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12/05/2015 | FRANCE | N°12/02007

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 12 mai 2015, 12/02007


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N
clm/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02007
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de SARTHE, décision attaquée en date du 05 Septembre 2012, enregistrée sous le no 21 807

ARRÊT DU 12 Mai 2015

APPELANTE :
SAS GARCZYNSKI TRAPLOIR 24 rue Thomas Edison 72088 LE MANS CEDEX 09
représentée par Maître Rachid ABDERREZAK, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :
L'URSSAF DES PAYS DE LOIRE, venant aux droits de l'URSSAF DE LA SARTHE 3 rue Gaëtan Rondeau 44...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N
clm/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02007
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de SARTHE, décision attaquée en date du 05 Septembre 2012, enregistrée sous le no 21 807

ARRÊT DU 12 Mai 2015

APPELANTE :
SAS GARCZYNSKI TRAPLOIR 24 rue Thomas Edison 72088 LE MANS CEDEX 09
représentée par Maître Rachid ABDERREZAK, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :
L'URSSAF DES PAYS DE LOIRE, venant aux droits de l'URSSAF DE LA SARTHE 3 rue Gaëtan Rondeau 44933 NANTES CEDEX 9
représentée par Monsieur X..., muni d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 31 Mars 2015 à 14H00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Madame Anne JOUANARD président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, assesseur Madame Clarisse PORTMANN, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier : Madame BODIN, greffier
ARRÊT : du 12 Mai 2015, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par madame Anne Jouanard, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :
Au cours de l'année 2009, la société GARCZYNSKI TRAPLOIR (ci-après : la société GT) a fait l'objet d'un contrôle comptable d'assiette portant sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 sur l'ensemble de ses établissements.
Ce contrôle a été précédé de l'envoi à la société GT de l'avis prévu par l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale (avis de contrôle du 24 mars 2009 réceptionné par la société GT le 30 mars suivant) et il a donné lieu à l'envoi d'une lettre d'observations du 6 novembre 2009 proposant un redressement global de cotisations et contributions de sécurité sociale d'un montant de 337 470 ¿. Cette lettre d'observations comportait in fine la mention suivante : " Le présent contrôle est clos sous les réserves suivantes : contrôle du comité d'entreprise de GT vérifications de la situation de GT à l'égard de M. Y... Maurice et ce, notamment dans le cadre du respect de la législation relative à la lutte contre le travail dissimulé vérification de la conformité du traitement des sommes versées hors cotisations aux salariés travaillant dans les DOM/ TOM ".
Après envoi de neuf mises en demeure du 22 décembre 2009 relatives aux chefs de redressement contenus dans cette lettre d'observations, le 15 janvier 2010, la société GT a réglé les sommes mises en recouvrement.
Le 27 septembre 2010, l'URSSAF de la Sarthe a établi une nouvelle lettre d'observations aux termes de laquelle elle indiquait à la société GT : " Suite au contrôle opéré en 2009 dans votre entreprise et compte tenu des réserves portées sur la notification en date du 6 novembre 2009, j'ai l'honneur de vous communiquer les observations complémentaires consécutives à la vérification de l'application des législations de la sécurité sociale, de l'assurance chômage et de la garantie des salaires que j'ai effectuée pour les établissements ci-dessous référencés :... " et elle lui proposait, au titre des sommes qualifiées d'" indemnités de déplacement " versées hors cotisations aux salariés travaillant dans les DOM/ TOM, un redressement d'un montant de 190 272 ¿.
L'URSSAF des Pays de Loire a mis cette somme en recouvrement par l'émission d'une mise en demeure le 7 décembre 2010.
Le 7 janvier 2011, la société GT a saisi la commission de recours amiable d'une contestation relative à ce redressement en le discutant au fond et en arguant de l'absence d'envoi de l'avis préalable. Elle a également sollicité le remboursement de la somme de 337 477 ¿.
Le 13 juillet 2011, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans d'un recours contre la décision de la commission de recours amiable du 10 juin 2011 emportant rejet de sa contestation.
Par jugement du 5 septembre 2012 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans a :
- reçu la société GARCZYNSKI TRAPLOIR en son recours ;- dit que l'URSSAF des Pays de Loire n'était pas tenue d'adresser à la société GARCZYNSKI TRAPLOIR un avis de passage antérieurement à la lettre d'observations du 27 septembre 2010, s'agissant du même contrôle que celui ayant donné lieu à l'établissement de la lettre d'observations du 6 novembre 2009 ;- dit en revanche que l'URSSAF des Pays de Loire a mis prématurément en recouvrement les sommes objet du redressement ayant donné lieu à la lettre d'observations du 6 novembre 2009, le redressement n'étant que partiel ;- dit que cette irrégularité n'est pas sanctionnée par la nullité du redressement ;- débouté en conséquence la société GT de sa demande de remboursement des sommes versées ;- dit que cette dernière ne justifiait pas de la situation de " grand déplacement " de ses salariés ;- validé en conséquence le redressement opéré par l'URSSAF des Pays de Loire relativement aux sommes versées hors cotisations aux salariés travaillant dans les DOM/ TOM à hauteur de 190 272 ¿, sans préjudice des majorations de retard encourues en application de l'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale ainsi que la mise en demeure établie par la suite ;- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société GARCZYNSKI TRAPLOIR a régulièrement relevé appel de ce jugement par lettre recommandée postée le 24 septembre 2012.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 31 mars 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 6 juin 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles la société GARCZYNSKI TRAPLOIR demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris ;- de déclarer nulle la mise en demeure du 7 décembre 2010 constituant la mise en recouvrement des redressements envisagés par la seconde lettre d'observations du 27 septembre2010 ;- subsidiairement, si la cour considérait qu'il y a eu un seul contrôle, de déclarer nulles les mises en demeure du 22 décembre 2009 d'un montant total de 337 447 ¿ constituant la mise en recouvrement des redressements envisagés par la première lettre d'observations du 6 novembre 2009 au motif que la mise en recouvrement n'a pas eu lieu à l'issue du contrôle mais en cours de contrôle et de condamner l'URSSAF des Pays de Loire à lui rembourser la somme de 337 447 euros-de condamner l'URSSAF des Pays de Loire à lui payer celle de 8 000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société GARCZYNSKI TRAPLOIR fait valoir en substance que :
1) sur l'absence d'un second avis de contrôle :
- la lettre d'observations du 27 septembre 2010 est l'aboutissement d'un second contrôle qui, conformément aux dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, aurait dû être précédé d'un avis de contrôle qui constitue une formalité substantielle de garantie du contradictoire et des droits de la défense et dont le non-respect entraîne la nullité du redressement opéré ; l'envoi de l'avis de contrôle qui a précédé les opérations de vérification ayant débouché sur la lettre d'observations du 6 novembre 2009 ne permet pas de palier l'absence d'avis de contrôle antérieur aux opérations de vérification ayant débouché sur la lettre d'observations du 27 septembre 2010 ;- soutenir que le contrôle 2009 et le contrôle 2010 seraient un seul et même contrôle reviendrait à dire que le redressement intervenu avant le 27 septembre 2010 est intervenu non pas à la fin du contrôle mais au cours du contrôle ;- or l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ne permet pas à l'URSSAF d'envoyer en cours de contrôle une lettre d'observations et encore moins une mise en demeure ;- la mention, dans la première lettre d'observations d'une fin de contrôle au 6 novembre 2009, et la mise en recouvrement des cotisations, majorations et pénalités de retard par l'URSSAF à la suite de cette lettre d'observations prouvent que le contrôle était terminé ;- la mention de réserves à la fin de la lettre d'observations du 6 novembre 2009 ne peut s'interpréter qu'au regard des dispositions légales à savoir que l'URSSAF de la Sarthe se réservait la possibilité d'effectuer un nouveau contrôle sur certaines cotisations qu'elle n'avait pas été en mesure de contrôler mais en aucun cas elle ne pouvait ouvrir droit à la reprise ou poursuite du même contrôle ;- à titre subsidiaire, si la cour considérait qu'il y a eu un seul contrôle, l'URSSAF des Pays de Loire devrait lui rembourser la somme de 337 477 ¿ qu'elle a indûment mise en recouvrement alors que le contrôle n'était pas terminé ;- aucune forclusion ne pourrait lui être opposée dans la mesure où ce motif de nullité des mises en demeure émises le 22 décembre 2009 ne lui a été révélé que postérieurement au paiement et au 27 septembre 2010 ;- la seule sanction prévue par le code de la sécurité sociale en cas de violation de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale est la nullité du contrôle et non, comme l'ont indiqué les premiers juges, le paiement d'intérêts légaux ;
2) au fond :
- en vertu de la convention collective, elle était tenue de verser des indemnités de grand déplacement à ses salariés en déplacement dans les DOM ;- les salariés bénéficiaires d'une indemnité de grand déplacement au cours de la période contrôlée ont été, pour certains, embauchés bien avant leur déplacement ;- pour retenir que le lieu de travail habituel des salariés travaillant dans les DOM bénéficiaires d'une indemnité de grand déplacement était situé dans les DOM, l'inspecteur a pris en considération le lieu d'exercice de la fonction mentionné dans l'avenant qui doit nécessairement être établi pour un grand déplacement de moins ou de plus de trois mois alors qu'il aurait dû se référer au contrat de travail initial ;- il s'agit bien d'un détachement au sens juridique du terme puisqu'elle a l'obligation de réintégrer ses salariés en métropole à la fin de leur mission en outre-mer ;- s'agissant d'un déplacement en outre-mer, le salarié est contraint d'avoir une résidence fixe puisqu'il ne peut pas revenir dormir en métropole, ce qui implique nécessairement qu'il dispose d'un second logement ;- il ne lui incombe pas de justifier que les salariés subissent des frais de double résidence puisque l'octroi d'une allocation forfaitaire de grand déplacement n'est pas subordonnée à une telle condition, le salarié bénéficiant de la présomption légale édictée par l'article 5 du décret du 20 décembre 2002 ; outre qu'elle ne dispose pas d'un tel justificatif, le fait pour l'inspecteur de l'URSSAF d'exiger qu'elle justifie de ce que les salariés concernés acquittent une taxe d'habitation pour une résidence en métropole constitue un renversement de la charge de la preuve, étant observé que, dans le cadre de son contrôle, l'inspecteur pouvait interroger les salariés et procéder à la vérification de l'existence d'une double résidence ;- il n'est pas contesté que les sommes allouées au titre du grand déplacement excèdent les sommes fixées réglementairement ; il incombe à l'URSSAF de démontrer que les sommes allouées ne sont pas utilisées conformément à leur objet, ce qu'elle ne fait pas.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 11 mars 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles, l'URSSAF des Pays de Loire demande à la cour de débouter la société GARCZYNSKI TRAPLOIR de son appel et de ses prétentions, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de rejeter la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée fait valoir en substance que :
1) sur l'absence d'avis de contrôle antérieurement à la lettre d'observations du 27 septembre 2010 :
- il ressort des réserves mentionnées à la fin de la lettre d'observations du 6 novembre 2009 et des termes de la lettre d'observations du 27 septembre 2010 que la société GT n'a pas fait l'objet de deux contrôles mais d'un contrôle unique concernant les mêmes périodes, ayant donné lieu à deux lettres d'observations, la seconde complétant la première et ce, à partir des réserves formulées explicitement dans la première lettre d'observations ;- ces réserves étaient justifiées par le fait qu'au cours du contrôle, la société GT n'a pas apporté les pièces justifiant que ses salariés travaillant dans les DOM/ TOM étaient en situation de déplacement professionnel ;- la société GT n'a pas été mise dans l'impossibilité d'appréhender l'ensemble du redressement envisagé pour faire valoir ses arguments puisque les éléments faisant l'objet d'une vérification ultérieure lui ont été indiqués dans les réserves formulées au terme de la lettre d'observations du 6 novembre 2009 ; elle avait connaissance de la position de l'URSSAF sur ce point et elle était en mesure d'évaluer le redressement projeté, étant observé que des courriers ont été échangés entre l'employeur et l'URSSAF entre les deux lettres d'observations ce qui démontre que le contrôle était toujours en cours ;
2) sur la demande d'annulation de la mise en recouvrement opérée à l'issue de la lettre d'observations du 6 novembre 2009 :
- elle est irrecevable comme forclose pour n'avoir pas été soumise à la commission de recours amiable dans le délai de deux mois prévu par l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, étant observé que, lorsque le 30 décembre 2009 la société GT a saisi la commission de recours amiable, elle n'a élevé aucune contestation au sujet des mises en demeure émises le 22 décembre 2009 ;- en tout état de cause, la nullité de la mise en demeure n'entraîne pas celle du redressement ;- les mises en demeure du 22 décembre 2009 répondaient à l'exigence selon laquelle la mise en demeure doit permettre à l'employeur d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ;- la société GT a, tant à l'issue de la première lettre d'observations qu'à l'issue de la seconde, bénéficié du délai de contestation de 30 jours prévu par l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ;
3) au fond, sur la réintégration de l'indemnité de grand déplacement dans l'assiette des cotisations :
- il a été constaté lors du contrôle que, lors de la signature de leurs contrats de travail, certains salariés résidaient déjà dans les DOM et que tous les salariés possédaient un domicile personnel sur place de sorte qu'en réalité, ils n'assumaient aucune dépense supplémentaire et n'ont pas été dans l'impossibilité de regagner leur résidence le soir ; la situation de grand déplacement n'était donc pas caractérisée ;- en réalité, en l'espèce, la situation des salariés devait être davantage appréciée au regard des règles régissant les frais engagés par le salarié dans le cadre de la mobilité professionnelle ; les salariés déjà domiciliés dans les DOM lors de la signature de leur contrat de travail ne pouvaient pas prétendre à une indemnisation au titre des frais professionnels ; la société GT ayant refusé d'apporter la preuve de ce que les salariés percevant des indemnités de grand déplacement engageaient bien des frais de double résidence, les sommes considérées ne pouvaient pas recevoir la qualification de frais professionnels ;- les salariés concernés ne pouvaient pas être considérés comme étant en situation de détachement dans la mesure où ils n'étaient pas mis à la disposition d'une autre entreprise ;- dans la mesure où, lors de la signature de leurs contrats de travail, certains salariés résidaient déjà dans les DOM et où tous les salariés possédaient un domicile personnel sur place, s'agissant des premiers, seule pouvait être admise l'exonération des frais de repas de midi lorsqu'ils étaient en déplacement professionnel, tandis que, s'agissant des seconds qui résidaient en métropole au moment de leur embauche mais possédaient un domicile personnel dans les DOM, ils pouvaient bénéficier de la mobilité professionnelle au moment de leur embauche mais pas du régime de grand déplacement par la suite si leur domicile venait à être situé dans les DOM et pouvait être admise l'exonération des frais de repas de midi lorsqu'ils étaient en déplacement professionnel.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité du recours formé par la société GT :
La recevabilité du recours formé par la société GT devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans contre la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF de la Sarthe en date du 10 juin 2011 n'est pas discutée en cause d'appel. Ce recours ayant été diligenté dans les formes et délai prévus par le code de la sécurité sociale, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il l'a déclaré recevable.
Sur la demande en nullité de la mise en demeure du 7 décembre 2010 :
Aux termes de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret no 2007-546 du 11 avril 2007 applicable à la présente espèce, " Tout contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur ou au travailleur indépendant par lettre recommandée avec accusé de réception, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 324-9 du code du travail.... A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l'employeur ou du travailleur indépendant. Ce constat d'absence de bonne foi est contresigné par le directeur de l'organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu'il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix. En l'absence de réponse de l'employeur ou du travailleur indépendant dans le délai de trente jours, l'organisme de recouvrement peut engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement.... L'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause. Le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n'ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme. ".
L'avis de contrôle prévu par le premier alinéa de ce texte, qui doit être adressé avant tout contrôle, est destiné à informer le cotisant du contrôle à venir afin d'assurer le respect du principe du contradictoire. Le défaut d'envoi de cet avis est sanctionné par la nullité du redressement subséquent sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
Il résulte de l'alinéa 5 de ce texte (" A l'issue du contrôle... ") que la communication à l'employeur de la lettre d'observations marque l'achèvement du contrôle, la date de fin de contrôle étant celle à laquelle la lettre d'observations est signée par l'inspecteur du recouvrement.
Le recueil d'éléments complémentaires relatifs à un chef de redressement notifié dans la lettre d'observations ne peut pas être assimilé à un nouveau contrôle devant donner lieu au renouvellement des formalités prévues à l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale. En effet, les agents de contrôle peuvent, jusqu'à la date de clôture du contrôle, prendre en compte les éléments complémentaires dont ils pourraient avoir connaissance à partir du moment où ils portent sur un chef de redressement notifié dans la lettre d'observations et sur lequel l'employeur a eu l'occasion de répondre dans le délai de trente jours qui lui est imparti.
Au cas d'espèce, les opérations de contrôle menées au sein de la société GT après l'envoi de l'avis de contrôle du 24 mars 2009, réceptionné par l'employeur le 30 mars suivant et mentionnant que l'inspecteur de l'URSSAF se présenterait au sein de l'entreprise le 27 avril 2009, ont débouché sur l'établissement d'une lettre d'observations datée du 6 novembre 2009 et qui porte expressément la mention : " Date de fin de contrôle : 6 novembre 2009. ". Cette lettre d'observations emporte notification de divers chefs de redressement pour un montant total de cotisations et contributions de sécurité sociale de 337 470 ¿ outre les majorations de retard. Elle informe in fine l'employeur du délai de trente jours qui lui est ouvert pour faire des observations par lettre recommandée avec accusé de réception. En l'absence d'observations de la société GT, cette lettre d'observations a été suivie de l'émission de neuf mises en demeure relatives aux chefs de redressement qu'elle contenait.
La lettre d'observations du 6 novembre 2009 ne comporte pas de notification de redressement au titre des " indemnités de déplacement " versées aux salariés travaillant dans les DOM/ TOM. Les parties l'ont confirmé à l'audience en indiquant que la somme de 337 470 ¿ n'incluait pas du tout de redressement de ce chef. Cette absence de notification d'un redressement sur ce point aux termes de la première lettre d'observations résulte encore des énonciations de la décision de la commission de recours amiable prise en séance du 24 mai 2011 et notifiée le 10 juin suivant, de laquelle il ressort que ces indemnités de déplacement ont fait l'objet d'une " vérification ultérieure ". Et la réalité de cette vérification ultérieure résulte des termes de la lettre d'observations du 27 septembre 2010 qui traite la question de ces indemnités de déplacement en rappelant les règles applicables et en énonçant les constatations faites par l'inspecteur de l'URSSAF et qui aboutit de ce chef à la notification d'un rappel de cotisations et de contributions de sécurité sociale d'un montant de 190 272 ¿.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que :
- l'envoi de la lettre d'observations du 6 novembre 2009 a bien marqué la fin du contrôle annoncé par l'avis du 24 mars précédent et débuté le 27 avril 2009 ;- dès lors que la lettre d'observations du 6 novembre 2009 ne contenait aucun développement et, a fortiori, aucune notification de redressement du chef des " indemnités de déplacement " versées aux salariés travaillant dans les DOM/ TOM, les éléments contenus dans la lettre d'observations du 27 septembre 2010 ne peuvent pas être considérés comme des éléments venant compléter ceux recueillis au cours du contrôle réalisé du 27 avril au 6 novembre 2009 et cette nouvelle lettre d'observations ne s'inscrit pas dans la prolongation de ce contrôle.
Dès lors que la lettre d'observations marque la fin du contrôle et ouvre à l'employeur un délai d'un mois pour former d'éventuelles observations, un contrôle unique ne peut pas donner lieu à la communication de deux lettres d'observations.
La communication à la société GT de deux lettres d'observations successives portant notification de chefs de redressement distincts caractérise bien la mise en oeuvre par l'URSSAF de deux contrôles distincts et successifs et non d'un contrôle unique qui aurait été repris ou poursuivi.
Les réserves mentionnées en pied de la lettre d'observations du 6 novembre 2009 avaient pour seule finalité de préserver l'URSSAF de l'allégation ultérieure par la société GT d'un accord tacite, tel que prévu au dernier alinéa de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, sur sa pratique ayant consisté à ne pas soumettre à cotisations les indemnités dites de " déplacement " réglées à ses salariés travaillant dans les DOM/ TOM. Comme l'indique l'appelante, par ces réserves, l'URSSAF se ménageait la possibilité de procéder à un ou de nouveaux contrôles sur les points qu'elles concernaient.
En présence de deux contrôles distincts, l'URSSAF de la Sarthe, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui l'URSSAF des Pays de Loire, se devait de faire précéder le second contrôle ayant donné lieu à la lettre d'observations du 27 septembre 2010 d'un avis de contrôle tel que prévu au premier alinéa de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale. Faute pour elle d'avoir respecté cette formalité, par voie d'infirmation du jugement entrepris, le redressement subséquent doit être déclaré nul de même que la mise en demeure émise le 7 décembre 2010 constituant la mise en recouvrement de ce redressement.
Le mise en demeure du 7 décembre 2010 étant déclarée nulle au motif que l'URSSAF a procédé à deux contrôles distincts, les demandes en nullité des mises en demeure du 22 décembre 2009 et en remboursement de la somme de 337 447 ¿ formées à titre subsidiaire par la société GT pour le cas où la cour aurait retenu l'existence d'un contrôle unique sont sans objet.

PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable le recours formé par la société GARCZYNSKI TRAPLOIR à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF de la Sarthe en date du 10 juin 2011 ;
L'infirme en toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau,
Déclare nulle la mise en demeure émise le 7 décembre 2010 par l'URSSAF de la Sarthe, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui l'URSSAF des Pays de Loire, à l'encontre de la société GARCZYNSKI TRAPLOIR pour un montant de cotisations de 190272 ¿ outre 9 513 ¿ de majorations de retard, soit au total, 199 785 ¿ en recouvrement des redressements envisagés aux termes de la lettre d'observations du 27 septembre 2010 ;
Condamne l'URSSAF des Pays de Loire à payer à la société GARCZYNSKI TRAPLOIR la somme de 3 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
La condamne au paiement du droit prévu par l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale liquidé à la somme de 317 ¿.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/02007
Date de la décision : 12/05/2015
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-05-12;12.02007 ?
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