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09/06/2015 | FRANCE | N°12/01512

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 09 juin 2015, 12/01512


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/01512.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 18 Juin 2012, enregistrée sous le no 11/ 00117
ARRÊT DU 09 Juin 2015
APPELANTE :
LA SAS SDVI (SOCIETE DE DIFFUSION DE VEHICULES INDUSTRIELS) 6, rue Nicolas Copernic 78190 TRAPPES

représentée par Maître Franck BLIN de la SELARL ACTANCE SOCIETE D'AVOCATS, avocats au barreau de PARIS
INTIME :
Monsieur Luc X...... 49170 ST MARTIN DU FOUILLOUX
>comparant-assisté de Maître Philippe PAPIN, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COU...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/01512.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 18 Juin 2012, enregistrée sous le no 11/ 00117
ARRÊT DU 09 Juin 2015
APPELANTE :
LA SAS SDVI (SOCIETE DE DIFFUSION DE VEHICULES INDUSTRIELS) 6, rue Nicolas Copernic 78190 TRAPPES

représentée par Maître Franck BLIN de la SELARL ACTANCE SOCIETE D'AVOCATS, avocats au barreau de PARIS
INTIME :
Monsieur Luc X...... 49170 ST MARTIN DU FOUILLOUX

comparant-assisté de Maître Philippe PAPIN, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Avril 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Clarisse PORTMANN, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Clarisse PORTMANN, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 09 Juin 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCÉDURE :
M. X... a été embauché le 2 novembre 2009 par la société de diffusion de véhicules industriels-ci-après dénommée la SDVI-, qui exerce une activité de commerce de voitures et véhicules automobiles légers, par contrat à durée indéterminée, en qualité de responsable carrosserie, statut agent de maîtrise, coefficient 20, affecté à l'établissement de Jean de Lignières (49070), moyennant un salaire brut de 2300 euros pour 162, 50 heures de travail.
A la suite d'une rixe qui s'est produite le 20 décembre 2010 entre M. X... et l'un de ses collègues, M. Y..., les deux salariés ont été mis à pied. M. X... a été licencié pour faute grave le 13 janvier 2011, l'entreprise lui reprochant d'une part un harcèlement moral à l'égard d'autres salariés de l'entreprise et, d'autre part, les faits du 20 décembre 2010.
Contestant cette mesure, M. X... a, le 7 février 2011, saisi le conseil de prud'hommes d'Angers de diverses demandes indemnitaires.
Par un jugement du 18 juin 2012, ladite juridiction a :- dit qu'il y a lieu de requalifier le licenciement pour faute grave de M. X... en licenciement sans cause réelle et sérieuse,- annulé la sanction de mise à pied disciplinaire prononcée le 20 décembre 2010,- condamné la société SDVI à payer à M. X... : *15411 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, *611, 33 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, *2059, 45 euros au titre de la mise à pied et 205, 95 euros au titre des congés payés y afférents, *2568, 62 euros au titre de l'indemnité de préavis, *508 euros à titre de dommages et intérêts pour privation du DIF, *2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné la société SDVI aux dépens et rejeté sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles.

L'employeur a interjeté appel de cette décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée le 11 juin 2012.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, aux dernières conclusions respectivement :- du 1er avril 2015 pour la société SDVI,- du 26 mars 2015 pour M. X..., soutenues à l'audience, ici expressément visées et qui peuvent se résumer comme suit.

La société SDVI demande à la cour :- de constater qu'elle a respecté la procédure de licenciement, que M. X... a été à l'origine de l'altercation du 20 décembre 2010 et qu'il a eu une attitude inacceptable à l'égard de ses collègues,- d'infirmer en conséquence le jugement déféré,- de dire et juger que le licenciement de M. X... repose sur une faute grave,- de débouter M. X... de l'intégralité de ses demandes,- de le condamner à lui payer la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

S'agissant du licenciement, elle prétend en premier lieu, qu'il résulte des témoignages qu'elle a recueillis lors de l'enquête interne qu'elle a diligentée, et de ceux figurant au dossier de la CPAM, que M. X..., qui avait déjà eu un comportement agressif avec plusieurs de ses collègues et s'était, une semaine plus tôt, emporté à l'encontre de M. Y..., a été à l'origine de l'altercation du 20 décembre 2010, notamment en poussant de l'épaule son collègue. Elle fait valoir que les attestations produites par l'intimé ne contredisent en rien cette version des faits et que les pièces de la procédure pénale la confirment au contraire. Elle précise que d'ailleurs M. X... a fait l'objet d'une condamnation pénale par un arrêt rendu le 14 mai 2013 par la cour d'appel de céans. Or, selon la société SDVI, ces faits émanant d'un salarié ayant une faible ancienneté et tenu, eu égard à son statut, de montrer l'exemple, sont constitutifs d'une faute grave. Elle ajoute que M. Y... a d'ailleurs été licencié pour les mêmes causes.

Elle fait valoir en second lieu que le 16 décembre 2010, l'un de ses salariés, M. A..., l'a alertée sur le harcèlement moral que M. X... lui faisait subir, indiquant que celui-ci le dénigrait et le menaçait et qu'il n'était pas le seul à subir ce comportement. Elle prétend que ces accusations sont établies par les auditions réalisées lors de l'enquête interne à laquelle elle a procédé, et plus particulièrement, des déclarations de M. B... et de M. C... qui confirment son agressivité. Elle ajoute que d'autres salariés ont témoigné d'une façon de travailler et d'un comportement entraînant des tensions dans l'atelier et instaurant un mauvais climat. La société SDVI relève que les conclusions de son adversaire confirment son acharnement à l'égard de M. A..., alors que le travail de celui-ci était satisfaisant et n'avait pas donné lieu à des observations. Elle précise encore que M. D... protégeait M. X..., ce qui explique le laxisme dont il a fait preuve à son égard, laxisme pour lequel il a fait l'objet d'un avertissement, soulignant que l'intimé avait, après son licenciement, fait distribuer par son intermédiaire des modèles d'attestation dans l'entreprise. Enfin, elle conteste que M. Y... ait déjà eu un comportement provocateur et qu'il s'en soit pris avec une arme à M. E....

En ce qui concerne le droit individuel à la formation et à la prévoyance, elle fait valoir que M. X... a été informé dès le 4 avril 2011 de ses droits, et qu'il avait d'ailleurs renoncé à la portabilité de sa prévoyance le 8 février 2011. Elle s'oppose donc à la demande présentée de ce chef.
M. X... demande à la cour :- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a constaté que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,- de le confirmer en ce qu'il a constaté le manquement par la société SDVI à son obligation d'information relative au DIF,- de dire et juger que les sommes qui lui ont été allouées doivent être réévaluées comme suit : *indemnité de préavis : 7705, 86 euros *incidence congés payés : 77, 10 euros *dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 30822 euros *dommages et intérêts au titre du DIF : 2568 euros *indemnité pour frais irrépétibles : 3000 euros.

S'agissant du licenciement, il fait valoir tout d'abord que les éléments de preuve produits par la société SDVI ne permettent pas de lui imputer des agissements répétés de harcèlement moral et encore moins de confirmer que plusieurs salariés de l'établissement en auraient été victimes. Il ajoute que la lettre de licenciement ne mentionne pas le nom de la victime du harcèlement mais seulement la date de dénonciation des faits. Or, cette dénonciation n'aurait pas eu lieu le 16 décembre mais le 17 décembre. Il soutient encore que les affirmations de M. A... quant aux menaces dont il aurait été victime de sa part, sont contredites par l'attestation de M. D..., que ses déclarations sont vagues et non circonstanciées. Il ajoute que M. A..., qui avait pris l'habitude de travailler seul dans l'atelier carrosserie peinture, s'est toujours montré réfractaire à son autorité. Il s'étonne que devant des accusations aussi graves, aucune mesure n'ait été prise immédiatement, que les délégués du personnel n'aient pas été saisis du problème et que son collègue n'ait produit aucun document médical. Enfin, il fait valoir qu'il résulte des témoignages produits qu'il existait un climat délétère au sein de l'établissement mais qu'aucun élément précis et objectif ne permet de lui en imputer la responsabilité.

Il conteste également le grief lié à sa participation à la rixe du 20 décembre 2010, soutenant que l'entreprise ne démontre pas qu'il a giflé M. Y... ni qu'il a provoqué la bagarre, prétendant que c'est au contraire son collègue, qui est impulsif et irascible, qui a cherché la discorde. Il soutient que dans son arrêt du 14 mai 2013, la cour de céans a constaté l'absence de gravité de son geste par rapport à celui de son collègue.
En ce qui concerne les demandes indemnitaires, il fait valoir qu'en application de la convention collective applicable, il avait droit à un préavis de trois mois. Pour justifier de son préjudice, il indique qu'il est resté près de deux ans sans emploi, étant quatre mois sans revenus, qu'il a du se reconvertir et qu'il ne pourra bénéficier des indemnités de fin de carrière auxquelles peuvent prétendre les salariés du secteur de l'automobile. Il ajoute qu'il a également souffert d'un préjudice moral.

En outre, M. X... fait valoir que la lettre de licenciement ne mentionne pas la possibilité de demander, pendant le préavis, à bénéficier d'une action de bilan de compétence, de validation des acquis et de l'expérience ou de formation. Elle ne fait pas plus référence à la portabilité de la prévoyance. Il conteste que la lettre du 4 avril 2011 à laquelle l'entreprise fait référence lui ait été délivrée.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
I-Sur le licenciement :
Dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, la société SDVI motive sa décision comme suit : " 1. harcèlement moral à l'égard d'autres salariés de l'établissement : Le collaborateur qui nous a dénoncé ce fait le 16 décembre dernier se dit persécuté par vous au quotidien, de différentes façons ; vous le dénigriez et dénigriez son travail auprès de ses collègues ; vous auriez proféré des menaces à son encontre ; il indique ne pas être le seul à subir " cet acharnement et ce harcèlement " et avoir été témoin de scènes de comportement violent de votre part envers un collègue de l'atelier. 2. rixe du 20 décembre 2010 : Nous avons été informés... qu'une bagarre vous à opposé à monsieur Joseph Y...... Vous avez aussitôt été mis à pied à titre conservatoire et convoqué... à l'entretien préalable précité, lors duquel vous avez démenti les faits de harcèlement évoqués, mais avez admis la gravité des faits qui se sont produits le 20 décembre 2010, tout en contestant en être responsable. Eu égard à la gravité des faits et à leur caractère intolérable, une enquête interne a été diligentée, de laquelle il ressort :- que vous avez de manière régulière, sinon continue, une attitude inadmissible à l'égard des collaborateurs de l'atelier avec lesquels vos fonctions vous amènent à collaborer, celle-ci étant caractérisée notamment par des accès d'humeur et des excès d'autorité, voire de l'agressivité dans vos rapports professionnels avec le personnel de l'atelier. Outre la qualification de harcèlement moral qui pourrait être attribuée à ce comportement, il ne fait aucun doute qu'il contribue lourdement, s'il n'en est l'origine, à la mésentente, au climat exécrable et à la tension qui règnent manifestement dans l'atelier et est, en conséquence, préjudiciable à la bonne marche de celui-ci,- que le 20 décembre 2010 à midi, alors que vous vous trouviez dans les vestiaires de la SDVI, vous avez giflé et poussé M. Y... d'un coup d'épaule ; en réponse, celui-ci vous a blessé d'un coup de tête sur la partie droite du visage. Il apparaît ainsi que le déclenchement de cette rixe, qui constitue un trouble caractérisé et totalement inconcevable, vous et imputable.... Votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible. En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave. "

En cas de licenciement pour faute grave, l'employeur doit non seulement démontrer la réalité des griefs invoqués mais aussi qu'ils rendent impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il convient donc de reprendre chacun des griefs invoqués par M. X....
S'agissant du harcèlement moral, il sera rappelé qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail : " Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".
La société SDVI se prévaut de la dénonciation qui a été faite par M. A..., dans un courrier du 16 décembre 2010, dans lequel il indique : " Je me permets de vous écrire pour vous faire part des problèmes rencontrés avec M. X... Luc responsable carrosserie. En effet, depuis son arrivée au sein de l'entreprise je suis au quotidien persécuté de différentes façons. Il me dénigre et dénigre mon travail auprès des autres collègues. Il m'a aussi fait des menaces je cite : " je vais te défoncer la gueule " et ceci en présence de M. D..., responsable du site de St Jean de Lignières. Il a aussi dit que j'étais juste bon à faire du VO vu la qualité du VO qu'on sortait. Aujourd'hui je souhaiterai que cet acharnement et cet harcèlement que je subis quotidiennement au travail cesse. Que ce soit pour le bien de l'entreprise puisque je ne suis pas le seul à subir tout ça et aussi pour le bien de ma santé vu que j'arrive à bout. J'ai aussi été témoin d'une scène de comportement violent de sa part envers un collègue de l'atelier ".

Il a précisé ultérieurement lorsqu'il a été auditionné par sa hiérarchie, qu'il faisait l'objet de critiques incessantes de la part de M. X..., lequel l'agressait verbalement, lui parlait avec mépris. Il déplorait également s'être vu privé de certaines tâches, sans toutefois imputer formellement cette situation à M. X....
Cependant, il convient de relever, tout d'abord, que certaines des accusations de M. A... sont très peu circonstanciées comme le dénigrement. Pour établir la réalité de ce harcèlement, la société SDVI verse aux débats le compte rendu de l'enquête interne à laquelle elle a fait procéder et qui lui a permis de recueillir les témoignages suivants :- M. D... confirme qu'il y a eu " quelques altercations entre M. X... et M. A... mais jamais d'insultes ", précisant que M. A... a du mal avec l'autorité, qu'il a besoin de maturité et qu'il est inconstant dans son travail. Il ajoute qu'il " y a un climat assez particulier dans l'entreprise. Ce sont des gens susceptibles, qui ne se laissent pas faire, débordants d'énergie. Ils ne sont pas, pour la plupart diplomates, se surveillent l'un et l'autre. A mon arrivée, il y a deux ans, c'était déjà comme cela.... Il n'y a pas eu d'altercation en paroles ou en faits avec M. A... et M. X.... Il y a une suite logique au niveau de la carrosserie que M. A... n'a pas en lui... peut être que M. X... n'a pas su trouver les mots. "- Mme L..., précise " j'ai entendu les mécaniciens qui disaient que M. X... n'était pas sympathique, qu'il jouait au chef avec M. A..., qu'il le surveillait... Il y avait une tension dans l'atelier, et ça devait exploser un jour. Ce climat dure depuis un certain temps. Si l'encadrement avait été plus présent, certains propos sont divergents, il n'y a pas de structure, il n'y a pas de répression, il doit y avoir de l'autorité, ça fait des mois que ça dure. "- M. Z... déclare : " Concernant le climat dans l'atelier, ce dernier n'est pas serein. Il y a une tension. Luc a une façon de travailler qui ne pas plaît pas dans l'atelier. Le contexte et la tension ne datent pas d'aujourd'hui. Pour moi, il y a un " malaise ", je ne suis pas là depuis longtemps mais c'est pesant, le problème est global. Il ne faut contredire personne. "- M. M... indique : " je n'ai pas connaissance de faits de harcèlement de la part de M. X.... Il y a des tensions dans l'atelier mais ce climat n'est pas particulier à notre atelier. C'est partout pareil..- M. N... déclare : " Concernant M. X... et M. Y..., je n'ai rien à leur reprocher. L'ambiance est tendue à l'atelier mais cela existe dans toutes les entreprises. Je travaille très peu avec M. X.... "- M. C... indique : " Je n'ai pas beaucoup travaillé avec M. X..., il n'est pas très agréable. Par exemple, une fois il m'a expliqué la mécanique alors qu'il est responsable carrossier. Il crie souvent sur l'apprenti carrossier et ne supporte pas que ce dernier ne travaille pas à ses côtés. Avec moi, il n'a jamais été violent. Dans l'atelier, je ne crois pas que M. X... soit beaucoup apprécié. "- M. F... indique : " on sent une tension à l'atelier, au magasin, à la SDVI Angers dans sa globalité. Il n'y a pas d'entraide entre les collaborateurs. M. X... ne nous facilite par notre travail. Par exemple, il m'oblige à faire moi-même la liste des travaux à effectuer sur les véhicules alors que mon travail est au magasin. Il n'admet pas forcement ses torts. "- M. G... précise : " M. X... n'est pas très aimé de l'ensemble de l'entreprise. M. X... et M. Y... ont des caractères forts et ne s'entendent pas. Je ne travaille pas avec M. X... et n'ai pas eu de problèmes particuliers avec lui. J'ai remarqué qu'il demande souvent aux techniciens de l'atelier de l'aide sans en donner en retour. "- M. B... indique : " je ne m'entends pas avec M. X.... On ne sait pas comment il peut réagir. Une fois, il m'a jeté la porte de la cabine peinture dans la figure mais je me suis protégé. Il me demandait la clé du local karcher. "

Les témoignages ainsi recueillis font donc certes référence à un climat tendu, mais sans qu'il soit possible de l'imputer précisément à M. X..., cette situation remontant à une date antérieure à son arrivée et dépassant le cadre de l'atelier où il était affecté.
Aucun d'eux ne mentionne que son auteur a assisté à des faits précis de dénigrement ou de menace commis par M. X... à l'encontre de M. A.... Celui-ci ne justifie pas s'être plaint aux délégués du personnel ou bien au médecin du travail.
Si sa violence à l'encontre d'un autre collègue de travail, à savoir M. B..., est établie, il s'agit d'un fait unique ne pouvant constituer un fait de harcèlement.
Au regard de ce qui précède, il apparaît que la réalité de ce premier grief n'est pas démontrée.
En ce qui concerne la rixe, qui a donné lieu au licenciement des deux protagonistes pour faute grave, M. X... a déclaré, lorsqu'il a déposé plainte à la gendarmerie de Saint Georges sur Loire : " Le lundi 20 décembre 2010 vers 12h10 je me trouve à l'entreprise SDVI à St Jean de Lignières. Je suis arrivé dans les vestiaires. D'autres employés étaient présents. Joseph se trouvait juste à côté de moi. J'ai tendu la main pour qu'il me donne la boîte à savon. Joseph au lieu de me donner la boîte, il l'a jetée dans l'autre évier. Je me suis déplacé à cet évier et j'ai commencé à me laver les mains. Il n'y a pas eu d'échange de paroles. Joseph est venu au tire serviette. Je me trouvais à côté et Joseph m'a poussé violemment avec son arrière train. Je lui ai dit ça va. Joseph a continué en ouvrant ses coudes pour se sécher comme s'il n'y avait pas de place. J'ai dit à Joseph ça va j'ai compris. Il m'a dit Luc ça va pas. Il l'a répété plusieurs fois. J'ai rien dit. Il a commencé à me dire que mon vestiaire était ailleurs. Au bout d'un moment je l'ai repoussé avec mon coude sans violence pour lui faire comprendre que cela suffisait. J'ai reçu un coup de boule sur le côté droit de mon visage à hauteur de la bouche ". Le médecin qui l'a examiné a relevé une ecchymose de 1cm de diamètre de la face interne de la lèvre supérieure droite justifiant une ITT d'un jour.
M. X... a contesté la mise à pied qui lui a été notifiée le même jour en niant avoir provoqué ou insulté M. M. Y..., et l'avoir frappé.
M. Y... soutient pour sa part que M. X... était venu devant son casier, qu'il lui avait dit de retourner à sa place, qu'il s'était alors énervé, l'avait giflé et poussé avec son épaule. Il reconnaît " je ne me suis pas retenu et lui ai donné un coup de tête. "
Il résulte des procès verbaux d'audition de M. E... par les services de gendarmerie et de ceux de M. D..., de M. H... et de M. I... par leur hiérarchie que M. X... et M. Y... avaient eu un différend la semaine précédente concernant l'apprenti carrossier.
Aucun des témoins interrogé n'a déclaré avoir vu M. X... donner une gifle à M. Y....
En revanche, M. B... et M. A..., témoins directs, ont précisé que M. X... avait poussé M. Y..., le premier précisant que celui-ci était devant son placard. Selon M. A..., il l'a poussé " violemment ". M. J... ne le conteste pas dans son témoignage, se bornant à préciser qu'il n'y avait pas eu de gifle.
Il est donc établi qu'une altercation a eu lieu entre M. X... et M. Y..., sans qu'il soit possible de déterminer qui est à l'origine de celle-ci, étant observé quand même que l'intimé ne s'explique pas sur les raisons qui l'ont conduit à se mettre près du casier de son collègue, et qu'il a été à l'origine de l'engagement de la confrontation physique en repoussant son collègue d'un coup d'épaule ou de coude " peut être parce qu'il se sentait pressé, menacé, mais sans qu'il soit fait état de menaces explicites, d'injures ou encore moins de coups à son encontre ", ainsi que l'a retenu la cour de céans dans son arrêt du 14 mai 2013, par lequel elle a retenu la culpabilité de M. X... et de M. Y..., tout en prononçant une peine plus sévère à l'égard de ce denier, dont la réaction a été considérée comme disproportionnée.
Certes M. Y... est présenté par différents témoins comme quelqu'un d'impulsif et de " titilleur " (M. E..., qui précise avoir eu un différend avec lui, mais que celui ci s'est réglé et que son collègue est venu s'excuser), de provocateur et de bagarreur (M. J..., M. K...) et de disparate, ayant besoin d'être encadré (M. D... qui fait référence à un différend avec M. I... ayant failli tourner à l'affrontement, étant précisé qu'il résulte des pièces produites que ce dernier était accusé par son collègue d'avoir tenu des propos racistes à son égard).
Cependant, ainsi qu'il a déjà été relevé ci-dessus, M. X... a également été mis en cause lors de l'enquête interne pour son caractère fort (M. I... et M. G...), sa violence (M. B... et M. A...), le fait qu'il n'admette pas forcément ses torts (M. F...). M. C... précise : " M. Y... et M. X... s'étaient déjà disputés dans la matinée du 20/ 12. M. Y... n'a pas aimé la façon dont M. X... lui parlait ".
Au regard de ce qui précède,, il apparaît donc que M. X..., qui avait un caractère fort et qui utilisait avec ses collègues, un ton qui n'était pas toujours approprié, a poussé de l'épaule ou de coude, M. Y..., lequel était connu pour son impulsivité. Ces faits doivent recevoir la qualification de faute.
Compte tenu de la disproportion existant entre les violences commises par chacun des salariés, et du climat tendu qui régnait dans l'entreprise, laquelle aurait du prendre les mesures pour le faire cesser, cette faute n'apparaît pas devoir être considérée comme rendant impossible le maintien dans l'entreprise du salarié, donc comme une faute grave. Elle justifie en revanche le licenciement du salarié. Le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers sera donc infirmé en ce qu'il a considéré que le licenciement de M. X... ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse.
En l'absence de faute grave, M. X... ne pouvait être mis à pied, et donc être privé de son salaire pendant la mise à pied conservatoire, ni de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité de préavis.
Il résulte du bulletin de paye de janvier 2011, que le salaire retenu au titre de la mise à pied de M. X... s'est élevé à 2 059, 45 euros. La décision entreprise sera donc confirmée ne ce que la société SDVI a été condamnée à payer ladite somme à son salarié outre 205, 95 euros de congés payés.
Le salarié justifie qu'en application de l'article 4. 10 de la convention collective du commerce et de la réparation automobile, il devait bénéficier d'un préavis de trois mois. Sur la base d'un dernier salaire non contesté de 2 568, 62 euros, il est donc fondé à réclamer une somme de 7 705, 86 euros outre 770, 59 euros de congés payés. Enfin, l'indemnité de licenciement n'étant pas contestée dans son montant, la décision sera, sur ce point, confirmée.

II-Sur le DIF et la prévoyance :
Il est constant que l'employeur n'a pas fait connaître à son salarié, en méconnaissance des l'article L. 6323-19 du code du travail, dans sa version applicable, au moment de son licenciement, son droit individuel à la formation. M. X... conteste avoir reçu cette information ultérieurement, précisant que la lettre du 4 avril 2011 produite par son employeur ne lui a pas été remise. Cette situation a nécessairement causé un préjudice au salarié, lequel a justement été apprécié par le conseil de prud'hommes à la somme de 508 euros. Il a été informé de ses droit à portabilité du régime de prévoyance dès le 1er février 2012 et ne conteste pas y avoir renoncé. Il ne subit donc pas de préjudice de ce chef. La décision entreprise sera donc confirmée.

III-Sur les autres demandes :
Il convient également de confirmer le jugement rendu le 18 juin 2012 par le conseil de prud'hommes d'Angers en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
L'appel de l'employeur étant en partie fondé, il convient de rejeter les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de partager par moitie les dépens, lesquels seront répartis comme il sera dit au dispositif.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant en matière sociale, publiquement et contradictoirement,
- Infirme le jugement entrepris ce qu'il a :- dit qu'il y a lieu de requalifier le licenciement pour faute grave de M. X... en licenciement sans cause réelle et sérieuse,- condamné la société SDVI à payer à M. X... : *15 411 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, *2 568, 62 euros au titre de l'indemnité de préavis,

- Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés et y ajoutant,
- Dit que le licenciement de M. X... repose sur une cause réelle et sérieuse,
- Condamne la société SDVI à payer à M. X... une somme de 7 705, 86 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre 770, 59 euros au titre des congés payés y afférents,
- Déboute M. X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Rejette les demandes pour le surplus,
- Fait masse des dépens d'appel et dit qu'ils seront supportés à concurrence de la moitié par chaque partie.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/01512
Date de la décision : 09/06/2015
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-06-09;12.01512 ?
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