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30/06/2015 | FRANCE | N°12/01359

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 30 juin 2015, 12/01359


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N 253 ic/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01359.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 24 Mai 2012, enregistrée sous le no 11/ 00669
ARRÊT DU 30 Juin 2015
APPELANTE :
SELARL SAJE ANGERS 18 rue Bouché Thomas BP 434 49000 ANGERS
non comparante-représentée par Maître Eric LOISEAU de la SELARL LOISEAU et ASSOCIES, avocats au barreau de NANTES

INTIMEE :
Madame Delphine X...... 72000 LE MANS
non comparante-r

eprésentée par Maître VAUBOIS, avocat substituant Maître Bertrand SALQUAIN, avocat au barreau d'...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N 253 ic/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01359.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 24 Mai 2012, enregistrée sous le no 11/ 00669
ARRÊT DU 30 Juin 2015
APPELANTE :
SELARL SAJE ANGERS 18 rue Bouché Thomas BP 434 49000 ANGERS
non comparante-représentée par Maître Eric LOISEAU de la SELARL LOISEAU et ASSOCIES, avocats au barreau de NANTES

INTIMEE :
Madame Delphine X...... 72000 LE MANS
non comparante-représentée par Maître VAUBOIS, avocat substituant Maître Bertrand SALQUAIN, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mai 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 30 Juin 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE,
Mme Delphine X... a été engagée le 18 janvier 2007 en qualité de secrétaire juridique par la Société d'Avocats Juristes de l'Entreprise (SAJE) par contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet. Elle bénéficiait en dernier lieu d'une rémunération moyenne de 1 876. 33 euros brut pour 35 heures hebdomadaires de travail.
La convention collective applicable à la relation de travail était la Convention Collective Nationale du Personnel Salarié des Avocats. La société SAJE a un effectif de plus de 10 salariés.
Le 13 octobre 2008, l'employeur a notifié un avertissement à Mme X..., lui reprochant un comportement inaproprié (sautes d'humeur, agressivité), une qualité déficiente de son travail et un rythme de travail trop lent.
Par lettre du 10 juin 2009, la société SAJE a convoqué la salariée à un entretien préalable à une éventuelle sanction fixé au 17 juin 2009, repoussé à la demande de Mme X... au 22 juin pour pouvoir être assistée.
Le 16 juin 2009, l'employeur a adressé un nouveau courrier annulant et remplaçant le précédent du 10 juin, et prévoyant un éventuel licenciement.
Le 1er juillet 2009, la société SAJE a notifié à Mme X... un licenciement pour motif personnel lié à la non-exécution et la mauvaise exécution des tâches de travail accompagnées d'une insubordination caractérisée.
Elle a rappelé que le préavis était fixé à une période de deux mois.
Par lettre du 3 juillet 2009, Mme X... a été convoquée à un entretien, l'employeur envisageant la rupture de son préavis, la salariée faisant parallèlement l'objet d'une mise à pied conservatoire.
A la suite de l'entretien du 27 juillet 2009, la SAJE a décidé de dispenser Mme X... de l'exécution du solde de son préavis par lettre du 31 juillet 2009, avec maintien de la rémunération.
La rupture du contrat de travail est intervenue le 31 août 2009.
En septembre 2010, Mme X... a saisi la conseil de prud'homme d'Angers en contestation à titre principal de la validité de son licenciement pour harcèlement moral, en demande de réintégration, en nullité de l'avertissement du 13 octobre 2008 et en paiement de diverses indemnités. Subsidiairement, elle a réclamé des indemnités de rupture pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 24 mai 2012, le conseil de prud'homme d'Angers a :
- jugé que l'avertissement notifié le 13 octobre 2008 devait être validé ;- jugé que la procédure de licenciement était entachée d'irrégularité et condamné la société SAJE au paiement d'une somme de 1741 euros sur le fondement de l'article L 1235-2 du code du travail,- prononcé la nullité du licenciement pour harcèlement moral ;- ordonné la réintégration de la salariée dans les effectifs de la société ;- condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes suivantes : ¿ 18 000 euros en réparation du préjudice subi ; ¿ 6 000 euros en réparation du préjudice moral ; ¿ 1 200 euros d'indemnité de procédure ;

- condamné la société SAJE aux dépens
Le jugement a été notifié aux parties le 31 mai 2012. La société SAJE en a régulièrement relevé appel par lettre recommandée postée le 26 juin 2012.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 16 avril 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles la société SAJE demande à la cour de :
- dire que l'avertissement notifié le 13 octobre 2008 doit être validé ;- dire que la procédure de licenciement est régulière ;- dire que la salariée n'a pas été victime de harcèlement moral et que son licenciement n'est pas nul ;- constater que le licenciement de Mme X... repose sur une cause réelle et sérieuse ;- dire que la procédure de licenciement n'a pas été mise en oeuvre de manière brutale ou vexatoire ;- débouter Mme X... de l'ensemble de ses demandes ;- la condamner à payer à la société SAJE la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance et d'appel.
La société SAJE fait valoir en substance que :
- sur l'avertissement du 13 octobre 2008 : cette sanction repose sur des faits objectifs rapportés par deux avocats salariés sur le comportement de la salariée visant à créer un climat de suspicion au sein du cabinet tout en refusant tout dialogue ;- sur la régularité de la procédure de licenciement : elle a adressé à la salariée le 16 juin 2009 une seconde convocation à l'entretien préalable faisant réference à un éventuel licenciement, se susbstituant au précédent courrier du 10 juin 2009 qui ne comportait pas une telle mention.. La procédure est en conséquence régulière ;- sur la demande de nullité du licenciement : la salariée n'établit pas de fait précis permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral de sa part ; elle ne peut pas se plaindre du nombre de courriers adressés par la société SAJE, en lien avec la procédure disciplinaire mise en oeuvre à son encontre ; le suivi médical pour syndrome anxiodépressif de la salariée ne résulte pas des pressions de l'employeur, mais de problèmes familiaux et personnels ; les reproches de l'employeur adressés à la salariée, exempts de propos irrespectueux, insultants ou vexatoires, correspondaient à des constats objectifs sur l'insuffisance et les erreurs répétées de Mme X... ; l'attestation de sa collègue Mme Y..., elle-même en litige avec l'employeur à la suite de son licenciement fait état d'événements totalement imaginaires et non concordants ;- sur le bien fondé du licenciement : elle apporte la preuve des insuffisances professionnelles nombreuses et répétées de la salariée, entrainant des conséquences sur l'image du cabinet vis à vis de la clientèle et de ses partenaires, et résultant, non pas de la difficulté des dossiers confiés à la salariée, mais d'erreurs grossières inadmissibles au regard de son ancienneté et d'un rythme de travail plus lent ;- sur les demandes financières de la salariée : Mme X... ne justifie sa demande de dommages et intérêts représentant près de 22 mois de salaire ni sa demande complémentaire, la mesure de licenciement ne présentant aucun caractère brutal ou vexatoire.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 7 janvier 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles Mme X... demande à la cour de :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la demande d'annulation de l'avertissement et sa demande de réintégration ;- prononcer l'annulation de l'avertissement du 13 octobre 2008 ;- condamner la société SAJE à lui payer :- la somme de 38 302 euros en réparation du préjudice subi du fait du licenciement nul ou abusif,- la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.
Mme X... fait valoir en substance que :
- sur l'annulation de l'avertissement : les reproches formulés à son encontre sont purement subjectifs et la sanction abusive au regard des faits reprochés.- sur l'irrégularité de la procédure de licenciement :- le contenu de la lettre du 10 juin 2009 qui lui a été remise placait indubitablement l'employeur sur le terrain disciplinaire et le licenciement éventuel n'a été évoqué que dans la seconde convocation, censée remplacer la première. La procédure de licenciement est irrégulière.- sur la nullité du licenciement : le harcèlement moral à son égard est caractérisé par les nombreux courriers qui lui ont été adressés ou remis par son employeur, l'engagement d'une nouvelle procédure disciplinaire avec rupture du préavis non menée à son terme, les annotations et corrections vexatoires apposées par sa supérieure hiérarchique sur les actes réalisés par elle ;- ce harcèlement est à l'origine de l'altération de sa santé, sans rapport avec ses problèmes personnels ;- sur les préjudices : la réparation du préjudice résultant d'un licenciement nul pour harcèlement moral ne peut être inférieure à celle résultant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par l'article L1235-3 du code du travail ;- subsidiairement, sur le caractère abusif du licenciement : les griefs visés dans le courrier de licenciement ne reposent pas sur les qualités professionnelles de la salariée, les fautes d'orthographe relevées étant de " simples coquilles " sur des brouillons et sa prétendue lenteur s'expliquant par des tâches objectivement plus complexes que celles confiées à ses collègues ;- sur le préjudice moral : elle peut cumuler les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité distincte réparant le préjudice lié aux procédés vexatoires dans la mise en oeuvre et les circonstances du licenciement.

MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'avertissement du 13 octobre 2008,
Selon l'article L 1333-1 du code du travail, en cas de litige, la juridiction prud'homale apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. En cas de doute, il profite au salarié. L'article L 1333-2 du même code dispose que la juridiction prud'homale peut annuler une sanction irrégulière en la forme et injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. Si aux termes de l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.
Le 13 octobre 2008, la société SAJE a adressé à Mme X... un courrier lui notifiant un avertissement : " Le mercredi 17 septembre 2008, vous avez fait part à Me I... de votre souhait de chercher du travail ailleurs compte tenu des bruits de couloir que vous entendiez, qui vous mettaient trop de pression. Me I... vous a invitée à faire la part des choses entre le professionnel et le personnel y compris dans votre mode de communication (post-it et mails adressés aux professionnels). Cette recommandation n'a visiblement pas été suivie d'effet puisque vous avez immédiatement adressé un e-mail à l'un des avocats du bureau, l'accusant de faire lire vos mails à la direction. Me I... vous a convoquée ainsi que l'avocat en question pour éclaircir la situation. Après qu'il vous ait été rappelé que la direction a bien évidemment la possibilité de prendre connaissance de tout e-mail professionnel échangé au sein du cabinet, vous avez quitté la réunion puis refusé tout dialogue. Jeudi 18 septembre, vous êtes revenue voir Me I... pour lui expliquer que vous admettiez mélanger les problèmes personnels et professionnels que vous aviez besoin de " faire le tri dans votre tête " et que pour cela, vous seriez en arrêt maladie à compter du lundi suivant. Il vous a été confirmé que votre comportement visant à déclencher des polémiques inutiles pour fuir ensuite toute explication était grave et ne serait plus toléré. En effet, un tel comportement désorganise considérablement le cabinet, nous vous avertissons officiellement d'avoir à corriger définitivement votre comportement (plus de polémique, plus de sautes d'humeur) et à améliorer durablement la qualité et le rythme de votre travail. Ce comportement est d'autant plus grave que le 17 juin 2008, nous nous sommes rencontrés pour un entretien relatif à :- votre comportement au travail : votre agressivité lorsque l'on vous confiait un dossier devait être corrigée, nous n'avons pas à justifier qui vous donne du travail ni pourquoi un travail sur ce dossier vous est demandé,- la qualité de votre travail : de nombreuses erreurs vous avaient été signalées dans votre travail et à plusieurs reprises des corrections qui vous avaient été demandées avaient dû être à nouveau demandées,- votre rythme de travail : le temps que vous passiez sur certains dossiers était supérieur au temps moyen passé par les autres assistants sur le même type de dossiers. Nous nous sommes revus le 31 juillet pour faire le point et avons constaté ensemble :- une amélioration de votre comportement (acceptation sans difficultés des dossiers, effort de concentration sur votre travail)- peu ou pas d'amélioration dans la qualité et le rythme du travail. Vous vous étiez alors engagée à améliorer la qualité et le rythme de votre travail tout en maintenant votre effort comportemental. L'incident du 17 septembre 2008 nous démontre que n'avez pas su maintenir votre effort comportemental malgré les entretiens consacrés à ce problème. "
Cet avertissement qui caractérise une sanction disciplinaire et ne peut donc être fondé que sur une faute de la salariée est ainsi motivé par le comportement de ladite salariée visant à déclencher des polémiques inutiles avec les autres salariés pour fuir ensuite toute explication, à entretenir un climat de suspicion et à refuser tout dialogue et par son agressivité.
Pour justifier de son bien fondé, l'employeur verse aux débats :- l'attestation de Mme I..., avocat salariée du cabinet SAJE : " Le mercredi 17 septembre 2008, Mme X... m'a déclaré qu'elle souhaitait trouver du travail ailleurs, l'ambiance de travail due à des bruits de couloir la concernant étant trop lourde. Je lui ai expliqué que cela provenait certainement du fait qu'elle mélangeait ses problèmes et relations personnels avec ceux relevant du domaine professionnel. compte tenu des bruits de couloir qu'elle entendait, qui lui mettaient trop de pression. Elle a semblé en conclure que Me Sylvie J... m'avait montré des mails qu'elle lui aurait adressés (ce que Me J... n'avait pas fait) et elle s'en est imédiatement plainte par mail adressé sur la boîte professionnelle de Me J.... Cet e-mail m'a été transmis et j'ai convoqué en entretien informel Me J... et Mme X.... Le dialogue a été impossible à établir, Mme X... refusant de s'expliquer et quittant mon bureau en colère au milieu de la conversation... Sur ces deux jours, nous avons passer au moins 3 heures en entretiens et conversations pour tenter de cerner le problème avec Mme X.... Nous n'avons pas pu Me J... et moi-même accomplir notre travail comme nous l'avions planifié. Ceci n'était d'ailleurs pas la première fois, aussi a-t'il été décidé avec la direction d'adresser un avertissement relatant cet épisode et rappelant quelques-uns des précédents. Je confirme que tous les éléments relatés dans le courrier d'avertissement sont véridiques et que Mme X... ne les a pas contestés à cette époque. "- l'attestation de Mme J..., avocate salariée : " Durant l'été 2008, au retour de ses congés, Mme X... m'a fait diverses allusions quant à son intention de quitter le cabinet en raison disait-elle de " bruits de couloir " qu'elle estimait insupportables. Ces allusions se sont ensuite faites plus précises à mon encontre pour finalement me signifier par mail puis verbalement que je faisais lire les mails qu'elle m'adressait sur ma boîte professionnelle à Me I.... Cette attitude provocatrice m'a irritée et je l'ai alors informée que je transmettais son mail daté du 16 septembre 2008 à la direction de notre cabinet. J'ai alors demandé à Me I... de provoquer une petite réunion informelle.. le 17 septembre 2008 afin de désamorcer la suspicion de Mme X... et d'apaiser le climat de nos relations professionnelles. Bien au contraire, Mme X... a refusé d'engager le dialogue avec nous mais a brusquement quitté le bureau en colère alors que Me I... lui enjoignait de se ré-asseoir pour poursuivre le dialogue. "
Il ne fournit pas les mails litigieux imputés à Mme X... visés dans le courrier du 13 octobre 2008. Ces attestations émanant des avocats et donc de l'employeur ne relatent aucun fait précis et circonstancié de nature à justifier la sanction qui a été prononcée. Il n'est pas autrement justifié de l'agressivité dont Mme X... aurait fait preuve.
L'avertissement n'est donc pas justifié au regard de la nature des faits reprochés et des éléments produits par l'employeur. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a jugé justifié l'avertissement notifié le 13 octobre 2008 à Mme X....
Sur la nullité du licenciement,
Selon l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, pour conclure à la nullité de son licenciement, la salariée invoque les faits suivants à l'appui du harcèlement moral dont elle estime avoir été victime :- un harcèlement moral de la part de sa supérieure hiérarchique Me J... au travers des corrections apposées en marge des actes rédigés par elle,- l'attitude de l'employeur durant la procédure de licenciement : multiples courriers (7) adressés entre le 10 juin 2009 et le 31 juillet 2009 et menace de rupture du délai de préavis.
Elle se prévaut des éléments suivants :- les attestations de sa collègue Mme Y...,- la première en date du 2 janvier 2010 : elle a été " témoin de certaines scènes de harcèlement moral de la part de Me Sylvie J..., " Mme X... " rédigeait toute seule de gros actes " " Me J... faisait elle-même des erreurs sur les documents. "- la seconde du 15 juin 2013 après son licenciement pour faute grave fin mai 2013, expliquant que Mme X... supportait mal une rumeur, totalement infondée, lancée en septembre 2008 par Me I..., que la direction avait présenté des excuses verbales à Mme Y... mais pas à Mme X...,- un certificat délivré le 7 juillet 2009 par son médecin traitant,- le contrat de travail de sa remplaçante Mme B... à compter du 4 janvier 2010 et de sa démission en octobre 2011,- des annotations portées par Me J... sur des actes confiés à la salariée telles que :- " la relecture d'un texte de trois lignes prend peu de temps ; elle aurait permis de voir la faute d'accord ", C'est le 3ème visa que je fais dans ce dossier, est-ce normal ? " (dossier SCI des ANGES)- " de mieux en mieux.. " après avoir entouré une faute de frappe,- " nous sommes en 2008 !'alors que la salarié avait tapé l'année 2009,- " dossier incomplet ", " 2ème correction " " non relu ", (dossier SNC LE RELAIS)- " dossier à reprendre en totalité-documents + chemises-je ne comprends pas " (dossier ATA)- " Encore une fois : non relu. Conséquence : 9 lettres à refaire, est-ce normal ? " (dossier E...)- " Mon objectif est exclusivement celui de t'inciter à relire et relire encore. A défaut, je poursuivrai mes annotations. " (pièce 25 dossier ATA)
Sur le premier grief,
Il résulte des pièces produites que Me J..., avocate salariée et supérieure hiérarchique de Mme X..., a porté des corrections et des commentaires en marge des documents préparés par la salariée, s'agissant de simples projets d'actes.
Pour autant ces annotations étaient objectivement fondées, en lien avec des fautes d'accord, d'orthographe, des erreurs matérielles diverses commises par Mme X..., ce que cette dernière reconnaissait volontiers : " y a rien à comprendre... je suis sincèrement désolée, crois le bien et à bout. " (dossier ATA pièce 25), " désolée, j'aurais dû relire mieux " (dossier SCI des ANGES), " personne n'est parfait et SURTOUT pas moi ! ! ! " (SNC LE RELAIS), " relu et pas vu, désolée " (pièce no21). Si Mme X... acceptait mal certaines annotations et demandait à Me J... de procéder différemment en entourant les erreurs matérielles sans commentaires " le reste est cassant et bien inutile " (pièce 25), " le commentaire n'est pas nécessaire surtout que pour un autre assistant, tu ne l'aurais pas écrit " (pièce 26), " on fait tous des erreurs ! non ? " (pièce 23), force est de constater que les commentaires de Me J... ne comportaient aucun propos intolérable, injurieux ou vexatoire envers sa collaboratrice.
Mme X... ne produit aucun document ou élément de nature à laisser présumer qu'elle aurait subi un traitement défavorable de la part de son employeur et de Me J... en particulier.
S'agissant de l'attestation de Mme Y..., ce témoin qui " évoque des scènes de harcèlement moral ", ne relate aucun fait précis et circonstancié permettant de caractériser un management intolérable, confinant au harcèlement moral et générateur de souffrance au travail pour Mme Fressencourt.
Au vu de ces éléments, l'existence d'une attitude de l'employeur caractérisant un acharnement ou un simple manquement à ses obligations de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement n'est pas établie.
Sur le second grief,
Mme X... a reçu de la société SAJE divers courriers relatifs à la procédure disciplinaire engagée à son encontre entre le 10 juin et le 31 juillet 2009 :- la lettre de convocation du 10 juin 2009 ne faisant pas référence à la mesure de licenciement envisagée a été remplacée par un second courier du 16 juin 2009,- l'entretien fixé initialement au 17 juin 2009 a été reporté au 22 juin à la demande de la salariée,- la lettre de licenciement du 1er juillet 2009,- l'employeur lui a envoyé le 3 juillet un courrier de convocation à un entretien fixé au 13 juillet dans le cadre d'une éventuelle rupture du préavis,- une nouvelle convocation a été adressée le 9 juillet 2009 au regard de l'arrêt de travail de la salariée,- l'entretien a été reporté au 27 juillet suivant courrier du 16 juillet 2009,- l'employeur a finalement annoncé par courrier du 31 juillet 2009 qu'il la dispensait de l'exécution du préavis jusqu'au 31 août 2009.
S'agissant de la procédure de licenciement, il est établi qu'elle était fondée sur des faits précis dont la matérialité n'était pas discutée, seul restant à apprécier leur caractère fautif ; que les courriers étaient justifiés par les exigences formelles de la loi et par des demandes légitimes de report de la salariée de sorte qu'ils ne peuvent en eux mêmes laisser présumer un harcèlement moral.
S'agissant de la procédure disciplinaire mise en oeuvre après la notification du licenciement le 1er juillet 2009, le fait qu'elle n'ait pas été menée à son terme ne suffit pas à caractériser un manquement fautif de la part de l'employeur de nature là encore à laisser présumer un harcèlement, alors au surplus qu'il résulte des pièces produites par la salariée (pièces 17 et 18) que l'employeur soupçonnait Mme X... " d'avoir commis une faute grave dans l'utilisation du réseau et du système informatique " avec la complicité de sa collègue Mme Y... et qu'il a finalement pris la décision de la dispenser de l'exécution du préavis, tout en lui maintenant sa rémunération jusqu'au 31 août 2009.
En ce qui concerne son état de santé, le médecin traitant a établi le 7 juillet 2009 un certificat duquel il ressort que " l'intéressée est suivie pour un syndrome anxiodépressif depuis juillet 2008. Elle se dit être victime de harcèlement moral au travail ; Elle a eté arrêtée pendant 15 jours en septembre 2008 pour anxiété sévère ayant nécessité l'ajout d'un anxiolytique à l'anti-dépresseur. "
Or le médécin ne met pas ainsi clairement en relation directe le syndrome anxiodépressif avec le harcèlement moral dont Mme X... s'était plainte auprès de lui.
Il est par ailleurs établi qu'à l'occasion d'une journée organisée par la société SAJE : Mme X... a été décrite comme " semblant en pleine forme, participant activement à toutes les animations, dansant et faisant la fête lors de la soirée ", la salarié " annonçait à de multiples reprises, tout au long de la journée et de la soirée qu'elle était déjà allée voir son médecin et qu'elle serait en arrêt maladie dès le lundi " selon Mme K..., avocate salariee de la SAJE.
Si le fait que Mme X... ait participé à une soirée festive le 20 septembre 2008 ne permet pas à lui seul de remettre en cause la réalité de sa souffrance morale pour laquelle elle a bénéficié d'un suivi médical depuis plusieurs mois, il doit être constaté qu'à cette même période, la salariée a eu à vivre un divorce qui n'a pu que l'affecter physiquement et psychologiquement ainsi que l'indique Me Grisillon, avocate salariée de la SAJE.
Il s'ensuit que Mme X... n'établit pas de faits qui, tant isolément que pris dans leur ensemble, sont de nature à laisser présumer le harcèlement moral dont elle se prévaut.
Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de nullité du licenciement et de sa demande indemnitaire du chef de harcèlement moral, par voie d'infirmation du jugement.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement,
L'article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse. Selon l'article L 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement du 1er juillet 2009 fixant les limites du litige est libellée ainsi :
" Nous vous informons de notre décision de vous licencier pour le motif personnel suivant : Non exécution et mauvaise exécution de vos tâches de travail accompagnées d'une insubordination caractérisée.
1) En effet, les erreurs sur les dossiers s'accumulent, sans compter les conséquences de celles-ci sur l'image de notre cabinet vis à vis de notre clientèle ou de nos partenaires. Pour exemples : * Dossier PA FINANCIERE : lorsque vous avez remis la plaquette des pièces originales revenant au client, à signature à Maître J..., vous y avez fait figurer un état de souscription au capital ouvrant droit à réduction d'impôt sur le revenu, incomplet et truffé d'erreurs (cf. documents gédés dans le dossier client) sans en informer Maître J.... La cliente, dans un courrier, nous indique au titre des erreurs, le report d'une adresse erronée au sujet de laquelle elle vous avait déja fait plusieurs remarques précédemment ainsi que son mécontentement ; * Dossier MRG : lors de la préparation du juridique annuel de l'exercice clos le 31 décembre 2008 de cette société, vous avez constaté que dans le PV d'AGOA portant sur l'exercice clos le 31 décembre 2007, la résolution portant sur le renouvellement des mandats des commissaires aux comptes n'avait pas été reprise. Sans en informer Maître J..., responsable dudit dossier, vous avez procédé vous-même à la rectification et envoyé le PV rectifié à Mr Stéphane C..., collaborateur comptable de SOREGOR qui suit le dossier, afin qu'il le refasse signer au client (votre mail à Stéphane C... du 20 mai 2009). Or, vous n'êtes pas habilitée à envoyer des documents juridiques à qui que ce soit sans l'aval du responsable du dossier au sein du cabinet. Il s'agit d'une règle essentielle et impérative dans le fonctionnement de notre structure. Dans les deux cas, cette manière d'agir n'est pas conforme aux règles de nos procédures internes et aux consignes de travail régulièrement rappelées, relevant une insubordination certaine de votre part. En outre, elle caractérise un comportement irresponsable et de dissimulation qui se rajoute à la mauvaise qualité récurrente de votre travail.
2) En sus des erreurs répétées relevées sur les dossiers, celles-ci s'accompagnent régulièrement d'un non-respect et d'une contestation du bien fondé des directives données par le responsable du dossier, ainsi qu'en témoignent les commentaires que vous laissez sur certains documents. Pour exemple : * Cession de parts sociales SCI DES ANGES : dans l'acte de cession : erreurs sur les noms des associés, plusieurs orthographes différentes dans le même document (vous précisez vous-même que vous auriez du mieux relire)- erreur sur le greffe d'immatriculation. Dans le PV d'agrément : erreur dans la dénomination sociale (" SCI DES ANGERS ") ;
* Cession de parts sociales SCP D'INFIRMIERS L... M... D... N... : 2 erreurs consécutives sur la forme de la société (SCP D'INFIRMIERS et non SCP d'infirmières ou d'infirmière) et 2 erreurs consécutives sur le greffe d'immatriculation de la société ; * Lettre de mission SARL LE RELAIS : erreur d'addition dans le calcul des frais, erreur sur le nom du client (Jérôme C... devient Stéphane C...) ; * Convention de sous-location KROMALAND-KROMATON : erreurs dans le nom du client (O... au lieu de P...) et vous précisez que vous avez " relu mais pas vu ! " ; * PV des décisions de la gérance LABORATOIRE D'ANALYSES MEDICALES BIO ANALYSES : fautes d'orthographes répétées (" à décidé " " à déclaré ") * Courriers aux créanciers opposants au prix de cession du fonds de commerce de Monsieur Didier E... : 2ème correction : vous tirez excuse du fait de travailler vite pour faire des erreurs... et vous demandez une justification sur la conservation des brouillons ! 2ème correction sur une faute d'orthographe : vous répondez " ca arrive, y a plus grave dans la vie ! " * PV d'AGOA FINANCIERE BAILLERGEAU FOUILLET : rappel des distributions de dividendes antérieures : erreur sur le nombre d'exercice (trois derniers devient premier exercice) et sur le montant distribué ; * Statuts à jour LABORATOIRE D'ANALYSES MEDICALES BIO ANALYSES : erreur dans la dénomination sociale (vous préciserez : " oups ! trop vite hier midi, désolée ") ; * Cession de parts sociales et changement de gérant A. T. A. : erreur dans le nom de l'acquéreur nécessitant de reprendre tous les actes : vous répondez " y a rien à comprendre... je suis sincérement désolée " et vous estimez " cassant et bien inutile " le commentaire " non relu " alors que c'est un reproche récurrent que l'on vous fait ; * Dossier de signature SNC LE RELAIS cession de parts sociales et transformation en SARL : on vous signale qu'il manque plusieurs pièces essentielles et vous répondez " personne n'est parfait et surtout pas moi ! ! ! " * PV de transfert du siège social et de mise à jour des statuts EVE-IMMO : erreur de date sur le PV, remarque du responsable du dossier : " non relu " : vous répondez " désolée, pas vu, mais le commentaire n'est pas nécessaire, surtout que pour un autre assistant tu ne l'aurais pas écrit ". Non seulement les fautes commises sont inadmissibles, mais encore, vos remarques sont révélatrices de votre comportement.
-3) Par ailleurs, l'inexécution et la mauvaise exécution de vos tâches de travail rejaillissent dans nos relations de travail avec le cabinet SOREGOR de SEGRE qui, à la suite de l'incident MRG, nous a notifié par mail sa décision de nous retirer la rédaction du secrétariat juridique annuel de plusieurs dossiers, ce qui ne pourra qu'occasionner une perte d'activité et de chiffres d'affaires pour notre cabinet.
4) Enfin, nous relevons aussi que la saisie de vos temps d'activité se révèle également défaillante faisant état, en sus, d'un irrespect des consignes de travail à ce titre confirmant un comportement d'insubordination inacceptable :- participation au repas raclette du bureau saisie en temps administratif le 5 février 2009 (fait dont nous avons eu connaissance en examinant vos fiches d'activité en juin) ;- temps saisis deux fois pour certaines interventions et, notamment : GED et formalités dans le dossier AUBRY PAYSAGE pour 4h en tout, paraphe du registre pour 3/ 4 d'heure ; option TVA dans le dossier FINDECO VANNES pour 3/ 4 d'heure, GED et formalités pour 2h, paraphe des registres pour 1h ;- vous saisissez le temps passé sur les lettres de mission en temps administratif alors qu'il vous a été demandé en réunion de la passer sur le client en temps de production avec un no prospect ; Sans compter que le temps passé sur les dossiers met en exergue votre lenteur et votre manque de concentration dans l'exécution de votre travail.
5) Nous vous rappelons que vous avez fait, notamment pour des faits similaires, l'objet d'un avertissement remis en main propres le 13 octobre 2008. Malgré cette sanction, la qualité de votre travail, les fautes commises sur les dossiers et votre comportement ne se sont pas améliorés et se sont même sérieusement dégradés. Cette conduite met en cause la bonne marche de l'entreprise. Pour l'ensemble de ces raisons, nous avons décidé de vous licencier pour cause réelle et sérieuse. "
Les motifs énoncés dans ce courrier sont mixtes : le licenciement est de nature disciplinaire en ce qu'il prétend sanctionner des fautes et d'autre part il est motivé par une insuffisance professionnelle caractérisée par une mauvaise exécution contractuelle.
1- Mauvaise exécution des tâches de travail :
L'insuffisance professionnelle, qui doit reposer sur des éléments concrets, se manifeste en ce qu'elle perturbe la bonne marche de l'entreprise ou le fonctionnement du service.
La société SAJE produit :- les extraits des dossiers invoqués dans le courrier de licenciement révélant des erreurs matérielles à l'occasion de la rédaction des actes confiés à Mme X...,- la procédure définissant les règles internes du processus du secrétariat juridique au sein du cabinet d'avocats de la société SAJE (pièce no16), dans sa version applicable au 2 juin 2010, prévoyant notamment " l'assistante juridique remet au titulaire du dossier la fiche de liaison et les projets de documents pour contrôle. La communication de ces documents aux différents destinataires concernés intervient après visa des projets et de corrections consécutives éventuelles. par envoi sous forme papier ou par mail en PDF "- l'attestation de Mme F... expert-comptable de la société SOREGOR selon laquelle " le manque de fiabilité de Mme X... dans son travail (erreurs répétées) comme dans son comportement (informations cachés) au cours de l'année 2009 et spécialement en juin 2009 m'ont dissuadée de confier une mission d'approbation de compte au cabinet SAJE, sa confiance étant ébranleé ".- le courrier du 3 juin 2009 de Mme G..., cliente du cabinet SAJE, se plaignant de la qualité du travail exécuté par Mme X..., notamment lors de la rédaction d'attestations destinées à l'administration fiscale " truffées d'informations erronées. " (pièce 15),- le compte-rendu de l'entretien du 25 juin 2009 établi par Me Q..., président de la SAJE (pièce 11 appelante) : " Mme X... ne nie pas les erreurs de forme, souligne qu'elle fait du mauvais travail à cause du comportement de Sylvie (J...) dont les remarques la déstabilisent. Sylvie lui en demande beaucoup trop sur la rédaction des actes et demande pourquoi elle lui fait des remarques sur le fond des actes. Sylvie lui répond qu'elle lui fait des remarques sur la forme et non sur le fond pour des actes qu'elle lui donne à établir à partir d'une chek-list " "- le tableau récapitulatif du temps de travail moyen passé par les assistantes juridiques du cabinet SAJE au cours de l'année 2008 (pièce 27 appelante), révélant une moyenne plus élevée pour Mme X....
Si Mme X... ne conteste pas avoir commis ses erreurs matérielles, la salariée justifie ses difficultés par :- la complexité des actes qui lui étaient confiés, ce qui est confirmé par Mme Y... " Mme X... était la seule secrétaire, à part Mme H..., à rédiger autant d'actes complexes " (compte rendu-de l'entretien individuel du 25 juin 2009 établi par Mme Y...)- le manque de temps pour relire : " Ai fait vite ! la prochaine fois, je partirais à l'heure et prendrais plus de temps, à quoi ça sert d'essayer de faire au mieux quand c'est pour ce genre de remarque ! Il va falloir une mise au point ! on fait tous des erreurs ! non ? et là franchement, l'ai fait pour que tu les aies à viser chez toi " (post-it document 23)- les remarques incessantes et les tensions existant avec Me J..., l'empêchant de travailler sereinement. " Tu m'as demandé pourquoi moins d'erreurs avec les autres, car moins de tension tout simplement. Et en ce moment, je ne veux aucun conflit. " (post-it document 18)- les autres tâches qui lui étaient dévolues comme la formation de ses collègues (Mme. H..., Mme Y...).
L'employeur ne remet pas en cause les allégations de Mme X... à propos :

- des difficultés rencontrées par le binôme formé avec Me J... depuis de nombreux mois : " les commentaires de Me J... sur le premier brouillon sont désagréables et destabilisant, ces commentaires à répétition entraînent un stress plus important pour Mme X... ce qui l'empêche de travailler sereinement. Cela fait un an que Mme X... demandait à Me J... de discuter pour régler le problème. Me J... réplique en disant que ça n'aurait servi à rien.. " (compte rendu entretien 25 juin 2009 pièce 12 intimée)- de l'absence de litige avec les autres avocats : " Me Q... et Me R..., n'ont pas de remarques sur les dossiers qu'ils avaient confié à Mme X.... " (compte rendu entretien du 25 juin 2009).
Les reproches formulés à l'encontre de Mme X..., assistante juridique de Me J... avocate salariée, correspondent à diverses erreurs matérielles commises sur des projets d'actes (" premiers brouillons ") soumis à la correction et la validation de sa supérieure hiérarchique. La lenteur et le manque de concentration reprochés à la salariée dans l'exécution de son travail correspondent à des notions purement subjectives de l'employeur qui doit fournir des éléments concrets à l'appui de son grief.
La société SAJE n'a pas justifié du profil de poste de Mme X... et de sa charge de travail au regard des autres assistantes juridiques au sein du cabinet. Le seul tableau du temps de travail moyen par dossier au cours de l'année 2008 est insuffisant pour apprécier l'organisation des postes de travail, la quantitié et la qualité des prestations assurées par la salariée par rapport à ses collègues. Les règles internes du processus du sécrétariat juridique applicables à l'époque du licenciement sont ignorées, l'employeur se bornant à fournir les règles modifiées le 2 juin 2010. Il ne justifie pas davantage des perturbations subies sur la bonne marche de l'entreprise en relation directe avec les erreurs répétées commises par Mme X.... Les allégations selon lesquelles le cabinet SOREGOR a pris la décision par mail de " retirer la rédaction du secrétariat juridicique annuel de plusieurs dossiers " ne sont pas confortées par le mail invoqué dans la lettre de licenciement. Mme F... expert comptable du groupe SOREGOR, auquel la société SAJE appartient, ne peut pas sérieusement invoquer le 25 janvier 2011 les insuffisances professionnelles de Mme X..., licenciée 18 mois plus tôt, pour justifier la perte de confiance dans le service juridique de la société SAJE.
L'employeur est donc défaillant dans la preuve de l'insuffisance professionnelle de la salariée.
2- Comportement fautif de la salariée.
L'employeur reproche à Mme X... d'avoir :- procédé, sans en avertir Me J... responsable du dossier MRG, à " la rectification d'un procès-verbal transmis à M. C... collaborateur comptable de la SOREGOR qui suit le dossier afin qu'il le fasse signer au client du cabinet (votre mail du 20 mai 2009) "- contesté le bien fondé des directives données par Me J...,- saisi ses temps d'activité de manière défaillante.
S'agissant du procès-verbal rectifié, Mme X... a expliqué lors de son entretien avoir pris contact avec son collègue M. C... du groupe SOREGOR après avoir découvert que le procès-verbal initial ne comportait pas la résolution sur le renouvellement des commissaires aux compte ; qu'elle en a averti Me J... par mail quelques jours plus tard ce que cette dernière n'a pas contesté lors de l'entretien du 25 juin 2009 (pièce 12 intimée).
A supposer que les règles internes applicables au 2 juin 2010 soient identiques à celles vigueur en mai 2009, ce qui n'est pas établi, et que la transmission du procès verbal nécessitait le visa de Me J..., l'employeur reste taisant sur les circonstances précises des conséquences préjudiciables d'un tel envoi. Le manquement fautif de Mme X... de nature à justifier un licenciement n'est pas établi de manière suffisante.
S'agissant des actes d'insubordination, l'employeur considére que les réponses de Mme X... en marge des annotations de Me J... étaient révélatrices d'un non-respect et d'une contestation du bien fondé des directives données par sa supérieure hiérarchique. Toutefois, les commentaires portés par l'assistante juridique : " oups ! trop vite hier midi désolée " " y a rien à comprendre, je suis sincèrement désolée, le commentaire est cassant et bien inutile " " désolée pas vu, mais le commentaire n'est pas nécessaire surtout que pour un autre assistant, tu ne l'aurais pas écrit " " personne n'est parfait et surtout pas moi " " ça arrive, y a plus grave dans la vie ", même si ils dénotent un désaccord sur la forme utilisée, ne comportent aucune remise en cause de Me J... ni propos injurieux, excessif ou blessant. Ils ne peuvent pas constituer un acte d'insubordination de la part de la salariée.
S'agissant de la saisie des temps d'activité, Mme X... a apporté des explications cohérentes lors de son entretien (pièce 12 intimée) :- elle a comptabilisé le temps de rédaction d'une lettre de mission en l'absence du numéro de client, ce qui a été régularisé ultérieurement,- le temps passé sur un même dossier en janvier 2009 correspondait à deux formalités distinctes,- le repas raclette était considéré comme du temps administratif, s'agissant d'un repas de bureau avec les autres assistants, ce qui est confirmé par Mme Y... (attestation 19). L'employeur, n'ayant fourni aucune pièce à l'appui, ne justifie pas de ses griefs.
En conséquence, les griefs n'étant pas établis, le licenciement doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les conséquences du licenciement
Il est donné acte à Mme X... de ce qu'elle renonce à sa demande de réintégration au sein de la société SAJE. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Mme X... justifiant d'une anciennetée de 2 ans et 6 mois dans une entreprise employant au moins onze salariés, peut prétendre aux termes de l'article L 1235-3 du code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. A la date du licenciement, elle percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de. 1 876. 33 euros. A l'issue d'une période de chômage, elle a obtenu en mars 2010 un contrat à durée déterminée de sécrétaire de direction de 5 mois, puis un poste stable d'assistante juridique. Compte tenu des circonstances de la rupture, de l'âge, de l'ancienneté du salarié et de sa capacité à retrouver un nouvel emploi au regard de sa formation et de son expérience professionnelle, la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer l'indemnité à la somme de 18 000 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,
Mme X... ne peut pas réclamer, en plus de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse allouée sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail, l'indemnité prévue à l'article L 1235-2 du même code, laquelle n'est due que lorsque le licenciement survient sans observation de la procédure de licenciement mais pour une cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,
A l'appui de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice distinct, Mme X... fait état de procédés vexatoires dans la mise en oeuvre ou les circonstances du licenciement. Aucun élément ne permet de caractériser une attitude fautive de l'employeur dans les circonstances ayant entouré la rupture du contrat de travail qui soit à l'origine d'un préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi. Par voie d'infirmation du jugement déféré, Mme X... sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice distinct.
Sur les autres demandes,
Les conditions d'application de l'article L 1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage payées à la salariée du jour de son licenciement et ce à concurrence de six mois.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme X... les frais non compris dans les dépens. La société SAJE sera condamnée à payer à la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile
Il sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant, publiquement et contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort,
INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a validé l'averissement du 13 octobre 2008, prononcé la nullité du licenciement pour harcèlement moral, condamné la société SAJE à payer à Mme X... la somme de 1 741 euros pour procédure irrégulière de licenciement, a ordonné la réintégration de la salariée dans les effectifs de la société SAJE et a condamné la société SAJE au paiement de la somme de 6 000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral.
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
DIT que l'avertissement du 13 octobre 2008 était injustifié
DEBOUTE Mme X... de sa demande en nullité de son licenciement et de ses demandes subséquentes.
DIT et JUGE le licenciement de Mme X... dépourvu de cause réelle et sérieuse
CONDAMNE la société SAJE à payer à Mme X... la somme de 18 000 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
DEBOUTE Mme X... de ses autres demandes.
CONFIRME le jugement entrepris en ses autres dispositions.
. ORDONNE le remboursement par la société SAJE aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à la salariée au jour de son licenciement au jour de l'arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
CONDAMNE la société SAJE à payer à Mme X... la somme de 2 000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel
CONDAMNE la société SAJE aux dépens de l'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/01359
Date de la décision : 30/06/2015
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-06-30;12.01359 ?
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