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26/05/2015 | FRANCE | N°13/00551

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 26 mai 2015, 13/00551


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N
clm/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 00551
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du MANS, décision attaquée en date du 30 Janvier 2013, enregistrée sous le no 21 047

ARRÊT DU 26 Mai 2015

APPELANTE :
La Société BSN MEDICAL SAS Rue du Millénaire BP 22 72320 VIBRAYE
représentée par Maître Thierry DRIARD, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE en prÃ

©sence de Monsieur X..., contrôleur de gestion

INTIMEE :
L'URSSAF DES PAYS DE LA LOIRE, venant aux d...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N
clm/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 00551
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du MANS, décision attaquée en date du 30 Janvier 2013, enregistrée sous le no 21 047

ARRÊT DU 26 Mai 2015

APPELANTE :
La Société BSN MEDICAL SAS Rue du Millénaire BP 22 72320 VIBRAYE
représentée par Maître Thierry DRIARD, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE en présence de Monsieur X..., contrôleur de gestion

INTIMEE :
L'URSSAF DES PAYS DE LA LOIRE, venant aux droits de l'URSSAF de la Sarthe 3 rue Gaëtan Rondeau 44933 NANTES CEDEX 9
représentée par Monsieur Y..., muni d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 07 Avril 2015 à 14H00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, assesseur Madame Isabelle CHARPENTIER, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier : Madame BODIN, greffier
ARRÊT : du 26 Mai 2015, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par madame LECAPLAIN MOREL, conseiller pour le président empêché, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :
La société BSN Médical a pour activité la fabrication de produits chimiques, pharmaceutiques, médicaux chirurgicaux, de parfumerie et d'articles accessoires essentiellement à destination des pharmacies et des hôpitaux. Elle emploie 327 salariés.
A la suite d'un contrôle effectué au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, contrôle qui s'est achevé le 19 mars 2009 et au cours duquel l'inspectrice de l'URSSAF a constaté diverses anomalies, le 20 juillet 2009, l'URSSAF de la Sarthe aux droits de laquelle vient aujourd'hui l'URSSAF des Pays de Loire a adressé à la société BSN Médical une lettre d'observations portant sur un rappel de cotisations d'un montant total de 324 361 ¿ dont 283 900 ¿ au titre de l'intéressement, l'inspectrice du recouvrement ayant considéré qu'aucun intéressement n'aurait dû être versé du chef de l'année 2006.
Par courrier du 21 septembre 2009, la société BSN Médical a apporté des éclaircissements à l'URSSAF au sujet de l'accord d'intéressement conclu au sein de l'entreprise le 29 mars 2004 pour les années 2004, 2005 et 2006 et au sujet de l'avantage en nature constitué par les véhicules de fonction et elle a contesté les redressements envisagés de ces chefs.
L'inspectrice du recouvrement a répondu par courrier du 15 octobre 2009 aux termes duquel elle a confirmé les régularisations opérées sur les deux points discutés.
Le 7 décembre 2009, l'URSSAF de la Sarthe a émis une mise en demeure pour un montant total de 340 576 ¿ dont 324 359 ¿ de cotisations et 16 217 ¿ de majorations de retard.
Le 4 janvier 2010, la société BSN Médical a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF de la Sarthe pour contester le chef de redressement relatif à l'intéressement portant sur un montant de 283 900 ¿ et celui relatif aux avantages en nature " véhicules de fonction " portant sur un montant de 18 677 ¿.
En l'absence de décision de la commission de recours amiable, le 23 février 2010, la société BSN Médical a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale sur le fondement d'un rejet implicite.
Par décision du 22 mars 2010, notifiée par lettre du 19 avril suivant, la commission de recours amiable a maintenu les redressements contestés.
Par un premier jugement du 18 mai 2011 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans a :
- reçu la société BSN Médical en son recours ;- confirmé la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF de la Sarthe du 22 mars 2010 notifiée le 19 avril suivant s'agissant du redressement relatif à l'avantage en nature véhicules pour un montant de 18 677 ¿ ;- avant dire droit sur le redressement afférent à l'intéressement, ordonné une expertise comptable en donnant mission à l'expert de : ¿ " donner son avis sur les méthodes de reconstitution du " trading profit » effectuées par la société BSN Médical et dire si ces méthodes sont divergentes d'une année à l'autre ; ¿ donner son avis sur les retraitements opérés par la société pour mettre en conformité le résultat d'exploitation mentionné dans la liasse fiscale établie selon la comptabilité française avec celui établi en fonction des règles IFRS et dire si ces retraitements étaient ou non prévus à l'accord et s'ils ont pour conséquence de modifier le seuil de déclenchement de l'intéressement ou de modifier son caractère aléatoire ; ¿ fournir de manière générale tous renseignements permettant à la juridiction de vérifier si la société a appliqué les principes d'intéressement prévus à l'accord " ;- sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport et constaté l'absence de dépens.
Les deux parties ont reçu notification de ce jugement le 23 mai 2011.
Au terme de son rapport déposé au greffe le 9 octobre 2012, M. Loïc A..., expert, a conclu que :- le contrat d'intéressement conclu au sein de la société BSN Médical le 29 mars 2004 pour les exercices 2004, 2005 et 2006 était un contrat d'intéressement lié aux performances de l'entreprise ;- l'intéressement 2006 ne pouvait pas être vérifié avec des paramètres objectifs de sorte qu'il estimait justifié le redressement effectué par l'URSSAF de la Sarthe.
Par jugement du 30 janvier 2013 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans a :
- rejeté la demande de complément d'expertise formée par la société BSN Médical ;- rejeté son recours concernant le redressement relatif à l'intéressement ;- confirmé la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF de la Sarthe du 22 mars 2010, notifiée par lettre du 19 avril suivant, qui a validé le redressement relatif à l'intéressement pour un montant de 283 900 ¿ en cotisations, sans préjudice des majorations de retard encourues en application de l'article R 243-18 du code de la sécurité sociale ;- constaté que les frais d'expertise avaient été pris en charge par la société BSN Médical. Les deux parties ont reçu notification de ce jugement le 4 février 2013. La société BSN Médical en a régulièrement relevé appel par lettre recommandée postée le 19 février 2013.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 7 avril 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;
Vu les conclusions dites " additives et récapitulatives " enregistrées au greffe le 24 décembre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles la société BSN Médical demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris ;- de la décharger des condamnations prononcées contre elle, en principal, intérêts, frais et accessoires ;- d'ordonner le remboursement des sommes qui auront pu être versées en vertu de l'exécution de la décision entreprise, en principal, intérêts, frais et accessoires, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement, et ce au besoin à titre de dommages et intérêts.
La société fait valoir en substance que :
- l'accord d'intéressement dénommé " contrat prime d'entreprise de productivité " qu'elle a conclu le 29 mars 2004 pour les années 2004, 2005 et 2006 ne se réfère pas aux normes de la comptabilité française, mais elle a choisi de calculer l'intéressement sur le résultat d'exploitation (trading profit) avant frais financiers (incluant les pertes ou gains de change) et hors management fees, frais BSN research et royalties ; ce résultat, qui ne prend pas en compte les produits et charges exceptionnels, rend compte le plus fidèlement de l'activité de l'entreprise au cours de l'exercice ;- ce résultat est nommé Résultat d'Intéressement Collectif (RIC) ;- le seuil de déclenchement de la mise en ¿ uvre du calcul de la prime d'intéressement à répartir est fixé à 75 % du RIC ou profit budgété ; le montant global de la prime d'intéressement à répartir s'établit en pourcentage de la totalité du RIC tel qu'il figure au compte de résultat du budget de l'exercice de référence ;- l'esprit de cette formule était d'intéresser les salariés aux paramètres sur lesquels ils avaient une emprise dans un but de motivation ;- elle reconnaît que, comme l'a retenu l'expert judiciaire, tout en étant assis sur un résultat, l'accord d'intéressement conclu le 29 mars 2004 relève davantage des accords d'intéressements sur performance que sur résultats, ce qui résulte des termes mêmes de l'article 6 de l'accord ;- ce qui a probablement créé une confusion, est l'expression suivante utilisée dans le paragraphe b) de cet article 6 : « Les calculs de la prime d'entreprise de productivité sont effectués suivant les données de la comptabilité générale, organisés selon les principes de la gestion prévisionnelle et du contrôle budgétaire. » ; les termes " organisation et principes de la gestion prévisionnelle et du contrôle budgétaire " signifiaient, ainsi que cela est corroboré par les faits, que l'on se fondait sur le normes IFRS et non pas sur la comptabilité française ;- aux termes de l'article L. 3312-5 du code du travail, les accords d'intéressement sont conclus pour une durée de trois ans ; aux termes de son article 4 " Durée-renouvellement ", l'accord d'intéressement litigieux devait s'appliquer par année calendaire aux exercices 2004, 2005 et 2006 ; en l'occurrence, la modification à deux reprises des dates de clôture des exercices (d'abord au 31 décembre puis au 31 mars) a conduit à créer quatre exercices en trois années civiles ; en faisant une application littérale tant de l'article L. 3312-5 du code du travail que de l'article 4 l'accord d'intéressement en cause, cet accord pouvait s'appliquer du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006, c'est-à-dire sur trois années civiles ;- dans la mesure où les objectifs de résultat (Trading profit) tels que convenus chaque année entre les signataires de l'accord étaient déterminés par trimestre, un allongement ou un raccourcissement de l'exercice social ne changeait pas l'économie de l'accord qui était auto-régulé (cf. articles 11 et 12 de l'accord) ;- les retraitements opérés sur certaines valeurs entre les normes IFRS et les règles de la comptabilité française sont justifiés et n'ont pas eu pour effet de créer des valeurs fictives, notamment au titre de la dotation aux amortissements dont le montant apparaît particulièrement stable au cours des exercices concernés et même quand leur durée a varié ;- l'interprétation de l'accord d'intéressement doit conduire à neutraliser les pertes et gains de change et elle a procédé en ce domaine à une application stricte de l'accord d'intéressement ;- au cours des différents exercices, elle a toujours eu recours aux mêmes méthodes pour passer du résultat d'exploitation au Trading profit ; en particulier, le retraitement de la dotation aux amortissements sur réévaluation pour chaque période fiscale a toujours été opérée de la même façon ;- au titre de l'année 2006, en se fondant sur les résultats constatés sur les 4 trimestres de l'année civile 2006 et en ne prenant en compte que le seul retraitement relatif à la dotation aux amortissements sur réévaluation, le RIC s'élèverait au minimum à 6 123 K ¿ à comparer à un objectif de 7 251 K ¿, soit un taux de réalisation de 85, 7 % de sorte que, contrairement à ce qu'a retenu l'URSSAF, le versement d'un intéressement était bien justifié ;- en tout état de cause, même en ne prenant en compte que le seul retraitement relatif à la dotation aux amortissements sur réévaluation soit 1. 417. 000 ¿ au titre de l'exercice clos le 31 mars 2007, le RIC s'élèverait au minimum à 5 238 K ¿ (tel que calculé par l'URSSAF) plus 1 417 K ¿ (dotation aux amortissements sur réévaluation), soit un total de 6 655 K ¿ comparé à un objectif de 7 731 K ¿, ce qui donne un taux de réalisation de 86 % justifiant le versement d'un intéressement de 604 K ¿ au lieu des 785 K ¿ tel que calculé ce qui conduirait à un redressement de 65. 000 ¿ ;- l'application qui a été faite de l'accord d'intéressement en cause est strictement conforme aux normes IFRS et aux pratiques des Groupes internationaux ; les retraitements auxquels il a été procédé n'ont en rien eu un caractère opportuniste visant à atteindre un seuil de déclenchement, mais n'ont fait que refléter les pratiques constantes du Groupe BSN en ce qui concerne des opérations non récurrentes ; bien que cela n'était pas clairement mentionné dans l'accord d'intéressement, les résultats " export " n'ont jamais été pris en compte dans le calcul de l'intéressement car jugés extérieurs à l'emprise des salariés ; l'impact de cette activité sur l'intéressement aurait certes été positif mais marginal ;- les conclusions de l'expert judiciaire, M. A... sont l'autant plus critiquables qu'il ne lui a pas adressé de demandes complémentaires d'explications qui auraient pu contribuer à clarifier la situation.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 24 mars 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles l'URSSAF des Pays de Loire demande à la cour :- d'écarter des débats le rapport établi par M. B... à la demande unilatérale de la société BSN Médical au motif qu'il ne lui est pas opposable ;- de débouter la société BSN Médical de son appel et de ses prétentions ;- de confirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans le 30 janvier 2013 en toutes ses dispositions.
Après avoir relevé qu'en cause d'appel, la société BSN Médical ne discute pas les dispositions du jugement qui l'ont déboutée de sa demande de complément d'expertise et ne sollicite pas la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise, l'intimée fait valoir en substance que :- le rapport établi par M. B... doit lui être déclaré inopposable et doit être écarté des débats au motif qu'il l'a été à la demande unilatérale de l'entreprise ;- en tout cas, la cour ne saurait fonder sa décision exclusivement sur ce rapport qui été établi à la demande unilatérale d'une partie, de façon non contradictoire et qui n'a pas de force probante et elle devra prendre en compte les critiques qu'elle lui oppose ;- en application de l'article L. 441-2 (ancienne référence) du code du travail, pour ouvrir droit aux exonérations, l'intéressement collectif des salariés doit présenter un caractère aléatoire et résulter d'une formule de calcul liée aux résultats ou aux performances de l'entreprise ;- au cas d'espèce, le caractère aléatoire fait défaut en ce que : ¿ il ressort du document intitulé " réconciliation résultat d'exploitation comptes sociaux avec Base Calcul RIC " fourni par l'entreprise lors du contrôle et reprenant la valeur du résultat d'exploitation communiqué à l'administration fiscale que la société BSN Médical a adopté des méthodes de reconstitution du Trading Profit divergentes d'une année à l'autre, étant observé qu'à date constante, les montants communiqués par l'entreprise pour un même poste varient selon le document produit ; ¿ la formule de calcul prévue par l'accord d'intéressement n'a pas été respectée en ce que, d'une part, alors que l'accord d'intéressement fait état d'une formule de calcul basée sur des résultats comptables et d'une date de clôture d'exercice comptable au 31/ 12/ N, au cours de la période contrôlée (2006 et 2007), l'entreprise a changé trois fois de période comptable sans qu'aucun avenant à l'accord d'intéressement n'ait été établi, d'autre part, le résultat d'exploitation pris en compte est divergeant de celui mentionné dans la liasse fiscale, sans que ce ne soit clairement énoncé dans l'accord d'intéressement ; la formule de calcul du RIC déposée à la DDTEFP fait état du résultat d'exploitation, dénommé Trading Profit, sans qu'il soit précisé que l'entreprise faisait abstraction des normes comptables françaises ; or, les liasses fiscales sont établies au sens du Plan comptable général français et non en application des normes IFRS ;- pour parvenir à un RIC d'un montant de 7 691 000 ¿ au titre de l'année 2006, la société BSN Médical a procédé à des retraitements non prévus par l'accord d'intéressement et ce, pour un montant de 2 453 000 ¿ ; en l'absence de ces retraitements, le RIC aurait été de 5 238 000 ¿ soit inférieur à 75 % des objectifs déposés par l'entreprise auprès de la DDTEFP lesquels s'établissaient à la somme de 7 731 000 ¿ de sorte que le RIC minimum à atteindre pour déclencher l'intéressement s'élevait à la somme de 5 798 000 ¿ ;- par conséquent, aucun intéressement n'aurait dû être versé au titre de l'année 2006 ;- littéralement, les termes du « contrat prime d'entreprise de productivité BSN MEDICAL SAS » du 29 mars 2004 laissent à penser que l'intéressement prévu par le contrat est un intéressement aux résultats basé sur le « résultat d'exploitation » et sur la comptabilité générale (article 6 b) et c)- du contrat) ;- en réalité, il est apparu, à l'occasion du contrôle, qu'il s'agit d'un intéressement aux performances et que le résultat d'exploitation pris en compte est issu d'une comptabilité établie sur la base de normes IFRS, c'est à dire de normes issues de la comptabilité anglo-saxonne, comptabilité analytique constituée d'éléments définis par l'entreprise et ne s'imposant pas à tous ;- l'absence d'éléments, dans l'accord lui-même, sur les normes IFRS définies par l'entreprise ne permet pas de vérifier la bonne application de l'accord ce qui prive la société BSN Médical de la possibilité de bénéficier des exonérations de cotisations sociales ; les termes du contrat d'intéressement ne permet pas de dégager une formule de calcul claire déterminée à partir de paramètres objectifs, quantifiables et vérifiables ;- cette dernière a pris en compte les observations formulées à la faveur du contrôle litigieux dans la mesure où son contrat d'intéressement couvrant les années 2010, 2011 et 2012 a été modifié et contient une définition précise des éléments comptables retenus pour le calcul de l'intéressement, avec la précision que les éléments comptables pris en considération sont issus de la clôture annuelle des comptes selon les normes du plan comptable général français.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
1) Sur la demande de l'URSSAF des Pays de Loire tendant à voir écarter des débats le rapport établi par M. Jean-Luc B... :
Il est constant que " la note technique " établie par M. Jean-Luc B... le 24 septembre 2014 l'a été à la demande unilatérale de la société BSN Médical et que l'URSSAF des Pays de Loire n'a pas été appelée à participer aux travaux commandés à ce dernier. A l'égard de l'URSSAF des Pays de Loire, cette note technique n'a donc pas la valeur probante d'une expertise, la validité d'une telle mesure étant nécessairement subordonnée au respect de la contradiction. Pour autant, ce principe n'interdit pas au juge de tirer d'un rapport ou d'une note non contradictoire les éléments de preuve qui lui permettront, avec d'autres, d'asseoir sa décision dès lors que ce document a été régulièrement versé aux débats, et que, comme tel fut le cas pour l'URSSAF des Pays de Loire, la partie à laquelle on l'oppose a pu en discuter librement la valeur et la portée.
Le moyen pris de l'inopposabilité de cette note technique régulièrement versée aux débats ne permet donc pas de la disqualifier en tant qu'élément de preuve et, dès lors que l'URSSAF des Pays de Loire a été mise à même d'en discuter la valeur et la portée, il n'y a pas lieu de l'écarter des débats.

2) Sur le redressement litigieux :
Aux termes de l'article L. 3312-4 du code du travail, les sommes attribuées aux salariés en application de l'accord d'intéressement n'ont pas le caractère de rémunération au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime. Elles sont donc exonérées de cotisations sociales à condition toutefois que l'accord d'intéressement soit conforme aux exigences légales.
En application de l'article L. 3314-2 du code du travail, pour ouvrir droit aux exonérations prévues aux articles L. 3315-1 à L. 3315-3 du même code, l'intéressement collectif des salariés doit présenter un caractère aléatoire et résulter d'une formule de calcul liée aux résultats ou aux performances de l'entreprise au cours d'une année ou d'une période d'une durée inférieure exprimée en nombre entier de mois au moins égal à trois.
La formule de calcul doit être claire et faire appel à des éléments objectivement mesurables dont la définition doit figurer dans l'accord d'intéressement. Les éléments pris en compte dans la formule doivent assurer le caractère variable et incertain de l'intéressement. L'intéressement aux résultats doit se référer à des indicateurs financiers ou comptables mesurant la rentabilité économique ou financière de l'entreprise, tels que par exemple, le bénéfice fiscal, le bénéfice comptable ou le bénéfice d'exploitation. L'accord d'intéressement peut combiner résultats et performances.
Au cas d'espèce, l'accord d'intéressement conclu les 25 et 29 mars 2004 au sein de la société BSN Médical pour les exercices 2004, 2005 et 2006, intitulé " Contrat prime d'entreprise de productivité BSN Medical SAS " énonce :
- en son article 3 " Objet et dénomination " : " a) La convention et ses annexes définissent les principes et les modalités d'une participation à l'accroissement de la productivité de l'ensemble du personnel de ses unités ;... c) Il marque la volonté des parties signataires d'associer le personnel à l'évolution des résultats de l'entreprise tout en préservant ses intérêts. d) Cette participation est appelée " PRIME D'ENTREPRISE DE PRODUCTIVITÉ " ;
- en son article 4 " Durée et renouvellement de l'accord " : que depuis 1982, l'exercice comptable est fixé du 1er janvier au 31 décembre ; que la convention et ses annexes sont valables pour une période d'une durée de trois années ; que l'exercice de prime coïncidera pour les trois années avec l'année de calendrier jusqu'au 31 décembre 2006, de sorte que l'accord s'applique aux exercices 2004, 2005 et 2006 ;
- en son article 6 " Nature et caractères de l'institution " : a) Lorsqu'elle établit le budget d'un exercice, l'Entreprise se fixe un objectif essentiel, réaliser un certain bénéfice. Cela nécessite de déterminer des objectifs à atteindre dans différents domaines ; b) Les calculs de la prime d'entreprise de productivité sont effectués suivant les données de la comptabilité générale, organisée selon les principes de la gestion prévisionnelle et du contrôle budgétaire ;
c) Les données utilisées sont essentiellement le résultat d'exploitation (en excluant les gains et pertes de change, les management fees, les frais BSN Research et les royalties : dépenses qui ne reflètent pas la productivité de l'unité France) ;... f)... Le montant de la prime dépend de l'évolution de la productivité, ce montant est donc variable ;
- en son article 10 " Eléments du calcul du résultat de l'intéressement collectif (RIC) : a) Le budget est l'élément de référence pour le calcul du résultat. Il a été choisi de calculer l'intéressement sur le résultat d'exploitation (Trading Profit) avant " frais financiers (incluant les pertes ou gains de change) et hors management fees, frais BSN Research et royalties). Ce résultat (qui ne prend pas en compte les produits et charges exceptionnels) rend compte le plus fidèlement de l'activité de l'entreprise au cours de l'exercice. Ce résultat sera nommé résultat d'intéressement collectif (RIC) ; b) Le résultat ainsi défini ne doit pas être inférieur à 75 % du profit budgété ;
- en son article 11 " Raisonnement général du calcul du résultat " : a) L'objectif essentiel de l'Entreprise est de réaliser un certain bénéfice dit prévisionnel ; b) Dès que le RIC s'élèvera à au moins 75 % du RIC budgété, seuil de déclenchement de la mise en ¿ uvre du calcul de la prime d'intéressement à répartir, le montant global de ladite prime à répartir s'établira en pourcentage de la totalité du RIC, tel qu'il figure au compte de résultat du budget de l'exercice de référence ;... d) La période de calcul est l'exercice mais le calcul se fera tous les trimestres. ".
La société BSN Médical ne discute pas le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande de complément d'expertise. La cour n'étant saisie d'aucune prétention, ni d'aucun moyen sur ce point, le jugement déféré sera confirmé de ce chef. La société BSN Médical ne poursuit pas la nullité de l'expertise judiciaire réalisée par M. Loïc A... et elle ne sollicite pas la mise en oeuvre d'une autre mesure d'expertise.
En considération des dispositions des articles 3 ("... participation à l'accroissement de la productivité ") et 6 (" Les calculs de la prime d'entreprise de productivité sont effectués suivant les données de la comptabilité générale, organisée selon les principes de la gestion prévisionnelle et du contrôle budgétaire ") de l'accord d'intéressement en cause, l'expert judiciaire retient que ce contrat est lié, non pas aux résultats, mais aux performances de l'entreprise, ce que confirme ces dispositions de l'article 6 f) dernier alinéa du contrat : " Le montant de la prime dépend de l'évolution de la productivité " et le fait que le calcul de la prime d'intéressement de la société BSN Médical soit en fait basé, non pas sur les comptes annuels comme l'est un contrat lié aux résultats, mais sur des budgets annuels, scindés en budgets prévisionnels, et comparés à des éléments de reporting. Aux termes de la note technique qu'il a établie à la demande de la société BSN Médical (cf notamment page 6), M. Jean-Luc B... considère lui aussi que le contrat d'intéressement en cause est directement lié aux performances de l'entreprise et les parties s'accordent sur ce point.
Comme le rappellent l'URSSAF des Pays de Loire et l'expert judiciaire, dans le cadre d'un contrat d'intéressement lié aux performances de l'entreprise, la formule de calcul de l'intéressement doit être déterminée à partir de paramètres objectifs, quantifiables et vérifiables.
Au cas d'espèce, tout d'abord, alors que les dispositions suivantes de l'article 6 de l'accord d'intéressement : " b) Les calculs de la prime d'entreprise de productivité sont effectués suivant les données de la comptabilité générale... " et que la référence, dans les articles 6 c) et 10 a) de l'accord, au " résultat d'exploitation " comme paramètre essentiel du calcul de l'intéressement permettent de considérer que la formule de calcul de l'intéressement est basée sur des éléments comptables relevant du Plan comptable général, il est apparu au cours du contrôle URSSAF, des opérations d'expertise judiciaire et de l'étude technique réalisée par M. Jean-Luc B... que la formule de calcul de l'intéressement n'est en réalité pas constituée par des éléments extraits des comptes annuels et fiscaux de l'entreprise, notamment pas par le résultat d'exploitation correspondant aux normes comptables françaises, mais par des éléments correspondant aux normes IFRS lesquelles sont issues de la comptabilité analytique anglo-saxonne et sont propres à chaque entreprise. Si la société BSN Médical fait valoir que la mention " (trading profit) " accolée au terme " résultat d'exploitation " dans l'article 10 du contrat et que le membre de phrase " (en excluant les gains et pertes de change, les management fees, les frais BSN Research et les royalties...) accolé au terme " résultat d'exploitation " dans l'article 6 du contrat devaient conduire à retenir que les éléments pris en compte dans la formule de calcul de l'intéressement n'étaient pas issus du Plan comptable général mais correspondaient à des normes IFRS anglo-saxonnes, elle reconnaît, encore à l'audience, que ces formulations étaient de nature à prêter à confusion et ne permettaient pas de rendre l'accord suffisamment explicite s'agissant des paramètres retenus pour asseoir le calcul de l'intéressement, cette confusion étant, de son propre aveu, également nourrie par le b) de l'article 6 ainsi libellé : « Les calculs de la prime d'entreprise de productivité sont effectués suivant les données de la comptabilité générale, organisés selon les principes de la gestion prévisionnelle et du contrôle budgétaire. ».
La formule de calcul énoncée à l'accord d'intéressement en cause ne répond donc pas à l'exigence de clarté posée par la loi.
Il s'avère qu'en l'espèce, la formule de calcul est basée sur la comparaison entre, d'une part, le " profit budgété " ou " RIC (Résultat d'intéressement collectif) budgété " par l'entreprise, d'autre part, le résultat obtenu ou " réel " dénommé dans l'accord " le résultat d'exploitation " ou " Trading profit " ou " Résultat d'intéressement collectif (RIC) " lequel est un résultat " avant frais financiers (incluant les pertes ou gains de change) et hors management fees, frais BSN Research et royalties ", et ne prend pas en compte les produits et charges exceptionnels. L'intéressement n'est déclenché que si le " résultat d'exploitation " ou " Trading profit " ou " RIC réel " atteint au moins 75 % du profit budgété ou RIC budgété. La fiabilité de cette formule suppose évidemment que le RIC budgété et le RIC " réel " ou " obtenu " soient composés des mêmes éléments de charges et produits et soient déterminés selon la même méthode.
Or, il résulte du rapport d'expertise judiciaire que les nombreux documents soumis à l'expert judiciaire pour justifier le calcul de l'intéressement étaient empreints d'un grand manque de clarté et ne lui ont pas permis de s'assurer que les éléments pris en compte pour déterminer le " Trading profit " ou " RIC réel " étaient les mêmes que ceux retenus pour établir le RIC budgété.
L'expert judiciaire a noté que les tableaux de reporting 2006 (tableaux permettant de vérifier si le profit budgété était atteint ou non et, si oui, dans quelle mesure) soumis à son examen par la société BSN Médical mentionnaient un trading profit tantôt d'un montant de 7 017 K ¿, tantôt de 7 884 K ¿. En réponse au dire de la société BSN Médical qui soutenait que le mode de calcul de l'intéressement défini au paragraphe 10 du contrat d'intéressement en cause était appliqué de la même manière pour le RIC budgété et pour le RIC réel et ce, de manière constante, conforme et sincère, l'expert judiciaire a relevé que la société n'apportait pas d'élément concret supplémentaire venant appuyer ses affirmations et, en outre, que les écarts constatés permettaient de considérer que, d'un exercice à l'autre, il existait des fluctuations dans le mode de détermination du RIC.
M. Jean-Luc B... indique en conclusion de sa note technique : " Il y a permanence des méthodes utilisées pour le calcul du RIC sur les 3 années. ". Toutefois, cette affirmation n'est, dans le corps de sa note, étayée par aucune démonstration selon laquelle les éléments pris en compte par la société BSN Médical pour déterminer le " Trading profit " ou " RIC réel " étaient bien les mêmes que ceux retenus pour établir le RIC budgété et qu'en outre, il n'y avait pas de variations d'un exercice à l'autre dans la méthode retenue. La critique de l'expert judiciaire n'est donc pas utilement combattue.
Dans la mesure où ni les termes du contrat d'intéressement en cause ni les documents produits par la société BSN Médical ne permettent d'établir que le RIC budgété et le RIC réel, éléments de base de la formule de calcul de l'intéressement, étaient, notamment pour l'exercice 2006, constitués des mêmes éléments alors que, pour ouvrir droit aux exonérations prévues aux articles L. 3315-1 à L. 3315-3 du code du travail, l'intéressement collectif des salariés doit, entre autres exigences, résulter d'une formule de calcul liée aux résultats ou aux performances de l'entreprise qui doit être claire et faire appel à des éléments objectivement mesurables, facilement vérifiables et dont la définition doit figurer dans l'accord d'intéressement, c'est à juste titre que l'URSSAF des Pays de Loire a considéré que la société BSN Médical ne justifiait pas du bien fondé de l'intéressement versé au titre de l'année 2006, ne pouvait pas prétendre aux exonérations prévues par les textes susvisés et a procédé à un redressement d'un montant, non discuté, de 283 900 ¿.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a validé ce redressement sans préjudice des majorations de retard encourues en application des dispositions de l'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale.
L'appelante qui succombe en son recours sera condamnée au paiement du droit prévu par l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, lequel droit ne peut excéder le dixième du montant mensuel prévu à l'article L. 241-3 du même code.

PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Rejette la demande de l'URSSAF des Pays de Loire tendant à voir écarter des débats la note technique établie par M. Jean-Luc B... le 24 septembre 2014 à la demande de la société BSN Médical ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Condamne la société BSN Médical au paiement du droit prévu par l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale liquidé à la somme de 317 ¿.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/00551
Date de la décision : 26/05/2015
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-05-26;13.00551 ?
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