La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2015 | FRANCE | N°13/01255

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 23 juin 2015, 13/01255


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N cp/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 01255.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 08 Avril 2013, enregistrée sous le no F 12/ 00176

ARRÊT DU 23 Juin 2015

APPELANTE :
La Société COOPERATIVE DES AGRICULTEURS DE LA MAYENNE (CAM) 89 rue Magenta 53000 LAVAL
représentée par Maître COME, avocat au barreau de LAVAL

INTIMEE :
Madame Laurence X...... 53270 TORCE VIVIERS EN CHARNIE
non comparante-repré

sentée par Maître DELATOUCHE, avocat au barreau de LAVAL

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des ...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N cp/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 01255.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 08 Avril 2013, enregistrée sous le no F 12/ 00176

ARRÊT DU 23 Juin 2015

APPELANTE :
La Société COOPERATIVE DES AGRICULTEURS DE LA MAYENNE (CAM) 89 rue Magenta 53000 LAVAL
représentée par Maître COME, avocat au barreau de LAVAL

INTIMEE :
Madame Laurence X...... 53270 TORCE VIVIERS EN CHARNIE
non comparante-représentée par Maître DELATOUCHE, avocat au barreau de LAVAL

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mai 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Clarisse PORTMANN, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Clarisse PORTMANN, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 23 Juin 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :
Mme Laurence X... a été embauchée le 1er septembre 1996 par la coopérative des agriculteurs de la Mayenne en qualité d'employée de bureau à temps partiel (19 heures 30) par semaine.
Le 29 juin 2000, un premier avenant a été signé portant la durée hebdomadaire du travail à 4/ 5ième.
Un second avenant a été signé le 21 avril 2011 par lequel Mme Laurence X... est passée à temps plein pendant le congé maternité d'une collègue.
Par courrier du 15 décembre 2011, la coopérative des agriculteurs de la Mayenne a proposé à Mme Laurence X... une mutation à son siège social, situé à Laval, 89 boulevard Magenda, au service comptabilité fournisseurs, en lui rappelant que conformément à l'accord d'établissement, elle lui verserait des indemnités kilométriques et des indemnités de repas. Une réponse de la salariée était sollicitée pour le 2 janvier suivant.
Par courrier du 10 janvier, Mme Laurence X... a fait connaître à son employeur qu'elle ne pourrait aller travailler à Laval, invoquant qu'elle était suivie médicalement au CHU d'Angers et que le fait d'effectuer matin et soir 40 km lui occasionnerait " une fatigue supplémentaire donc une moins bonne rigueur " dans son travail.
Compte tenu du refus ainsi opposé, la coopérative des agriculteurs de la Mayenne convoquait la salariée à un entretien préalable qui s'est tenu le 31 janvier 2012.
Par courrier du 6 février 2012, Mme Laurence X... était licenciée pour faute grave. Après avoir rappelé l'évolution de la carrière de la salariée et les difficultés qui avaient été relevées, l'employeur indiquait :
" Nous allons au cours de l'année 2012 changer le logiciel sur ce secteur d'activité et ainsi engager un investissement important pour lequel nous devons être sûrs que nous arriverons à répondre aux contraintes du moment tout en gardant des capacités d'évolution. Nous vous avons dit lors de l'entretien que nous avons eu avec vous le 13 décembre 2011, au centre d'allotement d'Evron en présence de votre responsable, M. Y..., que nous ne pouvions vous maintenir au poste actuel pour les raisons évoquées ci-dessus et que par ailleurs nous avions au siège, à votre disposition un poste pour vous au service comptabilité de la Cam dans l'équipe comptabilité fournisseurs. Depuis plusieurs années j'attendais un poste que j'aurai pu vous proposer et correspondant à vos capacités. C'est la première fois que nous avons cette opportunité qui de plus entre dans les clauses de votre contrat de travail initial concernant le lieu de travail, sauf que ce n'est pas occasionnellement mais durablement. " Il explique ensuite la proposition faite à la salariée, avec les mesures d'accompagnement (dont une augmentation de salaire), précisant que le trajet en TER entre Evron et Laval dure vingt minutes et soulignant que Mme Laurence X... n'est pas venue travailler le 16 janvier à Laval. Il continue encore : " Devant votre refus, je vous ai proposé de prendre le poste en attendant que vous trouviez un autre travail sur Evron. Vous m'avez répondu que cela modifiait trop l'organisation de votre vie de famille et que cela venait s'ajouter à vos soucis de santé, bien que vous n'ayez jamais voulu être en arrêt de travail et que nous n'en étions pas reconnaissant.... Vous m'avez rappelé le mercredi 1er février 2012, jour où vous ne travaillez pas compte tenu de votre 4/ 5ième pour m'indiquer que vous souhaitiez réfléchir jusqu'au vendredi soir 3 février 2012 en prenant sur vos jours de congés ou de RTT. J'ai accepté. Vous m'avez rappelé le vendredi soir vers 18 heures pour me dire que vous ne viendriez pas au service comptabilité à Laval...
En conséquence, compte tenu de tous ces éléments et de l'impasse dans laquelle nous nous retrouvons, je suis au regret de vous informer par la présente, que j'ai décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave ".
Néanmoins, Mme Laurence X... se voyait accorder une indemnité de préavis et de licenciement.
Après réflexion, la salariée informait son employeur par courrier du 3 mars 2012 qu'elle souhaitait intégrer le poste de Laval. Elle se voyait répondre négativement le 15 mars 2012 par la coopérative des agriculteurs de la Mayenne, qui précisait avoir d'ores et déjà pris des engagements avec d'autres personnes.
Le 10 septembre 2012, Mme Laurence X... a saisi le conseil de prud'hommes de Laval aux fins de voir juger que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et obtenir la condamnation de son adversaire à lui payer à ce titre 25000 euros de dommages et intérêts outre une indemnité pour frais irrépétibles.
Par un jugement du 12 avril 2013, le conseil de prud'hommes de Laval a :
- dit que le licenciement de Mme Laurence X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse,- condamné la coopérative des agriculteurs de la Mayenne à verser la somme de 12000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, outre 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné la coopérative des agriculteurs de la Mayenne à rembourser aux organismes concernés deux mois d'allocation chômage,- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,- condamné la coopérative des agriculteurs de la Mayenne aux dépens et rejeté sa demande pour frais irrépétibles.
La coopérative des agriculteurs de la Mayenne a interjeté appel de cette décision par lettre recommandée postée le 3 mai 2013.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, aux dernières conclusions respectivement :
- du 4 mai 2015 pour la coopérative des agriculteurs de la Mayenne,- du 6 mai 2015 pour Mme Laurence X..., soutenues à l'audience, ici expressément visées et qui peuvent se résumer comme suit.
La coopérative des agriculteurs de la Mayenne demande à la cour :- de dire et juger que Mme Laurence X... a commis une faute grave justifiant son licenciement pour ce motif,- d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes dans toutes ses dispositions,- de condamner Mme Laurence X... à lui payer une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir en effet que la mutation d'un salarié dont le contrat ne prévoit pas de manière claire et précise que l'intéressé exécutera son travail exclusivement dans le lieu mentionné au contrat de travail, n'entraîne modification du contrat que si le nouveau lieu de travail se situe dans un secteur géographique différent, ce qui doit être apprécié objectivement.
Elle soutient que les services vétérinaires ayant, dans un rapport du 4 octobre 2011, relevé des non conformités pouvant conduire à la suspension de son agrément, elle se devait de prendre des mesures à l'égard de Mme Laurence X..., auxquels les manquements étaient imputables, soit en se séparant d'elle, soit en la reclassant dans un poste disponible, solution qu'elle a préférée. Or, selon elle, le lieu de travail de Mme Laurence X... n'était pas contractualisé et n'était d'ailleurs pas mentionné dans les avenants signés en 2000 et 2011, et les villes de Laval et Evron, que des trains relient en vingt minutes, sont dans le même secteur géographique, soulignant que son siège est tout près de la gare SNCF et que la nouvelle organisation permettait toujours de déposer ses enfants à l'école et de les récupérer le soir. Elle souligne que Mme Laurence X... a d'ailleurs finalement entendu accepter sa proposition. Enfin, la coopérative des agriculteurs de la Mayenne prétend que le fait qu'elle ait versé à la salariée les indemnités auxquelles elle ne pouvait prétendre en raison d'une faute grave ne la privent pas d'invoquer une telle faute.
Mme Laurence X... sollicite de la cour qu'elle confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Laval en ce qu'il a dit que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et ce qu'il lui a alloué une indemnité pour frais irrépétibles, mais qu'elle porte le montant des dommages et intérêts mis à la charge de l'employeur à 25000 euros et qu'elle condamne la coopérative des agriculteurs de la Mayenne à lui verser une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle prétend en premier lieu que le lieu de travail a été contractuellement défini comme étant Evron, de sorte qu'une mutation sur Laval ne pouvait lui être refusée.
Elle ajoute que son refus était motivé par des raisons médicales dûment justifiées, et des contraintes familiales et personnelles, puisqu'elle habite Sainte Suzanne, qu'elle a trois enfants à charge et un mari exerçant une activité à des horaires fixes et déterminés.
Elle soutient en deuxième lieu que les deux lieux de travail, situés à plus de trente minutes l'un de l'autre, ne sont pas dans le même secteur géographique, soulignant que la rupture doit être appréciée à la date du licenciement, de sorte que son employeur ne peut, selon elle, se prévaloir de son courrier du 3 mars 2012.
Elle fait également valoir que le fait que la coopérative des agriculteurs de la Mayenne lui ait reconnu un droit à préavis exclut la qualification de faute grave.
Pour justifier de son préjudice, elle fait valoir qu'elle n'a pas retrouvé immédiatement de travail, qu'elle a fait une formation et s'est installée ensuite sur une exploitation agricole dont elle retire un revenu de 1000 euros par mois.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
Toute modification du contrat de travail proposée par l'employeur ne peut intervenir qu'avec l'accord préalable, clair et non équivoque du salarié ; il s'en suit que le licenciement est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est fondé sur le seul refus du salarié d'accepter la modification de son contrat de travail.
En revanche, le changement des conditions de travail procède de l'exercice du pouvoir de direction de l'employeur et ne requiert pas l'accord du salarié, lequel doit s'y soumettre faute de quoi, il commet une faute de nature à justifier son licenciement.
Il est de principe que la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d'information à moins qu'il soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu.
En l'absence d'une telle clause, le changement de localisation intervenu dans le même secteur géographique constitue un simple changement des conditions de travail et non une modification du contrat de travail.
En l'espèce, le contrat de travail signé par Mme Laurence X..., née Z..., mentionnait à l'article 5, sous la rubrique " lieu de travail " : " le lieu de travail de Melle Z... est fixé à Evron et occasionnellement à Laval ". S'il ne peut être tiré de conséquence de ce que les avenants signés en 2000 et 2011, ne font plus mention du lieu de travail de la salariée, dès lors que toute clause non modifiée est présumée avoir été maintenue, en revanche, il n'apparaît pas que les stipulations ci-dessus rappelées font du lieu de travail un élément déterminant du consentement des parties, fixant de manière claire et précise un lieu d'exercice de l'activité professionnelle à Evron, alors qu'au contraire, il n'est pas exclu que Mme Laurence X... pourrait travailler à Laval.
Faute de contractualisation du lieu de travail, il convient donc de rechercher si la mutation de Mme Laurence X... d'Evron à Laval s'analysait en une modification du contrat de travail, c'est à dire si les deux établissements se trouvaient ou non dans le même secteur géographique.
Cette appréciation doit se faire objectivement en fonction de la situation des deux lieux de travail.
Or, en l'espèce, force est de constater que les deux lieux de travail sont situés dans le même département, qu'ils sont distants de 34 km, que le trajet en voiture entre ces deux sites est de 40 minutes et surtout que Laval fait l'objet de liaisons ferrovières aux heures d'entrée et de sortie du personnel, le trajet durant entre 16 et 26 minutes suivant les trains, étant souligné au surplus qu'il n'est pas contesté que le siège social de la coopérative des agriculteurs de la Mayenne est près de la gare de Laval.
Ils sont donc situés dans le même secteur géographique.
Par suite, Mme Laurence X... ne pouvait refuser sa mutation.
En refusant, elle a commis une faute. Compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise, des difficultés qu'allait induire sur le plan personnel cette modification, au regard notamment de la prise en charge de ses trois enfants mineurs, mais aussi des raisons médicales dûment justifiées par un certificat établi par le Docteur B... du Chu d'Angers, et un autre émanant du médecin du travail, qui ont conduit la salariée à se positionner de la sorte, non sans hésiter, ainsi que le prouvent les délais qu'elle a pris pour prendre sa décision, avant de revenir sur celle-ci, il apparaît que cette faute ne peut être considérée comme grave, indépendamment du moyen inopérant tiré de ce que l'employeur a versé à Mme Laurence X... une indemnité de préavis et une indemnité de licenciement. Cependant cette faute justifiait suffisamment la rupture du contrat de travail.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Partie succombante, Mme Laurence X... supportera les entiers dépens de première instance et d'appel. L'équité commande en revanche de ne pas faire application à son encontre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant en matière sociale, publiquement et contradictoirement,
- Infirme le jugement rendu le 8 avril 2013 par le conseil de prud'hommes de Laval en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- Dit que le licenciement de Mme Laurence X... repose sur une cause réelle et sérieuse ;
- Déboute Mme Laurence X... de toutes ses demandes,
- Rejette les demandes pour le surplus,
- Condamne Mme Laurence X... aux dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/01255
Date de la décision : 23/06/2015
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-06-23;13.01255 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award