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30/06/2015 | FRANCE | N°13/01502

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 30 juin 2015, 13/01502


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N 258 clm/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 01502.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 23 Mai 2013, enregistrée sous le no 12/ 00033

ARRÊT DU 30 Juin 2015

APPELANT :
Maître Franklin A... ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL ADDECOM... 49021 ANGERS CEDEX 02
non comparant-représenté par Maître Thierry DALLET, avocat au barreau de DEUX-SEVRES

INTIMEES :
Madame Françoise X...... 49160

LONGUE JUMELLES
non comparante-représentée par Maître PEDRON, avocat au barreau D'ANGERS

LA SARL AD...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N 258 clm/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 01502.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 23 Mai 2013, enregistrée sous le no 12/ 00033

ARRÊT DU 30 Juin 2015

APPELANT :
Maître Franklin A... ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL ADDECOM... 49021 ANGERS CEDEX 02
non comparant-représenté par Maître Thierry DALLET, avocat au barreau de DEUX-SEVRES

INTIMEES :
Madame Françoise X...... 49160 LONGUE JUMELLES
non comparante-représentée par Maître PEDRON, avocat au barreau D'ANGERS

LA SARL ADDECOM OUEST Rue de la Levée Les Peupleraies 49400 BAGNEUX
représentée par Maître BERTON, avocat au barreau D'ANGERS

L'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par L'UNEDIC CGEA de RENNES Immeuble Le Magister 4 cours Raphaël Binet 35069 RENNES
représentée par Maître CADORET, avocat substituant Maître CREN, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mai 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Anne LEPRIEUR, conseiller Madame Clarisse PORTMANN, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 30 Juin 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller faisant fonction de président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 15 mai 2003 à effet au 2 juin suivant, Mme Françoise X... a été embauchée en qualité de télé-prospectrice par la société ADDECOM qui exploitait un centre d'appels.
La salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie du 26 août 2006 au 17 avril 2007 puis, après une courte reprise, à nouveau du 22 mai 2007 au 30 novembre 2008. A partir du 1er décembre 2008, la CPAM d'Angers l'a classée en invalidité, catégorie 2, et une pension d'invalidité lui a été attribuée.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 29 novembre 2008, reçu par la société le 1er décembre 2008, Mme Françoise X... a informé son employeur de cette situation et lui a précisé qu'il n'y aurait pas de nouvel arrêt de travail.
A l'issue de la visite de reprise intervenue le 26 mars 2009, en un seul examen compte tenu de l'urgence et d'une situation de danger immédiat, le médecin du travail a déclaré Mme Françoise X... inapte définitivement au poste de télé-opératrice et à tous les autres postes de l'entreprise.
Par jugement du 20 juillet 2011, le tribunal de commerce d'Angers a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société ADDECOM et désigné, en qualité d'administrateur judiciaire, la SELARL B..., C... et Y... en la personne de Mme Carole Y..., et en qualité de mandataire judiciaire, M. Franklin A....
Par jugement du 28 septembre 2011, constatant l'absence de possibilité de redressement, le tribunal de commerce a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- ordonné la cession totale de la société ADDECOM au profit de la société FINANGER pour le compte d'une société à constituer selon les propositions suivantes : ¿ " 1) Éléments incorporels : 10 000 ¿ HT ¿ 2) Éléments corporels : 250 ¿ HT ¿ 3) stock : Aucun stock ¿ 4) contrats de travail : reprise de 13 contrats sur 18 ; prise en charge des congés payés acquis par les salariés depuis l'ouverture de la procédure, soit le 20 juillet 2011 ; mise en avant le critère de l'ancienneté dans les critères d'ordre du licenciement ; ¿ 5) Contrats en cours (location, abonnements) : reprise du contrat de bail, ainsi que des contrats AFONE, SIMTEL et ADVANCE. Par ailleurs, le cessionnaire fera son affaire personnelle des contrats d'eau, d'électricité et de gaz " ;- fixé la prise de possession à la date du jugement ;- " autorisé l'administrateur judiciaire à procéder au licenciement pour motif économique des 5 salariés non repris concernant les postes suivants : 1 directeur développement et 4 télé-opérateurs " ;- rappelé que ces licenciements interviendraient dans le mois du jugement conformément aux dispositions de l'article L. 642-5 du code de commerce ;- maintenu les organes de la procédure en fonction.
Par un autre jugement du 28 septembre 2011, le tribunal de commerce d'Angers a :- prononcé la liquidation judiciaire de la société ADDECOM ;- mis fin à la période d'observation ;- nommé Maître Franklin A... en qualité de liquidateur judiciaire et maintenu la SELARL B..., C... et Y... en la personne de Mme Carole Y... en sa mission d'administrateur judiciaire uniquement pour réaliser les actes relatifs à la cession.
Il ne fait pas débat que Mme Françoise X... qui n'avait été ni reclassée ni licenciée par la société ADDECOM, n'a pas non plus été au nombre des télé-opérateurs licenciés par l'administrateur judiciaire.
Par lettre recommandée du 9 mars 2012 adressée à la société ADDECOM Ouest et qui lui a été retournée avec la mention " non identifiable ", Mme Françoise X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur dans les termes suivants :
" Monsieur le gérant, Par la présente, je suis contrainte de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail aux torts de la société à cause des éléments suivants. Vous n'ignorez pas que j'ai été engagée par la société ADDECOM suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 2 juin 2003 en qualité de télé-opératrice, position 1-2, coefficient 201, de la convention collective dite SYNTEC. Après plusieurs arrêts de travail pour maladie, j'ai été examinée par le médecin du travail lors d'une visite de reprise le 26 mars 2009. A l'issue de cette visite, le médecin du travail m'a déclarée inapte définitivement au poste de télé-opératrice et à tous les postes de l'entreprise, sans seconde visite en raison d'un danger grave pour ma santé en application de l'article R. 4624-31 du code du travail. Depuis cette date, je n'ai plus aucune nouvelle de la société qui ne m'a pas licenciée et n'a pas cru devoir reprendre le versement des salaires à l'issue du délai d'un mois prévu par l'article L. 1226-4 du code du travail qui a expiré en l'espèce le 26 avril 2009. Ce manquement de la société à son obligation légale me cause divers préjudices liés notamment à l'absence de paiement des salaires dus et du fait qu'en raison de l'inertie de la société, je suis dans une situation incertaine. Cette situation, dont vous devrez assumer l'entière responsabilité rend impossible la poursuite de cette collaboration. Je vous informe donc que je quitte dès ce jour l'entreprise. Je vous remercie en conséquence de bien vouloir me transmettre un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle emploi et un reçu pour solde de tout compte. Je me réserve par ailleurs le droit d'en tirer les conséquences juridiques et notamment d'engager une action devant la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir le paiement de mes indemnités de licenciement et de préavis ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. ".
Le 19 mars 2012, Mme Françoise X... a saisi le conseil de prud'hommes de Saumur afin de voir juger que sa prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Ont été attraits à la cause, M. Franklin A..., ès qualité de liquidateur judiciaire de la société ADDECOM, l'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés (l'AGS) agissant par l'UNEDIC-CGEA de Rennes et la société ADDECOM Ouest, venant aux droits de la société FINANGER, repreneur de l'entreprise.
Dans le dernier état de la procédure de première instance, la salariée demandait que sa prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, à titre principal, la condamnation de la société ADDECOM Ouest, désignée comme étant devenue son employeur, à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire, au titre des indemnités de rupture, à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié et pour perte de chance d'utiliser les droits au DIF. A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le conseil considérerait que la société ADDECOM est demeurée son employeur, de fixer sa créance au passif de cette société.
Par jugement du 23 mai 2013 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes de Saumur a :
- mis la société ADDECOM Ouest hors de cause ;- fixé la fin de la période d'indemnisation correspondant à l'application de l'article L. 1226-4 du code du travail à la date de sa saisine, soit au 20 mars 2012 ;- dit que la rupture devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;- fixé la créance de Mme Françoise X... au passif de la société ADDECOM aux sommes suivantes : ¿ 8 600 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ¿ 1 558, 37 euros à titre d'indemnité de licenciement, ¿ 1 424, 80 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 142, 48 euros de congés payés afférents, ¿ 1 098 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance d'utiliser les droits au titre du DIF, ¿ 27 509, 97 euros de rappel de salaire pour la période de décembre 2008 à mars 2012 outre 2 751 euros de congés payés afférents ;- ordonné l'exécution provisoire de droit et fixé le salaire moyen mensuel à la somme de 712, 40 euros ;- ordonné à M. Franklin A... de remettre à la salariée tous les bulletins de paie correspondant au rappel de salaires et aux congés payés afférents et portant mention de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, un certificat de travail portant mention de la sortie de la salariée des effectifs à la date de la saisine, soit le 20 mars 2012 et une attestation Pôle emploi portant mention, notamment, comme motif de la rupture : " licenciement sans cause réelle et sérieuse ", et les mentions susvisées ;- débouté Mme Françoise X... de ses autres demandes ;- donné acte à l'AGS de son intervention par le CGEA de Rennes-jugé que la créance de Mme Françoise X... ne serait garantie par l'AGS que dans les limites prévues par l'article L. 3253-8 du code du travail et les plafonds prévus par les articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du même code ;- débouté la société ADDECOM Ouest de sa demande reconventionnelle en paiement d'une indemnité de procédure ;- débouté M. Franklin A..., pris en qualité de mandataire liquidateur de la société ADDECOM de sa demande reconventionnelle et l'a condamné aux dépens.
Toutes les parties ont reçu notification de cette décision le 27 mai 2013. M. Franklin A..., ès qualités, en a régulièrement relevé appel en toutes ses dispositions par lettre recommandée du 5 juin 2013, appel dirigé contre Mme Françoise X..., contre la société ADDECOM Ouest et contre l'AGS.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 19 mai 2015, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 1er octobre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles M. Franklin A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société ADDECOM, demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;- de juger que le contrat de travail de Mme Françoise X... a été transféré à la société ADDECOM Ouest, cessionnaire bénéficiaire du plan de cession de la société ADDECOM selon jugement du tribunal de commerce d'Angers du 28. 09. 2011 ;- en conséquence, de juger que l'employeur est la société ADDECOM Ouest ;- subsidiairement, d'apprécier à une plus juste mesure les demandes financières de la salariée qui seront mises à la charge de l'employeur si la prise d'acte du 09. 03. 2012 est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;- de condamner la société ADDECOM Ouest à lui verser une somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel et de la condamner aux dépens.
Le mandataire liquidateur fait valoir en substance :
sur le transfert du contrat de travail de Mme Françoise X... lors de la cession que :
- en cas de cession de l'entreprise, l'article L. 1224-1 du code du travail emporte le transfert de plein droit au cessionnaire des contrats de travail en cours ;- dans la mesure où le poste de Mme Françoise X... n'a pas été supprimé et où elle ne fait pas partie des cinq salariés qui ont été licenciés en vertu de l'autorisation donnée par le jugement qui a autorisé la cession, son contrat de travail a été automatiquement et de plein droit transféré au cessionnaire, la société ADDECOM Ouest, qui doit assumer les erreurs éventuelles de son prédécesseur ;- le raisonnement tiré de la " disparition naturelle " du contrat de travail adopté par le conseil de prud'hommes motif pris d'une absence d'activité professionnelle entraînant une absence de lien de subordination effectif doit être censuré en ce qu'il viole les règles relatives à la rupture du contrat de travail ; le contrat de travail de Mme Françoise X... était donc bien toujours en cours au moment de la cession ;
sur les fautes commises par l'employeur que :
- l'employeur a violé ses obligations légales en ce qu'avisé de l'inaptitude totale de sa salariée, il n'a pas jugé utile de la licencier, ni de tenter de la reclasser, et il n'a pas repris le paiement de son salaire dans le mois suivant l'avis du médecin du travail ;- la société ADDECOM Ouest ne pouvait pas ignorer la situation dans laquelle se trouvait Mme Françoise X... dans la mesure où, tout d'abord, le tribunal de commerce lui avait confié la gestion de l'entreprise dans l'attente de l'accomplissement des actes de cession, en second lieu, elle était détentrice des archives de l'entreprise et où enfin se trouvait à sa tête, M. Z... qui, en tant qu'ancien supérieur hiérarchique de Mme Françoise X... ne pouvait pas ignorer sa situation ;- la bonne foi de la salariée peut certes interroger dans la mesure où elle a supporté la situation pendant trois ans avant de prendre acte de la rupture de son contrat de travail.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 23 janvier 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles, formant appel incident, Mme Françoise X... demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis la société ADDECOM Ouest hors de cause ;- de juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail notifiée le 9 mars 2012 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;- en conséquence, à titre principal, de condamner la société ADDECOM Ouest à lui payer les sommes suivantes : ¿ 8 600 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; ¿ 1 558, 37 euros d'indemnité de licenciement ; ¿ 1 424, 80 euros d'indemnité compensatrice de préavis outre 142, 48 euros de congés payés afférents ; ¿ 1 098 euros de dommages et intérêts pour perte de chance d'utiliser les droits au titre du DIF ; ¿ 27 509, 97 euros de rappel de salaire pour la période de décembre 2008 à mars 2012 outre 2 751 euros de congés payés afférents ; ¿ 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et 2 000 euros pour ceux engagés en cause d'appel ;
à titre subsidiaire, de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé au passif de la société ADDECOM les créances susmentionnées ;
- de l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;- de condamner en conséquence M. Franklin A..., ès qualités, à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et celle de 2 000 euros pour ceux engagés en cause d'appel ;- de rappeler que les intérêts au taux légal courent, sur les sommes de nature salariale, à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes, sur les sommes de nature indemnitaire, à compter du prononcé de la décision ;- d'ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code de procédure civile ;- d'ordonner la délivrance par la société ADDECOM Ouest, ou à titre subsidiaire par M. Franklin A..., ès qualités, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la décision à intervenir des documents suivants : ¿ tous les bulletins de paie correspondant au rappel de salaires et aux congés payés afférents et portant mention de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents ; ¿ un certificat de travail portant mention du 9 mars 2012 comme date de sortie des effectifs ; ¿ une attestation Pôle emploi portant mention, notamment, comme motif de la rupture : " licenciement sans cause réelle et sérieuse ", et les mentions susvisées ;- de se réserver la faculté de liquider l'astreinte ;- de déclarer le jugement à intervenir commun et opposable à l'AGS-CGEA de Rennes ;- de condamner la société ADDECOM Ouest et subsidiairement M. Franklin A..., ès qualités, aux éventuels dépens.
La salariée soutient en substance :
sur la prise d'acte devant produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que :
- l'employeur dispose d'un délai d'un mois suivant la déclaration d'inaptitude soit pour tenter de reclasser le salarié, soit pour mettre en oeuvre la procédure de licenciement, à défaut de solution de reclassement ; l'employeur qui ne licencie pas ni ne reprend le versement des salaires à l'issue du délai d'un mois suivant l'avis d'inaptitude totale et définitive commet un manquement justifiant une rupture imputable à ses torts ; dès lors sa prise d'acte de la rupture de du contrat de travail en raison des manquements de l'employeur doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;- au cas d'espèce, le jugement qui a ordonné la cession totale de la société ADDECOM a bien emporté transfert de l'entreprise au profit de la société ADDECOM Ouest et, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, transfert de plein droit à cette dernière des contrats de travail en cours, dont le sien ; la société ADDECOM Ouest est donc bien devenue son employeur ;- la prise d'acte ne peut pas être considérée comme tardive, dans la mesure où le droit n'impose pas au salarié un délai pour constater la carence de l'employeur, et qu'elle n'a pas été en mesure de prévenir son nouvel employeur de la situation dans laquelle elle se trouvait puisqu'elle n'a pas été informée de la cession de la société ADDECOM à la société Addecom Ouest et que son attention sur le caractère anormal de sa situation n'a été attirée que par la caisse d'assurance vieillesse lorsqu'elle a entrepris des démarches pour solliciter sa retraite, la caisse l'ayant alors interrogée sur le point de savoir ce qu'elle avait fait depuis le 26 mars 2009 ;
- subsidiairement, si la société Addecom Ouest était mise hors de cause, il faudrait considérer que le mandataire liquidateur n'a pas rempli sa mission en ne mentionnant pas la présence de Mme Françoise X... dans les effectifs de la société ADDECOM ce qui justifie que les sommes qu'elle réclame soient fixées au passif de cette dernière ;
sur le rappel de salaire :
- son arrêt de travail ayant, comme elle l'avait précisé à son employeur, pris fin le 30 novembre 2008, elle s'est de nouveau tenue à sa disposition à compter du 1er décembre 2008 ;- pour autant, l'employeur a attendu le 26 mars 2009 pour lui faire passer la visite médicale de reprise et, à compter de cette date, il ne l'a pas licenciée et n'a pas repris le paiement du salaire ;- elle est donc fondée à réclamer un rappel de salaire du 1er décembre 2008 au 9 mars 2012, date de sa prise d'acte.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 12 mars 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles l'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par l'UNEDIC-Centre de Gestion et d'Etude de l'AGS (CGEA) de Rennes demande à la cour :
- de lui donner acte de son intervention ;- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;- de prononcer sa mise hors de cause ;- subsidiairement, au cas où une créance serait fixée au profit de Mme Françoise X... au passif de la liquidation judiciaire de la société ADDECOM, de juger qu'elle ne la garantira que dans les limites prévues par l'article L. 3253-8 du code du travail et les plafonds fixés par les articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du même code.
L'AGS fait valoir en substance que :
- la salariée n'ayant pas été licenciée par le liquidateur judiciaire, son contrat de travail de a été transféré de plein droit au profit de la société Addecom Ouest qui est alors devenue son employeur, étant observé que c'est à elle que Mme Françoise X... a notifié la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail ;- les juridictions prud'homales étant incompétentes pour se prononcer sur la mise en jeu de la responsabilité d'un mandataire judiciaire, la cour d'appel devrait, sur cette demande formée par Mme Françoise X..., se déclarer incompétente au profit du tribunal de grande instance d'Angers, et de plus la responsabilité professionnelle du mandataire liquidateur ne saurait conduire à fixer au passif de la liquidation judiciaire des créances au profit d'un salarié, et ne pourrait alors être garantie par l'AGS ;- elle ne garantit les créances résultant de la rupture du contrat de travail que lorsque cette rupture, en cas de liquidation judiciaire, intervient dans les 15 jours du prononcé du jugement de liquidation ;- en l'espèce, le caractère tardif de la prise d'acte exclut que sa garantie puisse être mobilisée.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 12 mai 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles la société ADDECOM Ouest demande à la cour :
- de déclarer M. Franklin A..., ès qualités, mal fondé en son appel et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a mise hors de cause ;- de condamner M. Franklin A..., ès qualités, à lui payer la somme de 2 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
¿ dit que la " rupture " produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et considéré que l'employeur de Mme Françoise X..., la société ADDECOM, avait commis une faute grave dans l'exécution de son contrat de travail ; ¿ fixé la fin de la période d'indemnisation correspondant à l'application de l'article L. 1226-4 du code du travail à la date de saisine du conseil de prud'hommes, soit le 20 mars 2012 ; ¿ fixé au passif de la société ADDECOM les créances suivantes : * 8 600 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, * 1 558, 37 euros à titre d'indemnité de licenciement, * 1 424, 80 euros d'indemnité de préavis outre 142, 48 euros à titre d'incidence de congés payés, * 1 098 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte d'une chance d'utiliser les droits au titre du DIF, * 27 509, 97 euros de rappel de salaire pour la période de décembre 2008 à mars 2012 outre 2 751 euros de congés payés afférents ; ¿ ordonné l'exécution provisoire de droit ; ¿ ordonné à Maître Franklin A... de remettre à la salariée tous les bulletins de paie correspondant au rappel de salaires et aux congés payés y afférents et portant mention de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents, un certificat de travail portant mention comme sortie des effectifs à la date de la saisine, soit le 20 mars 2012 et une attestation Pôle emploi portant mention notamment comme motif licenciement sans cause réelle et sérieuse, et les mentions susvisées ; ¿ débouté la société ADDECOM Ouest de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; ¿ débouté la société ADDECOM Ouest de sa demande subsidiaire tendant à voir condamner Maître Franklin A..., ès qualités, et l'AGS CGEA de Rennes à garantir la société Addecom Ouest de toutes les condamnations mises à sa charge ;
- en conséquence, de juger que la rupture du contrat de travail de Mme Françoise X... est intervenue antérieurement à l'acte de cession de la société ADDECOM au profit de la société FINANGER ;- de juger que le contrat de travail ne lui a pas été transféré par application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ;
- de dire qu'en l'absence de motif grave empêchant la poursuite du contrat de travail, la rupture du contrat de travail de Mme Françoise X... ne saurait avoir les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;- de débouter Mme Françoise X... de l'ensemble de ses demandes ;- de la condamner à lui payer la somme de 2 500 euros à titre d'indemnité de procédure pour les frais exposés pour sa défense devant le conseil de prud'hommes de Saumur ;- de condamner in solidum Maître Franck A..., ès qualités, et l'AGS à garantir la société ADDECOM Ouest de toutes les condamnations mises à sa charge ;- de condamner in solidum Maître Franklin A..., ès qualités, l'AGS et Mme Françoise X... à lui verser la somme de 2 500 euros à titre d'indemnité de procédure pour sa défense en cause d'appel ;- de condamner in solidum Maître Franklin A..., ès qualités, l'AGS et Mme Françoise X... aux entiers dépens.
La société Addecom Ouest soutient en substance que :
sur sa mise hors de cause :
- la société ADDECOM n'est pas devenue la société ADDECOM Ouest, car celle-ci a été constituée postérieurement à la cession de la société ADDECOM à la société FINANGER, qui n'a repris que 13 salariés ; il n'y a donc pas eu de maintien de l'entité économique, et la société ADDECOM a été liquidée, sans transfert à la société FINANGER de l'ensemble de ses actifs et de son passif ;- au moment de la cession, Mme Françoise X... apparaissait dans le registre unique du personnel comme ne faisant plus partie du personnel depuis le 31 janvier 2010, de sorte que le repreneur ignorait sa situation ;- le contrat de travail de la salariée n'existait plus au moment de la cession, car elle n'exerçait plus alors aucune activité, l'employeur n'avait plus aucun pouvoir de direction sur sa salariée, et il n'y avait donc plus de lien de subordination entre les deux ; le fait que la salariée n'ait pas engagé, pendant 3 ans, de démarches judiciaires aux fins de paiement des salaires ou de rupture de son contrat de travail, démontre que celui-ci n'existait plus et qu'il n'avait pu être transféré ;
sur la prise d'acte :
- la cour de cassation a restreint les cas de justification de la prise d'acte à des cas de " manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail " ; la prise d'acte doit intervenir rapidement après les faits qui la justifient ;- la salariée a attendu trois ans avant de réagir à la situation, sans demander aucun paiement de salaire, ni évoquer un éventuel licenciement pendant cette période, ce qui laisse à penser qu'elle n'a subi aucun préjudice du fait d'un manquement de son employeur qui justifierait la prise d'acte ;- en l'absence de motif grave empêchant la poursuite du contrat de travail, la rupture du contrat de Mme Françoise X... ne saurait avoir les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
sur la demande de garantie :
à titre subsidiaire, si le transfert du contrat de travail de la salariée était retenu, il résulte des arguments développés que Maître Franklin A... ès qualités et l'AGS devraient garantir toutes les condamnations pouvant être mises à la charge de la société Addecom Ouest.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
1o) Sur la désignation de l'employeur au moment de la prise d'acte :
Il résulte des termes du jugement du 28 septembre 2011 par lequel le tribunal de commerce d'Angers a ordonné " la cession totale de la société ADDECOM au profit de la société FINANGER " et de l'offre de reprise annexée à ce jugement qu'ont été cédés à la société FINANGER tous les éléments d'actif corporel ainsi que les éléments d'actif incorporel comprenant notamment la clientèle, les marques, le droit au bail étant observé que la société repreneur a déclaré souhaiter reprendre le bail. Il en ressort également que, conformément à l'offre du repreneur, ont été repris 13 des 18 contrats de travail en cours.
Cette cession a été opérée en vertu de l'article L. 642-1 du code de commerce qui prévoit que la cession de l'entreprise, dont le but est d'assurer le maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome, ainsi que de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d'apurer le passif, peut être totale ou partielle. S'agissant des emplois, l'article L. 642-5 alinéa 5 du code de commerce énonce que " Le plan précise notamment les licenciements qui doivent intervenir dans le délai d'un mois après le jugement. ".
Le jugement du 28 septembre 2011 a bien emporté, au profit de la société FINANGER, transfert des moyens corporels et incorporels, ainsi que des moyens humains significatifs et nécessaires à la poursuite de l'activité économique de centre d'appels exercée auparavant par la société ADDECOM. Cet ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant la poursuite de l'exploitation de l'activité de centre d'appels exercée auparavant par la société ADDECOM, soit la poursuite de l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre, caractérise le transfert d'une entité économique autonome.
En vertu de l'article L. 1224-1 du code du travail, cette cession de l'entreprise en redressement judiciaire arrêtée par le tribunal de la procédure collective entraîne de plein droit le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et, par voie de conséquence, la poursuite par le cessionnaire des contrats de travail des salariés attachés à l'entreprise cédée, étant précisé qu'il ne peut être dérogé à ces dispositions que lorsqu'en application de l'article L. 642-5 du code de commerce, le plan de redressement prévoit des licenciements pour motif économique. Cette application de l'article L. 1224-1 était d'ailleurs expressément prévue par l'offre de reprise.
Mme Françoise X... ne faisant pas partie des salariés qui ont été licenciés par l'administrateur judiciaire sur autorisation du tribunal de commerce, son contrat de travail, dont il n'est pas établi qu'il aurait été rompu antérieurement, était bien en cours à la date du 28 septembre 2011 et il n'était plus suspendu puisque la visite de reprise était intervenue le 26 mars 2009. Si le registre des entrées et sorties du personnel mentionne, sans autre précision, que la salariée serait sortie de l'entreprise le 31 janvier 2010, il n'est ni justifié ni même allégué d'une rupture du contrat de travail qui serait intervenue à cette date ou antérieurement selon les modes de rupture légalement admissibles.
Contrairement à ce que soutient la société ADDECOM Ouest et à ce qu'ont retenu les premiers juges, au moment de la cession, le contrat de travail de Mme Françoise X... n'avait pas, en quelque sorte " disparu " au motif qu'en fait, elle n'exerçait plus alors aucune activité au sein de l'entreprise depuis de nombreux mois, de sorte que l'employeur ne pouvant plus exercer son pouvoir de direction à son égard, le lien de subordination aurait disparu. Le contrat de travail de Mme Françoise X... ne pouvait être rompu que par l'un des modes légalement admissibles de rupture du contrat de travail et non par le seul fait qu'aucun travail ne lui était fourni, qu'elle ne se présentait plus à l'entreprise, n'assumait aucune tâche et n'était plus rémunérée.
En application de l'article L. 1224-1 du code du travail, le contrat de travail de Mme Françoise X... a donc été transféré de plein droit à la société FINANGER le 28 septembre 2011. La société ADDECOM Ouest étant la société en formation pour le compte de laquelle la société FINANGER a présenté l'offre de reprise, c'est elle qui, en qualité de repreneur de la société ADDECOM, était l'employeur de Mme Françoise X... à la date de la prise d'acte intervenue le 9 mars 2012.
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu'il a mis la société ADDECOM Ouest hors de cause et considéré que l'employeur au moment de la rupture était la société ADDECOM.

2o) Sur la prise d'acte et ses conséquences pécuniaires :
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, les effets d'une démission. La prise d'acte ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à la condition que les faits invoqués, non seulement, soient établis, mais constituent un manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.
Au cas d'espèce, suite à l'avis d'inaptitude émis le 26 mars 2009, en application de l'article L. 1226-2 du code du travail, la société ADDECOM qui était alors l'employeur de Mme Françoise X... se devait de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé. A défaut de reclassement opéré dans le mois de la déclaration d'inaptitude et à défaut de licenciement, en vertu de l'article L. 1226-4 du code du travail, l'employeur se devait, dès l'expiration de ce délai d'un mois, de verser à la salariée le salaire correspondant à l'emploi qu'elle occupait avant la suspension de son contrat de travail.
Il ne fait pas débat que, dans le mois de l'avis d'inaptitude, la société ADDECOM n'a ni reclassé, ni licencié Mme Françoise X..., ni repris le service du salaire. Il convient d'observer que cette dernière avait pris soin d'informer son employeur, par lettre recommandée du 29 novembre 2008 réceptionnée le 1er décembre suivant, de son placement en invalidité et du fait que ses arrêts de travail, expirant le 1er décembre 2008, ne seraient pas prolongés.
Il n'est pas plus discuté que, lorsqu'elle est devenue son employeur le 28 septembre 2011, la société ADDECOM Ouest n'a ni reclassé, ni licencié Mme Françoise X..., ni repris le service du salaire à son égard. Elle était pourtant à même de se convaincre de la situation de la salariée dans la mesure où, tout d'abord, en tant que cessionnaire, elle a été mise en possession de toutes les archives de la société ADDECOM comportant l'avis d'inaptitude du 26 mars 2009 et laissant nécessairement apparaître tant l'absence de paiement de salaires depuis la fin avril 2009 que l'absence de mise en oeuvre d'une procédure de licenciement. En second lieu, comme cela résulte des pièces versées aux débats, M. Joël Z..., créateur de la société ADDECOM, laquelle l'employait en qualité de directeur opérationnel, a été repris en cette qualité par la société ADDECOM Ouest. De par ses fonctions impliquant notamment l'animation et le management des équipes, M. Joël Z... ne pouvait pas ignorer que Mme Françoise X... avait fait l'objet d'une déclaration d'inaptitude mais qu'elle n'était pas licenciée.
Si, en vertu des dispositions de l'article L. 1224-2 du code du travail, dans la mesure où la cession est intervenue dans le cadre d'une procédure collective, la société ADDECOM Ouest ne peut pas être tenue des obligations qui incombaient à la société ADDECOM jusqu'au 27 septembre 2011, il n'en reste pas moins qu'en ne procédant pas, à compter du 28 septembre 2011, soit au reclassement, soit au licenciement de Mme Françoise X..., soit à la reprise du paiement du salaire, elle a elle-même, à compter de cette date, contrevenu aux obligations découlant pour elle des dispositions des articles L. 1226-2 et L. 1226-4 du code du travail.
Il ne peut pas être fait grief à Mme Françoise X... d'avoir, à compter de la déclaration d'inaptitude, attendu trois ans pour prendre acte de la rupture de son contrat de travail. En effet, tout d'abord, elle avait, par lettre recommandée du 29 novembre 2008, pris soin de prévenir la société ADDECOM de son placement en invalidité et du fait que son arrêt de travail ne serait pas prolongé. La société ADDECOM a alors attendu quatre mois avant de la soumettre à une visite médicale de reprise alors qu'en application de l'article L. 4624-23 du code du travail, elle aurait dû saisir le service de santé au travail dès qu'elle a eu connaissance de la fin de l'arrêt de travail, soit dès le début du mois de décembre 2008. En second lieu, il ne peut pas être reproché à la salariée de n'avoir pas avisé la société ADDECOM Ouest de sa situation alors qu'aucun élément ne permet de considérer qu'elle aurait été informée de la cession de l'entreprise en faveur de cette dernière et du changement d'employeur. Enfin, en l'état des éléments et des explications soumis à l'appréciation de la cour, il apparaît que c'est à la faveur des démarches qu'elle a accomplies pour faire valoir ses droits à la retraite que Mme Françoise X... a été alertée, par la caisse de retraite, sur le caractère anormal de sa situation par rapport à son employeur, ladite caisse lui ayant demandé des explications sur le déroulement de la relation de travail et les rémunérations éventuellement perçues depuis le 1er décembre 2008, puis le 26 mars 2009, date de la déclaration d'inaptitude. La caisse de retraite complémentaire Malakoff Médéric a également demandé à l'intimée de lui adresser ses bulletins de salaire du 1er janvier 2011 à la date de son préavis ainsi que son solde de tout compte.
En considération de ces éléments, dès lors que, de bonne foi, la salariée pensait qu'elle était remplie de ses droits et que sa situation avait été régulièrement réglée par la déclaration d'inaptitude, son placement en invalidité et le versement d'une pension d'invalidité, et qu'elle ignorait que son employeur aurait dû la reclasser ou la licencier et, faute de licenciement, reprendre le paiement du salaire, il ne peut pas lui être reproché d'avoir tardé à prendre acte de la rupture de son contrat de travail, démarche qu'elle a effectuée dès qu'elle a été informée du caractère anormal de sa situation.
En s'abstenant, à compter du 28 septembre 2011, de reclasser Mme Françoise X... ou de la licencier et, à défaut de licenciement, de reprendre le paiement du salaire et en maintenant la salariée, pendant cinq mois, dans cette situation qui la privait du salaire dû ou de la possibilité de faire valoir ses droits auprès de Pôle emploi, la société ADDECOM Ouest a commis une faute suffisamment grave, rendant impossible la poursuite du contrat de travail. La prise d'acte intervenue le 9 mars 2012 doit donc produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La salariée a droit au paiement des indemnités de rupture et, sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, puisqu'elle comptait plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant au moins onze salariés, à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En considération des éléments soumis à l'appréciation de la cour, notamment, d'un délai congé de deux mois, de la rémunération de la salariée, de son ancienneté, cette dernière est bien fondée à réclamer la somme de 1 424, 80 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 142, 48 ¿ de congés payés afférents et la somme de 1 558, 37 ¿ à titre d'indemnité de licenciement, sommes qui ne sont d'ailleurs pas discutées et que la société ADDECOM Ouest sera condamnée à lui payer. Compte tenu de la situation particulière de la salariée, notamment de son âge au moment de la rupture, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un emploi, les premiers juges ont fait une exacte appréciation de son préjudice en lui allouant la somme de 8600 ¿ que la société ADDECOM Ouest sera condamnée à lui payer.
3o) Sur la perte de chance d'utiliser les droits au DIF :
Mme Françoise X..., dont la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est justifiée et qui n'a été informée ni de la possibilité de faire valoir ses droits individuels à la formation ni du nombre d'heures acquises à ce titre, a droit à être indemnisée de la perte de chance qu'elle a subie d'utiliser ses droits acquis au titre du droit individuel à la formation. En l'état des éléments soumis à l'appréciation de la cour, il apparaît que les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice subi en lui allouant de ce chef la somme de 1 098 ¿ que la société ADDECOM Ouest sera condamnée à lui payer.
4o) Sur la demande de rappel de salaire :
Mme Françoise X... qui, par lettre recommandée du 29 novembre 2008 réceptionnée le 1er décembre suivant, a fait connaître à son employeur qu'elle bénéficiait d'une invalidité de catégorie 2 et que son arrêt de travail ne serait pas prolongé, s'est tenue à nouveau à sa disposition à compter du 1er décembre 2008. La société ADDECOM, qui a méconnu les dispositions de l'article L. 4624-23 du code du travail en négligeant d'organiser sans délai la visite de reprise et en attendant près de quatre mois pour ce faire, a également manqué à ses obligations en n'assurant pas à l'intimée le paiement de son salaire du 1er décembre 2008 au 26 mars 2009. Le liquidateur judiciaire, qui ne justifie pas du paiement du salaire au cours de cette période, ne conteste pas le manquement de l'employeur à cette obligation.
Dès lors qu'elle n'a été ni reclassée ni licenciée dans le mois de la déclaration d'inaptitude, en application de l'article L. 1226-4 du code du travail, Mme Françoise X... avait droit, à compter du 26 avril 2009, à la reprise du paiement du salaire correspondant à l'emploi qu'elle occupait avant la suspension de son contrat de travail. Or, ni le liquidateur judiciaire, ni la société ADDECOM Ouest ne justifient d'un tel paiement et ne discutent le manquement à cette obligation.
Aux termes de l'article L. 1224-2 du code du travail, lorsque la modification dans la situation juridique de l'employeur, en l'occurrence, la cession, intervient dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, comme tel est le cas en l'espèce, le nouvel employeur n'est pas tenu à l'égard des salariés aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification.
Il s'ensuit, au cas d'espèce, que la société ADDECOM Ouest ne peut avoir à répondre que des salaires dus à Mme Françoise X... du 28 septembre 2011 au 9 mars 2012 tandis que la liquidation judiciaire de la société ADDECOM doit seule répondre des salaires non payés du 1er décembre 2008 au 26 mars 2009, puis du 26 avril 2009 au 27 septembre 2011. En considération du salaire correspondant à l'emploi qu'occupait Mme Françoise X... avant la suspension de son contrat de travail, sa créance de rappel de salaire s'établit aux sommes suivantes :- pour la période du 1er décembre 2008 au 26 mars 2009, à la somme de 2 705, 56 ¿- pour la période du 26 avril 2009 au 27 septembre 2011, à la somme de 19 914, 88 ¿- pour la période du 28 septembre 2011 au 9 mars 2012, à la somme de 3 701, 82 ¿.
Il convient donc de fixer la créance de rappel de salaire au passif de la liquidation judiciaire de la société ADDECOM à la somme de 22 620, 44 ¿ outre 2 262, 04 ¿ de congés payés afférents et de condamner la société ADDECOM Ouest à payer à Mme Françoise X... la somme de 3 701, 82 ¿ à titre de rappel de salaire outre 370, 18 ¿ de congés payés afférents.
5o) Sur les intérêts de retard et sur la demande de capitalisation :
Il convient de rappeler que, sauf à tenir compte des règles légales d'ordre public applicables en cas d'ouverture d'une procédure collective, les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, soit en l'espèce, le 21 mars 2012 et, à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et, le cas échéant, à compter du présent arrêt pour le surplus.
Les conditions de l'article 1154 du code civil étant remplies, il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de ce texte.
6o) Sur la demande de délivrance de documents :
Il convient d'ordonner la délivrance, par la société ADDECOM Ouest à Mme Françoise X... des documents suivants :- un bulletin de salaire correspondant au rappel de salaire mis à la charge de cette dernière au profit de la salariée ;- un certificat de travail portant comme mention de date de sortie des effectifs, le 9 mars 2012 ;- une attestation Pôle emploi conforme aux dispositions du présent arrêt et mentionnant, notamment, comme date de rupture du contrat de travail, le 9 mars 2012 et comme motif de rupture : " licenciement sans cause réelle et sérieuse ".
Il convient d'ordonner la délivrance par M. Franklin A... agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société ADDECOM à Mme Françoise X... d'un bulletin de salaire correspondant au rappel de salaire mis à la charge de la liquidation judiciaire de la société ADDECOM au profit de la salariée.
Aucune circonstance ne justifie d'assortir ces chefs de décision d'une mesure d'astreinte pour en garantir l'exécution. Cette demande sera donc rejetée.

7o) Sur la demande de garantie formée par la société ADDECOM Ouest :
En ne procédant pas au licenciement de Mme Françoise X... suite à l'avis d'inaptitude, en mentionnant de façon mensongère sur le registre des entrées et sorties du personnel qu'elle avait quitté l'entreprise le 31 janvier 2010 et en ne reprenant pas le paiement du salaire, la société ADDECOM a commis un manquement qui a contribué à générer la situation qui est à l'origine de la prise d'acte dont, en sa qualité de repreneur et nouvel employeur de la salariée, la société ADDECOM Ouest doit supporter les conséquences pécuniaires. Ce faisant, la société ADDECOM a causé un préjudice à la société ADDECOM Ouest.
Toutefois, compte tenu des manquements imputables à cette dernière, précédemment caractérisés et qui justifient que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement injustifié, la société ADDECOM Ouest n'est fondée à obtenir que la garantie partielle de la liquidation judiciaire de la société ADDECOM, garantie qu'il convient de fixer à hauteur des deux-tiers des sommes mises à sa charge au titre de la rupture du contrat de travail. Cette créance sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société ADDECOM. Aucune garantie n'est due s'agissant de la créance de salaire, chacun des employeurs successifs devant assumer pleinement sa dette pour la période d'emploi le concernant.

8o) Sur la garantie de l'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés :
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, laquelle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à Mme Françoise X... que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail.
Aux termes de l'article L. 3253-7 du code du travail, la garantie de l'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés bénéficie au salarié. En sa qualité de cessionnaire de l'entreprise, la société ADDECOM Ouest ne peut pas y prétendre, alors en outre que la rupture du contrat de travail de Mme Françoise X... résultant d'une prise d'acte intervenue le 9 mars 2012 n'entre pas dans l'un des cas de garantie des créances résultant de la rupture du contrat de travail limitativement énumérés au 2o de l'article L. 3253-8 du code du travail.

PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, en matière sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Franklin A... agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société ADDECOM et la société ADDECOM Ouest de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
L'infirme en toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que la société ADDECOM Ouest était l'employeur de Mme Françoise X... à la date à laquelle cette dernière a pris acte de la rupture de son contrat de travail ;
Dit que cette prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société ADDECOM Ouest à payer à Mme Françoise X... les sommes suivantes : ¿ 3 701, 82 ¿ à titre de rappel de salaire du chef de la période du 28 septembre 2011 au 9 mars 2012 outre 370, 18 ¿ de congés payés afférents, ¿ 1 424, 80 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 142, 48 euros de congés payés afférents, ¿ 1 558, 37 euros à titre d'indemnité de licenciement, ¿ 8 600 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ¿ 1 098 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance d'utiliser les droits au titre du DIF ;
Fixe la créance de Mme Françoise X... à la liquidation judiciaire de la société ADDECOM aux sommes suivantes :
¿ 2 705, 56 ¿ à titre de rappel de salaire du chef de la période du 1er décembre 2008 au 26 mars 2009 outre 270, 55 ¿ de congés payés afférents ; ¿ 19 914, 88 ¿ de rappel de salaire du chef de la période du 26 avril 2009 au 27 septembre 2011 outre 1991, 48 ¿ de congés payés afférents ;
Rappelle que, sauf à tenir compte des règles légales d'ordre public applicables en cas d'ouverture d'une procédure collective, les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 21 mars 2012, à défaut de demande initiale, à la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, et sur les sommes à caractère indemnitaire à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus ;
Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;
Dit que M. Franklin A... pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société ADDECOM devra garantir la société ADDECOM Ouest à hauteur des deux-tiers des sommes mises à sa charge au titre de la rupture du contrat de travail ;
Fixe en conséquence la créance de garantie de la société ADDECOM Ouest au passif de la liquidation judiciaire de la société ADDECOM à hauteur des deux-tiers des sommes suivantes : ¿ 1 424, 80 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 142, 48 euros de congés payés afférents, ¿ 1 558, 37 euros à titre d'indemnité de licenciement, ¿ 8 600 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Déclare le présent arrêt opposable à l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés intervenant par l'UNEDIC-C. G. E. A de Rennes-, association gestionnaire de l'AGS, et dit qu'elle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à Mme Françoise X... que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail ;
Déboute la société ADDECOM Ouest de sa demande de garantie dirigée contre l'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés ;
Ordonne la délivrance, par la société ADDECOM Ouest à Mme Françoise X... des documents suivants :- un bulletin de salaire correspondant au rappel de salaire mis à la charge de cette dernière au profit de la salariée ;- un certificat de travail portant comme mention de date de sortie des effectifs, le 9 mars 2012 ;- une attestation Pôle emploi conforme aux dispositions du présent arrêt et mentionnant, notamment, comme date de rupture du contrat de travail, le 9 mars 2012 et comme motif de rupture : " licenciement sans cause réelle et sérieuse " ;
Ordonne la délivrance par M. Franklin A... agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société ADDECOM à Mme Françoise X... d'un bulletin de salaire correspondant au rappel de salaire mis à la charge de la liquidation judiciaire de la société ADDECOM au profit de la salariée ;
Dit n'y avoir lieu à mesure d'astreinte ;
Condamne la société ADDECOM Ouest à payer à Mme Françoise X... la somme de 2 000 ¿ au titre de ses frais irrépétibles de première instance et une indemnité de même montant au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Condamne M. Franklin A... pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société ADDECOM à payer à Mme Françoise X... la somme de 1 000 ¿ au titre de ses frais irrépétibles de première instance et une indemnité de même montant au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Déboute M. Franklin A... pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société ADDECOM et la société ADDECOM Ouest de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne in solidum M. Franklin A... pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société ADDECOM et la société ADDECOM Ouest aux entiers dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/01502
Date de la décision : 30/06/2015
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-06-30;13.01502 ?
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