COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02736.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 09 Novembre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00127
ARRÊT DU 09 Juin 2015
APPELANTE :
Madame Elisabeth X...... 49310 VIHIERS
comparante-assistée de Maître Stéphanie CHOUQUET-MAISONNEUVE de la SCP AGIR AVOCATS, avocats au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
L'Association EPHAD VIVRE ENSEMBLE 2, rue Rose Giet 49310 LA SALLE DE VIHIERS
représentée par Maître FOLLEN de la SCP LEXCAP-BDH, avocats au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Avril 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Clarisse PORTMANN, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Clarisse PORTMANN, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 09 Juin 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE :
L'association Vivre ensemble est le résultat de la fusion intervenue en 2010, en une unique entité juridique, de deux associations antérieures :- l'association Rose Giet-et l'association Regina Mundi. Cette association gère 3 maisons de retraite (E. H. P. A. D.) sur trois sites différents :- Rose Giet-Regina Mundi-et l'Angevinière.
A compter du 05 mai 2008, le Directeur de l'Association est Monsieur Christian A....
Ce dernier a démissionné le 14 juillet 2012.
Le 12 décembre 2007, Madame Elisabeth X...est embauchée par l'association Rose Giet en qualité de chargée de mission qualité des soins, selon contrat à durée déterminée à temps partiel (28 heures hebdomadaires) jusqu'au 31 juillet 2008, moyennant un salaire brut mensuel de 2 286, 26 euros pour 121, 33 heures de travail.
Par avenant no1 du 2 mai 2008, la durée du travail de Elisabeth X...est temporairement modifiée du 05 mai 2008 au 31 mai 2008 pour atteindre un temps complet (35 heures hebdomadaires) pendant cette période, en raison de la nécessité de « pallier aux besoins infirmiers qui s'avèrent nécessaires pour le bon fonctionnement du service ».
Le 18 août 2008, Elisabeth X...est réengagée par l'association Rose Giet en qualité de référente infirmière, toujours selon contrat à durée déterminée à temps partiel (28 heures hebdomadaires) et ce jusqu'au 14 décembre 2008, moyennant un salaire brut mensuel de 2 330, 54 euros pour 121, 33 heures de travail.
Par avenant no1 du 11 décembre 2008, le contrat à durée déterminée du 18 août 2008 est renouvelé jusqu'au 31 décembre 2008.
Elle est finalement réengagée le 23 février 2009 par l'association Rose Giet en qualité de référente infirmière, mais cette fois selon contrat à durée indéterminée à temps partiel (21, 87 heures hebdomadaires), avec un salaire brut mensuel de 1 820, 75 euros pour 94, 79 heures de travail.
Madame X...est parallèlement engagée à la même date par l'Association Regina Mundi :- également en qualité de référente infirmière-et également selon contrat de travail de travail à durée indéterminée. La durée du travail est de 13, 13 heures hebdomadaires (soit 56h88 par mois) et sa rémunération mensuelle est de 1 092. 57 euros bruts. Le cumul des deux contrats à durée indéterminée permet à Elisabeth X...de bénéficier d'un temps complet.
Le 1er janvier 2010, les contrats de travail de Madame X...sont transférés vers la nouvelle association Vivre ensemble, regroupement des associations Rose Giet et Regina Mundi.
Aucun contrat de travail écrit avec l'association Vivre ensemble ne sera soumis à la signature de Elisabeth X....
De septembre 2010 à juin 2011, Elisabeth X...bénéficie d'une formation professionnelle de « infirmière référente », sur son temps personnel.
Du 25 mai au 12 juin 2011, elle est en arrêt de travail en raison d'un « syndrome anxieux réactionnel à des problèmes professionnels ».
L'association Vivre ensemble et Elisabeth X...décident de mettre fin à leurs relations contractuelles qui les lient par la signature, le 29 juin 2011, d'une convention de rupture conventionnelle, laquelle et homologuée le 28 juillet suivant par la DDTEFP.
Le 23 septembre 2011, Elisabeth X...a saisi le conseil de prud'hommes de Saumur pour obtenir le paiement d'une prime correspondant à un demi mois de salaire, le paiements d'heures supplémentaires, l'annulation de la rupture conventionnelle de son contrat de travail, et la condamnation de l'employeur à lui verser une indemnité de préavis, des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, des dommages et intérêts pour préjudice moral et pour préjudice financier.
Par un jugement du 09 novembre 2012, le conseil de prud'hommes a :- condamné l'association Vivre ensemble à verser à Elisabeth X...la somme de 166 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires-débouté la salariée de l'intégralité de ses autres demandes.
Par lettre recommandée postée le 13 décembre 2012, Elisabeth X...a interjeté appel de cette décision dont elle avait reçu notification le 20 novembre précédent.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, aux dernières conclusions respectivement :- du 28 avril 2015 pour Elisabeth X...,- du 30 mars 2015 pour l'association Vivre ensemble, soutenues à l'audience, ici expressément visées et qui peuvent se résumer comme suit.
Elisabeth X...demande à la cour de :- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saumur le 09 novembre 2012,- de dire et juger que les contrats à temps partiel doivent être requalifiés en contrat à temps complet,- de dire et juger que les contrats à durée déterminée doivent être requalifiés en contrat à durée indéterminée,- en conséquence, de condamner l'association Vivre ensemble à lui verser les sommes suivantes : * la somme de 3 525. 17 euros bruts à titre de rappels de salaires pour la période du 12 décembre 2007 au 31 juillet 2008 (à exclure la période du 05 au 31 mai 2008 travaillée et payée à temps complet), congés payés et indemnité de fin de contrat inclus, *la somme de 3 146. 61 euros bruts à titre de rappels de salaires pour la période du 18 août au 31 décembre 2008, congés payés et indemnité de fin de contrat inclus, *la somme de 2 913 euros nets (un mois de salaire brut à temps complet) au titre de l'indemnité de requalification au titre du contrat du 12 décembre 2007, * la somme de 2 913 euros nets (un mois de salaire brut à temps complet) au titre de l'indemnité de requalification du contrat du 18 août 2008, *la somme de 6 498. 43 euros bruts à titre de rappel de salaires pour la période du 1er au 17 août 2008 et du 1er janvier 2009 au 22 février 2009, outre la somme de 649, 84 euros bruts à titre de congés payés.- annuler la rupture conventionnelle et dire et juger que la rupture produit les effets d'un licenciement abusif,
- en conséquence, condamner l'association Vivre ensemble à lui verser les sommes suivantes : *prime exceptionnelle : 1 650 euros bruts *congés payés y afférents : 165 euros bruts *dommages et intérêts pour violation du principe d'égalité de traitement : 1 500 euros, *indemnité compensatrice de préavis : 6 400 euros bruts, *congés payés y afférents : 640 euros bruts, *indemnité de licenciement : 2 460. 44 euros, *dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 25 000 euros, *dommages et intérêts en réparation du préjudice moral : 25 000 euros,- condamner l'association Vivre ensemble à rembourser aux organismes concernés les allocations de chômage qui lui ont été payées en application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail,- condamner l'association Vivre ensemble à lui verser les sommes suivantes : *5 000 euros nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour lui avoir imposé une modulation du temps de travail non autorisée, *5 000 euros nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour lui avoir imposé un remplacement du paiement des heures supplémentaires par un repos compensateur de remplacement, *19 200 euros nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,- ordonner à l'association Vivre ensemble de lui remettre les documents de fin de contrat rectifiés,- de condamner l'association Vivre ensemble à lui verser la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens.
Elle fait valoir en premier lieu que les contrats de travail à temps partiel des 12 décembre 2007 et 18 août 2008 ne faisaient pas mention des horaires de travail, que ceux-ci variaient et qu'elle ne pouvait pas prévoir à quel rythme elle devait travailler chaque semaine, de sorte qu'elle se devait de rester à la disposition permanente de l'association qui organisait les emplois du temps en fonction des besoins de l'Ephad. Elle en déduit qu'ils doivent être requalifiés en contrat de travail à temps complet et lui ouvrir droit à un rappel de salaire.
Elle prétend en deuxième lieu qu'ils n'ont pas été conclus dans l'un des cas de recours visés à l'article L. 1242-2 du code du travail, ce qui doit conduire, s'agissant de contrats non successifs, à la requalification de chacun d'eux en contrat de travail à durée indéterminée, et au paiement de deux indemnités de requalification.
Elle demande en troisième lieu le paiement des périodes interstitielles, soutenant qu'elle a du, pendant celles-ci, rester à la disposition de son employeur.
S'agissant de la rupture de son contrat de travail, elle prétend que son consentement n'était pas libre au moment de la signature de celle-ci, dès lors qu'elle se trouvait fragilisée psychologiquement par les faits de harcèlement moral dont elle faisait l'objet, et qui ont consisté :- à lui refuser la prime exceptionnelle accordée en raison de la charge de travail induite par la création d'une nouvelle association, à laquelle elle a participé, et ce, au mépris du principe de l'également de traitement,- à lui faire supporter une charge de travail alourdie et non indemnisée,- à la mettre à l'écart en mai 2011 par mesure de rétorsion à ses demandes pour faire valoir ses droits. Elle sollicite donc que lui soient allouées une indemnité de licenciement, une indemnité de préavis et des dommages et intérêts pour rupture abusive, soulignant qu'elle est restée sans emploi pendant vingt mois. Elle ajoute que le harcèlement moral dont elle a été victime lui a causé un préjudice moral distinct, dont elle sollicite l'indemnisation.
En ce qui concerne les heures supplémentaires, elle fait valoir que la modulation du temps de travail sur quatre semaines n'était pas autorisée, faute d'accord d'entreprise ou d'accord de branche étendue, soulignant que devant les premiers juges, l'association Vivre ensemble a fait l'aveu de ce qu'elle n'appliquait pas de convention collective. Elle soutient encore que l'intimée ne peut pas plus revendiquer un aménagement du temps de travail sur le fondement de l'article D3112-7-1 du code du travail puisqu'elle n'a jamais établi le moindre programme indicatif de la variation de la durée du travail. Elle estime donc que la modulation " sauvage " imposée par l'association n'avait pas lieu d'être et que cette situation lui a causé un préjudice moral. Elisabeth X...prétend en outre que le remplacement des heures supplémentaires par un repos compensateur de remplacement n'était pas autorisé, faute d'être prévu par un accord collectif et de consultation des représentants du personnel. Cette situation l'a privée non seulement du paiement des heures supplémentaires mais aussi du bénéfice de la contrepartie obligatoire en repos. Soutenant que l'association savait qu'elle avait à réaliser des heures supplémentaires et qu'elle se refusait à les faire figurer sur son bulletin de salaire, elle réclame une indemnité pour travail dissimulé.
L'association Vivre ensemble sollicite l'infirmation du jugement entrepris, le rejet des demandes de Elisabeth X...et sa condamnation à lui verser une somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
S'agissant des contrats de travail à temps partiel, elle précise que leur non conformité n'entraine qu'une présomption simple de temps complet. Or, elle prétend rapporter la preuve qu'Elisabeth X...avait connaissance de sa durée de travail et de la répartition de ses horaires, soulignant qu'elle n'avait jamais émis la moindre revendication sur ce point avant l'instance d'appel. Elle estime qu'aucune requalification n'est encourue du seul fait que les parties ont, par avenant, porté pendant un temps limité la durée du temps de travail à 35 heures. En ce qui concerne la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, elle prétend qu'une seule indemnité peut être réclamée. Enfin, elle s'oppose à la demande en paiement des salaires pour les périodes interstitielles dès lors que la salariée n'établit pas, selon elle, qu'elle s'est tenue à la disposition de son employeur.
En ce qui concerne la rupture conventionnelle, elle soutient que seul un vice du consentement pourrait entacher sa validité. Or, tel ne serait pas le cas en l'espèce, Elisabeth X...ayant été assistée d'un représentant du personnel et ayant discuté les conditions de la rupture. L'intimée conteste avoir commis des actes de harcèlement moral. Elle fait valoir en effet que la prime d'un demi mois de salaire n'a été accordée qu'aux cadres au forfait jour, en raison du surcroît de travail induit par la fusion des associations, ce qui les a conduit à dépasser leur obligation de présence. Elle indique que la salariée n'a pas fait l'objet de mesures de rétorsion, mais qu'en raison de la remise en cause par Elisabeth X...de son accord sur les fiches de fonction, elle a dû revenir sur les missions qui lui avaient été confiées.
Pour les heures supplémentaires, l'association fait valoir qu'un accord de branche du 1er avril 1999 lui permettait de procéder à une modulation du temps de travail et que la situation a été profitable à la salariée qui a bénéficié de la récupération et du paiement d'un nombre d'heures supérieures à celles réalisées. Elle ajoute que Elisabeth X...disposait d'une grande autonomie pour gérer son temps de travail.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
I-Sur les contrats à durée déterminée :
A/ Sur la requalification des contrats à temps partiel en contrat à temps complet :
Aux termes de l'article L. 3123-14 du code du travail : « Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne : 1o La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; 2o Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ; 3o Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié (...) ».
Lorsque qu'un salarié a été mis dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler chaque mois et s'est trouvé dans l'obligation de se tenir en permanence à la disposition de l'employeur, son contrat à temps partiel doit être requalifié en contrat à temps complet. L'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet. À l'employeur qui conteste cette présomption simple de démontrer que le contrat a bien été conclu à temps partiel conformément à l'article L. 3123-14 du code du travail : il doit rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition.
Or, si les contrats signés par Elisabeth X...les 12 décembre 2007 et 18 août 2008 mentionnent que la salariée est engagée pour une durée de 28 heures par semaine, soit 121, 33 heures par mois, aucun des deux n'indique la répartition du travail.
Par suite, il apparaît que la relation de travail est présumée à temps complet.
Pour établir que tel n'était pas le cas et qu'Elisabeth X...n'était pas dans l'obligation de se tenir en permanence à sa disposition, l'association Vivre ensemble se prévaut, d'une part, d'une lettre envoyée à la salariée avant la signature du second contrat, et qui mentionne un " exercice professionnel à temps partiel (80 % ou 28 h 00 par semaine, répartis en quatre jours, soit les lundi, mardi, jeudi et vendredi), et, d'autre part, de la fiche de poste élaborée lors de sa première embauche, laquelle prévoit qu'elle devrait optimiser le planning de l'équipe de soins. Cependant, force est de constater que l'employeur ne démontre pas que de manière constante, Elisabeth X...travaillait les lundis, mardis, jeudis et vendredis. Au contraire les fiches établies par Elisabeth X..., et qui récapitulent les horaires effectivement réalisés par elle, font apparaître que la salariée travaillait régulièrement le mercredi. Le seul fait qu'elle ait pu participer à l'élaboration des plannings, avec une anticipation que la cour n'est pas en mesure de déterminer, ne saurait suffire à démontrer qu'elle n'était pas tenue de rester à la disposition de son employeur tous les jours de la semaine.
Par suite, l'association Vivre ensemble succombant dans la preuve qui lui incombe, il convient de requalifier la relation de travail en travail à temps complet.
Au regard des bulletins de salaire produits par Elisabeth X...et en l'absence de contestation du calcul établi par elle, celui-ci doit être retenu.
Il apparaît donc que la salariée est fondée à réclamer un rappel de salaire de 2937, 65 euros pour la période du 12 décembre 2007 au 31 juillet 2008 et 2622, 17 euros pour la période du 18 août au 31 décembre 2008, outre les congés payés y afférents et l'indemnité de fin de contrat.
B/ Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée et sur l'indemnité de requalification :
L'article L. 1242-1 du code du travail dispose : « un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ».
Selon l'article L. 1242-2 du même code : « (...) un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants : 1o Remplacement d'un salarié en cas : a) D'absence ; b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ; c) De suspension de son contrat de travail ; d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe ; e) D'attente de l'entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ; 2o Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ; 3o Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ; (¿) »
L'article L. 1245-1 du Code du Travail dispose que : « est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1242-1 à L. 1242-4 du Code du Travail ».
Le contrat de travail à durée déterminée du 12. 12. 2007 au 31. 07. 2008 mentionne qu'Elisabeth X...a été embauchée en qualité de chargée de mission qualité des soins « pour la restructuration et la coordination de l'équipe soignante pluridisciplinaire, selon l'intitulé de sa mission accordée par la DDASS » (article II).
Ce motif ne correspond à aucun des cas de recours de l'article L 1242-2 du code du travail.
Il est de même du contrat de travail à durée déterminée du 18. 08. 2008 au 31 décembre 2008 qui précise uniquement que l'appelante a été embauchée en qualité de référente infirmière pour « exercer les fonctions de responsable d'unité d'accompagnement et de soins » (article II).
L'embauche d'Elisabeth X...s'inscrit donc dans le cadre de l'activité normale et permanente de l'Association. Elle a d'ailleurs été finalement été embauchée en contrat à durée indéterminée à compter du 23 février 2009.
En conséquence, et peu important à cet égard que les deux contrats de travail aient été séparés par une période de dix huit jours, dont la salariée demande d'ailleurs le paiement, il apparaît que c'est la relation de travail entre les parties qui doit être requalifiée comme étant à durée indéterminée depuis le 12 décembre 2007
Selon les dispositions de l'article L. 1245-2 du Code du Travail : « lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, (¿). Lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire ».
En application de ces dispositions, il convient de condamner l'association Vivre ensemble à verser à Elisabeth X...une somme de 2913 euros, sur la base du dernier salaire à temps complet, étant précisé que cette somme s'analyse en des dommages et intérêts pour l'application des règles sociales et fiscales, mais qu'il n'entre pas dans les pouvoirs de la cour de décider qu'elle en sera exonérée, et ce d'autant plus que les organismes collecteurs ne sont pas à la cause.
C/ Sur le paiement des salaires pour les périodes intercalaires :
En cas de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, il appartient au salarié qui réclame le paiement des périodes non travaillées d'établir qu'il s'est tenu à la disposition de son employeur.
Or, cette preuve ne saurait résulter du seul fait que la salariée n'a perçu, pendant ces périodes, aucun autre revenu, dès lors qu'il peut s'agir d'un choix de sa part.
Cette preuve est d'autant moins rapportée en l'espèce qu'Elisabeth X...justifie elle-même qu'elle a été informée dès le 7 août 2008 qu'elle serait embauchée à compter du 18 août suivant, et dès le 21 janvier 2009 qu'elle serait recrutée à partir d'une date prévisionnelle fixée au 23 février 2009, de sorte qu'elle n'était pas tenue, au cours des périodes non travaillées, de se tenir à la disposition de son employeur, pouvant exercer un emploi ou bien vaquer à des obligations personnelles.
Ce chef de demande sera par suite rejeté.
II-Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail : " Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".
En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de démontrer que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement mais que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Elisabeth X...invoque, comme éléments de harcèlement :- le refus de lui verser la prime exceptionnelle occasionnée par la création de l'association Vivre ensemble et la création de la nouvelle résidence l'Angevinière, au mépris du principe d'égalité de traitement.- une charge de travail alourdie,- des mesures de rétorsion prises à la suite de son courrier de réclamation du 3 mai 2011, mesures ayant consisté à lui retirer les gardes administratives, la délégation qu'elle venait de se voir confier, à ne plus envisager sa nomination comme cadre et à ne plus l'associer systématiquement aux réunions institutionnelles.
Ces éléments sont effectivement établis.
En effet, par décision du 7 juin 2010, le conseil d'administration de l'association a décidé d'allouer une prime exceptionnelle au titre de la surcharge de travail occasionnée par la création de l'Ephad Vivre ensemble aux salariés concernés. Sa décision est motivée comme suit : " La création de la nouvelle association gestionnaire de l'Ehpad " vivre ensemble " d'une part, et la construction de la nouvelle résidence " L'Angevinière " d'autre part, ont conduit des cadres et des salariés de l'établissement à se mobiliser et à s'impliquer tout particulièrement dans la mise en oeuvre et la réussite des projets. M. A..., directeur, soumet au conseil d'administration une liste des salariés concernés et propose les montants qui pourraient leur être alloués. Le conseil d'administration, après échange, fixe les montants et décide que puisse être versée, à titre exceptionnel, une prime forfaitaire de 150 euros. Pour le personnel d'encadrement concerné par le versement d'une prime, son montant est fixé différemment et son attribution scindée en deux parties... "
Il est constant qu'Elisabeth X...n'a pas reçu cette prime.
L'employeur peut attribuer une augmentation de salaire, une prime ou un avantage à certains salariés si tous les salariés placés dans une situation identique au regard de l'avantage en bénéficient et si les règles déterminant son octroi sont préalablement définies et contrôlables, ce qui suppose qu'elles soient portées à la connaissance des salariés concernés.
L'employeur ne peut opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation de justifier une inégalité de rémunération ou de traitement.
La seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence.
A la lecture du procès-verbal du conseil d'administration du 7 juin 2010, force est de constater que ce qui motive le versement d'une prime, c'est le fait de s'être impliqué tout particulièrement dans la mise en ¿ uvre et la réussite du projet de regroupement des deux Ehpad.
Or, comme en témoigne Madame Dominique B..., membre de l'équipe de direction, « Elisabeth X...est évidemment concernée par l'augmentation conséquente de la charge de travail, car au-delà de cette charge de travail, c'est la nécessité de travailler à tous les aspects et conséquences de la fusion, bien au-delà des missions attendues d'une infirmière référente. À cette même période, Elisabeth X...est sollicitée sur l'élaboration du projet d'établissement et pour la préparation conséquente de l'ouverture de l'EHPAD situé à la Jumellière. Elle assiste régulièrement aux réunions de chantier, prévoit les infrastructures non seulement à l'infirmerie mais aussi le salon de coiffure, la lingerie, le choix du mobilier, la décoration ¿ ».
En conséquence, rien ne vient justifier la différence de traitement entre Elisabeth X...et les autres salariés, tous ayant participé à l'effort nécessaire dans la mise en ¿ uvre de la création de l'Ehpad Vivre ensemble.
En revanche, la différence entre la situation des salariés soumis à un forfait jour, donc ne pouvant récupérer les heures supplémentaires, et les autres, justifiaient la différence dans le montant des primes (un demi mois de salaire pour les premiers, et 150 euros pour les autres). Même si elle faisait partie de l'équipe de direction, Elisabeth X...n'était pas au forfait jour. Elle ne pouvait donc prétendre qu'à une prime de 150 euros, que néanmoins elle n'a pas perçue malgré ses demandes (courriel du 30 mars 2011, lettre du 3 mai 2011). Il doit être ajouté qu'il n'est aucunement démontré que M. A...n'était pas au forfait jour, la seule production par Elisabeth X...des bulletins de salaire de l'intéressé, ne permettant pas de l'établir dès lors qu'il est constant qu'il avait le droit d'être rémunéré de ses gardes administratives, étant précisé que l'intimée accepte de s'expliquer sur ces pièces plutôt que d'en solliciter le rejet compte tenu des conditions dans lesquelles elles auraient été obtenues.
Il résulte des fiches de poste et d'un document intitulé " évolution administrative au 1er avril 2011 ", qu'Elisabeth X...s'est vu alors attribuer la fonction de " référente de site Regina Mundi ", ce qui n'apparaissait pas dans les documents précédents, et qui la conduisait notamment à assumer la gestion administrative des résidents et des salariés, à servir d'interlocuteur privilégié aux familles, aux résidents, aux prestataires extérieurs, aux bénévoles.
Enfin, alors qu'elle avait demandé, par courrier du 3 mai 2011, le versement de la prime susvisée, la reconnaissance de la modification de son contrat de travail au regard des nouvelles missions qui lui étaient confiées et une indemnisation pour la responsabilité d'un site, ainsi que le paiement des heures de gardes effectuées le vendredi soir, Elisabeth X...s'est vu répondre, par courriers du 19 mai 2011 :- par le président de l'association : que l'employeur ne reviendrait pas sur l'attribution de la prime exceptionnelle, et n'envisageait plus de la nommer comme cadre à l'issue de sa formation,- par le directeur, qu'il lui retirait sa délégation à effet du 1er juin 2011, ainsi que les gardes administratives, tout en acceptant de régulariser celles dues pour le passé par le versement d'une somme de 270 euros. Ces mesures ont été le jour même portées à la connaissance des autres salariés, donc avant qu'Elisabeth X..., dont il n'est pas contesté qu'elle était en formation, en ait été informée. En outre, il lui a été indiqué par courrier du 21 juin 2011 qu'elle ne participerait plus de manière systématique aux réunions institutionnelles.
Parmi ces faits, force est de constater que l'accroissement de ses fonctions a été accepté par Elisabeth X...qui a signé les nouvelles fiches de poste et accepté les délégations qui lui étaient consenties. Il ne s'agit donc pas d'un fait de nature à laisser présumer un harcèlement.
En revanche, s'agissant du refus de verser à Elisabeth X...une prime à laquelle elle pouvait manifestement prétendre et des décisions prises les 19 mai et 21 juin 2011, ces mesures, prises dans leur ensemble, sont de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte aux droits et à la dignité de la salariée, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. C'est d'autant plus vrai que l'appelante produit des documents médicaux attestant qu'elle a consulté, en mai et juin 2011 un psychiatre pour un " syndrome anxieux attribué à des soucis professionnels ", qu'elle a eu, en juin et juillet 2011, un suivi psychologique et qu'elle a été en arrêt de travail du 24 mai au 12 juin 2011 pour " un syndrome anxieux réactionnel à des problèmes professionnels ". Ses proches (amie, époux et mère) attestent d'ailleurs de son mal être.
Il incombe donc à l'employeur d'établir que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement mais que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Or, force est de constater :- qu'il ne justifie pas pour quelle raison il ne lui a pas versé de prime en juillet 2010,- que s'il pouvait déplorer que, comme il l'indique, Elisabeth X...n'ait pas fait valoir ses revendications salariales au moment où lui a été donnée une délégation de pouvoir, il pouvait se borner à refuser purement et simplement ses demandes, sans avoir à prendre des mesures qui apparaissent manifestement comme des mesures de rétorsion et qui ont consisté à retirer à la salariée un certain nombre de ses fonctions ou responsabilités (gardes administratives effectuées depuis 2009, participation aux réunions institutionnelles) et à revenir sur ce qui avait été envisagé un temps, comme le prouve la formule " nous n'envisageons plus ", à savoir de la faire passer cadre à l'issue de la formation qu'elle avait entreprise sur son temps personnel.
L'employeur succombant dans la charge de la preuve qui lui incombe, l'existence d'un harcèlement moral doit être retenue. Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.
Au regard des attestations produites par la salariée, des certificats médicaux, de l'arrêt de travail qu'elle a eu du 8 novembre 2011 au 2 avril 2012, il convient de condamner l'employeur à lui verser une somme de 6000 euros à titre de dommages et intérêts. Il devra également lui payer la prime de 150 euros à laquelle elle pouvait prétendre, outre les congés payés y afférents. En revanche, la violation par l'association Vivre ensemble du principe de l'égalité de traitement, qui n'est qu'un élément du harcèlement auquel elle s'est livrée, n'apparaît pas avoir causé à Elisabeth X...un préjudice distinct de celui d'ores et déjà indemnisé dans la cadre du harcèlement subi. Cette demande sera donc rejetée.
III-Sur le problème des heures supplémentaires :
La salariée ne réclame plus le paiement d'heures supplémentaires mais formule une demande nouvelle de dommages et intérêts.
Il convient, à titre préliminaire, de relever que même si, en première instance, l'association Vivre ensemble a soutenu qu'aucune convention collective ne s'appliquait au sein de ses établissements, elle peut toujours invoquer un accord collectif étendu.
Cependant, et en premier lieu, celui dont elle se prévaut, à savoir l'accord de branche sanitaire, sociale et médico-sociale à but lucratif étendu, ne vise pas dans son champ d'application les associations, qui, comme l'intimée, ont pour code NAF 8710A (maisons médicalisées pour personnes âgées), de sorte qu'il n'apparaît pas lui être applicable.
En tout état de cause, et en deuxième lieu, l'association Vivre ensemble ne justifie pas avoir mis en place le programme annuel, ni la programmation mensuelle, trimestrielle, semestrielle ou annuelle du travail prévue à l'article 11-5-2 de l'accord collectif, puis la programmation annuelle prévue à l'article 11-4 suite à l'entrée en vigueur de l'avenant no1.
Enfin, si Elisabeth X...a été recrutée avant l'entrée en vigueur de la loi no2008-789 du 20 août 2008, il apparaît que l'employeur ne justifie d'aucune consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel permettant la mise en place d'une répartition du travail pluri hebdomadaire, ni de la mise en place d'un calendrier. Les dispositions de l'article D. 3122-7-1 du code du travail n'ont donc pas vocation à s'appliquer.
Par suite, il apparaît que la durée du travail de Elisabeth X...était à apprécier sur 35 heures par semaine. En lui imposant une modulation non autorisée, l'association Vivre ensemble a commis une faute qui a causé à la salariée un préjudice qui sera justement évalué à la somme de 1000 euros.
Elisabeth X...ne sollicite plus le paiement d'heures supplémentaires, étant observé que son tableau récapitulatif (pièce 85) fait apparaître qu'elle a récupéré plus d'heures que d'heures effectuées au dessus de 35 heures.
Cependant, il n'en demeure pas moins que l'association Vivre ensemble a imposé un repos compensateur en contrepartie des heures supplémentaires, sans pouvoir justifier d'une convention ou d'un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou d'une convention ou accord de branche en méconnaissance de l'article L. 3121-24 du code du travail, ce qui a conduit à ce que ces heures " récupérées " ne s'imputent pas sur le contingent annuel d'heures supplémentaires ouvrant droit à repos compensateur obligatoire.
Dès lors, il apparaît que Elisabeth X...subit un double préjudice résultant d'une part de ce que ses heures supplémentaires ont été, de manière illégale, récupérées et non réglées et, d'autre part, de ce qu'elle a été privée du repos compensateur obligatoire. Ce préjudice sera justement évalué à la somme de 1000 euros.
Par suite, le jugement entrepris sera de ce chef infirmé, et l'association Vivre ensemble condamnée à payer à Elisabeth X...deux sommes de 1000 euros à titre de dommages et intérêts.
Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, le fait de mentionner sur le bulletin de paie un certain nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement fait, est réputé être un travail dissimulé par l'employeur. Pour autant, la dissimulation d'emploi salarié n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie, un nombre d'heures inférieur à celui réellement réalisé, le caractère intentionnel ne pouvant se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
Or, en l'espèce, l'association Vivre ensemble a payé certaines heures supplémentaires et, au surplus, l'intégralité des autres a été récupérée. Par suite, l'élément intentionnel susvisé n'apparaît pas caractérisé et le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé présentée sur le fondement des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail.
IV-Sur la rupture du contrat de travail :
Si l'existence, au moment de sa conclusion, d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l'article L. 1237-11 du code du travail, la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. Elle doit être librement consentie.
Il incombe au salarié qui invoque l'existence d'un vice du consentement d'en rapporter la preuve.
En l'espèce, Elisabeth X...ne demande pas la nullité de la convention conclue le 29 juin 2011 en raison des seuls faits de harcèlement, par application de l'article L. 1152-3 du code du travail, mais pour vice du consentement, en l'occurrence violence morale constituée par ledit harcèlement. Or, si elle était affectée et même affaiblie psychologiquement par la situation qu'elle vivait, il n'en demeure pas moins qu'elle était, lors de l'entretien avec son employeur le 12 juin 2011, assistée de Mme C..., déléguée du personnel et qu'elle a, par courrier du 24 juin suivant, discuté tant le montant du salaire brut à retenir que celui de l'indemnité qu'elle entendait réclamer à hauteur de quatre mois de rémunération, ce qui a été finalement accepté par son employeur. Ces éléments sont exclusifs de toute pression ou violence morale.
Par suite, le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a refusé d'annuler la convention de rupture du contrat de travail.
V-Sur les demandes accessoires :
L'association devra remettre à la salariée des documents de fin de contrat rectifiés.
Il n'apparaît pas inéquitable de mettre à la charge de l'association Vivre ensemble une somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par son adversaire. Partie succombante, l'employeur supportera les dépens et sera débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant en matière sociale, publiquement et contradictoirement,
- Infirme le jugement entrepris en ce que : *il a débouté Elisabeth X...de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, *il a rejeté la demande en paiement d'une prime exceptionnelle,
Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés et y ajoutant,
- Dit que Elisabeth X...a été victime de harcèlement moral et Condamne l'association Vivre ensemble à lui payer, à ce titre, une somme de 6000 euros à titre de dommages et intérêts,
- Condamne l'association Vivre ensemble à payer à Elisabeth X...une somme de 150 euros au titre de la prime exceptionnelle versée en raison du surcroît de travail liée à la création de l'Ehpad Vivre ensemble, outre 15 euros au titre des congés payés y afférents,
- Dit que les contrats à temps partiel signés par les parties les 12 décembre 2007 et 18 août 2008, renouvellement inclus, doivent être requalifiés en contrat à temps complet ;
- Dit que la relation de travail est à durée indéterminée depuis le 12 décembre 2007,
- Condamne en conséquence l'association Vivre ensemble à verser à Elisabeth X...les sommes suivantes : * la somme de 3 525, 17 euros bruts à titre de rappels de salaires pour la période du 12 décembre 2007 au 31 juillet 2008 (à exclure la période du 05 au 31 mai 2008 travaillée et payée à temps complet), congés payés et indemnité de fin de contrat inclus, *la somme de 3 146, 61 euros bruts à titre de rappels de salaires pour la période du 18 août au 31 décembre 2008, congés payés et indemnité de fin de contrat inclus, *la somme de 2 913 euros nets au titre de l'indemnité de requalification,
- Condamne l'association Vivre ensemble à payer à Elisabeth X...une somme de 1 000 euros nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour lui avoir imposé une modulation du temps de travail non autorisée, et celle de 1000 euros nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour lui avoir imposé un remplacement du paiement des heures supplémentaires par un repos compensateur,
- Déboute Elisabeth X...de sa demande en paiement des salaires pour les périodes du 1er au 17 août 2008 et du 1er janvier 2009 au 22 février 2009,
- Condamne l'association Vivre ensemble à remettre à Elisabeth X...les documents de fin de contrat rectifiés,
- Condamne l'association Vivre ensemble à payer à Elisabeth X...une somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rejette les demandes pour le surplus,
- Condamne l'association Vivre ensemble aux dépens de l'instance d'appel.