La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/05/2015 | FRANCE | N°13/01126

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 12 mai 2015, 13/01126


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N al/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 01126.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 25 Mars 2013, enregistrée sous le no F 11/ 00827
ARRÊT DU 12 Mai 2015
APPELANTE :
LA SAS GADIAL SUPER U Centre Commercial La Renaissance Route de Laval 49500 SEGRE

représentée par Maître ROGER, avocat substituant Maître VALLAIS, avocat au barreau de NANTES-No du dossier 01128
INTIMEE :
Madame Pauline X...... 49220 LION D

'ANGERS (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/ 11604 du 07/ 02/ 2014 accordé...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N al/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 01126.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 25 Mars 2013, enregistrée sous le no F 11/ 00827
ARRÊT DU 12 Mai 2015
APPELANTE :
LA SAS GADIAL SUPER U Centre Commercial La Renaissance Route de Laval 49500 SEGRE

représentée par Maître ROGER, avocat substituant Maître VALLAIS, avocat au barreau de NANTES-No du dossier 01128
INTIMEE :
Madame Pauline X...... 49220 LION D'ANGERS (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/ 11604 du 07/ 02/ 2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

non comparante-représentée par Maître Catherine MENANTEAU de la SCP BARRET RICHARD MENANTEAU, avocats au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mars 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne LEPRIEUR, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 12 Mai 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, pour le président empêché, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCEDURE
Mme Pauline X... a été engagée en qualité d'employée commerciale par la société Gadial, laquelle exploite à Segré (49), sous l'enseigne U, un commerce à prédominance alimentaire, selon contrat à durée indéterminée à temps partiel du 14 mai 2007 prévoyant une durée de travail de 29, 5 heures hebdomadaires. Etait applicable aux relations entre les parties la convention collective nationale du commerce à prédominance alimentaire.

La salariée s'est trouvée en arrêt de travail pour maladie à compter du 7 février 2011. A la suite de deux examens des 10 mars et 24 mars 2011, elle a été déclarée par le médecin du travail " inapte à tous postes de l'entreprise R 4624-31 du code du travail ".

Par lettre du 23 avril 2011, la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Elle a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 13 septembre 2011 de diverses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail. Par jugement du 25 mars 2013, elle a été déboutée de ses demandes tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement, constater la violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat et condamner celui-ci au paiement de sommes à ce titre. En revanche, les premiers juges ont retenu que la société avait manqué à son obligation de reclassement et condamné celle-ci au paiement de la somme de 12 924 ¿ à ce titre, outre celle de 2 369, 40 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, congés payés inclus, et celle de 1 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Ils ont en outre débouté la société de sa demande formée sur ce même fondement et condamné celle-ci aux dépens.

La société a régulièrement interjeté appel, cet appel étant limité aux dispositions concernant l'obligation de reclassement.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société, dans ses conclusions en date du 23 février 2015 régulièrement communiquées, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, conclut à l'infirmation du jugement en ses dispositions la condamnant au paiement de sommes et à la confirmation pour le surplus, par conséquent au débouté de la salariée de l'intégralité de ses demandes et à sa condamnation au paiement de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens. Subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour ferait droit ne serait ce que partiellement aux demandes de la salariée, elle sollicite que celle-ci soit déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile si elle bénéficie de l'aide juridictionnelle ; en cas de condamnation de la société au paiement d'une somme au titre de l'article 700 précité, elle demande à être dispensée totalement du remboursement au Trésor des sommes avancées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, en vertu des dispositions de l'article 123 du décret du 19 décembre 1991 pris en application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Au soutien de ses prétentions, elle expose que la salariée n'établit pas l'existence de faits laissant présumer un harcèlement moral, étant souligné qu'elle n'a alerté à aucun moment la direction ou les délégués du personnel, qu'aucune maladie professionnelle n'a été déclarée par l'entreprise et que les témoins tiennent des propos imprécis, non datés et généraux. Les pièces médicales produites ne laissent en rien présumer l'existence d'un quelconque harcèlement, les médecins ne faisant que reprendre les déclarations de la salariée sans avoir eux-même constaté des faits précis. Elles n'attestent également en rien de l'existence d'un lien de causalité entre la santé de la salariée et la situation de travail alléguée. En revanche, l'entreprise produit des éléments confirmant que la situation personnelle de la salariée avait des répercussions sur son travail et qu'elle s'est trouvée en arrêt de travail à une période où elle connaissait des difficultés d'ordre familial. Ainsi, les demandes indemnitaires de la salariée pour licenciement nul et harcèlement moral lié à la violation de l'obligation de sécurité de résultat seront nécessairement rejetées, étant souligné que la salariée ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice distinct de celui allégué au titre du harcèlement moral. Au demeurant, les dispositions de l'article L. 1235-11 du code du travail dont se prévaut la salariée sont inapplicables ; seules sont applicables celles de l'article L. 1235-3 du même code qui fixe à 6 mois de salaires l'indemnité minimale due en cas de licenciement nul.
Par ailleurs l'employeur n'a pas manqué à son obligation de reclassement. A cet égard, la salariée revendique l'application d'un périmètre erroné de recherches de reclassement, l'enseigne système U regroupant des magasins juridiquement indépendants entre lesquels il n'y a jamais de permutation de personnel. Les recherches de reclassement réalisées ont été sérieuses mais vaines, aucun poste disponible lors du licenciement n'étant compatible avec les restrictions médicales ainsi que les compétences professionnelles de la salariée. C'est à tort que le conseil a appliqué les dispositions de l'article L. 1235-11 du code du travail en condamnant la société à verser 12 mois de salaires, alors qu'il pouvait tout au plus accorder les 6 derniers mois de salaire sur le fondement de l'article L. 1235-3 du même code, soit 6 462 ¿.
La salariée, dans ses conclusions régulièrement communiquées et parvenues au greffe le 4 avril 2014, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, formant appel incident, conclut à la confirmation du jugement en ses dispositions relatives à la condamnation de la société au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à l'infirmation du jugement pour le surplus, au prononcé de la nullité du licenciement et à la condamnation de la société à lui payer les sommes suivantes : * 30 000 ¿ de dommages-intérêts du fait du licenciement illicite ; * 25 000 ¿ de dommages-intérêts pour le harcèlement moral ; * 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sollicite également que soit ordonnée la production de l'attestation Assedic modifiée sous astreinte de 100 ¿ par jour de retard, la cour devant se réserver le droit de liquider l'astreinte.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que les premiers juges ont méconnu le régime probatoire du harcèlement moral en procédant à une analyse séparée de chacun des éléments invoqués. Elle expose que l'ensemble des éléments qu'elle produit, en l'espèce onze attestations et des pièces médicales, laisse présumer l'existence d'un harcèlement moral, caractérisé de la part de sa supérieure hiérarchique, Mme Y..., par une pression continuelle se matérialisant par des reproches incessants, des mesures vexatoires, des actions destabilisantes. Par ailleurs, l'employeur ne prouve pas que ces agissements étaient justifiés par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
L'employeur a en outre manqué à son obligation de reclassement, en n'ayant pas étendu sa recherche de reclassement à l'ensemble des entreprises franchisées sous la même enseigne commerciale, d'une part, et en ne justifiant pas de démarches précises, d'autre part.
Le harcèlement moral étant à l'origine de l'inaptitude, le licenciement est nul et la salariée a droit à l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, ainsi qu'à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement au mois égale à celle prévue à l'article L. 1235-11 du code du travail, soit aux salaires des douze derniers mois, laquelle indemnité devra réparer les préjudices résultant de la rupture illégitime du contrat de travail, de la violation de l'obligation de reclassement ainsi que de la violation de l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur. La salariée a en outre subi un préjudice moral distinct résultant des agissements de harcèlement moral subis et de l'inertie de son employeur.

MOTIFS DE LA DECISION
-Sur le harcèlement moral :
Par application des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le harcèlement moral est constitué dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.
En l'espèce, la salariée invoque les faits suivants : une pression continuelle se matérialisant par des reproches incessants, des mesures vexatoires, des actions déstabilisantes. Pour étayer ses affirmations, elle produit notamment :- des attestations de collègues, soit : * Mme Z... selon laquelle Mme Y... avait " durant l'été 2010 nommé " Mme X... " responsable du nettoyage du dessous des caisses " comme pour la rabaisser, en lui demandant de " se mettre à quatre pattes " pour nettoyer les recoins de la caisse ", et ceci sous l'oeil parfois gêné des clients ; * Mme A... selon laquelle Mme Y... faisait subir à Mme X..., à l'instar des autres hôtesses de caisse, des humiliations et explications devant les clients, à raison d'au moins une fois par semaine ; * Mme B..., laquelle indique : " J'ai été témoin plusieurs fois que Mme Y... faisait monter Pauline dans les bureaux pour lui faire des reproches sur son travail au point de la faire pleurer. Il a été aussi question qu'elle lui faisait des remarques déplacées devant les clients sur un ton agressif. De plus elle revenait sur son dos sans arrêt. Tout était source de reproches et de conflits. " * Mme C... qui atteste avoir vu à plusieurs reprises Mme Y... obligeant Mme X... " à aller nettoyer l'urine de client dans la cabine d'essayage pour éviter de le faire elle-même. Elle lui faisait faire du facing dans mes rayons alors que je venais de le faire, il n'y avait donc aucune raison de le recommencer mise à part pour embêter Pauline " ;

- des attestations de clients, en l'occurence de : * Mme D... qui indique avoir constaté en fin d'année 2010 que la salariée se faisait injurier et réprimander méchamment par Mme Y... et qu'elle l'avait vue à plusieurs reprises pleurer devant les clients sans pouvoir se retenir et être très déprimée ; * M. E... qui indique avoir remarqué à plusieurs reprises que Mme Y... faisait des remarques désobligeantes à Mme X... en présence d'un public important, la mettant dans un embarras certain ;

- des attestations de membres de sa famille selon lesquelles les pressions subies de la part de sa supérieure hiérachique avaient plongé l'intéressée dans un état dépressif et qu'elle était en état de panique avant de se rendre au travail (attestation de Mme F...), très angoissée (attestation de Mme G...) ;
- des pièces médicales, soit : * un certificat médical établi le 18 mai 2011 par un un médecin généraliste indiquant avoir examiné la salariée les 7, 14 et 21 février 2011 ainsi que le 12 mars 2011 pour un syndrôme anxio-dépressif important nécessitant un suivi psychologique, un traitement par anxiolytiques et un arrêt de travail prolongé ;

* un certificat médical daté du 17 mai 2011 et émanant d'un autre médecin généraliste travaillant dans le même cabinet médical et indiquant avoir examiné la salariée les 15 avril et 13 mai 2011 pour un syndrôme anxio-dépressif ; * un courrier du Dr H..., du service de pathologie professionnelle de l'hôpital d'Angers, daté du 23 mars 2011 et adressé au médecin du travail : " Nous avons reçu à votre demande en consultation (...) Mme Pauline X... (...) pour laquelle vous souhaitez un conseil quant à l'issue à proposer à la patiente pour sortir de la situation dans laquelle elle se trouve au niveau du travail. (...) elle se plaint très vivement du management de la responsable de caisse. Si Mme X... admet facilement qu'elle a mis un an à ne plus avoir d'erreurs de caisse (quelques centimes au comptage en fin de poste), elle reproche cependant à sa responsable des décisions non équitables ou justes à son égard de façon répétées, des remarques sur la manière de répondre à ses ordres appelant à une soumission inconditionnelle, et surtout de lui donner de façon également répétée des ordres et des contre-ordres débouchant sur une incapacité de la patiente à savoir ce qu'il faut faire. (...) La patiente nous dit avoir alerté la direction à plusieurs reprises courant 2010 mais sans que rien ne change. Elle aurait demandé à partir mais seule la démission lui aurait été proposée. Les conditions de travail de Mme X... seraient ainsi détériorées au fil du temps. (...) Nous avons relevé différents éléments cliniques qui nous semblent bien être en lien avec ces conditions de travail dégradées. La patiente signale la survenue d'un malaise sur le trajet pour venir au travail durant le premier semestre 2010 ayant nécessité l'intervention de pompiers. Une déclaration AT (trajet) aurait été justifiée mais n'a pas été faite. Cliniquement, Mme X... présente depuis le début 2010 un syndrome anxio-dépressif réactionnel sévère avec la survenue de pulsions auto et hétéro agressives (idées suicidaires ou violences contre autrui), des troubles du sommeil (...), des somatisations (...). De plus, la patiente souligne un syndrome d'évitement de tout élément lui rappelant l'enseigne du magasin, les lieux ou les personnes en lien avec son travail, manifestation qui pourrait entrer dans le cadre d'un syndrome plus large de stress post-traumatique. (...) Compte tenu de la gravité des répercussions du vécu du travail sur sa santé, il nous paraît légitime que vous prononciez pour Mme X... une inaptitude à reprendre son travail ou tout autre poste de travail dans cette entreprise, en l'état actuel de l'organisation du travail. Pour soutenir l'existence du lien entre l'état de la patiente aujourd'hui et son vécu au travail, nous avons procédé à une déclaration de maladie à caractère professionnel (...). " * une fiche de signalement de maladie à caractère professionnel ;

- Il s'avère par ailleurs que la salariée a sollicité de son employeur une rupture conventionnelle de son contrat de travail à la fin du mois de janvier 2011, les parties s'opposant sur le motif annoncé (raisons familiales selon la direction, harcèlement selon la salariée).
La salariée établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.
L'employeur fait valoir que les hôtesses de caisse sont chargées de la propreté de leurs caisses et de l'entretien de leur rayon, comme cela résulte de leur fiche de fonction, et peuvent être sollicitées, à titre temporaire, sur l'un quelconque des rayons. Cependant, la société ne rapporte pas la preuve de ce que le nettoyage de cabines d'essayage salies par de l'urine ait été demandé à d'autres hôtesses de caisse. Surtout, le harcèlement en l'occurence n'est pas caractérisé tant par la nature intrinsèque des tâches confiées que par la manière dont elles étaient demandées et le mode de management, peu respectueux de la personne du salarié et de sa dignité. De même, si l'employeur produit une attestation d'une collègue de travail de Mme X... selon laquelle l'intéressée faisant des erreurs, sa supérieure était amenée à la " reprendre ", il convient d'observer que le pouvoir hiérarchique ou de direction ne saurait légitimer des reproches et réprimandes formulés d'une manière injurieuse, de surcroît en public.
S'il est possible par ailleurs que la dégradation de l'état de santé de la salariée soit en lien également avec des difficultés conjugales, on observera que l'inaptitude de la salariée a été prononcée par le médecin du travail après consultation, à sa demande, d'un médecin spécialisé en pathologie professionnelle. D'ailleurs, le médecin du travail, interrogé par l'employeur, a indiqué à celui-ci par message électronique du 8 avril 2011 qu'aucun poste existant dans l'entreprise n'était compatible avec l'état de santé de l'intéressée et qu'il ne pouvait en conséquence préconiser de reclassement en interne.
L'employeur échoue ainsi à démontrer que les faits matériellement établis par la salariée sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Aucun manquement caractérisé de la salariée ne peut justifier le comportement de la supérieure hiérarchique, préposée de l'employeur, créant un environnement hostile et entraînant une dégradation des conditions de travail physiquement et psychiquement préjudiciable à la salariée, en sorte que la décision entreprise qui a écarté l'existence d'un harcèlement moral sera infirmée.
Le harcèlement moral devant au cas d'espèce, eu égard aux éléments rappelés ci-dessus, être retenu comme étant directement et au moins partiellement à l'origine de l'inaptitude physique de Mme X... ayant abouti à son licenciement, celui-ci doit par conséquent être déclaré nul par infirmation de la décision entreprise.
Le salarié dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, en toute hypothèse, outre aux indemnités de rupture, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire, quels que soient son ancienneté et l'effectif de l'entreprise. Compte tenu du montant de la rémunération mensuelle brute de la salariée (1 077 ¿), des circonstances du harcèlement subi, de sa durée et de ses conséquences dommageables telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies, le préjudice en résultant doit être réparé par l'allocation de la somme de 12 000 euros de dommages-intérêts. Le jugement est infirmé sur ce point.
L'article L. 1152-4 du code du travail énonce que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral exercés par l'un de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements. L'employeur ayant manqué à son obligation de prévention du harcèlement moral, la salariée a subi un préjudice distinct ; en l'absence de circonstances particulières justifiées, ce préjudice sera réparé par l'allocation de la somme de 1 000 ¿.

Lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit à l'indemnité compensatrice de préavis, peu important le motif de la rupture. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, dont les montants ne sont pas contestés et ont été exactement calculés.
Aucune circonstance ne permet de considérer qu'une mesure d'astreinte est nécessaire pour garantir la délivrance d'une attestation Pôle emploi modifiée ; la demande d'astreinte sera donc rejetée.
Le licenciement étant nul, il n'y a pas lieu de s'interroger sur le respect par l'employeur de son obligation de reclassement et sur la cause réelle et sérieuse dudit licenciement.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement en matière sociale, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme Pauline X... de ses demandes en paiement d'indemnités pour licenciement illicite et harcèlement moral ainsi que de remise d'une attestation Assedic rectifiée et en ce qu'il a condamné la société Gadial à lui payer une indemnité pour non-respect de la recherche de reclassement ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;
Condamne la société Gadial au paiement à Mme Pauline X... des sommes de : * 12 000 ¿ de dommages-intérêts au titre de la nullité du licenciement ; * 1 000 ¿ de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de prévention du harcèlement moral ;

Condamne la société Gadial à remettre à Mme Pauline X... une attestation destinée à Pôle emploi rectifiée ;
Déboute Mme Pauline X... de sa demande tendant au prononcé d'une astreinte ;
Déboute Mme Pauline X... de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne la société Gadial aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/01126
Date de la décision : 12/05/2015
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-05-12;13.01126 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award