité un traitement médicamenteux et un suivi psychologique.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société CWT France a failli à son obligation de sécurité de résultat d'assurer la sécurité et de protéger la santé de Mme Hélène Y... en la soumettant à des conditions de travail dégradées, caractérisées par une surcharge de travail et des conditions de travail fatigantes et stressantes qui ont altéré sa santé en aggravant le syndrome dépressif dont elle était atteinte.
- Sur l'obligation de formation :
Il résulte des justificatifs produits par l'employeur qu'entre 2000 et 2011, Mme Hélène Y... a effectué 14 jours de formation à raison d'une ou deux journées presque chaque année. Ces formations ont porté notamment sur l'accueil, les techniques de commercialisation, le conseil, la facturation, les échanges de billets. Il s'est agi d'un régime de formation semblable à celui dont bénéficiaient ses collègues. La salariée invoque le manquement de l'employeur à son obligation de formation sans indiquer précisément quelle formation lui aurait manqué. En l'état des éléments soumis à l'appréciation de la cour, il apparaît que l'employeur a satisfait à son obligation de formation et d'adaptation au poste à l'égard de Mme Hélène Y.... Seul le manquement à l'obligation de sécurité de résultat sera donc retenu.
Par voie d'infirmation du jugement entrepris, la société CWT France sera condamnée à payer à l'appelante la somme de 3 000 ¿ en réparation du préjudice subi.

3o) Sur le licenciement :
La lettre de licenciement du 8 décembre 2011 qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :
" Madame,
... Les explications que vous avez fournies lors de cet entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits et nous sommes donc contraints de vous notifier votre licenciement pour les motifs suivants. Vous occupez les fonctions de conseiller voyages expérimenté au sein de l'agence CWT Angers boulevard Pablo Picasso et avez pour responsabilité l'accueil, le conseil, la vente et l'organisation de voyages de nos clients voyages d'affaires, dans le respect de la stratégie commerciale de l'entreprise et de la politique voyages du client. Vous avez eu un entretien avec Mr B... et Mme Z... en juin 2010 pour vous alerter sur des erreurs récurrentes.
En décembre 2010, nous avons initié une procédure de sanction disciplinaire à votre encontre concernant des manquements professionnels. Suite à cet entretien, un courrier vous a été envoyé le 10 mars 2011 dans lequel les faits suivants vous étaient reprochés : ¿ Le 9 décembre 2010, vous avez appliqué des frais « offline » au client " Harmonie ", alors qu'il s'agissait de réservation « online » obligeant ainsi la société à effectuer un avoir. Le client se plaint du travail supplémentaire notamment celui de devoir vérifier toutes ses factures car ce n'est pas la première fois qu'une telle erreur est faite. Votre responsable s'étonne de ce que vous n'utilisiez pas les " pro key " qui évitent ce genre d'erreur. ¿ Le 14 décembre 2010, vous avez adressé une confirmation de billets à un client en vous trompant d'adresse email. Vous aviez mal orthographié son nom alors que l'adresse correctement orthographiée figure dans l'outil. Un simple copier-coller permet d'éviter toute erreur. ¿ Le 15 décembre 2010, votre responsable reçoit de la compagnie aérienne « Turkish Airlines » un ADM de 253 euros concernant un billet émis par vos soins pour Mme C... le 16 mars 2010. Vous aviez écrit dans le dossier de la cliente que le billet était remboursable alors qu'il ne l'était pas et que cette précision figurait clairement dans la note tarifaire. ¿ Le 24 février 2011, le client « Harmonie » réclame à l'entreprise le remboursement intégral de 2 billets de train entre Nantes/ Paris soit 232 euros car ces billets avaient été émis par vos soins pour le 22 février alors que la date demandée était le 23. ».
Au cours de l'entretien préalable qui a eu lieu le 3 mars 2011, en présence d'un représentant du personnel, un plan d'actions vous a été proposé, auquel vous avez adhéré, afin de vous aider à surmonter les difficultés techniques auxquelles vous étiez confrontée et vous permettre de :- gagner en autonomie dans la gestion de vos dossiers-bénéficier d'un accompagnement et d'un management de proximité par votre responsable hiérarchique.
Dans le cadre du suivi de ce plan d'actions, le 13 avril, un entretien a eu lieu avec votre responsable Mme Z... et Mme D.... Un deuxième rendez-vous a eu lieu le 12 juillet dernier afin de réaliser un bilan.
Or, le lundi 10 octobre, vous avez informé votre responsable que, pour des raisons personnelles, vous ne pouviez pas vous rendre à une formation « échange de billets aériens » organisée le 13 octobre suivant. Vous avez donc annulé cette formation alors même que vous connaissiez parfaitement l'importance et l'utilité de celle-ci puisque vous aviez déjà assisté à cette formation en février et aviez convenu ne pas avoir assimilé celle-ci. Pourtant, aujourd'hui vous continuez à demander de l'aide à vos collègues et à effectuer moins de réservations aériennes que ces dernières (statistiques octobre 2011) alors que vous avez plus de 20 ans d'expérience et occupez un poste de conseiller voyages expérimenté.
Parallèlement, nous faisons le constat que les erreurs et la non application des consignes perdurent :
¿ Non respect des consignes de votre responsable : (e mail du 20 octobre 2011 et du 28 juillet 2011/ APIS dossier AF Canada) concernant la régularisation des erreurs comptables qui doit être faite très rapidement. ¿ Erreurs de facturation/ régularisation : (e mail du 4 oct, du 13 et 1er septembre) qui concernent le client HARMONIE alors que nous avions pourtant déplacé votre jour de suivi pour vous éviter le stress des lundis et vendredis. ¿ Erreurs de tarification dues à un non respect des process de l'entreprise : (e mail du 20 sept 2011) vous ne vous êtes pas assurée dans le profil voyageur des conditions particulières du client alors que c'est un préalable à toute réservation.
Aujourd'hui, force est de constater que l'accompagnement que nous avons mis en place, le temps nécessaire que nous vous avons laissé pour améliorer votre méthodologie et votre organisation ne portent pas leurs fruits puisque les erreurs perdurent. Malgré cette situation, vous ne considérez pas utile de suivre la formation demandée par l'entreprise pour occuper votre poste de conseiller voyages.
Au cours de l'entretien du 8 novembre, vous avez admis que l'accompagnement vous avait aidé. Vous avez considéré faire beaucoup d'efforts pour vous concentrer et être à la hauteur des attentes de l'entreprise. Vous avez confirmé que vous aviez annulé la formation en octobre pour des motifs personnels et étiez prête à vous réinscrire à nouveau.
Néanmoins nous vous avons rappelé que l'entreprise avait besoin de polyvalence et d'efficacité au sein de l'agence, qu'il n'était plus possible aujourd'hui de maintenir une telle situation de disparité de la charge de travail et d'incertitude concernant la plénitude de vos moyens. Il s'ensuit que la persistance des erreurs commises par vous dans le traitement des dossiers de voyages et leurs conséquences font prendre des risques à l'entreprise pour sa réputation vis-à-vis des clients (répétition des erreurs), pour la motivation et l'équilibre de l'équipe (surcharge de travail, répartition inégale due à votre frilosité à gérer certains dossiers complexes (en particulier l'aérien), cohérence de la politique RH entre le positionnement du poste de conseiller voyage expérimenté et le manque d'autonomie sur la gestion de vos dossiers (insistance de vos sollicitations auprès de l'équipe malgré l'aide apportée sur des process acquis.).
Ces faits ne nous permettent donc plus de poursuivre la relation contractuelle.
En conséquence, après avoir réuni la commission de conciliation à votre demande et pris connaissance de son avis formulé à l'issue de sa réunion du 6 décembre 2011, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.... ". Il ressort de ce courrier que le licenciement de Mme Hélène Y... pour cause réelle et sérieuse est fondé, d'une part, sur une insuffisance professionnelle caractérisée par des erreurs et un manque de méthodologie et d'organisation persistants, d'autre part, sur un motif disciplinaire tenant dans le non-respect des consignes.
L'insuffisance professionnelle, sans présenter un caractère fautif, traduit l'inaptitude du salarié à exercer de façon satisfaisante, conformément aux prévisions contractuelles, les fonctions qui lui ont été confiées. Si l'employeur est juge des aptitudes professionnelles de son salarié et de son adaptation à l'emploi, et si l'insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables.
Les erreurs commises les 9 et 14 décembre 2010, le 16 mars 2010 et courant février 2011, mentionnées dans le courrier d'avertissement du 10 mars 2011 sont évoquées à titre de simple rappel dans la lettre de licenciement. En tout cas, s'agissant de simples erreurs sans que l'employeur entende leur prêter un quelconque caractère volontaire et, par voie de conséquence, fautif, il est inopérant de la part de la salariée d'arguer du fait que la société CWT France aurait épuisé son pouvoir disciplinaire via l'avertissement délivré le 10 mars 2011. Pour la même raison, il est tout aussi inopérant de sa part d'arguer de la prescription tenant à ce qu'il s'agissait de faits anciens de plus de deux mois à la date de notification du licenciement. Les erreurs ainsi alléguées peuvent en conséquence être prises en considération pour étayer la persistance, invoquée par l'employeur, d'erreurs commises par la salariée dans l'exécution de ses missions en dépit des mesures d'accompagnement mises en place.
Les seules pièces produites au sujet de ces erreurs sont des courriers électroniques adressés à la salariée par la responsable d'agence, sa supérieure hiérarchique.
Les erreurs de facturation/ régularisation invoquées aux termes de ces courriers électroniques sont les suivantes :
- aux termes des courriels des 1er et 13 septembre 2011, il est reproché à la salariée d'avoir, après avoir refacturé des clients, mis 11 jours pour établir la régularisation en comptabilité alors que la consigne donnée aurait été de procéder à ces régularisations le jour même ou le lendemain au plus tard ;- courriel du 4 octobre 2011 relatif à une erreur de facturation de frais en " off line " au lieu de " on line " concernant le client " Harmonie ", cette erreur ayant généré une différence de montant de 12 ¿ ;- aux termes d'un courriel du 27 juin 2011, il est reproché à la salariée d'avoir commis une erreur de tarif sur une carte d'abonnement Air France en facturant 610 ¿ au lieu de 520 ¿, d'avoir établi un billet plein tarif pour un directeur alors que l'entreprise bénéficiait d'un tarif négocié avec Air France et de s'être trompée d'adresse mail pour expédier un billet.
Les erreurs de tarification invoquées aux termes de ces courriers électroniques sont les suivantes :
- aux termes d'un courriel du 20/ 09/ 2011, il est reproché à la salariée d'avoir, le 19/ 09/ 2011, faute de s'être assurée du profil du voyageur, émis un billet de train plein tarif pour un client qui bénéficiait d'une carte " Fréquence SNCF France entière ", d'où un remboursement de plus de 148 ¿ à obtenir de la SNCF ; Mme Hélène Y... a reconnu cette erreur et indiqué qu'elle s'occupait d'obtenir ce remboursement dont il n'est pas soutenu qu'il n'aurait pas été effectué.
Les griefs relevant du non-respect des consignes sont les suivants :
- aux termes d'un courrier électronique du 28/ 07/ 2011, il est reproché à la salariée, sans autres précisions, d'avoir émis un billet pour un client à destination du Canada sans renseigner " l'APIS " ;- aux termes d'un courriel du 20 octobre 2011, la responsable d'agence demande à la salariée si elle a régularisé les erreurs comptables qu'elle lui avait demandé de régulariser la semaine précédente et elle rappelle sa consigne, donnée à toute l'équipe, de procéder aux régularisations le jour même afin que les clients n'aient pas d'écritures trop tardives.
Outre que, comme l'indique l'appelante, les reproches formulés dans ces courriers électroniques le sont en termes vagues, ces courriels ne constituent pas des pièces permettant de caractériser des faits objectifs matériellement vérifiables. De plus, à supposer ces erreurs avérées et imputables à Mme Hélène Y..., il ressort des termes de la lettre de licenciement et des pièces versées aux débats que ce sont cinq erreurs qui sont mises en évidence à l'encontre de la salariée entre la fin juin et le 4 octobre 2011. De même, les faits tenant au non-respect des consignes sont limités à deux épisodes se situant au cours des mois de juillet et octobre 2011.
S'agissant des comptes-rendus d'entretien réalisés dans le cadre de la procédure d'accompagnement mise en place en faveur de la salariée après son retour de congé de maladie, celui du 13 avril 2011 ne mentionne aucune erreur ni aucun grief particulier, tandis que celui du 12 juillet 2011 fait état de progrès et d'efforts réalisés et ne mentionne que les erreurs d'adresse mail et de tarification du 27 juin 2011, expressément qualifiées dans ce compte rendu " d'erreurs d'inattention ".
La société CWT France ne produit aucune pièce à l'appui des affirmations contenues dans la lettre de licenciement selon lesquelles les erreurs commises par Mme Hélène Y... auraient nui à la réputation de l'entreprise auprès des clients. Aucun élément objectif ne vient non plus caractériser le manque d'autonomie de la salariée dans la gestion de ses dossiers et établir qu'elle solliciterait ses collègues de façon insistante pour obtenir leur aide.
S'agissant du manque de productivité de Mme Hélène Y..., l'employeur se contente de produire les données de l'activité de chacun des cinq vendeurs de l'agence pour le seul mois de juin 2011 et il ne produit pas les statistiques du mois d'octobre 2011 visées dans la lettre de licenciement. Ces données ne sont pas de nature à faire preuve d'un manque de productivité structurel en ce que, limitées à un mois, elles sont tout à fait parcellaires et ne permettent pas de rendre compte objectivement de la production de la salariée. Il en ressort en outre que, pour le mois concerné, Mme Hélène Y... a eu une production tout à fait comparable à celle de sa collègue, Mme Roselyne E..., étant observé qu'à supposer avéré que cette dernière soit rentrée de congé de maternité le 18 mars 2011, aucun élément ne permet d'établir en quoi cette circonstance était de nature à influer objectivement sur sa production du mois de juin suivant.
Au soutien de ses affirmations selon lesquelles les insuffisances de Mme Hélène Y... et les erreurs commises auraient été seules à l'origine de la surcharge de travail vécue par les autres salariés et auraient menacé l'équilibre de l'équipe, l'employeur verse aux débats une attestation établie par Mme Véronique Z..., responsable d'agence et supérieure hiérarchique de l'appelante le 18 mars 2013, et le compte rendu d'entretien annuel d'une collègue de travail, Mme Lolita F..., établi le 19 janvier 2011 au titre de l'année 2010 aux termes duquel cette dernière a indiqué que l'ambiance était lourde par ce que Mme Hélène Y... ne travaillait " plus de la même façon ", n'était " plus performante " et que ses collègues devaient pallier son " manque de travail ". Les propos de cette salariée, outre qu'ils sont isolés par rapport au reste de l'équipe et sont relatifs à une période qui a précédé l'arrêt de travail de Mme Hélène Y... pour syndrome dépressif et la déclaration de maladie professionnelle effectuée par le médecin du travail, doivent être appréciés à la lumière des commentaires de sa supérieure hiérarchique, Mme Z... qui indique que cette salariée a un " caractère fort ", un " tempérament explosif " et, s'agissant de son " sens du relationnel ", qu'il n'y a pas de problème quand elle apprécie la personne concernée mais que, dans le cas contraire, elle ne parvient pas à " arrondir les angles ".
Comme la cour l'a précédemment relevé, outre qu'elles émanent de la personne auteur des courriels produits à l'appui du licenciement, les indications de Mme Z... selon lesquelles les erreurs et insuffisances de Mme Hélène Y... auraient été seules à l'origine de la surcharge de travail de ses collègues et des difficultés ressenties par l'équipe sont contredites par les constatations objectives et précises faites par le médecin du travail en juillet 2010, sur les propres indications de la responsable d'agence, d'une part, d'une insuffisance cruciale de moyens par rapport au volume d'activité, à la complexité des dossiers à traiter, au temps de traitement requis par chacun d'eux, d'autre part, de conditions matérielles de travail fatigantes (espace ouvert bruyant) et génératrices de pertes de temps (logiciel comptable générateur de perte de temps).
Il n'est donc pas établi que les erreurs et insuffisances reprochées à la salariée aient eu les conséquences alléguées par l'employeur en termes d'image de l'entreprise auprès de la clientèle, d'ambiance de travail et d'équilibre de charge de travail.
Aux termes de la lettre de licenciement, il est reproché à Mme Hélène Y... d'avoir annulé le 10 octobre 2011 sa participation à un stage " échange de billets aériens " se déroulant le 13 octobre suivant. Il ressort des pièces versées aux débats que, leur père ayant été hospitalisé début septembre 2011 dans un état grave, Mme Hélène Y... et son frère ont été conviés par l'équipe médicale à un rendez-vous fixé le 13 octobre 2011 pour décider de son placement. Il est ainsi établi que la demande de la salariée de ne pas participer à ce stage était justifiée par des motifs légitimes exempts de toute désinvolture par rapport à son employeur et à son travail. Cette annulation était en outre atténuée par le fait que Mme Hélène Y... avait déjà participé à cette formation au début du mois de février 2011 et que la nouvelle inscription avait pour but de consolider les enseignements obtenus en la matière.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'à les supposer avérées et même en prenant en considération celles pointées dans le courrier du 10 mars 2011, les erreurs reprochées à Mme Hélène Y... et mises en avant dans les courriels versés aux débats représentent une dizaine de faits en l'espace d'un peu plus de dix mois (décembre 2010 à début octobre 2011) ce qui ne permet pas de caractériser les erreurs régulières et persistantes invoquées par l'employeur. L'appelante justifie de ce que ses collègues de travail commettaient aussi des erreurs et le contexte de surcharge de travail, de mauvaise organisation du travail et de mauvaises conditions de travail mis en évidence par le médecin du travail et imputable à l'employeur, qui n'a pas pris de mesure pour y remédier, était de nature à les favoriser et à les expliquer.
A les supposer avérés en dépit du caractère imprécis des faits reprochés et de l'absence d'éléments permettant de les objectiver, les faits de non-respect de consignes reprochés à la salariée et mis en évidence au travers des courriels produits se limitent à deux épisodes au cours des mois de juillet et octobre 2011 ce qui ne permet pas non plus de caractériser une attitude persistante.
Les comptes-rendus d'entretien établis dans le cadre de la mesure d'accompagnement mise en place qui ne mentionnent que deux erreurs d'inattention commises en juin 2011, ne reflètent ni erreurs ni défauts de respect des consignes réguliers et persistants et, loin de traduire l'inutilité de cette mesure d'accompagnement, ils soulignent les efforts faits par la salariée et les améliorations obtenues. Aucun élément objectif ne vient accréditer les allégations d'atteinte à la réputation de l'entreprise, de déstabilisation de l'équipe de travail et de déséquilibre des charges de travail imputées à Mme Hélène Y.... L'annulation de la participation à la formation du 13 octobre 2011 était justifiée par un motif personnel légitime.
Il suit de là que l'insuffisance professionnelle n'est pas caractérisée et que les faits de non-respect des consignes, non seulement ne sont pas établis avec certitude dans leur matérialité, mais en outre ne sauraient, de par leur caractère imprécis et sporadique, justifier la mesure de licenciement. Par voie d'infirmation du jugement déféré, le licenciement de Mme Hélène Y... sera donc déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse
En considération de la situation particulière de Mme Hélène Y..., notamment de son âge (43 ans) et de son ancienneté (20 ans et 8 mois) au moment du licenciement, de sa capacité à retrouver un emploi étant observé qu'elle justifie de ce qu'en mars 2015, elle était toujours sans emploi et percevait de Pôle emploi une allocation spécifique de solidarité d'un montant mensuel de 101 ¿, la cour dispose des éléments nécessaires pour lui allouer la somme de 40000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, en matière sociale, par jugement contradictoire et en dernier ressort ;
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société CWT France de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et ajoutant ;
Dit que la lettre du 10 mars 2011 constitue un avertissement ;
Prononce l'annulation de cet avertissement ;
Déclare le licenciement de Mme Hélène Y... dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société CWT France à payer les sommes suivantes à Mme Hélène Y... :
-3 000 ¿ de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail ;-40 000 ¿ de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;-2 500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société CWT France de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris le timbre fiscal de 35 ¿.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/02576
Date de la décision : 30/06/2015
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-06-30;13.02576 ?
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