La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2015 | FRANCE | N°13/01172

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 30 juin 2015, 13/01172


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N 255 ic/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 01172.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 26 Mars 2013, enregistrée sous le no F 12/ 00079

ARRÊT DU 30 Juin 2015

APPELANT :
Monsieur Stéphane X... ... 53940 ST BERTHEVIN
comparant

INTIMEE :
LA SARL TRANSPORTS URBAINS LAVALLOIS KEOLIS Centre Jean Marc Morron 9 rue Henri Batard-BP 80909 53000 LAVAL CEDEX
représentée par Maître GILET de la SCP DELAFOND-

LECHARTRE-GILET, avocats au barreau de LAVAL

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositio...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N 255 ic/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 01172.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 26 Mars 2013, enregistrée sous le no F 12/ 00079

ARRÊT DU 30 Juin 2015

APPELANT :
Monsieur Stéphane X... ... 53940 ST BERTHEVIN
comparant

INTIMEE :
LA SARL TRANSPORTS URBAINS LAVALLOIS KEOLIS Centre Jean Marc Morron 9 rue Henri Batard-BP 80909 53000 LAVAL CEDEX
représentée par Maître GILET de la SCP DELAFOND-LECHARTRE-GILET, avocats au barreau de LAVAL

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mai 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 30 Juin 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCÉDURE,
La société Transports Urbains Lavallois KEOLIS dont le siège social est situé à Laval, applique la convention collective nationale des réseaux transports publics urbains de voyage de voyageurs. Elle emploie un effectif de plus de 10 salariés.
M. Stéphane X... a été recruté en décembre 1997 en qualité de conducteur de bus par la société KEOLIS LAVAL dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet. En dernier lieu, il percevait un salaire brut de 2 001. 50 euros par mois.
Par courriel du 13 octobre 2011, un usager du service des transports a adressé au directeur de l'établissement KEOLIS de Laval une réclamation au sujet des propos tenus le 1er octobre 2011 par un chauffeur de bus. L'employeur a diligenté une enquête pour vérifier les dires du témoin permettant d'établir " une attitude non commerciale en conduite envers deux jeunes filles ".
Le 21 novembre 2011, il a adressé à M. X... une convocation à un entretien préalable à sanction fixé au 28 novembre suivant pour l'incident du 1er octobre 2011. Dans ce même courrier, l'employeur lui notifié, pour des faits distincts du 19 novembre 2011, une mise à pied conservatoire à compter du 21 novembre 2011.
M. X..., assisté par un représentant syndical, était présent lors de l'entretien réalisé le 28 novembre 2011. Le 8 décembre 2011, la société KEOLIS a notifié au salarié une mise à pied disciplinaire de deux jours au titre des faits du 1er octobre 2012. La mise à pied a été mise en oeuvre les 1er et 2 mars 2012 à l'issue de l'arrêt maladie du salarié.
Le 12 décembre 2012, M. X... a contesté la sanction notifiée le 8 décembre.
Par requête reçue le 26 avril 2012, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Laval en annulation de la mise à pied notifiée le 8 décembre 2011 et en indemnisation de son préjudice.
Par jugement en date du 26 mars 2013, le conseil de prud'hommes de Laval a :
- prononcé l'annulation de la mise à pied,- condamné la société KEOLIS à verser à M. X... la somme de 181. 44 euros correspondant à la perte de salaire outre la somme de 150 euros au tire de l'article 700 du code de procédure civile,- débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts,- condamné la société KEOLIS aux dépens.
Les parties ont reçu notification de ce jugement le 4 avril 2013.
M. X... en a régulièrement relevé appel limité à sa demande de dommages-intérêts par courrier posté le. 29 avril 2013.

PRÉTENTIONS et MOYENS des PARTIES,
Vu les conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 29 décembre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles M. X... demande à la cour de :
- condamner la société KEOLIS à lui verser :- la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral et professionnel,- la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir en substance que :
- la mise à pied notifiée le 8 décembre 2011 a été prise par son employeur, qui ne le conteste plus, en contravention aux dispositions de la convention collective applicable qui exige une faute préalable sanctionnée par un blâme dans les douze mois précédents,- cette sanction a été basée sur une dénonciation anonyme adressée à l'employeur le 13 octobre 2011 pour des faits du 1er octobre précédent, la société KEOLIS ayant refusé de communiquer l'identité du dénonciateur,- l'employeur n'a pas procédé à une enquête contradictoire et s'est contenté de cette dénonciation anonyme, dépourvue de force probante comme contraire aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile,- informé de ces accusations infondées de racisme dans la soirée du 18 novembre 2011 à la fin de son service par son supérieur hiérarchique, il était particulièrement " stressé, inquiet et angoissé " lors de la reprise de son service le 19 novembre 2011 et a quitté son poste de travail, usant ainsi de son droit de retrait,- la société KEOLIS, jugeant son comportement inadmissible, lui a notifié une mise à pied conservatoire pour les faits du 19 novembre 2011 alors qu'il a subi une grave décompensation anxio-dépressive nécessitant un arrêt de travail dès le 21 novembre 2011,- la société KEOLIS a l'habitude de sanctionner ses salariés à partir de faits invérifiables basés sur des dénonciations anonymes, notamment à l'égard de M. X... pour des faits survenus en avril et en mai 2008 et vivement contestés par lui.- l'arrêt de travail de 82 jours qui lui a été prescrit est en lien direct avec les accusations infondées de l'employeur et lui a fait perdre diverses primes ainsi que des chances de promotion interne ou d'évolution professionnelle, sa candidature à des postes de tuteur ou d'hôte à l'espace TU ayant été refusée.- l'employeur a refusé de prendre en charge sa formation DIF alors qu'il en avait fait la demande expresse en novembre 2011 et que l'absence de réponse de la société KEOLIS valait acceptation selon les disposition de l'article L 6323-10 du code du travail.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 27 avril 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience selon lesquelles la société KEOLIS demande à la cour de :
- débouter M. X... de ses demandes indemnitaires,- le condamner au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle admet que la sanction disciplinaire infligée le 8 décembre 2011 au salarié n'est pas conforme aux dispositions de l'article 49 du chapitre 6 de la convention collective, en l'absence d'une faute équivalente ayant donné lieu à un blâme dans les douze mois précédents et la juridiction devra tirer toute conséquence quant aux non-respect de ce formalisme.
Elle soutient essentiellement que :
- sur l'annulation de la sanction,- elle a estimé devoir sanctionner M. X... suite à des faits rapportés par des usagers dont l'identité n'a pas été révélée au salarié mais dont l'impartialité était peu contestable à la suite des déclarations écrites recueillies dans le cadre d'un entretien.- la mise à pied conservatoire notifiée à M. X... le 21 novembre 2011 reposait sur des faits distincts survenus le 19 novembre 2011 et ne peut pas être invoquée utilement par le salarié dans le litige relatif à la mise à pied du 8 décembre.- sur le préjudice :- le salarié ne rapporte pas la preuve que la mise à pied disciplinaire lui a causé un préjudice,- la grave décompensation anxio-dépressive dont il aurait été atteint n'est pas justifiée,- le salarié n'avait aucun droit à promotion sur les postes pour lesquels il s'était porté candidat et qui ont été pourvus par d'autres salariés,- il a obtenu l'accord de son employeur pour bénéficier d'un FONCECIF le 25 avril 2012 avant de saisir la juridiction prud'homale,- le retard de paiement de la facture de l'organisme de formation n'a rien à voir avec le litige mais correspond à la non-prise en charge de la formation choisie par le salarié (coaching) dans le champ du DIF. Elle a néanmoins trouvé un accord amiable de paiement en janvier 2013 avec le formateur ;- le salarié ne justifie pas du lien de causalité entre son arrêt maladie à compter du 21 novembre 2011 et les procédures disciplinaires engagées ultérieurement étant précisé que M. X... a reconnu l'existence d'un état de déprime antérieur ;- il est taisant sur sa situation actuelle depuis qu'il a quitté la société KEOLIS à la fin de l'année 2013 et qu'il a trouvé du travail dans une société de formation,- le salarié tente d'obtenir une indemnisation sans justifier de la réalité de son préjudice.

MOTIFS DE LA DÉCISION,
Il est rappelé que M. X... a limité son appel aux seules dispositions du jugement du 26 mars 2013 du conseil de prud'hommes de Laval relatives aux dommages et intérêts. La cour n'a pas été saisie d'un appel incident de la société KEOLIS en ce que le jugement déféré a ordonné l'annulation de la mise à pied notifiée le 8 décembre 2011 à M. X... et l'a condamné à payer la somme de 181. 44 euros au titre du rappel de salaires. La cour n'est donc saisie que de la demande de M. Moquet au titre de l'évaluation de son préjudice.
Sur le préjudice résultant de l'annulation de la mise à pied disciplinaire notifiée le 8 décembre 2011,
Le salarié qui a fait l'objet d'une sanction disciplinaire annulée a droit à l'indemnisation réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite de la sanction infligée.
M. X... produit aux débats :
- la convocation du 21 novembre 2011 à un entretien préalable à sanction " suite à une réclamation clientèle relative à son comportement anti-commercial signalé pour un incident survenu le 1er octobre 2011 "- un arrêt de travail du 21 novembre 2011 jusqu'au 25 novembre suivant, avec des prolongations jusqu'au 27 janvier 2012 pour des troubles anxio-dépressifs,- les avis de son médecin traitant datés du 24 novembre 2011 et du 7 août 2012 selon lequel il était à l'époque des arrêts de travail " très stressé, angoissé du fait de problèmes professionnels "- le compte-rendu de l'entretien préalable du lundi 28 novembre 2011, concernant uniquement les faits du 1er octobre 2011,- le courrier du 8 décembre lui notifiant une mise à pied de deux jours pour différents manquements lors du service du 1er octobre 2011,- son courrier en réponse du 12 décembre 2011 contestant la sanction infligée, " les accusations du client étant anonymes et diffamatoires ",- le courrier du 14 décembre 2011 du délégué syndical demandant à l'employeur de " retirer " la sanction du 8 décembre 2011 non conforme aux dispositions de la convention collective.- le courrier du 24 février 2012 de l'employeur fixant la mise à pied de deux jours à son retour d'arrêt de travail et à effectuer les 1er et 2 mars 2012,- les courriers du 13 janvier 2012 et du 16 janvier 2012 de la société KEOLIS l'informant du rejet de sa candidature au poste de tuteur et au poste d'hôte à l'espace TUL,- son diplôme de brevet d'enseignant de la conduite automobile obtenu le 20 juin 2013 et son autorisation préfectorale du 25 novembre 2013,- les documents relatifs à la formation " communiquer efficacement dans son cadre professionnel " suivie en mai-juin 2012, au refus initial de l'employeur de régler la facture de stage (lettre 18 juillet 2012), les relances de l'avocat du formateur,- les divers documents se rapportant à des incidents du 1er avril et du 20 mai 2008 qui lui ont été reprochés à la suite des réclamations d'un usager et ses contestations.
M. X..., qui a fait l'objet d'un arrêt de travail à compter du lundi 21 novembre 2011 pour des troubles anxio-dépressifs, ne justifie pas du lien causal entre la dégradation de son état de santé et la procédure disciplinaire initiée à son encontre par un courrier daté du 21 novembre mais reçu par lui le lendemain 22 novembre 2011. Le fait que son supérieur hiérarchique l'ait informé le 18 novembre 2011 en fin de soirée de sa prochaine convocation à un entretien disciplinaire ne suffit pas à établir un lien de causalité avec des troubles importants justifiant son arrêt de travail.
S'agissant de sa candidature aux postes de tuteur et de hôte d'accueil, l'employeur ne justifie pas du processus de sélection et des critères appliqués l'ayant amené à écarter les demandes de ce salarié suivant courriers des 13 et 16 janvier 2012. A défaut de ces éléments, le fait que M. X... fasse l'objet d'une mise à pied notifiée le 8 décembre 2011 a nécessairement, même partiellement, obéré ses chances de " promotion " interne alors qu'il justifiait d'une ancienneté importante (14 ans) et des aptitudes à l'enseignement à la conduite automobile comme le confirme l'obtention de son diplôme 18 mois plus tard.
S'agissant de la perte des avantages et primes liés à l'arrêt maladie du 21 novembre 2011 et en l'absence de lien de causalité avec la sanction du 8 décembre 2011, le salarié ne rapporte pas la preuve du préjudice subi à ce titre.
Alors que l'employeur était informé dès le 14 décembre 2011 par le délégué syndical de la non-conformité formelle de la sanction à la convention collective, le maintien d'une sanction disciplinaire fondée sur une dénonciation anonyme de faits à connotation raciste, a causé un préjudice incontestable au salarié.
Compte tenu de la situation du salarié, de son ancienneté, des circonstances de la sanction, la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer à 800 euros le montant des dommages-intérêts propres à réparer son préjudice.
Sur les autres demandes,
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais non compris dans les dépens. La société KEOLIS sera condamné à payer à la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
La société KEOLIS, qui sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sera condamnée aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant, publiquement et contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris u 26 mars 2013 en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts présentée par M. X....
Statuant de nouveau du chef infirmé et y ajoutant :
CONDAMNE la société KEOLIS à payer à M. X...
- la somme de 800 euros de dommages-intérêts,- la somme de 1 000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
CONFIRME le jugement entrepris en ses autres dispositions.
DÉBOUTE la société KEOLIS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la société KEOLIS aux dépens de l'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/01172
Date de la décision : 30/06/2015
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-06-30;13.01172 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award